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Marten Pääsuke
- B 06 072047 34 12 C -

Marten Pääsuke

En bref

Masculin
Pseudo : Nii'
Messages : 56




But you're no tailor,
You're no surgeon ;
None of your cuts
Go very straight.
Every new layer you uncover
Reveals something else you hate.
And then you cracked your head,
And broke some bones -
And when you glued them
Back together,
You found out you did it wrong.
Nom : Pääsuke.
Prénom : Marten.
Surnom : Marts, Mars, Mart, Cassetoi, petit canari en sucre des îles.
Sexe : Masculin.
Âge effectif : 25 ans.
Âge apparent : 25 ans.
Date de naissance : 11/10/2021
Date de mort : 31/07/2047
Orientation sexuelle : Hétérosexuel.
Groupe : Commotus.
Nationalité : Estonien ; somewhere (Tartu)
Langues parlées : Estonien, Anglais ; il se débrouille en Russe.
Ancien métier : Doctorant en botanique.
Métier actuel : Rien pour l'instant.
Casier Judiciaire


▬ Crimes commis :
▬ Circonstances du décès :
▬ Péché capital principal :
▬ Péché capital secondaire :
▬ Rapport à l'alcool :
▬ Rapport aux drogues :
▬ Addictions :
▬ Mauvaises attitudes récurrentes :
▬ A été victime :


Physique


« Wear my scars on my sleeve for all the world to see ; »


Marten, sans détester son apparence, n'entretient pas une relation particulièrement positive à son corps et à l'image qu'il renvoie de lui. Ce n'est pas qu'il déteste ses cheveux, se trouve trop gros, trop maigre, trop pâle ou trop petit ; l'ensemble, ceci dit, le laisse souvent indifférent sinon perplexe.
Dans ses bons jours, d'un point de vue objectif, il se suppose assez beau. C'est vrai qu'il a un visage harmonieux, après tout, et de jolis yeux bruns ; sa peau n'a rien de particulier, ses dents sont passables, et il ne trouve rien à redire tant à sa mâchoire qu'à ses pommettes et son nez. Tout chez lui trouve un juste milieu entre l'allongé et le carré — ce qui, suppose-t-il, est sans doute une bonne chose. Il ne se trouve pas désagréable à regarder. S'il faut en arriver là, il est même plutôt chanceux.
Objectivement.
Malheureusement, beau ou pas, il a du mal à accorder beaucoup de valeur ou de crédibilité à ce qu'il peut y avoir de joli chez lui. Il se trouve acceptable, certes, mais les compliments concernant son apparence ou son beau visage se sont toujours faits discrets ; sans doute parce qu'il n'est pas le genre de type à qui on a envie de faire des compliments, mais malgré tout. Consciemment ou pas, il aura plus facilement tendance à se décrire par rapport à l'absence de critiques qu'à celle de commentaires mélioratifs — parce que malgré tout, il se doute bien que s'il était laid, il l'aurait entendu. Personne ne se serait gêné pour le lui faire remarquer.
Au-delà de ça, Marten est heureux de sa taille. Un mètre quatre-vingt, c'est plus qu'honorable ; et puisqu'il a la silhouette suffisamment élancée pour ne pas perdre en sensation de hauteur, on remarque tout de suite qu'il est grand. Il a le cou et les poignets fins, des mains facilement serrées en poings aux ongles coupés très courts, toujours abîmées ; sa peau est claire, l'expression de son visage dure et froide. Ses muscles sont secs et son corps nerveux, comme un amas de nerfs prêts à s'embraser à tout instant. Lèvres assez pleines mais souvent coupées, l'air un peu infantile encore malgré ses vingt-cinq ans révolus, il se dégage de lui une impression d'hostilité et de dureté qui a tendance à garder les autres à distance pourvu qu'il ne les aborde pas lui-même. Ses cheveux bruns sont assez épais, coupés courts et plus que régulièrement en bataille ; quoi qu'il s'accorde le temps de les coiffer, au même titre qu'il essaie de prendre un minimum soin de son hygiène corporelle, ils ont tendance à n'en faire qu'à leur tête — et s'il y a du vent, alors il abandonne aussitôt le combat.
Son corps, quoi que ce soit rarement visible, est constellé de cicatrices plus ou moins graves. Le haut de ses cuisses en est largement couvert, et il a également des coupures sur les épaules ; ses avant-bras, surtout, sont traversés de longues cicatrices indélébiles du poignet jusqu'au coude. Ce sont les seules qu'il ne cherche pas spécialement à cacher, quoi qu'il ne soit pas très à l'aise en manches courtes ; vu leur taille, il a plus facilement accepté qu'on risquait de les voir.
Sur un autre registre, il a un petit tatouage de trèfle à quatre feuilles entre les deux omoplates.

Pour ce qui est de la garde-robe, Marten n'a jamais été difficile. Il porte quasi-exclusivement des jeans un peu larges et des hauts simples quelconques, avec une préférence assumée pour les pulls et les manches longues ; il n'aime pas être trop peu couvert et aura tendance à accumuler les couches sans trop faire attention au confort. Quitte à devoir en enlever, au moins il ne sera pas pris au dépourvu.
Il n'accessoirise pas, à quelque niveau que ce soit, et se contente très bien de baskets ou de grosses bottes pour sortir. Tant que ça lui tient aux pieds et ne lui donne pas l'air ridicule, ses critères sont assez larges. C'est fait pour marcher ou courir, pas pour défiler, donc peu importe.


Caractère


« Like "look what they did to me, quick - lay on the sympathy thick" »


Marten est un garçon perturbé, c'est le moins qu'on puisse dire. Il n'est ni gentil, ni mesuré, ni patient et encore moins stable ; il n'en fait le plus souvent qu'à sa tête, ne s'impose que peu de contrôle et en vient aux mains avec la facilité déconcertante de ceux qui se fichent pas mal des conséquences ou des alternatives.
Susceptible, le jeune homme est bien évidemment colérique et violent pour parfaire le tableau. Il en vient facilement aux mains, et quand il décide de les garder dans ses poches ses mots font rarement moins mal ; il peut se montrer méchant, mauvais, voire cruel selon l'autre personne et le sujet de la dispute. Tant qu'à faire, il n'est pas du genre à laisser tomber une fois qu'il a décidé de s'en prendre à quelqu'un — non, il faut qu'il ait le dernier mot, qu'il gagne, qu'il ait le dessus. Perdre en soi ne le chagrine pas trop ; être le seul à sortir de ses gonds, en revanche, il ne supporte pas. Il accepte facilement de se retrouver dos au sol ou blessé dans son amour propre plus qu'il n'aura réussi à égratigner l'autre, mais pas de s'agiter face à un mur de calme. Plus l'autre rit et hausse les épaules, plus il risque de finir avec un œil au beurre noire.
Les questions de justice ou d'équité lui étant assez égales, il se fichera pas mal d'avoir frappé quelqu'un en dernier recours. Le but est de faire mal, auquel cas ; il l'avoue sans honte aucune. Quand il ne sait plus quoi dire, et même avant, oui, il en vient aux mains. Si l'autre en éprouve un quelconque sentiment de réussite ou de supériorité, ça lui est égal pourvu qu'il souffre.
Parce qu'on a beau dire, il sait parfaitement que la plupart préfère éviter la confrontation physique. Or puisque lui s'en fiche pas mal, il ne compte pas se priver de cet avantage.
Marten est capable d'aller très loin pour faire ravaler leurs sourires à ceux qui l'insupportent.

Ou à celles, le plus souvent.

Qualifié de misogyne en long en large et en travers tout au long de sa vie, le jeune homme a appris à vivre avec le terme sans plus s'en offusquer. Pourtant, il ne déteste pas les femmes ; c'est simplement qu'il s'en méfie plus et, de manière générale, leur trouve des airs de menteuses et de manipulatrices qui lui font préférer la compagnie du genre masculin. Avoir constaté un certain privilège féminin face à la violence, notamment, n'a fait que le renforcer dans l'idée qu'il se devait de les remettre à leur place comme n'importe qui le ferait pour un homme.
Autant dire que mettre un coup de poing à une fille de cinquante kilos ne l'a jamais gêné le moins du monde, et que ce n'est pas prêt de changer.
Bien sûr, il ne les frappe pas toutes. Juste celles qui lui sortent par les yeux. Celles qui se font désirer, celles qui se prennent pour des princesses, celles qui exigent, celles qui mentent, celles qui marchent sur les autres, celles qui se croient tout permis uniquement parce qu'elles ont un joli minois et des os fragiles.
Son jugement restant parfaitement personnel, cependant, il est en réalité bien plus aléatoire qu'il n'aime à s'en vanter.

Sujet aux sautes d'humeur et au dégoût de soi, Marten a tendance à s'en prendre à lui-même à défaut de savoir comment gérer ses sentiments autrement. Les comportements auto-destructeurs se déclinent chez lui de toutes les façons possibles, automutilation et recherche de situations dangereuses en tête de liste ; subir ce qu'il estime être des punitions méritées l'aide à mieux gérer le reste de ses problèmes. Souffrir l'aide à s'équilibrer, d'une certaine façon.
Faire souffrir les autres aussi, quoi que de manière très différente.
Pourtant, quand il y arrive et que le moment est propice, il peut être quelqu'un de bien ; attentif, intelligent, vif, sûr de lui, jamais le moins bavard ni le premier à vouloir gâcher l'ambiance. Quand il se laisse aller, il sait être drôle ; rire et faire rire, se prendre au jeu et s'amuser. Pour peu qu'on sache le supporter ou se distancier de lui quand c'est nécessaire, il a aussi un côté très affectueux — voire étouffant — envers ses proches et ses amis. Il aime se préoccuper des autres, veiller sur eux, s'assurer que tout va bien. Ça lui évite de penser à ses problèmes ; voire, le cas échéant, lui permet de se sentir utile et désiré. Qu'il faille en passer par quelques hurlements nécessaires ou que le courant soit passé de la bonne façon au bon moment, une fois que Marten apprécie quelqu'un, il n'en démord plus. Il ne remet pas en cause l'affection de ceux qui la lui ont prouvé ; il aura tendance, au contraire, à penser que le problème vient de lui si les choses tournent mal.
Et s'il gère cette impression en criant sur l'autre, c'est encore un tout autre problème.

Méticuleux et attentif, Marten apprécie également de pouvoir se perdre dans quelque chose et gardera une place particulière dans son cœur pour toute personne ayant décrété qu'il valait la peine de perdre du temps — que ce soit pour l'enlacer ou venir hurler des insultes à sa fenêtre, peu importe. Il s'en fiche pas mal. L'important, c'est que quelqu'un ait pensé à lui et ait décidé de joindre le geste à la pensée. A ses yeux, ça compte beaucoup. Ça fait mal, mais ça compte.

N'étant pas à une contradiction près, le jeune homme est aussi de ceux qui aiment la solitude et détestent les autres tout en faisant absolument tout son possible pour créer du contact avec quiconque croise sa route. Il n'a donc rien d'introverti, quoi qu'il puisse en donner l'impression ; il ne répondra presque jamais par monosyllabe et, même si souvent ce ne seront pas des paroles très aimables, il ira inconsciemment aussi loin qu'il le pourra pour   faire durer l'interaction ou lui donner un sens.

Chez lui, c'est un peu l'équivalent de lancer des cordes à tout va. Il ne demande qu'à aller mieux ; il cherche juste comment s'y prendre.

Pas de la meilleure façon, certes, mais il fait avec ce qu'il a.


Histoire


« If you're obsessed with your yesterday, then you're destined to repeat it. »


Marten est né, sa famille craint, il a des problèmes, son père essaie de le noyer lol, sa mère est alcoolique, son demi-frère est alcoolique, ses grands-parents paternels détestent sa mère, tout le monde l'embête, il a la phobie des eaux stagnantes parce que wtf papa à quoi pensais-tu diable, il commence à détester sa maman qui est jamais là pour lui, il la déteste tout à fait, il fait trébucher les filles parce que wow elles craignent ces sale femelles, il s'énerve contre la vie, il va plus ou moins mal, il devient un sale ado énervé, il apprend que sa mère a fait des trucs nuls à son père LOL OUPS il déprime, tout va mal, la vie craint, il craint, tout craint, il essaie de se suicider, surprise il se rate ce nul en chef, il va à l'hôpital, il y reste un peu, il va voir un psy et se fait médicamenter mais il arrête le premier et le deuxième suffit pas, donc il arrête aussi, après il fait semblant d'aller mieux parce que sinon ses parents le saouleraient et il en a MARRE WOW laissez le déprimer quoi chill smh, les gens au lycée craignent, il pousse des filles, les filles le poussent, il les cogne, on le cogne, c'est la fête du slip tout le monde à bord du Whatever The Fuck Xtrm destination droit dans le mur, il finit le lycée quand même ce grand fou, sa mère tombe malade, il fait genre whtv elle craint de toute façon pfrt, son papa et son demi frangin lui demandent gentiment de pas être trop méchant avec elle parce qu'en gros elle est mourante, après quelques années elle meurt effectivement, il est triste, il roule par terre pour rester soutenir son père dans cette terrible épreuve mais se fait mettre à la porte, ça l'énerve wow, tout l'énerve wow, il s'énerve wow, il retourne à la fac boire des pintes et cogner des gens (comment ça il fait que ça de sa vie, oui il ne fait que ça de sa vie, il aime ses habitudes ok), il rencontre Polina, ils se kiffent bien, ils deviennent bros, il trainent ensemble, ils se tapent dessus gentiment (ou pas), ils rigolent comme des petits fous chtarbés, c'est la fête du slip deuxième édition, Marten fait des bêtises, Marten fait des conneries, Marten tape une fille oUPS WELL ELLE EST PAS TRES BIEN EN POINT MAIS IL A PAS FAIT EXPRES ?? Et elle est pas morte wow tout le monde chill ok, y'a du hide puis Polina se barre comme la fille un chouïa sensée qu'elle devrait être.
Après il meurt.
Fin.


Marten Pääsuke ▬ Depression's like a big fur coat ; 161023105307876528
     
Marten Pääsuke ▬ Depression's like a big fur coat ; 161023105305875052
« Requiescat in pace »
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Marten Pääsuke
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Marten Pääsuke

En bref

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La version edgy du résumé ci-dessus



Peut-être que ce n'était pas obligé d'aussi mal finir, mais ça n'avait pas commencé sous les meilleures augures non plus.

Le foyer de Marten, enfant déjà, n'avait rien d'idéal. Il n'en était pas au stade d'avoir des traces de doigts bleues sur les bras ou de jouer avec des seringues laissées sur un meuble au hasard, mais ça n'en était parfois pas loin non plus ; question de point de vue.
Son père n'était pas bien vieux, sa mère n'était pas bien jeune. Aucun n'était vraiment heureux. L'un comme l'autre avait sa dose de problèmes venant régulièrement mettre un frein au bien-être du petit garçon ; instabilité d'un côté, alcool de l'autre, cris et incompréhension à tout bout de champ – autant de choses complexes que, à l'époque, il ne sut interpréter qu'avec des raisonnements génériques comme "maman dort tout le temps", "maman ne m'aime pas" ou "papa me fait peur, des fois". Son demi-frère – trop vieux à ses yeux pour être qualifié ainsi ; leurs dix-huit ans de différence le propulsèrent plutôt au rang d'oncle improvisé –  n'était pas moins porté sur la bouteille, et pas toujours d'une grande aide non plus. Ses grands-parents paternels détestaient sa mère. Ses parents ne s'entendaient pas tellement. Pas tout le temps. Pas souvent.
Pas correctement.
Il n'avait pas encore cinq ans quand son semblant de famille est définitivement parti en vrille. Alors d'une mère sobre et d'un père motivé à bien faire, il ne se souvient pas de grand chose, pour ne pas dire de rien ; ça a tout aussi bien pu ne jamais être arrivé. Il n'en sait rien. Il ne veut pas savoir.

Énergique et toujours prêt à se faire entendre, le petit garçon n'avait pas l'air d'aller plus mal qu'un autre lorsqu'il cassait des crayons avec enthousiasme sur les tables de primaire. Sa famille peu ordinaire laissait les professeurs et les voisins songeurs, pour ne pas dire inquiets, mais personne ne s'en mêla réellement ; au-delà de quelques "ça va, à la maison ?" auxquels il ne savait trop que répondre à part un "oui ?" hésitant, aucun adulte ne jugea jamais nécessaire de le prendre à part ou de demander une enquête des services sociaux. Marten avait l'air de se porter comme un charme, après tout – et si ses parents ne remportaient nullement les suffrages de popularité auprès de ceux de ses camarades, ses grands-parents eux étaient jugés parfaitement normaux et aptes à réagir si quelque chose tournait mal.
Ils n'étaient pas toujours là, malheureusement.
Parfois, personne ne l'était.
Les nuits passées à grelotter et à trembler contre sa mère, enveloppé dans des couvertures moelleuses, les cheveux humides et la gorge sèche, incapable de reprendre tout à fait son souffle, il s'était évertué à en oublier les détails. Son pauvre cerveau ne demandait que ça, alors ce ne fut pas bien difficile.

« Papa m'aime. Il ne me ferait pas de mal. »

Je confonds les cauchemars et la réalité, souvent. C'est tout.

De ces quelques rêves passés à fixer le plafond de la salle de bain à travers une lourde chape de bulles affolées, il a gardé une peur panique des baignoires et des étendues d'eau stagnantes. Plus de bains ; pas de baignades dans les lacs, pas de piscine. Aux pires moments, il en est arrivé à ne plus pouvoir remplir d'éviers – et encore moins y plonger les mains ou le visage.
Mais, avait-il jugé, ses dix ans recroquevillés sur eux-même comme dans l'espoir de disparaître, assis sur le banc le plus éloigné de la piscine, ce n'était pas si anormal pour un enfant d'avoir peur de l'eau. Il n'avait pas envie d'apprendre à nager, de toute façon. Il ne voulait rien avoir à faire là-dedans. On ne forçait pas ceux qui avaient le vertige à faire de l'escalade, non ? Non.
Les discussions entre le professeur de sport et son père à ce sujet lui passèrent loin au-dessus de la tête, mais pas l'angoisse qu'il pouvait deviner derrière le ton fermé et poli dans la voix de ce dernier. Il n'aimait pas le voir comme ça.
« Il faut essayer, au moins une fois. Je trouve important de savoir nager. Et puis on sera là. »
Son père avait eu un de ces drôles de rire-soupir qu'il réservait toujours aux figures d'autorité, puis avait acquiescé. C'était important, oui, sans doute. D'accord.
Son regard avait ensuite croisé le sien et, aussi sûrement que s'il l'avait lu noir sur blanc, Marten sut que ça allait mal finir pour lui. La réaction de recul fut immédiate autant que violente ; dos contre la chaise, genoux remontés contre la poitrine, yeux écarquillés et implorants face à ceux désolés et coupables de son soit-disant protecteur.

L'expérience, sans surprise, tourna au désastre.

Quelques papiers plus tard, il était dispensé de piscine et on conseillait à ses parents de l'emmener voir un psychologue pour tenter de régler ça.
La proposition eut le miracle de les mettre d'accord dans leur désaccord ; hors de question que leur fils aille voir un psy. Il allait très bien. Une simple phobie de l'eau n'exigeait pas de prendre de telles mesures, clairement. Nager n'avait rien d'essentiel à une vie épanouie ou à une bonne scolarité.
Personne ne pouvant les y forcer, la proposition fut vite abandonnée.


De retour chez lui, ce soir-là comme beaucoup d'autres, Marten resta sagement regarder la télévision pendant que son père traitait des peaux. Il n'avait rien contre avoir son fils dans les jambes pendant qu'il travaillait – au contraire, même –, mais la taxidermie n'était pas quelque chose qui passionnait beaucoup le garçon, aussi n'avait-il pas insisté.
L'enfant avait l'habitude d'être entouré d'animaux morts, et leurs yeux parfaitement ronds et noirs ne l'effrayaient pas plus qu'ils ne le fascinaient ; la simple idée qu'ils aient été vivants un jour, le plus souvent, lui passait par-dessus la tête. Les lapins et les têtes de cerf ressemblaient plus à des décorations kitsch qu'à des cadavres, de son point de vue.
Et sa mère, elle, ressemblait plus à une étrangère qu'à une maman.
Les bons jours, pendant qu'il faisait ses devoirs, elle faisait à manger en chantonnant ou en grommelant ; les mauvais, elle restait enfermée dans sa chambre et il ne la voyait pas de la soirée. Or, des mauvais jours, il y en avait souvent. Plus qu'il n'avait de doigts pour en compter.
Les histoires avant d'aller se coucher, les baisers de bonne nuit et les paroles rassurantes, les repas improvisés, l'aide aux leçons et aux lacets, les promenades sur les épaules – toutes les responsabilités censées être partagées entre les deux parents, systématiquement, retombaient sur les bras et les nerfs de son père. Marten lui disait au-revoir le matin et lui sautait dans les bras en revenant le soir ; sa mère, elle, il ne la voyait guère qu'aux repas, quand il avait de la chance. Elle dormait sur le canapé à midi, dormait dans son lit le soir, dormait encore le matin. Souvent, elle était trop irritée pour avoir envie de l'écouter déblatérer ou l'aider à conjuguer quoi que ce soit ; et quand enfin elle se décidait à venir le voir, il n'avait plus envie de lui parler.
Alors elle partait sans rien dire, comme résolue, et lui prenait l'abandon comme un rejet de plus.

Heiki – demi-frère ou oncle ou meilleur ami de son père, et au fond peu importe – avait encore une place plus glorieuse dans son estime qu'il n'arrivait à en accorder à sa mère, et ce malgré son attitude souvent irresponsable ; à défaut d'autre chose, il avait au moins l'impression d'avoir un minimum d'importance à ses yeux.
Et puis il aidait son père. Il tenait à lui.
Or, son père, Marten l'adorait.
A force de voir ses parents se rendre misérables l'un l'autre à tour de rôle, incapable encore d'en saisir les enjeux ou de prendre un parti éclairé, il eut tôt fait de décréter que mieux valait prendre la défense de celui des deux qui était là et prenait soin de lui. Là où maman passait sa vie à regarder la télévision et à boire en attendant que quelque chose se passe, reléguant trop souvent les tâches domestiques à son conjoint ou à son fils aîné, papa s'occupait de tout et plus encore ; difficile de ne pas le préférer. Il les entendit avoir plusieurs disputes à ce sujet, mais ne resta jamais écouter. Ce n'était pas de sa faute s'il avait du mal à être gentil avec sa mère quand elle peinait à faire quoi que ce soit pour lui, si ? Elle était censée être aimante et présente. Elle était censée lui préparer ses goûters et l'embrasser quand il revenait de l'école. Elle aurait dû accrocher ses dessins au réfrigérateur et lui tenir la main quand il était malade.

Elle ne l'aimait pas.


Et lui non plus, il ne voulait plus l'aimer.

A douze ans, le conflit entre Marten et sa mère avait déjà pris des proportions dramatiques. Sa proximité avec son père et son refus de voir l'autre parent autrement que comme une méchante belle-mère de conte de fées le rendit de plus en plus méfiant à l'égard du genre féminin ; il avait déjà tendance à bousculer les filles, mais ce qui avait jusque-là des airs de jeu puéril prit très vite des accents sérieux. Il ne voulait plus jouer avec elles. Il ne voulait plus leur parler. Il ne voulait plus être leur ami. Les garçons, au moins, il les comprenait ; il savait comment ils fonctionnaient et les jugeait en grande partie dignes de confiance.
Les autres, celles qui se maquillaient déjà un peu et battaient bêtement des cils, il peinait à les trouver rassurantes. Elles avaient quelque chose d'étranger, quelque chose d'effrayant et de repoussant à un niveau presque primitif – quelque chose de l'ordre du réflexe, de l'instinct, qui l'en tenait éloigné.
Sans doute qu'avoir passé sa vie à voir son père les éviter comme la peste et se coller aux murs plutôt que de risquer le contact physique n'avait pas aidé. Il n'avait jamais exprimé explicitement une quelconque aversion envers les femmes, et Marten était d'accord pour dire que sa grand-mère était parfaitement gentille et agréable, mais la crainte s'était glissée sous sa peau malgré tout, comme par un transfert involontaire.
Avoir une mère alcoolique n'aida pas, non plus, et la réaction des professeurs face à ses premiers actes de violence ne fit qu'empirer les choses.
L'enfant vif et énergique était devenu un pré-adolescent frustré et énervé : souvent dans le conflit, méfiant et sur la défensive, plus tendu qu'un élastique prêt à claquer. Presque toujours angélique et aidant auprès de son père, les tensions familiales constantes et les remarques souvent désobligeantes de ses camarades soit à l'égard de ses parents soit envers lui avaient tôt fait d'user ce qui lui restait de patience. De la bonne volonté, il n'en avait que pour ce qui l'intéressait. Le reste n'avait pas la chance d'en recevoir – et, clairement, il supportait aussi bien les rires moqueurs qu'il savait gérer sa colère.
A savoir : pas du tout.
Quoi qu'on avait déjà dit à Marten d'arrêter de faire des croche-pieds à ses camarades étant enfant, qu'il se retrouve à présent impliqué dans plusieurs bagarres par semaine commença à inquiéter ses professeurs. Ils le réprimandèrent, en parlèrent à ses parents, menacèrent de le suspendre s'il continuait comme ça. C'était à peine acceptable au primaire, mais au collège ? Il aurait dû savoir se contrôler. Malgré tout, aux vues de la situation et après avoir entendu et accepté que le problème venait aussi des autres enfants, ils acceptèrent de ne pas sévir trop violemment trop vite. On lui asséna qu'il ne devait surtout pas envoyer de coups de poings, alors il accepta bon gré mal gré de cogner des cailloux plutôt que des abrutis.
Quand il se mit à faire tomber les filles ou à les pousser contre les murs, en revanche, les réactions furent bien différentes.
Il eut beau s'exclamer que c'était exactement la même chose, qu'elles se moquaient de lui et qu'il les bousculait tout comme il envoyait promener les garçons, ça ne passa pas. Elles pleuraient plus facilement ; alors les adultes les plaignaient, les consolaient et le dévisageaient comme s'il venait de donner un coup de pied à un chaton sans défense.
Ce qu'il aurait pu comprendre, si ça en avait été. Mais les filles étaient aussi – sinon plus –  mesquines que les garçons, et jamais moins violentes ; ce passe-droit octroyé par de grands yeux offusqués ou emplis de larmes hypocrites le dégoûta si profondément qu'il n'attendit même pas que le professeur se soit éloigné pour renvoyer la demoiselle par terre.
A partir de là, les choses ne firent qu'empirer.
Constater un certain privilège féminin face à la violence l'offusqua tant et si bien qu'il se prit à les détester purement et simplement, sans jamais hésiter à le faire savoir. Les insultes volèrent entre lui et ses camarades avec la régularité d'un métronome ; les bousculades et les croche-pieds aussi. Et pour chaque réprimande, pour chaque langue tirée face à ce qu'elles imaginaient être la protection toute puissante des adultes, il se buta à le leur faire regretter plus violemment encore.


L'été précédant ses quatorze ans, la situation à la maison en était revenu à un semblant de statu quo et de tranquillité dans laquelle il faisait fréquemment office de tornade passagère. Sa mère buvait moins ; ça se voyait. Ses interactions avec son père étaient moins distantes, moins forcées, et quelques fois il eut même l'impression que ça allait peut-être s'arranger définitivement. Il s'était mis à ignorer plus qu'à frapper, faisait attention à ses notes. Même ses grands-parents réussissaient à ne pas se fâcher lorsqu'ils passaient leur rendre visite. C'était presque bien.
Alors, comme pour tout, ça ne dura pas.
Le samedi 18 août 2035, son mur d'illusions sages s'écroula en silence.
A maintes et maintes reprises, les années qui suivirent, il se surprit à souhaiter pouvoir revenir en arrière pour s'empêcher d'écouter aux portes. Il voulait juste oublier ; vivre sans. Ne se rendre compte de rien. Ne rien savoir, jamais – parce que, aussi triste et lâche cela puisse sembler, il ne pouvait rien faire pour aider qui que ce soit. Le secret ne fit que le blesser, lui peser, lui creuser des trous dans la poitrine plus profonds que les traces de ses ongles dans les paumes de ses mains lorsqu'il s'éloigna, les bras ballants, tétanisé et absent.
« Il avait que treize ans ! »
La voix de Heiki lui résonna entre les tempes pendant des heures, après ça.
« Il pouvait pas – »
Plus jeune que moi.
« A cause de toi – »
Beaucoup plus jeune que toi.

Il ne dormit pas beaucoup, cette nuit-là.

Les suivantes non plus.

Il avait pu mal comprendre ; mal interpréter. Il aurait pu demander des comptes, quitte à briser quelques tabous. Il aurait aussi pu questionner Heiki, ne serait-ce que pour éviter de rouvrir des blessures dont il ne savait rien. Il aurait pu oublier.
Parmi toutes ces possibilités, il choisit de rester au lit.
Et il réfléchit.
Marten n'était pas stupide ; loin de là. Il savait voir les évidences là où elles étaient, faire les liens aux bons endroits. Se convaincre qu'il n'avait rien interprété de travers ne lui prit que quelques heures.
Ça expliquait trop de choses pour n'être qu'une coïncidence. C'était littéralement impossible que ce ne soit qu'une coïncidence. Il inférait peut-être certains aspects et certains détails du problème, mais le cœur restait le même – et à peu de choses près, il pensait l'avoir saisi dans sa globalité.

Caché sous les draps, yeux grands ouverts, il se mordit la langue si fort qu'il crut l'avoir coupée.

Je peux pas en parler.

Le lendemain, statique à l'arrêt de bus.

Je pourrai jamais en parler.

Les poings serrés, yeux rivés sur la main que sa mère aimait poser sur l'épaule de son père.

Si j'étais pas né, il aurait pas été obligé de rester.

Deux mois plus tard, en envoyant sa tête cogner contre un mur.

Je sers à rien. J'arrive à rien.

En Janvier de l'année suivante, quand Mia Lill trouva spirituel de se moquer de sa mère la fois de trop, le coup de poing qu'il lui adressa laissa une tache noire aux allures indélébiles sur la paupière et l'arcade de sa jolie peau.
Elle n'eut pas l'occasion de riposter. Malgré cela, les cernes immenses sous ses yeux et le bleu violacé imprimé sur une de ses tempes ne lui donnait pas moins l'air d'une victime que la blessée.
Les professeurs n'en tinrent pas compte, évidemment. Les parents de Mia encore moins.
De toutes les remontrances, de toutes les remarques extrêmement dures concernant son comportement, sa place dans une école standard et sa santé mentale, Marten ne retint que celles de ses parents une fois rentré chez lui. « On ne frappe pas les autres comme ça », « mais qu'est-ce qui t'a pris ? », « tu vas avoir des ennuis », « tu nous inquiètes », « tu vas finir par te faire renvoyer de l'école, tu te rends compte ? » – et ainsi de suite, comme une cassette bonne à jeter, jusqu'à ce qu'il ne se mette à crier lui aussi, ongles enfoncés dans la peau des mains, plus violent dans ses paroles que dans la chaise qu'il envoya valser contre le réfrigérateur au prix d'un énième bleu à la cheville.

« Je vous déteste. »

Après ça, il cessa de leur adresser la parole au-delà de l'obligatoire. Il restait enfermé dans sa chambre ou dans la salle de bain, armé d'un livre ou d'un casque audio, bien décidé à ne plus jamais se laisser réfléchir plus de cinq secondes. Il ne voulait plus penser à eux. Il ne voulait plus penser à personne. Il ne voulait plus penser à rien.
Il était fatigué, triste, las. Il n'arrivait à rien. Il ne voyait de sens à rien. Il n'avait envie de rien.
Surtout pas d'exister.

Le 11 juin 2036, il décida donc d'y remédier.

La tentative fut aussi réfléchie qu'elle fut désordonnée. Ce fut sa mère qui s'inquiéta la première de ne pas le voir sortir de la salle de bain ; son père, terrorisé de ne pas l'entendre répondre à leurs appels répétés, ne mit pas longtemps à défoncer la porte. Ça pouvait sembler exagéré, mais ce n'était pas comme si Marten allait bien avant ça ; ce n'était pas comme si la situation était habituelle, non plus. Mieux valait une porte cassée et un ado énervé qu'un enterrement prématuré.
Et combien ils eurent de la chance d'avoir paniqué.
La Mort leur passa si près dans le dos, ce soir-là, que le temps se figea.
Perdu entre deux mondes, Marten ne vit ni son père le sortir de la baignoire, ni l'expression sur le visage de sa mère quand il fut hissé dans l'ambulance. Tout ce dont il se souvient c'est de s'être réveillé à l'hôpital, les bras bandés du coude au poignet, l'estomac et la tête en vrac. La gravité de son geste ne le heurta que bien plus tard ; sur le coup, loin même de l'idée qu'il avait raté sa chance de s'en aller, tout ce sur quoi il réussit à se concentrer fut la certitude violente et insistante qu'il n'irait jamais mieux que ça. Que c'était fini. Que c'était ça, son avenir, et rien de plus. Qu'il avait touché le plafond, s'était heurté à la trappe en haut de l'escalier et que quoi qu'il fasse, il ne réussirait pas à l'ouvrir. Jamais.
Les pires jours, il ne voyait même plus de trappe du tout. Rien qu'un mur noir sans issue et, en-dessous, l'eau gelée d'un puits sans fond.

Le temps qu'il resta à l'hôpital, rafistolé et surveillé de près, il vit son père. Ses grands-parents. Heiki. Aucun camarade de classe.


Aussitôt que les médecins le jugèrent apte à rentrer chez lui, Marten s'empressa de faire ses adieux au monde de la psychiatrie. Ç'aurait été trop demander que d'échapper aux prescriptions et aux rendez-vous chez le psychologue, vu les circonstances, aussi serra-t-il les dents du mieux qu'il put pour s'efforcer de s'en accommoder. Ce n'était pas grand-chose. Ça aurait pu être pire. Il aurait pu être interné, gardé des semaines durant, jugé dangereux pour lui-même ou pour les autres – ceci ou cela, il n'en savait rien. L'important, c'était qu'il soit encore suffisamment capable de jouer la comédie pour se sortir de ce genre de situations. Y rester coincé l'aurait rendu fou.
Pour ce que ça servit, de toute façon, il aurait aussi bien pu ne voir personne.
Au psychologue, il ne dit jamais rien d'important. Les rendez-vous s'espacèrent peu à peu à défaut de servir à grand chose ; au bout d'un an, il cessa de s'y rendre. Ses parents ne contestèrent pas sa décision.
Les médicaments, eux, il décida de les prendre. Ne serait-ce que par acquis de conscience – il avait besoin de se donner l'impression d'avoir tout essayé, pour ne pas dire qu'il espérait que ça puisse l'aider. Parce qu'il a espéré.
Malheureusement, avec des problèmes comme les siens, les médicaments seuls firent à peine office de canne. Les regains positifs qu'il put en tirer furent systématiquement abattus par de nouvelles disputes, de nouvelles insultes, de nouveaux obstacles insurmontables ; pour chaque matin où il se leva motivé à changer sa vie et sa manière de penser, il revint triste et plus déprimé que jamais. Quitte à rester coincé, il préférait encore être triste. Quand on est triste, on ne risque pas de tomber plus bas. On sait à quoi s'en tenir. On a moins peur.
La douleur et la peine, quelque part en cours de route, lui devinrent familiers. Rassurants. Personne n'attendait rien de lui, il n'attendait rien de personne.
C'était très bien comme ça.
Son père lui avait pleuré dessus – assez littéralement – pendant des jours et des jours après l'incident, le plus souvent pour s'excuser et lui demander pardon ; sur le coup, il avait bien cru ne plus jamais pouvoir partir à l'école ou au lit sans le voir se mettre à paniquer en toile de fond. Devoir gérer sa détresse en plus de la sienne ne lui fit pas le moindre bien, mais il s'efforça de ne rien en laisser paraître. Il ne pouvait pas l'ennuyer plus qu'il ne l'avait déjà fait. Il n'avait pas le droit. Il ne voulait pas.
Au bout d'un temps, cependant, ils réussirent à en revenir à une vie de famille plus standard. C'était le plus important, vraiment – qu'il ait l'air d'aller bien, qu'il puisse leur mentir avec suffisamment de conviction pour alléger les angoisses de son père, la consommation d'alcool de sa mère. Heiki avait beau faire de son mieux pour gérer les deux adultes, il n'était pas toujours lui-même au mieux de sa forme ; l'ADN ne pardonnait pas, dans cette famille.

Or, content ou pas, il en faisait partie.

Entre peste et choléra, envahi par ses idées noires au point de s'en remettre à songer au suicide, Marten choisit de deux maux le moins visible.

La première fois, ça lui fit tellement mal qu'il se jura de ne pas recommencer. Ce n'était ni plus intelligent ni plus utile que les marques blanchâtres qui zébraient encore toute la longueur de ses avant-bras ; s'arranger pour ne mettre de sang nulle part, tant qu'à faire, lui sembla curieusement plus difficile maintenant que le but n'était plus de se tuer. Ce n'était pas ça qui risquait de l'aider. Ça ne pouvait qu'empirer les choses. Il ne voulait pas avoir mal.
Mais je le mérite.
Je crois.

Au bout de quelques semaines, il passa des épaules à l'intérieur des cuisses.
C'était – trop – vite devenu toute une technique, tout un manège au mécanisme soigneusement réglé de sorte à ce que rien ne vienne jamais le trahir – ni les marques, ni la lame, ni le sang. Ses parents persistaient à surveiller ses agissements, même de loin, alors la moindre entaille récente aurait eu du mal à passer inaperçue. Son père n'en était pas encore à tirer sur ses vêtements pour vérifier qu'il ne leur cachait aucune blessure volontaire (il n'avait aucune raison de penser à ça, après tout), mais la tentative de suicide était encore trop récente pour qu'il puisse espérer une confiance pleine et entière de sa part. Il s'inquiétait. Rien de plus normal.
Alors lui persista à se blesser.
Rien de plus normal.

Lorsqu'il entra au lycée, à quinze ans, les craintes de son père face à ses cicatrices et à ses tendances parfois violentes le poussa à insister bien trop longtemps sur l'importance de ne pas causer d'ennuis et de garder des manches longues, juste histoire d'être tranquille. Il n'y avait rien de mal à être déprimé, avait-il bien précisé, mais à cet âge-là, on ne comprend pas forcément. A cet âge-là, on a tendance à être méchant.
Marten voulut lui répliquer que la cruauté ne s'estompait pas avec l'âge et qu'il ne pourrait pas systématiquement éviter les cours de sport, mais il n'en dit rien. Sourire et promettre, à défaut d'être très honnête, avait le mérite de ne pas l'inquiéter plus que nécessaire.
Quitte à devoir supporter les remarques de ses camarades de classe, il n'avait pas envie de devoir gérer celles des adultes en supplément.

Et des remarques, évidemment, il y en eut.

Les coupures fines et linéaires sur sa peau n'étaient pas bien difficiles à cacher ; il avait réfléchi leur emplacement avec suffisamment de méticulosité pour que porter un caleçon suffise à les masquer entièrement à la vue des autres. Les cicatrices sur ses bras, en revanche, il ne pouvait rien y faire. Ce que les médecins avaient qualifié de massacre en règle avait laissé sur la peau des traces qui mettraient des années à partir ; or, de grandes balafres sur les bras, dans l'alignement des os, même si plus longues que ce à quoi on aurait pu s'attendre, tout le monde savait ce que ça voulait dire.
Souvent, quand les autres les apercevaient, ils ne disaient rien. Pour une grosse majorité, que le garçon antisocial à l'air vaguement déprimé ait essayé de se suicider semblait être une raison suffisante de le laisser tranquille ; il avait déjà donné, ils passaient leur tour.
Pour quelques autres, c'était l'occasion idéale de le balancer dans la case un peu trop large et maladroite des "emos en manque d'attention". Quoi que ça veuille dire au juste, d'ailleurs – il s'en fichait pas mal. Parmi eux, la plupart lui fichaient la paix aussitôt qu'il les envoyait promener avec un peu trop de brutalité dans la voix ou les yeux. Pas besoin d'aller jusqu'à les frapper ; ils n'auraient pas risqué des ennuis uniquement pour ça.
Mais Marten restait Marten, et son talon d'Achille persistait à le faire trébucher plus violemment qu'il ne les envoyait mordre la poussière de la cour.

Les rires moqueurs des filles, il ne les supportait pas.

Pour chaque insulte, pour chaque moquerie cruelle, pour toutes les claques et toutes les ruptures jugées méritées uniquement parce qu'elles se prenaient pour des reines, il sentait son épaule pousser les leurs dans les murs avant d'avoir pu réfléchir aux conséquences de ses actes. C'était comme avoir un filtre posé droit sur le cerveau : si c'était une femme, alors il devait la remettre à sa place.
Personne d'autre ne le ferait, sinon. Il le savait très bien.

Être catalogué instable et violent ne le rendit pas plus populaire qu'il ne l'avait été au collège. Beau ou pas, intelligent ou non, les demoiselles n'osaient globalement plus l'approcher par peur de se faire rembarrer sans raison ; celles qu'il aurait pu apprécier, les filles gentilles, sans trop de maquillage, celles qui riaient sans arrière-pensées et ne blessaient personne volontairement, il s'était attiré leur mépris solidaire ou leur faisait peur.
Expliquer à longueur de temps que non, il ne détestait pas les femmes, il s'en méfiait, et que non, il ne tapait pas toutes les femmes, juste celles qui l'avaient mérité, ne rallia pas grand monde à sa cause.
Elle lui semblait juste, pourtant.
L'avantage et l'inconvénient, au lycée, fut que les élèves – filles comme garçons – semblaient moins pressés de raconter quoi que ce soit aux professeurs. Qu'il pousse une de ses camarades contre un mur ou en traite une autre de tout les noms, il ne fut que très rarement interpellé par un adulte ; on lui lançait des regards noirs, on lui renvoyait ses insultes et parfois même on lui renvoyait ses coups, mais toujours d'élève à élève. Au collège, à agir comme ça, il aurait probablement été renvoyé au bout de très peu de temps.
Alors, évidemment, la sensation d'être intouchable et de ne craindre aucune conséquence formelle le poussa à aller plus loin plus souvent – et ce qui au début se résumait à des croche-pieds dans les couloirs et à quelques bousculades un peu brutales dégénéra au bout d'un an en violence pure et simple. Ce n'était plus les insulter, c'était les humilier. Être cruel. Ce n'était plus espérer qu'elles se soient fait un bleu, c'était s'assurer qu'elles en auraient plusieurs. Ce n'était plus vouloir qu'elles se tiennent à carreau, c'était vouloir leur faire peur.
De ce côté-là, il dépassa ses propres espérances.
Jusqu'à se faire peur lui-même, parfois.
Le lycée avait beau ne pas être le meilleur du coin et ne pas être réputé pour sa vigilance, Marten se retrouva tout de même régulièrement collé ou sermonné par quiconque prêtait un minimum d'attention à ses élèves. A bientôt dix-sept ans, malheureusement, il était loin d'être le pire cas qu'ils aient à gérer ; certains marginaux dans les classes supérieures avaient des problèmes de drogue, des comportements plus inquiétants que le sien. A côté, qu'il claque des camarades ne semblait pas si dramatique. Intolérable, certes – mais ils ne l'avaient jamais vu faire non plus, et eurent du mal à contrer les "elle m'a giflé avant, vous comptez la mettre en retenue pour ça ?" accusateurs qu'il leur soumettait constamment. C'était un garçon fragile, après tout, ils en avaient conscience. Les autres auraient dû faire un effort. Et la violence n'était acceptable sous aucune forme, quoi qu'il en soit, fille ou pas.
Pour une fois que ces foutues cicatrices le plaçaient en victime, il ne trouva jamais utile de se plaindre. Les femmes y avaient tout le temps le droit, alors pourquoi pas lui, hein ? Elles qui voulaient tellement échanger les rôles, elles auraient dû exulter.

Elles n'exultèrent pas.

On le tabassa, plusieurs fois. On l'humilia. Tantôt des amis, tantôt des frères, tantôt les victimes elles-mêmes ; une adolescente de cinquante kilos aurait eu du mal à l'atteindre, certes, mais à quatre c'était une autre histoire.
Ça ne l'arrêta jamais pour autant.
La notion d'humiliation lui étant plus ou moins lointaine, et comme il se fichait pas mal de risquer d'y perdre un doigt ou autre chose, l'atteindre réellement ou le marquer durablement relevait plus de l'utopie qu'autre chose. Avoir mal lui était égal. Peut-être même que c'était ce qu'il cherchait, quelque part. Qu'on fasse le travail à sa place.
Les coupures, fidèles à leur poste, en disaient plus long sur la question qu'il n'aurait été capable de l'expliquer.

Chaque fois qu'il revint tuméfié, il essaya d'éviter ses parents au mieux. Au début, ça fonctionna ; mais son père était loin d'être stupide, et au bout d'un temps il se retrouva systématiquement assis dans le salon à se faire soigner en silence. Il lui fit la leçon une fois, puis deux, puis trois. A partir de la quatrième, le rituel des soins silencieux s'installa, plus abandon que drapeau blanc, et ni l'un ni l'autre ne trouva rien à y ajouter.
Ça lui fit mal à un point qu'il n'aurait su exprimer.

Alors il le traduisit autrement.
Quand il commença à ne plus avoir de place sur les jambes, il repassa aux épaules.

Peu après ses dix-sept ans, son grand-père paternel dut être hospitalisé suite à des problèmes cardiaques. Il alla lui rendre visite avec son père, le temps de jouer aux cartes et de se changer mutuellement les idées ; ce n'était rien de grave, selon lui, pas de quoi s'inquiéter. A bientôt soixante ans, vu son état de santé général ces derniers temps, il n'y voyait rien de plus qu'une petite sonnette d'alarme sans gravité. Marten n'y connaissait pas grand chose en médecine, alors il décida de le croire. Il n'avait pas l'air en si mauvaise forme, après tout, et les docteurs semblaient autant sinon plus optimistes que lui concernant sa sortie et la suite des événements.
Son père, fidèle à lui-même, ne le vit bien sûr pas de cet œil.
De l'admission du malade jusqu'à des semaines après sa sortie, il passa une bonne partie de son temps à aller le voir ; l'inquiétude, disproportionnée mais trop bien ancrée pour être si facilement chassée, le rendit si distant qu'il en oubliait souvent les "bonjour" et les "bonne nuit". C'était tout juste s'il était là.
Quand il se fit enfin sermonner et qu'on lui demanda de prendre soin de sa santé plutôt que de perdre son temps, son humeur vira tant et si bien au noir que ni sa compagne, ni même Marten n'osèrent l'ennuyer pendant une bonne quinzaine de jours. Seul Heiki s'y tenta, et il se fit rembarrer plus de fois qu'il ne réussit à réellement communiquer.
Entre lui qui errait de l'atelier à la chambre et sa mère qui passait le plus clair de son temps calée dans un coin de canapé, il aurait tout aussi bien pu être seul à la maison.

Le psychologue et les médicaments commençaient à lui manquer.

L'année suivante, en 2039, l'état de santé de sa mère se détériora brutalement. Peu après une dispute particulièrement violente, elle fut prise de quintes de toux si inquiétantes que la question de l'emmener aux urgences ou non fut sérieusement posée ; et si elle s'en remit sans aide médicale, ça n'empêcha pas son compagnon et son fils aîné de littéralement la pousser dans la voiture le lendemain pour la forcer à consulter un médecin.
Marten, trop énervé sur le coup pour en penser quoi que ce soit, les laissa partir sans s'en formaliser. Il alla à l'école, comme d'habitude. S'attira des ennuis, comme d'habitude. Tenta de gérer ses notes, comme d'habitude. Rentra chez lui, comme d'habitude.
Ne vit pas sa mère de la soirée. Comme d'habitude.
Se réveilla plusieurs fois dans la nuit et entendit son père pleurer dans la chambre.

Comme d'habitude.

Après quelques jours d'aller-retours chez divers docteurs, son père et Heiki le firent s'asseoir à table et lui expliquèrent que sa mère allait mal. Vraiment mal. Son foie était dans un très sale état, sans compter ses poumons et son corps de manière générale ; si elle n'arrêtait pas de boire complètement, elle risquait d'y laisser la vie.
Même en arrêtant de boire, en fait, elle risquait de ne pas s'en sortir.
Ils lui expliquèrent qu'ils allaient s'occuper d'elle et qu'il n'avait rien à faire de particulier à ce sujet, mais qu'ils apprécieraient beaucoup qu'il fasse un effort de gentillesse à son égard. Ne serait-ce qu'un peu, de temps en temps. Pas grand chose, vraiment ; juste éviter les disputes et ne pas trop lui mener la vie dure le temps qu'elle s'en remette.
Il avait beau ne pas en avoir envie, il accepta. Le temps qu'elle s'en remette.
Au fond de lui, il savait pertinemment qu'elle ne guérirait pas.
Assis sur le vieux canapé abandonné sur le porche de la maison, il avait regardé d'anciennes photos de sa mère. Il n'y en avait aucune de ses parents ensemble, évidemment, mais elle avait gardé beaucoup d'albums où elle posait avec son ex-mari et ses enfants. Elle et Heiki, Heiki et sa soeur – Ivika ? Il ne l'avait vue qu'une ou deux fois, honnêtement –, elle et son ex-mari. Heiki et Laur ; son père.
Genoux remontés contre le torse, en pull malgré le soleil brûlant de l'été, il avait fermé les vieux classeurs et s'était demandé comment il avait pu ne pas se rendre compte à quel point elle avait perdu du poids.
La longueur de ses cheveux, la couleur de ses yeux... Tout lui échappait. Il n'en savait rien.

Il ne la regardait jamais vraiment.

Elle mourut un dimanche d'octobre 2040, chez elle. Elle avait absolument voulu rentrer la semaine précédente, arguant que si elle était condamnée elle préférait encore l'être dans sa chambre que dans cet endroit minable ; à force, ils avaient abandonné. Ils devaient encore espérer que ça pourrait s'arranger, avant. Il n'en savait rien.
Parti commencer ses études du côté de la capitale le mois précédent, Marten était rentré aussitôt que son père le lui avait demandé. Il était resté à côté d'elle, l'avait écoutée grogner sur les programmes télé et lui avait même accordé l'habituelle dispute qui venait toujours ponctuer sa rentrée du lycée, d'habitude ; et aussi bizarre que ça puisse paraître, ça avait presque eu l'air de lui faire plaisir. Il lui avait amené un livre, et lui avait crié d'aller se faire voir quand elle s'était mise à se plaindre de ne pas vouloir de la pitié de qui que ce soit.
Malgré tout, il y était retourné. Il ne l'avait vraiment laissée que quand Heiki était revenu à la maison, une femme au visage dur et fatigué sur les talons, immédiatement rappelé à ses malaises par l'impression pressante et insistante qu'il n'aurait pas été à sa place dans ce tableau-là.
Il avait beau être son fils, lui aussi, il ne pouvait juste pas.
L'avant-veille de sa mort, son ex-mari était passé à la maison. Laur l'avait laissé entrer sans rien dire ; le temps qu'il avait passé avec elle, Marten était resté avec lui dans le salon. Aucun d'eux n'avait osé bouger. Encore moins rentrer.
Quelque chose lui disait qu'il n'avait aucune envie d'en savoir quoi que ce soit, de toute façon. Il souffrait suffisamment comme ça.

Elle aurait clairement voulu passer ses derniers moments avec cet homme plutôt qu'avec lui ou son père. Et ça, c'était quelque chose qu'un enfant ne pouvait pas comprendre ; adulte ou pas.



Sa mort le secoua plus violemment que rien ne l'avait fait jusqu'alors. Il y avait ce vide, cette inéluctabilité incompréhensible comme un trou noir qui aspirait le réel, juste au centre de la maison ; quelque chose de presque tangible, pas sombre mais d'un blanc oppressant, impossible à décrire. Il ne savait pas quoi faire. Il n'était pas triste, juste mal, et la partie fonctionnelle de son cerveau ne cessait de lui chanter que n'importe qui l'aurait été, à sa place. Qu'il était anormal. Ingrat. Égoïste. Malade.
Préoccupé par l'état de son père plus que par le sien, il attendit que l'enterrement soit passé pour lui proposer de rester. Heiki était là, d'accord, mais il n'était pas très stable ni très fiable non plus ; quant-aux grands-parents, aussi adorables soient-ils, ils n'étaient pas forcément les mieux placés pour le soutenir après la mort de quelqu'un qu'ils avaient ouvertement détesté depuis sa naissance.
Il voulait l'aider. Servir à quelque chose. Être là. Lui dire qu'il n'avait pas à être triste pour quelqu'un qui ne lui avait jamais fait que du mal – quelqu'un avec qui il n'avait jamais voulu être, et avec qui il n'aurait jamais dû rester. Il voulait lui secouer les épaules et lui crier qu'il aurait dû être content, qu'il vivrait mieux sans elle, qu'il –
Il n'eut même pas le temps d'ajouter un mot après "je peux rester" que son père avait refusé, d'une voix aussi peinée qu'elle fut ferme. Il avait des études à poursuivre, des amis sans doute, un appartement. Il n'avait pas besoin de rester là. Il se débrouillerait ; l'important, c'était qu'il aille de l'avant.

Un sac dans chaque main, yeux rivés sur la porte d'entrée, plus blessé que si on venait de la lui claquer au nez, il se jura qu'il s'en fichait.

Difficilement intégré à la base, son retour à la fac après l'enterrement ne vint pas arranger les choses. Au lieu de rester enfermé dans son appartement à se morfondre et à réviser, il se mit à sortir plus souvent ; à traîner, boire un peu, chercher les ennuis là où il pouvait les trouver. Il commença à séparer sa vie étudiante de ses exploits violents ou misogynes, également, et découvrit qu'il était beaucoup plus simple de se faire apprécier quand on ne se montre pas violent envers quiconque nous tape sur le système. Il ne fit pas ami-ami avec un grand nombre de filles pour autant, que ce soit par manque d'affinité ou parce qu'il avait tout de même envie de leur faire manger un coin de table, mais il se trouva plus à sa place ici qu'il ne l'avait été au collège ou au lycée. Il n'aurait pas été jusqu'à dire qu'il avait des amis, mais il n'était pas exactement seul non plus. C'était un début.
Des relations amoureuses, cette année-là, il n'en eut aucune. Il faut dire qu'il ne les cherchait pas ; il les évitait, au contraire. Les hommes ne l'attiraient pas le moins du monde, et la proximité d'une femme ne l'intéressait que dans les moments où, saoul ou bien juste perdu, il percevait le rapport comme une punition adéquate à ses fautes – quelles qu'elles soient au juste. Il n'avait pas envie de les toucher. Il ne voulait pas les enlacer. Le désir ne lui venait que par saccades, d'une façon trop similaire à celle dont il s'entaillait la peau pour que l'acte en lui-même puisse lui paraître sain. Les pulsions de tout ordre lui donnaient l'impression d'être un animal ; quelque chose de détestable, de dangereux, de répugnant. Moins qu'humain.
Alors il les laissa de côté, jusqu'à ne plus être sûr de comment les réveiller au juste. La plupart du temps, il n'arrivait même plus à ressentir la moindre excitation ; peu importe la situation, il s'en détachait si vite et si complètement que les plus passionnés des baisers n'auraient pas réussi à le ramener sur Terre.
On le présuma asexuel ; à demi ennuyé seulement, il haussa les épaules et tourna les talons.
Que ce soit probablement faux ne l'incita pas à s'étaler sur le sujet pour autant. Avoir des dysfonctions à ce niveau lui était parfaitement égal, pour être honnête.

Ça ne l'intéressait pas.


Quelques années plus tard, au détour d'une soirée, son chemin croisa celui de Polina. Elle étudiait dans un Master bien différent du sien, mais ils avaient en commun leur attitude brusque et leur manque de manières ; elle était franche, du genre loufoque et impulsive, suffisamment stupide pour ne pas s'offusquer de se faire rembarrer une fois sur deux ou de se prendre des coups trop violents pour être drôles. Ils se trouvèrent comme on se tombe dessus ; assez littéralement.
La première fois qu'il l'avait poussée dans un fossé, pourtant, il avait bien cru qu'elle ne le suivrait pas. Parce qu'elle aurait eu raison de ne pas le suivre. Il n'était pas fréquentable.
Et s'il s'était avéré que Polina était de ces filles qui renvoient les coups plutôt que de s'en inquiéter, il n'en avait pas rit longtemps.
C'était bien, qu'elle reste. Il l'aimait beaucoup.
Mais elle ne l'empêchait qu'à moitié de verser dans ses travers, quand elle ne les nourrissait pas carrément ; et chaque fois qu'il devait arrêter le premier de crier ou d'envoyer des coups dans les murs et le bois des arbres écorchés, il sentait ses poings noués jurer devant Dieu que la prochaine fois il la tuerait sans faire exprès.

La prochaine fois, si elle n'arrêtait pas la première, il la tuerait.

Une telle promesse avait des airs d'exagération mélodramatique, il en avait conscience. Pourtant il n'en était rien.
L'honnêteté de l'aveu, au contraire, avait de quoi terrifier.

Son père fut heureux, tant au téléphone qu'à l'occasion de ses retours réguliers à la maison, d'entendre un nom supplémentaire s'ajouter à la liste des personnes qu'il fréquentait. Chaque signe – même léger – de mieux-être de sa part lui tirait des sourires sincères que Marten n'osait pas briser ; lui mentir était devenu presque trop facile, avec le temps. Il lui parlait avec plus d'entrain, une joie maitrisée, des gestes ouverts, et tentait de lui faire parvenir un peu de cette énergie factice à travers des sourires et des rires qu'il espérait crédibles.
S'il avait l'air d'aller bien, alors il allait bien.
Il espérait simplement que son père ne fasse pas la même chose de son côté.

Début 2046, fatigué, il envisagea d'abandonner son début de doctorat pour finalement décider de s'accrocher. Le stress supplémentaire occasionné par les études le rendit plus instable qu'il ne l'était déjà ; les marques sur sa peau, d'ors et déjà indélébiles, commençaient à manquer de place sous ses vêtements.
Que Polina s'inquiète à son sujet ne l'inquiéta pas lui-même. Il se fichait pas mal de ce qu'elle pouvait penser ; encore moins d'à qui elle pouvait le dire. Les seules personnes qu'il considérait comme des amis étaient parfaitement infréquentables, souvent bien plus âgés que lui et pas moins cyniques – et quoi qu'ils appréciaient Polina, pour la plupart, ils n'auraient pas été l'écouter si elle leur avait demandé de l'attacher et de l'envoyer à l'hôpital.
"Marten va bien, t'inquiète pas."
Souvent, il arrivait à donner le change.
Souvent, il semblait cassé et fatigué plus que dangereux.
Mais dans ces rares moments de lucidité totale où, les deux poings de chaque côté de sa tête, ses ongles à elle enfoncés dans son dos à lui, le souffle court et les larmes aux yeux, elle pensait enfin réussir à le comprendre complètement, ce qu'elle voyait la laissait pensive et timorée.
Elle n'avait jamais eu peur de lui mais de plus en plus souvent, ces années-là, elle pensa à s'en aller sans dire au-revoir.

On est pas grand chose l'un pour l'autre, de toute façon.

Rien de défini, en tout cas.

Les mois et les hématomes défilèrent sans se ressembler. Il poursuivit sa thèse sans grande conviction, épaulé néanmoins par son père et ses grands-parents ; plus que les études en elles-mêmes, ils saluaient l'effort et la persévérance du garçon sur ce qu'ils espéraient être une quatre-voie tout droit vers le succès et la paix intérieure.
Marten, trop heureux de les rendre fiers, souriait deux fois plus fort pour mieux cacher les tissus abîmés et les os rendus fragiles d'avoir trop heurté les murs ou leurs semblables. Les bagarres n'étaient plus régulières, à ce stade ; elles étaient hebdomadaires, pour ne pas dire quotidiennes – et quand la régularité en prenait un coup, c'était la violence qui venait la compenser avec un enthousiasme affolant.
Les femmes persistaient à lui taper sur le système et lui s'acharnait à leur casser le nez, prenant un malin plaisir à cracher sur quiconque viendrait défendre Lilith de sa justice approximative. Il était Dieu ; il n'était personne.
Il n'était personne.

En Juin 2047, entre minuit et une heure du matin, une jeune femme finit à l'hôpital. L'alcool était plus que sérieusement en cause, et il n'était pas bien sûr lui-même de ce qui avait pu se passer pour que ça finisse comme ça ; on lui avait éclaté quelque chose sur la tête, il avait répondu d'un coup dans la tempe et quelque part au milieu de tout ça, c'était la fille qui s'était retrouvée à heurter le trottoir.
Le bruit du crâne qui claque contre l'asphalte, comme une violente sonnette d'alarme, les avait immobilisés plus sûrement qu'une intervention divine.
Puis il y avait les cris paniqués et, sans plus réfléchir, aussitôt que ses jambes le lui avaient permis, il s'était tiré.

Il avait couru jusqu'à son appartement, vite, aussi vite qu'il avait pu ; avait fixé ses phalanges éraflées, le sang qui les maculait – le sang de qui ? –, la profondeur des cernes sous ses yeux, sa peau abîmée, son air de déterré, ses chaussures sales, et avait cogné sa tête suffisamment fort contre le miroir pour le fissurer et réveiller Polina.


Et elle ne revint pas.

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Marten Pääsuke
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Ça commence bien, je sais. Même mon résumé dépasse. ;DDD


Marten Pääsuke ▬ Depression's like a big fur coat ; 072588e8d69580ab21ac988cec9296d0
« I'm sorry about your parents, they sound like bad people ;
Your daddy sounds like a jerk.
I guess your mama didn't know the gift she got when she got you.
I'm sorry about your life ; you had it pretty rough.
Bending over backwards - never good enough.

You poor thing, it must suck to be you. »

And if I wanted to die before I got old :

Aether
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Félicitation
Vous êtes officiellement validé ♥️

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Tu peux dès à présent recenser ton avatar, ton absence de métier et demander une chambre pour t'en faire un petit nid douillet. Tu peux également poster une demande de RP ou créer ton sujet de liens. Ton numéro va t'être attribué sous peu et tu vas être intégré à ton groupe dans l'instant. Tu es arrivé dans la pièce Est.

Mommy issues.

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