A l’abri dans un écrin de coton, Mariska se reposait. Son bienheureux coma ne fit que rendre le retour à la réalité encore plus froid et rude : elle battit des paupières, comme projetée dans son propre corps – un corps douloureux et qui ne semblait pas pouvoir se réchauffer. Elle n’était plus dans la pièce d’avant, car le blanc ne lui crevait plus la rétine. Ça, ou alors elle était devenue aveugle. Une voix qu’elle ne connaissait pas la sortit de sa semi-torpeur, et elle tourna difficilement la tête vers une jeune femme noire qu’elle n’avait jamais vue de sa vie. Bien. Elle n’était ni sourde, ni aveugle, juste complètement paumée. Le coup de faux de l’autre clown n’avait pas dû aider. Mariska nota dans un coin de sa tête de le retrouver et lui refaire le portrait une fois que ses neurones ne joueraient plus aux maracas.

Parce que merde, l’assommer ! A moins qu’il l’ait chloroformée en ninja ; ça ne l’aurait pas étonnée. Elle avait bien dû atterrir dans l’autre pièce d’une manière ou d’une autre. Le suspect numéro un restait celui qui l’avait fait passer d’un endroit à un autre sans qu’elle en ait conscience.

Bizarre, hein. Ça lui rappelait presque un truc. Détraqué de ses…

Elle se força à se calmer avant de dire à la jeune femme :

« Euh… bonjour, ouais. Ça pourrait aller mieux. »

Elle renonça à s’agiter pour regarder autour d’elle. La semi-obscurité était une vache de bonne idée : trop de lumière, et elle se serait mise à hurler comme un vampire.

« On est où, là ? »

L’inquiétude disparaissait peu à peu, mais pas l’incompréhension. Quant à la colère, elle ne désertait jamais vraiment. Elle avait beau ne pas savoir où elle était, la pièce ressemblait au moins à quelque chose de logique. Elle était là, allongée dans un lit, avec une migraine : si on oubliait le cosplayeur à la faux du début, c’était presque cohérent. Mieux qu’un vide immaculé dans lequel on avait l’impression d’être partout et nulle part à la fois.
Mariska ferma les yeux, fatiguée. Tout ce bordel lui faisait prendre conscience qu’elle aurait mieux fait de dormir plus de quatre heures par nuit. C’était pas gérable.

Asphodèle, ouais ; le gus à la faux et au cache-œil lui en avait parlé – enfin, elle pensait. C’était un peu flou, mais ça lui disait un truc.
Ce bâtard de connard de. Elle allait le retrouver et le buter pour de vrai. Et s’il était déjà mort, tant pis ; elle le retuerait. Avec un peu de volonté, on arrive à tout.

Un peu de volonté et un bon gros parpaing.

« Ouais, ouais, je me souviens. »

Elle reposa le crâne contre l’oreiller avec un grognement exaspéré. Okay, et maintenant quoi. Elle était morte et on devait lui faire remplir des papiers pour l’admission au Paradis ? Cette fille là aussi, elle était morte ? C’était quoi, son job, rediriger les pauvres âmes errantes vers les bons bureaux, histoire qu’elles se perdent pas en chemin ?
Putain, ça avait aucun sens. Elle se représentait rien après la mort et même si elle avait dû choisir, ça aurait pas été ça.

Mariska passa les mains sur son visage avec un long soupir. Attendre quelques minutes de plus allait pas être du luxe, elle avait moyennement envie de se casser la figure à essayer de marcher droit. Maracas de m…

Elle retint une injure derrière ses lèvres closes. Pas le meilleur moment pour être malpolie ou péter un câble.

« On est pas vraiment morts, hein. (l’interrogation n’y était pas ; elle l’énonça comme un fait) ça a aucun sens, je le saurais si j’étais morte. »

Et pourquoi elle serait morte, surtout. Elle était jeune, pas suicidaire et en bonne santé, c’était pas elle qu’avait le sida, mince.
Les accidents arrivent n’importe quand mais merde. Elle avait pas envie d’y penser.

On allait pas lui foutre la paix avec ça, à tous les coups.