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Axel Merec'h
- C 10 092010 70 03 C -

Axel Merec'h

En bref

Masculin
Pseudo : Nii'
Messages : 79




"No time for goodbye" he said,
As he faded away.
Don't put your life in
Someone's hands,
They're bound to steal it away.
Don't hide your mistakes ;
'Cause they'll find you, burn you,
Then he said :
"If you want to get out alive,
Ohhh, run for your life.
If you want to get out alive,
Ohhh, run for your life..."
Nom : Merec'h.
Prénom : Axel.
Surnom : Axe.
Sexe : Masculin.
Âge effectif : 18 ans.
Âge apparent : 18 ans.
Arrivé depuis : Vient d'arriver.
Date de naissance : 10/09/1992
Date de mort : 22/09/2010.
Orientation sexuelle : Hétérosexuel.
Groupe : Commotus.
Nationalité : Français.
Langues parlées : Français, anglais, espagnol.
Ancien métier : Etudiant en MAN Hôtellerie-Restauration.
Métier actuel : Assistant événementiel (public). Genre on le poke et on l'envoie installer les tables/acheter des trucs quand y'a quelque chose d'organisé. (sur demande à l'administration ; mais du coup ça peut être pour ta pyjama party, si t'es riche et bizarre).
Casier Judiciaire


▬ Crimes commis :
▬ Circonstances du décès :
▬ Péché capital principal :
▬ Péché capital secondaire :
▬ Votre rapport à l'alcool :
▬ Votre rapport aux drogues :
▬ Addictions :
▬ Avez vous eu de mauvaises attitudes récurrentes :
▬ Avez vous déjà été victime :


Physique


Au jeu de la loterie génétique, Axel a eu de la chance. C'est ce qu'il s'est toujours dit en se voyant dans la glace ; ce qu'on lui a répété, souvent, petit déjà et puis plus grand. La nature l'a doté d'un visage agréable à regarder, d'une beauté peut-être très standard mais qui marche à merveille et d'un corps joliment proportionné, sans défaut trop difficile à gommer, rectifier, arranger. Ça ne l'empêche pas d'amoindrir la chose intérieurement, quitte à se trouver presque disgracieux par moments, mais c'est bien plus une question de modestie devenue presque maladive qu'autre chose. Les remarques déplaisantes sur des kilos en trop, des yeux jugés trop petits ou un visage constellé de boutons n'ont jamais été dirigées contre lui : il ne les méritait pas. Personne n'a jamais rien trouvé à lui redire et pourtant, il n'a jamais fait tourner les têtes tant que ça.
L'inconvénient d'avoir une beauté classique. Évidemment, les chances de plaire à un grand nombre sont démultipliées. Seulement, en contrepartie, le jeune homme peut sembler trop lisse. Les yeux de ses camarades se sont souvent arrêtés sur lui, et sûrement que beaucoup aimeraient avoir un visage aussi harmonieux, mais il ne marque pas. On retient son faciès sans être capable d'en définir les singularités ; rien chez lui n'accroche le regard en particulier. Il est beau – vraiment joli, même – mais rien de plus. Axel a des airs de mannequin de cire fait pour avoir l'air parfait : une tête d'ange, le sourire colgate et le torse plat qui va avec.
Comme une publicité.
Du haut de son mètre quatre-vingt-trois, le jeune homme a toujours été parmi les plus grands et a miraculeusement réussi à éviter une poussée de croissance trop soudaine qui aurait pu disproportionner sa silhouette à l'adolescence. Sans être très axé sports, aimer courir et se dépenser lui a appris à apprécier l'effort et à ne pas tomber dans la paresse. A son entrée en seconde, il a cumulé aux cours de sport obligatoires une routine d'exercices simples pour garder un ventre plat et une silhouette tonique ; l'habitude aidant, il ne s'en est jamais défait. Arrivé à un compromis honorable entre crevette et bodybuildeur, il a les épaules raisonnablement larges et le bassin étroit ainsi que suffisamment de force dans les bras pour pouvoir soulever sans mal la grande majorité de ses amies – et même quelques-uns de ses amis. Sa taille allongeant sa silhouette, il n'a pas l'air plus impressionnant que ça à priori : ses muscles ne choquent pas plus qu'on ne les remarque vraiment, à moins qu'il ne soit à moitié déshabillé pour une raison quelconque – et là encore, rien qui fasse ouvrir de grands yeux éberlués (du moins il l'espère).
Au-delà de son simple physique, la gestuelle d'Axel a tendance à varier drastiquement suivant son humeur. D'ordinaire souriant et plutôt vif, il lui arrive de troquer ses gestes ouverts et sûrs d'eux contre une position statique et très nettement renfermée plus souvent qu'il ne le voudrait. La tension et le malaise ne se remarquent pas immédiatement, chez lui : c'est progressif. Dès lors qu'il s'en rend compte ou qu'on lui en fait la remarque, de toute façon, il se discipline aussitôt et retrouve ses sourires et son aisance habituelle. La joie forcée qu'il plaque sur son visage, c'est de la jolie contrefaçon. Difficile de reconnaître le vrai du faux. Pour le voir arquer le dos ou passer ses mains contre ses yeux, serrer ses bras contre ses côtes ou se tordre les mains, il faut être proche de lui. Et dans son idéal, pas qu'un peu.
Archétype du parfait aryen, le garçon a de souples cheveux blonds or qui retombent en mèche épaisse sur son front, courts sur la nuque, et de jolis yeux bleus ni froids ni foncés. Son nez est droit, ses lèvres fines sans être pincées, ses pommettes plutôt hautes. Sa peau bronze facilement et ne pâlit jamais trop ; ça a le mérite de camoufler un peu quand il rougit et de ne pas lui donner des airs de mort-vivant lorsqu'il est malade, ce qui lui convient parfaitement. La gentille coopération d'un appareil dentaire a permis a ses dents d'être parfaitement alignées et quoi que son lui du passé trouvait ça extrêmement moche et inutile, difficile de regretter ces brèves souffrances vu le résultat.
De ses sourcils à sa mâchoire, le visage d'Axel a quelque chose d'harmonieux, de plaisant. Tout s'accorde, tout se complète ; même sa voix, calme et tirant sur les graves, a un timbre agréable.
Mais là encore, lui-même dirait que tout ça manque de personnalité.
Et ce ne sont définitivement pas ses jeans, t-shirts, chemises et baskets qui vont le sauver.


Caractère


Pour une majorité, le trait dominant d'Axel reste sa gentillesse. Parce qu'il est respectueux, parce qu'il est sensible, parce qu'il tient à aider les autres autant que possible dans la mesure de ses capacités, il a des airs d'épaule parfaite sur laquelle venir pleurer ou s'appuyer quand ça ne va pas. C'est un bon ami ; de ceux que tout le monde aimerait avoir. On peut lui faire confiance, bien sûr. Il ne mentirait pas. Il ne répéterait pas un secret non plus. Il n'y a aucun jugement dans ses yeux et puisqu'il est ouvert d'esprit, il n'y a pas grand chose qui pourrait le faire s'éloigner de vous. C'est quelqu'un de moral, de droit.
C'est quelqu'un de bien.
Un type sympa. Un gosse souriant. Celui qu'on a jamais vu avoir d'arrière-pensée – ou alors juste pour des trucs drôles, sans importance, et ses blagues ne sont jamais méchantes. Le garçon qui sait rester poli et se taire quand il faut ; une bonne dose de bonne humeur et beaucoup de délicatesse. Jamais un mot de trop. Jamais triste. Rarement en colère.
Pas de défauts ou du moins, aucun qu'on ait le droit de voir.
Et c'est tellement attentionné de sa part, n'est-ce pas ?

D'être trop parfait au point où ça n'en a parfois plus rien de naturel.

Axel n'est pas quelqu'un de méchant, c'est un fait. Sensible et compréhensif, sociable et extraverti, il n'a jamais eu de mal à se faire des amis ; spontanément, il aura tendance à s'entendre avec tout le monde. Aller vers les autres ne le gêne pas, discuter ne le met pas mal à l'aise et parce qu'il est plutôt jovial et tempéré, il est aussi difficile à énerver – ce qui aide à la conversation dans bien des cas. Parce qu'il pense aux autres plus qu'à lui-même, il a appris à s'adapter pour mettre son interlocuteur à l'aise. Insister au mépris de ce que vous ressentez, ce n'est pas son genre. Il se dira jute qu'il a mal fait et réessaiera plus tard ou pas du tout. Il ne voudrait pas s'imposer non plus.
Se faire bien voir est important à ses yeux. Il fait beaucoup d'efforts pour ça. Ne pas avoir l'air hypocrite, ne pas mentir, ne pas critiquer plus que nécessaire, ne pas envoyer promener les gens sans raison... Il veut être quelqu'un sur qui on peut compter. A qui on fait confiance. Pas juste l'ami à qui on parle de temps en temps mais celui qu'on ira voir en cas de problèmes ; celui qui remonte le moral quand ça ne va pas. Il a besoin de se sentir utile. De savoir qu'il fait quelque chose de bien. Chez lui, ça passe par un altruisme presque trop poussé et un souhait réel et désintéressé de voir son entourage heureux.
Au point de s'oublier lui-même, bien sûr. C'est un peu le but.
Vif et très actif lorsque de bonne humeur, Axel est aussi un charmant bout-en-train. Il aime rire et faire rire, bouger, sortir, s'amuser. Plutôt extérieur qu'intérieur, il déteste rester seul trop longtemps de toute façon ; lire pendant des heures, très peu pour lui. Il a besoin de contact. De se dépenser. Quitte à rester assis devant un café toute l'après-midi  à parler de la pluie et du beau temps, c'est toujours mieux que d'en boire un seul devant la télé.
Sauf s'il va mal, évidemment. Tout le monde a besoin de s'isoler de temps en temps.
Peu enclin à parler de lui, le jeune homme évite les conversations le concernant avec l'agilité d'un gymnaste. Il déteste expliquer ce qu'il ressent, déteste s'entendre se plaindre, déteste exprimer avec des mots ce qu'il trouve déjà très clair ou évoquer son passé de manière générale. Dire qu'il est content ou qu'il a joué à tel jeu, d'accord ; ça ne le dérange pas. Qu'on laisse traîner un « ça va ? » avec trop d'insistance, en revanche, le crispera de haut en bas. C'est lui qui s'inquiète pour les autres. Pas l'inverse.
Il aurait bien besoin d'aide, pourtant. Plus souvent qu'il aimerait l'admettre. Parce qu'il est fragile, trop prône à se blâmer pour tout et n'importe quoi ; parce qu'il n'a pas assez confiance en lui et s'écroule au moindre faux pas. Axel a beau avoir l'air solide et insouciant, c'est bien le dernier des mensonges à son sujet. Il s'inquiète. Il a peur. Il se cache. Il s'enfuit. Il est désolé. Il a mal. Il ne sait pas gérer ses sentiments et en vouloir aux autres le met en colère et être en colère contre les autres le fait se détester lui – et ce même s'il avait raison d'être énervé en premier lieu. Il ment pour ne pas mentir et s'efforce d'aller bien.

Parfois, ça marche. Parfois pas tant que ça.

Mais il est gentil et tout le monde l'aime et c'est suffisant alors tant pis ; il fait avec.


Histoire


$fear = CEASE
$screams = CEASE

oh child



▬ 13 Septembre 1999

« C'est bizarre, comme nom ! »

Axel n'avait pas peur ; jamais. Ou rarement, en tout cas. Il grognait sur ses genoux écorchés, souvent, et il lui arrivait de pleurer parce qu'il s'était fait mal, bien sûr, mais jamais encore il n'était parti en courant. C'était tellement naturel et évident qu'en fait, il n'aurait même pas eu l'idée d'en être fier. C'était juste là.
Il n'était pas courageux comme Maude ou comme Alexandre. Il se plaignait plus qu'eux et n'allait pas au-devant des dangers – sauter de super haut ou grimper sur des branches fragiles, très peu pour lui. Ce n'était pas lui le super-héros, le justicier, le meilleur, celui qui fait pousser des cris d'admiration aux autres et se fiche bien de revenir avec des plâtres partout. Il faisait attention.
Quoi que ça ne se voyait pas bien quand il marchait avec l'assurance d'un lion dans une basse-cour, Axel connaissait ses limites mieux que beaucoup des enfants de son âge.
Il n'avait jamais peur, non.
Il savait quand il aurait dû être effrayé et se débrouillait étonnamment bien pour ne pas se mettre dans ces situations-là.

Alors quand quelqu'un en face de lui reculait et tentait de se fondre dans les murs, de disparaître entre les craquelures de la cour de récréation, il ne comprenait pas.

« Ah ? »

Critique et observateur, Axel ne quitta pas un instant le petit garçon du regard.
Ses mains ne se tordaient pas. Elles se crispaient juste bizarrement près des bords de son gros pull. Ses yeux n'évitaient pas les siens, non plus.
Comme une statue de pierre toute ébréchée mais qui tenait toujours droit.

Il était un peu comme Maude, je crois.

« Ouais ! Mais j'aime bien tes yeux. »

Un grand sourire aux lèvres, le petit blond appuya ses index au coin des siens.

« Ils sont plus foncés que les miens, c'est cool. T'as les cheveux marrons alors ça fait drôle. »

Les lèvres du plus jeune s'étirèrent comme un vieux mécanisme rouillé.
Qu'il puisse l'intimider ne lui était pas passé par la tête. Il voyait bien qu'il n'était pas trop à l'aise, presque sur la défensive, mais de là à penser que ça pouvait être sa faute ? Nooon. Non. Ce n'était pas comme s'il était effrayant ; et puis il l'aimait bien. Il imaginait mal que ça puisse ne pas se voir. Qu'on puisse l'interpréter autrement.
Effrayant, impressionnant. Envahissant.

Indésirable.

« Ça s'écrit comment ?

-Euh... D E A N ? »

L'enfant hocha la tête, poings sur les hanches.

« Trop bizarre, conclut-il simplement. Moi c'est Axel ! A X E L. Mon frère c'est Alex, faut pas se tromper ! Attention hein. »

Main droite tendue devant lui, il serra vivement celle un peu tremblante que le petit garçon finit par glisser contre la sienne.
Les petits spasmes de ses muscles, aussitôt, prirent tout leur sens.
Elle était froide. Glaciale, même.
Les frissons remontèrent de leurs paumes jointes jusqu'à son épaule et le long de sa nuque ; tout à son enthousiasme, il éclata de rire.
Et, le plus naturellement du monde, vint serrer fort la deuxième contre ses doigts un peu abîmés.

« T'as froid ! »

Dean resta le regarder sans rien dire : trop préoccupé par la glaciation imminente de son camarade, Axel ne s'en formalisa pas. Parfaitement protégé sous son manteau et ses pulls bien épais, il tenait plus du radiateur que de la statue de glace. Ses paumes étaient chaudes, presque moites, et entouraient celle du petit glaçon avec la douceur rassurante et familière d'une couverture en laine.
Quand leurs yeux bleus se croisèrent de nouveau, un joli rire s'échappa d'entre des lèvres gercées.

« T'as chaud. »

Contaminé par sa propre joie de vivre, le grand blond agita énergiquement leurs mains pour mieux lui expliquer à quel point c'était pratique d'être son ami en hiver. Maude le lui avait déjà dit plusieurs fois et vraiment, on ne pouvait pas douter de ce qu'elle disait ; elle était super intelligente, en plus d'être forte et cool – il aurait pu compter les fois où elle avait eu tort sur ses dix doigts. C'était la meilleure fille qu'il connaisse au monde (même si c'était quand même une fille, donc elle restait un peu bizarre).
Main piégée entre les siennes, attentif et gêné, le garçon n'avait plus l'air d'avoir tellement peur.

Et on reprochait au soleil de briller.
J'ai jamais forcé personne à m'aimer.




Personne. Ni à gauche, ni à droite. Pas un bruit non plus.


Je peux faire confiance à personne.





▬ 19 Février 2000

« Ça y est ?

-Non, tu attends encore un peu.

-Et là ça y est ?

-Non ! Ça fait une seconde que – bon sang, on se gare, vous attendez qu'on soit garés. Vous pouvez tenir le temps qu'on arrête la voiture, ou vous risquez de mourir d'ennui pendant ces terrrrribles dix secondes ? »

Le râle impatient du petit garçon répondit parfaitement à la question.
Sa mort cérébrale était imminente, clairement.
Maude, qui avait toujours eu l'esprit le plus pratique des deux, cessa de trépigner sur son siège pour plutôt se mettre à citer bien fort tous les chiffres jusqu'à dix. Habitués à la demoiselle autant qu'à leur propre fils, les Merec'h préférèrent prendre le compte à rebours comme un défi à relever que comme de l’insolence ; ça restait gentil, comparé à ce qu'elle pouvait sortir par moments. Ils n'hésitaient pas à la rappeler à l'ordre quand elle dépassait les limites mais n'avaient aucune envie de lui faire la guerre non plus.
C'était le rôle de ses parents, pas le leur.

« DIIIX DIX DIX. DIX.

-Voilààà, du calme. Stop. Maude, tais-toi, souffla le conducteur en retirant la clef du contact. Vous pouvez descendre. »

La léthargie plaintive dans laquelle s'était plongé Axel s'envola en même temps que le bruit du moteur ; à peine Maude eut-elle hurlé un « à l'abordaaage ! » conquérant qu'il avait déjà  détaché sa ceinture et sauté sur la route.
Le claquement sec et satisfaisant de ses semelles contre le ciment lui tira un grand sourire que même le froid de février ne parvint pas à lui voler. Les espaces clos ne lui avaient jamais autant plu que les extérieurs sans limites, les endroits où il pouvait courir, tendre les bras, faire du bruit : les longs trajets en voiture étaient pour lui une torture sans nom. Avec la patience de ses sept ans, dix mètres étaient déjà une épreuve difficile à surmonter.
Tant pour lui que les nerfs de ses pauvres parents, soit dit en passant.

« Allez Axel ! Dépêche toi, je veux qu'on arrive en premier ! Vite vite viiiite ! »

Docile, l'enfant claqua la portière et longea prudemment la voiture jusqu'à retrouver la sécurité du trottoir et la main tendue de son amie. Il la saisit sans hésiter pour mieux se faire traîner jusqu'à la porte d'entrée de la petite maison – qui, faute d'un bon architecte, ressemblait quand même beaucoup à celle de Maude. La sienne était un tout petit peu plus différente, sûrement parce qu'il habitait un tout petit plus loin aussi.
Jusque là, ça ne l'avait jamais dérangé. Maude habitait aussi loin de chez lui qu'il habitait loin de chez elle ; dix minutes à pied, peut-être moins.
Ils pouvaient se voir quand ils voulaient. C'était l'important.

« Ehrrr. C'est trop haut. Porte moi ! »

La mine moqueuse, il se baissa pour la faire monter sur son dos.

« On dit s'il te plaît quand on est poli.

-S'il-te-plaît-porte-moi. Je veux sonner, sois mon héros !

-Un chevalier, pas un héros. Je veux une armure, je porte pas des collants, geignit-il.

-C'est. Pareil. Axel. »

Pas du tout, songea-t-il en serrant les petites jambes de sa meilleure amie contre ses côtes. Mais c'était une fille, il ne pouvait pas trop lui en demander en matière de châteaux forts et de super-héros. Elle ne pouvait pas comprendre ces trucs-là.
C'était dans ses gènes de fille de préférer les princesses. Ou quelque chose comme ça.
Une fois hissée au-dessus du sol, la fillette tendit le bras et appuya résolument sur le bouton jusqu'à ce qu'une voix derrière eux ne leur ordonne d'arrêter avant de rendre tout le monde sourd – si ce n'était pas déjà fait.
Axel ne voulait définitivement pas que son ami devienne sourd ; et aussi redoutable et insensible soit Maude, la menace fut apparemment suffisante pour la faire douter et reposer les pieds par terre. Elle ne voulait pas trop empêcher des gens sympas d'entendre sa si jolie voix de sirène.
Ça aurait été terrible, il était complètement d'accord. Même s'il chantait mieux qu'elle.

Ce à quoi elle n'acquiescerait jamais de la vie, mais ça ne l'empêchait pas de le lui faire remarquer quand même.

« Booooonjour – qui a défoncé la sonnette façon Godzilla ?

-Moi madame ! Mais on m'a dit d'arrêter parce que vous allez être sourds ! »

Les yeux bleus d'Axel passèrent rapidement de Maude, qui semblait comme d'habitude beaucoup trop fière de se dénoncer, à la jeune femme qui venait d'ouvrir la porte d'entrée.
Il n'avait pas encore trop eu l'occasion de parler à madame Delhier, mais à chaque fois qu'il l'avait vue elle avait les cheveux attachés à la va-vite et la même veste en jean ; constater qu'elle pouvait se faire une autre coiffure et porter d'autres vêtements le choqua presque. Ses cheveux libres lui donnaient l'air plus jeune. Son haut noir aussi. Ça faisait moins maman, plus femme – ce qui se résumait pour le petit garçon à avoir l'air d'être une sœur plus qu'autre chose, là où il ne lui aurait pas donné plus de vingt ans.
Sa maman à lui en avait plus de trente et il s'imaginait mal qu'elle ait eu cette tête-là un jour.

« M'appelle pas madame ! s'exclama-t-elle en riant, un sourire crispé aux lèvres.  Manon c'est bien, on a dit.  Mais rentrez, rentrez, Dean est à l'intérieur. Timide et tout. Caché dans un coin. Sûrement. On va le trouver. »

Soudain admiratif et impressionné, Axel décida que Manon était jolie.

« On ne voudrait pas déranger, on est juste passé déposer les enfants...

-Non non, j'insiste ! Enfin, sauf si vous avez à faire, je voudrais pas... Imposer, ou quoi que ce soit.

-Oh, non – on a le temps pour un café, j'imagine ? lança la trentenaire en questionnant son époux du regard. Notre aîné est chez un ami, donc...

-Va pour un café, alors ? Ou un thé ? Je dois avoir les deux ! J'ai du café, continua-t-elle en en s'écartant de la porte pour laisser rentrer tout le monde, ça c'est sûr. Si j'ai pas de café j'ai rien dans cette maison. »

Bien obligé de détacher son regard de la jeune femme, l'enfant fit quelques pas dans la petite maison avant de stopper net. Les adultes étaient restés un peu en arrière ; sans vraiment s'en rendre compte, il se tourna pour leur jeter un coup d’œil interrogateur.
Maude, debout à sa droite, lui fit la grimace.

« Je vais préparer le café, voir si j'ai autre chose... » Sourire aux lèvres, Manon posa les yeux sur Axel et pointa du doigt les escaliers au bout du couloir. « Dean doit être par là ! Me le terrorisez pas trop, hein, petits monstres. »

Le clin d’œil de la demoiselle le laissa bête et immobile un moment après qu'elle ait disparu dans la cuisine avec ses parents ; et s'il ne se rendit pas compte qu'il fixait le vide comme un idiot, ça ne passa pas inaperçu pour tout le monde.
Cette fille-là aurait sûrement su différencier un super-héros d'un chevalier.  Il en était à peu près certain.

La seconde qui suivit cette révélation sans précédent, Maude lui écrasa si violemment le pied qu'il crut qu'elle lui avait carrément coupé les orteils en deux.

Et ce n'était pas même pas exagérer, parce qu'il était sûr qu'elle en aurait été capable.

« Mauuude ! T'es folle ou quoi ?! »

A peine eut-il le temps de se tourner vers la fautive qu'elle avait filé en courant dans les escaliers ; bien décidé à se venger, il la suivit au petit trot. Elle avait tapé si fort que la douleur diffuse dans sa jambe l'empêchait d'accélérer comme il le voulait. Pas moyen de courir. C'était quand même grave et, dents serrées, il se répéta en silence à quel point elle avait de la chance qu'il soit un ami si cool et si gentil, qui n'irait pas la dénoncer, ne la taperait pas, ne lui tirerait pas les cheveux en lui criant de s'excuser. Il était vraiment trop parfait et la moitié du temps, elle ne le méritait carrément pas.
Comme l'autre moitié du temps c'était l'inverse, il faisait avec.
Clopin-clopant, il parvint à grimper les marches sans se laisser trop distancer. S'il n'y avait pas eu ces fichus orteils, il aurait sûrement été capable de la dépasser avant qu'elle ait pu trouver la chambre de Dean – ce qui lui fit penser que c'était sans doute pour ça qu'elle l'avait agressé, d'ailleurs. Pour être la première des premiers à arriver. Elle était comme ça, souvent.  Compétitive. Pas très délicate. Du tout. Jamais.
C'était bien son genre de le taper juste pour gagner quelque chose, alors il ne se posa pas plus de questions que ça.
Même pas quand il atteint la porte laissée ouverte juste à temps pour la voir se jeter sur Dean en hurlant.

« JOYEUX ANNIVERSAAAAIRE ! »

C'était bizarre. Elle n'aimait pas beaucoup les câlins, d'habitude, quoi qu'elle lui grimpait volontiers dessus et venait l'agripper quand elle était triste.
Comme ça n'arrivait jamais, il avait tendance à l'oublier.
Maude n'aimait pas beaucoup pleurer non plus.

« Euh... Merci. Salut, Axel. »

Debout sur le seuil, il répondit au regard gêné de son ami par une moue boudeuse.
Habiter plus loin de chez Maude qu'elle n'habitait loin de chez Dean lui parut soudain bien plus terrible. Il ne voulait pas être le deuxième pour qui que ce soit. Il était le meilleur ami des deux, non ? Il tenait la main de l'un, et tenait la main de l'autre, mais eux ne se touchaient pas vraiment. Il préférait ça comme ça. C'était bien, comme ça.
Qu'ils puissent mieux s'entendre entre eux qu'avec lui n'avait jamais effleuré son esprit depuis qu'il les avait présentés.

Maintenant ça faisait mal et il ne voulait plus y penser.

« J'espère que je suis la première à te l'avoir dit ! Je suis la première, hein ? »

Songeur, Dean haussa les épaules avant de finalement faire non de la tête.

« Ma maman l'a dit avant. Et toi, maintenant.

-Uuuuh ! J'aurais dû venir à minuit ! »

Presque satisfait d'entendre son amie grogner, Axel rentra dans la pièce et vint se laisser tomber sur le petit lit. Les couvertures n'étaient pas très épaisses et il ne put s'empêcher de repenser aux lèvres bleuies du garçon.
Sa maman prenait quand même bien soin de lui, oui ?

« Pour qui elle se prend ta maman ! Me voler ma place ! A moi !

-Pour... Pour ma maman.

-Pff !

-Elle a l'air gentille. Pas comme d'AUTRES. »

Sa remarque fit pivoter Maude sur ses talons ; trop conscient de ce qu'elle était capable de faire avec ses petites chaussures, il croisa instinctivement les jambes sur le matelas. Son visage était toujours crispé, ses sourcils toujours froncés. Il n'avait pas l'air d'avoir peur et ne se sentait pas franchement effrayé non plus.
Mais ça, c'était grâce à ce tout petit mouvement de recul. S'éloigner de la menace l'empêchait de ressentir vraiment la crainte qui avait pourtant animé ses jambes. Elle n'existait qu'un quart de seconde et lui ne s'en rendait pas compte.
La fillette, finalement, leva les yeux au ciel et lui tira la langue.

« Et elle est belle, pas comme d'aaaautres blablabla.

-C'est pas dur d'être moins moche que toi, hein. »

Les éclairs noirs de colère, il s'y attendait. Évidemment que ça allait la fâcher.
Mais l'indifférence qui suivit ?
Elle le blessa presque autant que le sourire qui ne lui était pas adressé.

« T'as invité d'autres gens ?

-Non. Je crois pas.

-Comment ça tu crois pas ! C'est ton anniversaire, tu devrais savoir ! »

De nouveau, l'invité d'honneur haussa les épaules.
Dos contre la couette, Axel se fit glisser jusqu'à ce que ses cheveux viennent frôler la tapisserie délavée qui recouvrait chacun des murs.
Ça ne le concernait pas. Ça ne l'intéressait pas. Il n'imaginait pas le garçon avoir fait passer plein de petits cartons colorés, de toute façon ; ils avaient déjà quasiment dû s'inviter eux-même, alors d'autres personnes ? Et puis quoi encore. Pourquoi pas demander où se cachaient le clown et les poneys, tant qu'elle y était.

« J'ai pas invité d'autres gens, explicita l'enfant en jetant un coup d’œil à son ami. Mais maman l'a peut-être fait. »

Ah. Les battements de cils confus, la tension.
Qu'est-ce qu'on a fait de mal ?
Après un soupir ennuyé, Maude grimaça et clôt la conversation sur un « on verra » sentencieux. L'instant d'après, sans plus de gêne que de retenue, elle sautillait entre les étagères et les quelques meubles en bois. Regarder avec les mains était un peu sa spécialité. C'était impoli, elle était tout sauf la meilleure des invitées, mais les garçons ne dirent rien. Les raisons différaient mais le résultat lui ne changeait pas.
Redressé sur les genoux et bien décidé à ne pas laisser sa jalousie gâcher la fête, Axel vint s'appuyer nonchalamment sur l'épaule de son ami.

« Tu dois connaître d'autres gens, quand même ! Même si moi c'est suffisant, hein. »

Largement.

« Pas... Pas vraiment, non.

-Hmmmm. Tu nous présenteras à tous tes amis secrets un jouuur, chantonna-t-il ; et, sentant le garçon se crisper de plus belle, il s'assit à ses côtés. Tu t'y connais en chevaliers ? »

Passer du coq à l'âne était bien pratique. Il plaidait coupable.
Quoi qu'il en soit, un signe négatif de la tête le fit sourire avec enthousiasme.

« Ils sont trooop forts et trop génial et ils se battent contre les dragons et les... Les méchants ! simplifia-t-il en accentuant ses paroles de gestes dramatiques. Ils sauvent les princesses aussi des fois, quand elles sont sympas. Ils font régner la justice tu sais, juste, pas en collants, et ils sont plus cool que Spiderman. »

Il avait surtout un problème avec les collants, vraiment. Que son frère lui avait peut-être inculqué par accident. Peut-être.

« Donc tu peux en être un avec moi. On protège les gens, on fait régner la justice, on est trop cool ! Tadam ! »

C'était simpliste. Puéril, évidemment – Axel avait beau ne pas être stupide, il réfléchissait rarement plus loin que ses sept ans. A ses yeux, défendre la veuve et l'orphelin était une bonne chose et pourfendre les monstres l'était tout autant. L'un allait rarement sans l'autre, d'ailleurs, alors c'était on ne peut plus logique. Protéger Maude des dangers était sa mission numéro un top priorité et il comptait la mener à bien quoi qu'il en coûte. Qu'elle n'ait pas besoin de lui pour s'en sortir importait peu.
Dean, au contraire, lui paraissait presque trop fragile pour porter un bouclier : il l'aurait plutôt vu en valeureux allié, en valet... Quelque chose du style. Mais il était gentil. Ça ne l'avait donc pas empêché de proposer l'armure et l'épée à son nouveau meilleur ami.
Ça ne l'avait pas empêché d'être soulagé de l'entendre bafouiller un refus poli.

Il souriait trop fort.

« Tu veux être quoi alors ? Un archeeeer, un prince, un loup-garou...

-Heeer je veux être ça moi ! Une princesse-sorcière-loup-garou ! »

Et aah, c'était bien comme ça.
Son sourire qui en tirait un semblable à Dean, le rire qui s'échappait d'entre ses lèvres parce qu'il lui donnait des coups de coude et l'embêtait – Maude qui, jalouse, venait s'étaler sur eux pour quémander un peu d'attention. Qu'il lui donnait, évidemment.

C'était bien, bien, bien.

… C'était vraiment bien.



▬ 27 Septembre 2000

« Her ! C'est pas Dean, là-bas ? »

Axel, conscient de ses priorités, s'affaira d'abord à coincer une mèche rebelle sous son bonnet ; ensuite, et ensuite seulement, il accepta de tourner la tête dans la direction que lui indiquait sa meilleure amie. Très vague, d'ailleurs – merci pour le mouvement de bras dans tous les sens. Meilleure copilote de l'univers.
Après un soupir franchement mérité, le garçon scanna rapidement la foule des yeux. Le mercredi midi, il y avait toujours tellement de monde près du portail que c'était à se demander comment qui que ce soit retrouvait sa progéniture ; les parents discutaient entre eux, les enfants aussi, les professeurs surveillaient les sorties d'un œil distrait – soit-disant pour éviter un accident malheureux, et tout ce beau monde restait entassé là dix minutes au moins avant de se décider à partir. Le paradis.
Mourir de faim et devenir sourd étaient des passe-temps comme d'autres, hein. Il ne jugeait pas.

« Où ça ?

-Euhmmm... Je le vois plus, zut. »

Sourcils froncés, le petit garçon attrapa le bras de son amie et la tira un peu à l'écart. Tout ce remue-ménage était d'autant plus énervant qu'il n'y était pas habitué ; à l'heure de pointe, il ne restait jamais longtemps dans les parages. Les externes avaient l'autorisation de partir sitôt la fin des cours annoncée et bien sûr, Axel comme Maude n'étaient pas du genre à attendre dix ans avant de s'enfuir de trottoir en trottoir. C'était tout juste s'il ne fallait pas les tirer par le sac-à-dos pour leur éviter de se prendre une voiture, alors évidemment.
Dean, par contre, c'était une autre histoire.
Enfin, non – techniquement, il était externe. Et techniquement, il rentrait aussi à pieds. Maintenant, dans les faits, il était toujours accompagné de sa mère ; et ça, aux yeux des inséparables, c'était plutôt équivalent à revenir en voiture sans la voiture. Pas à rentrer chez soi tout seul comme un grand.
Les rares fois où ils l'avaient vu faire le chemin sans elle, en fait, c'était parce qu'ils l'accompagnaient. Et restaient chez lui ensuite. On ne les laissait pas toujours repartir de chez les Delhier sans escorte, eux non plus.

Malgré son attitude pas très maternelle, Manon avait l'air du genre inquiète. Étonnamment.

Pour Maude, à peine gérée par ses parents, le concept semblait alien. Axel de son côté connaissait les craintes et les contraintes à travers son grand-frère plus qu'autre chose ; avoir vu l'aîné survivre à toutes ses bêtises avaient dû convaincre papa et maman que les enfants n'étaient pas des morceaux de sucre livrés à un monde cauchemardesque. Et rien à redire, il était parfaitement d'accord là-dessus.
Quelques chutes et un peu de liberté ne le tueraient définitivement pas.

« Ah ! Là ! »

Regard rivé sur la ligne imaginaire qui partait du doigt de la demoiselle, Axel cligna bêtement des yeux. Au bout de la rue, un sac bleu sur le dos et les cheveux un peu en bataille avec un jean trop grand et pas de manteau, c'était forcément Dean. Il restait facilement reconnaissable pour quelque raison que ce soit.
… Mais à côté, c'était qui ?





Tempe appuyée contre la cloison glaciale, Axel ferma les yeux.



Tu as tout raté et maintenant tu vas mourir.



Tu vas mourir et ce sera bien fait.



Ce sera mérité. Beaucoup mieux pour tout le monde.



Tap. Tap.



… Ne pas paniquer. Ne pas s'affoler.

Oh, mon Dieu.

Le souffle bloqué derrière ses dents se mua en rire hystérique.

Je vais mourir.



▬ 05 Octobre 2000



« Passe, passe ! »

La tête dans les nuages, Axel envoya gracieusement le ballon dans les pieds de la petite blonde. Un remerciement énergique plus tard, elle tentait d'aller marquer entre deux poteaux à l'autre bout de la cour ; vu l'effort que mettait son adversaire à l'en empêcher, ça promettait de ne pas être trop difficile.

« ALLEZ DEAN ALLEZ ! BATS TOI ! »

En réponse à ses encouragements, le brun lui adressa la plus belle grimace de l'histoire du sport.

Il en sourit jusqu'aux oreilles.

« ATTENTI – ! »

Inquiets, les yeux d'Axel revinrent en ligne droite vers la source du cri. Dean haussait rarement le ton, surtout quand Maude était juste à côté pour le faire à sa place ; la dernière fois qu'il l'avait entendu hurler, leur amie venait de lui voler un bracelet auquel il tenait beaucoup et menaçait de le jeter dans le lavoir. Ce qui était très, très intelligent, d'accord. Mais c'était Maude. Handicapée de l'affection une fois sur deux. Venant d'elle, ça n'avait rien d'étonnant.
Déjà ennuyé à l'idée de devoir gérer une dispute, l'enfant trottina jusqu'au préau. Elle avait dû coincer la balle sur le toit, ou sur une poutre, ou il ne savait trop quoi. Peut-être même qu'elle l'avait fait exprès – entre crever le ballon et perdre, par moments, il se demandait ce qu'elle aurait préféré.
Malheureusement, rien n'était coincé en hauteur.
Arrivé près de Dean, il laissa son regard remonter du pied qui maintenait la balle immobile jusqu'à de grands yeux bruns remplis d'éclairs.

Soupir au bord des lèvres, il frotta son pouce contre ses phalanges.

« Oh allez ! J'ai pas fait exprès, grogna Maude en plissant le nez, clairement tout sauf de bonne humeur. Rends-le-moi.

-... Non. »

De surprise, Axel crut s'étouffer sur sa salive.

« Je veux des excuses, d'abord. »

S'il avait apprécié le suicidaire, il l'aurait tout de suite prévenu qu'il jouait sa vie sur ce coup-là. Elle ne s'excuserait pas, elle allait même s'énerver, et elle finirait par obtenir ce qu'elle voulait d'une manière ou d'une autre de toute façon ; quitte à le frapper, elle ne repartirait pas les mains vides. C'était un combat perdu d'avance.
Au lieu de ça, il resta aussi silencieux que son meilleur ami.

« Euh, répète ? Tu veux quoi ? »

Poings sur les hanches, la petite fille le fusilla du regard à son tour.
Ça allait mal finir. Évidemment. Après, il n'était pas trop sûr d'à quel point on pouvait rester brave et courageux face à Maude – s'il abdiquait, elle laisserait peut-être tomber. Avec un peu de chance.
Et qu'est-ce qui avait pu se passer de grave en cinq secondes, sérieusement ?
Yeux rivés sur le voleur de ballon, il ne commença à comprendre qu'en voyant une petite main venir serrer la manche de son manteau.

Ah. Il y avait quelqu'un d'autre.

« Laisse. C'est pas grave. »

Quelqu'un de sensé, remarqua-t-il en se penchant pour mieux voir son visage. Comme il le cachait derrière les doigts qui ne tentaient pas de tirer son ami en arrière, ce fut peine perdue ; il put au moins en déduire que le ballon lui avait probablement atterri dans la figure.
Dean comme Maude tapant assez fort, ça avait dû faire mal.
Pas qu'il compte compatir. Mais quand même.

« … Je veux des excuses, répéta-t-il lentement. Tu lui as fait mal. Excuse toi.

-Non.

-Dans ce cas je garde le ballon.

-Sûrement pas ! Tu le rends !

-Demande pardon. Et je verrai » grommela-t-il en se baissant pour mieux serrer l'otage contre sa taille.

Maude avait au visage un air halluciné que son confident lui connaissait mal. On aurait dit que sa mère venait de la punir sans flancher ni accepter aucune condition de sa part – ce qu'elle avait fini par plus ou moins accepter venant de leur maître, mais ça s'arrêtait là. Elle était bouche-bée. Dean avait dû mourir à un moment donné pendant l'échange, parce qu'il ne donnait plus beaucoup signe de vie ; Axel, calme et détaché, fixait l'objet de tous les désirs entre ahurissement et incompréhension.
Les deux autres se contentaient d'attendre.
Chacun laissa le silence s'étirer comme un élastique prêt à claquer, doigts serrés autour du fil, dans l'expectative. Et ça n'aurait pas dû lui faire peur, vraiment : peu importe le jeu, ils gagnaient toujours.

Mais le regard du petit brun était si dur, face à celui de Maude, qu'il aurait été incapable de dire qui risquait de s'y faire mal.

Hésitant, le blessé finit par tenter un pas. Juste de quoi se mettre à côté de l'autre garçon ; pas plus.

« Ils le feront pas, soupira-t-il entre ses dents. S'il te plaît. Ça va. »

Accroché au bras de son ami, il décolla sa main de son visage et lui offrit un pauvre sourire. Il ne saignait pas, à l'évidence, mais sa peau claire était rouge et abîmée. Suffisamment pour que ça inquiète un adulte s'il venait à passer dans le coin.
Ses yeux verts brillaient tellement qu'il s'étonna de ne pas le voir fondre en larmes.

« Alix... »

Bras croisés, Axel suivit du regard celui qui promettait une mort lente et douloureuse à sa meilleure amie. Et il aurait aimé exagérer.
Leur façon de se fixer presque sans cligner des yeux le mettait vraiment, vraiment mal à l'aise.

« C'est bon, on est dééééésolés, lâcha-t-il en passant son bras autour des épaules de Dean, qui en fut quitte pour un sursaut. Maintenant c'est bon, psht. »

Personne ne l'était, désolé, et tous le savaient très bien : c'était plus une question d'acheter la paix sociale qu'autre chose. Laisser Maude tirer les cheveux d'une idiote ou insulter un tricheur de tous les noms, ça ne lui posait aucun problème de conscience. Aucun. La laisser se faire mal, c'était autre chose.
Or il était à peu près sûr qu'elle n'était pas en train de s'amuser, là, et ses nerfs n'avaient pas besoin d'être maltraités plus qu'ils ne l'avaient déjà été. Ça n'en valait juste pas la peine.

La mort dans l'âme, l'enfant jeta le ballon dans les mains de Dean.

« Merci beaucoup. »

Si c'était dirigé à quelqu'un en particulier, Axel n'en fit pas grand cas.
Pas avant de sentir un violent frisson parcourir les épaules de son meilleur ami, du moins.
Ç’avait été craché comme une insulte et il l'avait reçu comme une claque.
Mais on a rien fait de mal, hein ?
Agrippé à Dean façon bouée de sauvetage, le petit garçon entreprit de grogner contre les trouble-fête sans faire attention au reste. Il le sentait blessé, et il ne voyait vraiment pas pourquoi il fallait qu'il le soit – il n'avait rien fait du tout, ce type était juste débile et méchant ; qu'il se sente triste pour une bêtise pareille était bien la dernière chose dont il ait envie. Ne sachant trop comment agir dans ces cas-là, il se retrouva à le consoler comme il consolait Maude quand ses petits poings tremblaient trop fort. Accroché à ses bras, à faire l'idiot en repoussant toute la faute sur l'autre moitié du problème.

« Tout ça pour un ballon... On a même pas fait exprès » geignit Axel en nouant ses bras autour de son cou.

Ses yeux bleus, un instant, s'arrêtèrent sur ceux de Maude.
Plus fâchée qu'il ne l'aurait cru possible.
L'instant d'après, elle avait arraché la balle des mains de son ami – et, avant que l'un ou l'autre ait pu protester ou la lui reprendre, elle avait tendu le bras.

Ce fut le bruit des lunettes tombant au sol, curieusement, qui lui resta le mieux.

Pas le cuir lorsqu'il heurta les cheveux bruns, ni l'exclamation paniquée du garçon aux yeux verts ; juste le cling métallique de la monture contre le ciment.

« Oups ! Pardoooon j'ai pas fait exprès ! »

Son rire avait sonné si fort, si faux, si mauvais. Il aurait dû le crisper, l'énerver, le pousser à la secouer – parce que c'était juste la colère, hein ? Elle n'était pas si méchante, d'habitude. Elle avait ses bons côtés comme ses mauvais. Lui aussi.

Mais elle avait rit, longtemps encore après que les lunettes aient été ramassées et que les deux enfants soient partis sans rien dire.

Et lui aussi.


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Axel Merec'h
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Axel Merec'h

En bref

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Histoire



Pourquoi on a qu'une seule vie ?

La main qui lui broyait l'épaule, lorsqu'il se retourna, glissa en pistolet contre son cœur.

« Pan. »

Son souffle s'enraya dans sa poitrine et bloqua tout le reste.

Pouce, c'est pas juste, t'as triché t'as triché –

Pitié, qu'on le tue et que ce soit enfin fini.




▬ 12 Janvier 2004

« On lui manque vachement.

-Grave. »

Affalé sur un banc, la tête de Maude contre ses genoux, Axel fit la moue.
Il aimait le collège ; c'était sympa. Savoir Dean tout seul de son côté l'était moins. Pas qu'il doute des compétences super puissantes de son meilleur ami pour prendre le contrôle du primaire et devenir l'ami numéro un que tout le monde rêvait d'avoir, mais il n'était quand même pas rassuré.
Par aucune des deux possibilités.
Le garçon n'avait jamais eu l'occasion de souffrir de la solitude : ses parents faisaient attention à lui, son frère irradiait de coolitude, Maude égayait ses journées depuis, quoi – toute sa vie ? Et Dean, maintenant, lui donnait de son temps aussi. Où qu'il soit, il y avait toujours quelqu'un pour le secouer et l'emmener se changer les idées. Il n'imaginait pas la vie autrement. S'il avait dû passer ne serait-ce qu'une semaine sans ce joyeux remue-ménage, il se serait ennuyé à mourir.
Alors un an ?
Bras coincés derrière le dossier du banc, le collégien leva les yeux vers un ciel tapissé de nuages gris.

« On lui manque tellement qu'il est en retard.

-C'est pas nouveau, ça. »

Peut-être. Mais il aurait pu faire un effort quand même.
De dépit, Axel reporta son attention sur la squatteuse de genoux. Ça faisait bien dix minutes qu'elle mâchait non-stop ; depuis le temps, son chewing-gum ne devait plus avoir beaucoup de goût. Ou de texture. Lui avait tendance à finir les boîtes en trois minutes top chrono, alors ça faisait toujours bizarre de la voir ramener les siennes plusieurs jours d'affilée – et il l'aurait bien aidée à les vider plus vite, si leurs goûts n'avaient pas autant différé. Tristes aléas de la vie.
Cela dit, au moins, faire la vache en tapant des pieds contre le bois l'occupait bien. A en juger par son silence appréciateur, en tout cas, ça avait l'air d'aller. C'était déjà ça.
Il avait dû l'enrouler dans son manteau pour qu'elle arrête de hurler à la mort contre le froid, mais depuis elle se tenait tranquille. Un vrai petit ange.

« Hmm ? »

Comme il la fixait sans rien dire, Maude tira la langue ; et, puisqu'il ne disait toujours rien, elle saisit le bonbon mâché entre ses doigts. Apparemment trop dans la lune pour remarquer son sourire espiègle, il ne réagit pas avant que son pouce ait écrasé un truc collant contre sa joue.

Large sourire aux lèvres, elle lui envoya un clin d’œil exagérément lent.

« … T'es dégoûtante, lâcha-t-il platement.

-Je suis dégoûtante. »

Noble et détaché, Axel décolla le chewing-gum de sa peau. Bon, maintenant, la poubelle la plus proche était à l'autre bout du monde ; hors de question de se lever ou de le jeter au hasard, et s'il le fichait sous le banc le surveillant risquait de demander sa décapitation en place publique. Qu'il soit devant l'école et pas dedans n'aurait rien changé, non non. Il l'aurait poursuivi jusqu'au Mexique pour le punir d'avoir jeté ses papiers par terre.
Le jeune homme ne l'aimait pas beaucoup.
Après mûre réflexion, il décida donc de le coincer entre ses dents.

Sa meilleure amie en fut quitte pour une grimace horrifiée – mais franchement, c'était bien fait.

« T'es. Dégoûtant.

-Je suis dégoûtant » répondit-il avec un sourire satisfait.

Le goût de fraise, quoi que très diffus, lui chatouillait encore désagréablement le palais. A mille lieues de sa menthe adorée.

« J'avais mâché ça ! geignit-elle en plaquant ses mains contre son visage. T'as même pas le droit d'en manger, t'as un appareil !

-Meh. Je le fais quand même, miss chochotte. »

Prudemment, histoire de ne pas tout bousiller. Il avait beau les détester, ses parents n'auraient pas aimé qu'il arrache ses bagues bêtement. C'est pas gratuit et c'est important, chéri.
Comme Alexandre avait récemment enlevé les siennes, tant qu'à faire, il lui sortait le même discours. Plus facile de vanter un truc qu'on a plus à supporter, hein – le sale traître. Pour son bien ou pas, ils se liguaient tous contre son joli sourire. Son très joli sourire de star.
Doigts écartés pour voir à travers ses barreaux improvisés, Maude poussa un drôle de soupir.

« Beeerk.

-Berk toi-même, je suis super beau.

-Je suis super belle.

-Vous êtes super moches. »

Leurs yeux se levèrent à l'unisson ; et à peine eut-il croisé son regard et répondu à son sourire que Maude l'avait déjà tiré par le bras, l'excitation et la joie débordant de ses lèvres en exclamations décousues.
Dean s'affala sur eux sans protester. Il tenait encore debout, torse capturé par des bras égoïstes, au moment où Axel décida de s'en mêler – Maude s'était trop penchée pour attraper sa proie, alors il n'eut aucun mal à la faire rouler au sol en se levant. Il s'attendait à ce qu'elle entraîne Dean avec elle et ne fut pas déçu ; elle était plutôt prévisible. Ça avait ses bons côté.
Bras étirés vers le ciel, il inspira l'air froid comme s'il venait de sortir.

« Bon, quand vous aurez fini d'être sales on pourra BOUGER.

-C'est ta faute si je suis par terre, wow !

-Mauuuude. T'es trop lourde, lâche moi.

-Fallait pas être en retard ! »

Poings sur les hanches, Axel n'accepta d'aider son ami qu'en voyant son regard faussement suppliant levé vers lui. Paume contre paume, il le remit sur pieds sans trop d'efforts avant de tendre les deux bras en direction du petit tas au sol.
Ses deux manteaux la protégeaient bien des inégalités du trottoir, en plus du froid. Elle ne devait pas être plus mal installée que ça ; mais bon, politesse oblige.
Sourire aux lèvres, il laissa ses doigts ébouriffer les mèches châtains pour en chasser la poussière et les petits gravats.

« Désolééé, j'ai pas vu l'heure. »

Pourquoi ? Tu faisais quoi ?
Son cœur se crispa le temps d'un battement. Rien de plus.
Il ne fit pas la moue. Il gagnait quand même. Dean était content. Il ne les avait pas laissé tomber.

« En plus ma montre est en retard...

-Laisse moi voir ! »

Il aurait pu, pourtant. Sa maman avait dû crier très fort pour qu'il en pleure encore le lendemain.
Depuis, ils n'en avaient plus parlé.
Tandis que ses deux amis tournaient les aiguilles dans tous les sens, ses yeux bleus s'attardèrent sur ce visage ovale que le temps n'avait pas encore jugé bon d'affiner. Ses dents blanches. Ses cheveux bruns juste assez longs pour être dérangés, épais et plein d'épis. Ses iris foncés, remplis de jolis reflets. Il ne savait même pas quoi dire du reste – il avait deux bras, deux jambes, un nez ; il était normal, comme tout les garçons.
Maude le trouvait mignon. Elle l'aimait bien.

Chewing-gum collé contre son palais, il s'empara de la montre-bracelet d'un geste vif et s'éloigna à grandes enjambées bondissantes.

« C'est à moi, maintenant ! Va falloir me choper si tu veux la récupérer, Deanette ! »

Ses sourcils arqués n'avaient rien de spécial. Sa moue n'était pas adorable.
Et il aimait Dean, il l'aimait vraiment. Cet abruti était drôle, et tendait à être de plus en plus ouvert et sympa avec le temps. Comparé à avant, il riait fort et désobéissait plus souvent. Il l'ennuyait sans qu'il ait besoin de venir le chercher, aussi, et lui sautait même dessus pour se venger ; la peur s'était définitivement envolée. Il était à l'aise. Content. A sa place.
Alors bien sûr qu'il l'aimait. C'était son meilleur ami.
Il comprenait que Maude l'aime, aussi. Et qu'il les aime tout les deux, parce que sinon ça n'aurait pas pu fonctionner.
Mais elle l'aimait bien, Dean.
Et lui, elle l'aimait beaucoup.

« Tu sais que je vais te rattraper, Axel ! Rends-la ! »

Comme si. Il courait bien plus vite que lui.

Yeux rivés sur Maude, qui battait des mains pour les encourager, il cacha la montre dans la poche de son pull.

« Je veux voir ça, ha ! »



« Arrête ! »

Un instant, leurs regards se croisèrent et le monde se figea.

… Tu m'as eu, regarde toi.

Tellement grand et tellement fort et tellement merveilleux.
Hein, Dean ?



▬ 22 Mars 2005

Son sourire s'était pétrifié.
Les mots avaient coulé sur ses lèvres comme du ciment et un « ah » hébété plus tard, elles s'étaient fermées un peu brusquement ; il n'avait pas réussi à les rouvrir depuis. La joie diffuse qu'on communique dans ces cas-là – il aurait dû être content pour eux – s'était éteinte avant d'avoir pu atteindre ses yeux.
Maude et Dean se tenaient la main.
Il coinça les siennes derrière sa nuque.

« Elle est grande comment, sa maison ? »

Il aurait aimé donner un coup de pied dans une pierre, ou peut-être une des canettes que les ados laissaient traîner dans le parc comme de gros imbéciles. Seulement l'énergie lui manquait et il était censé s'en moquer ; il ne voulait pas réagir. Il ne voulait pas les embêter, non plus. Maude était contente, Dean aussi, tout était parfait et les oiseaux chantaient et bla bla bla.
A huit ans, les crises de colère sur fond de possessivité, c'est mignon.
Mais à douze ?

« Oh arrête, je fais super bien semblant. Regarde, Axel croit encore que je l'aime bien. »

La douleur le rendait peut-être méchant, mais elle ne faisait vraiment rien pour l'aider. Elle aurait dû le remarquer. Qu'il allait mal, qu'il ne souriait pas vraiment.
Elle l'aurait remarqué, si elle avait arrêté de le –

« Et tu crois encore que je t'écoute, lâcha-t-il en se laissant tomber sur une balançoire. Je sais très bien quand tu mens.

-Ouhhhh.

-Nan, tu sais pas. Je suis trop douée. Puis ils t'aiment bien, toi, non ? »

Doigts noués autour des cordes, il se contenta de pousser le sol loin de lui. Est-ce qu'on l'aimait bien ? Sûrement. Tout le monde l'appréciait plus ou moins, pour autant qu'il sache. Aucun ennemi mortel en vue. Au-delà de quelques disputes sans grande importance de temps à autre, il n'avait pas eu envie d'être blessant depuis un sacré moment. Pas qu'il s'en plaigne.
La colère ne s'accumulait jamais assez pour nécessiter une évacuation en urgence, chez lui.

Presque jamais.

« On parle de qui, déjà ?

-Des nunuches. »

Yeux plissés, Axel réfléchit un bref instant.

« Océane et Marie ? »

Ça aurait pu être n'importe quelles filles, de son avis – elles étaient toutes un peu bêtes sur les bords. A part Marion, à la rigueur. Ou Léa. Et s'il fallait vraiment aller à la limite des limites, Émeline était potable. Acceptable. Supportable.
Ils se tenaient toujours la main.
Il mit plus d'effort dans son élan.

« Tu suis rien du tout, gogole, soupira Maude en chassant sa proposition d'un geste de la main. Mais ouaaais, je suis sûre que ça peut le faire. Ce serait grave marrant ! »

Il y eut un petit moment de vide où il n'écouta plus rien que le bruit des anneaux maltraités sans pitié par la balançoire ; quand il baissa les yeux des cimes à la terre, Maude accrocha son regard et lui sourit de toutes ses dents.

Peau irritée par le frottement des vieilles cordes, il le lui rendit sans réfléchir.



▬ 20 Avril 2005

C'est ridicule.

« Pourquoi tu l'aimes ? »

Coude appuyé sur son genou plié, Axel détourna le regard vers le garçon à sa gauche. Il s'était installé à une certaine distance de lui, jambes ramenées contre son torse dans une posture qui criait « laissez moi » plus fort encore que ses yeux fuyants ; le tronc de l'arbre auquel il était adossé lui donnait l'air plus petit qu'il ne l'était déjà.
Insignifiant – et toujours aussi banal.
Il avait perdu du poids.

« J'aime qui ? »

Faire la conversation lui plaisait toujours mieux qu'attendre en silence que les deux autres débiles se soient décidés à laisser le chat du troisième dans l'arbre. Peu importe l'interlocuteur.
Du menton, on lui désigna les silhouettes des autres enfants.

« Elle. »

Sans être très observateur, Axel avait bien remarqué que le garçon ne disait jamais Maude et, dans la mesure du possible, évitait de l’appeler aussi. Ils ne parlaient pour ainsi dire jamais, sauf cas d'urgence.
Donc c'en était un, apparemment.

« Je l'aime bien. Et je la connais depuis super longtemps, expliqua-t-il en faisant craquer ses phalanges, pensif. Elle est cool. »

Un soupir presque suffisant lui fit froncer les sourcils. Il ne le croyait pas. Évidemment, qu'il ne le croyait pas ; les gens cools entre eux, les losers entre eux. Pas de mélange. Lui-même ne voyait pas du tout ce qu'il pouvait trouver à l'autre type au rire stupide là-bas, alors parfait, ils étaient quitte. T'aimes pas ma copine, j'aime pas la tienne.

Il n'aimait pas perdre.

« Vous vous méritez bien.

-Eh. »

C'était le plus proche d'une insulte claire et cinglante qu'il risquait d'obtenir de la part du petit brun et pourtant, il ne jugea pas utile de répondre ou de s'énerver. Ça n'en valait pas la peine. Insulter Maude encore et encore aurait été stupide, mais Alix était plus intelligent que ça. Il l'avait déjà suffisamment prouvé ces derniers mois.
Et sûrement qu'avant il aurait réagi plus vite et plus violemment pour venger l'honneur blessé de sa demoiselle ; regard détourné vers les amoureux, il expulsa l'air de ses poumons par le nez.

Il avait peut-être gardé le bouclier, mais l'épée pouvait aller se faire voir.

« … T'es jaloux. »

Le dos d'Axel heurta l'herbe sans bruit ni douceur.
Bras tendu vers son interlocuteur, il attendit sans bouger qu'il arrête enfin de se pencher dans l'autre sens pour pouvoir tirer sur les branches de ses lunettes.
Ce que, curieusement, il le laissa faire.

« Ton mouton est vachement avec eux. »

Toi aussi t'es jaloux, chanta-t-il en silence derrière le bleu de ses yeux ; le ciel joliment flou commençait à peine à se parer de quelques nuages gris.
Sa curiosité satisfaite, il rendit les verres au vrai myope.

« Mon mouton, répéta-t-il lentement, le ton égal, va où il veut. Et il... »

La voix perçante de Maude l'interrompit un instant, attirant avec succès toute l'attention à dix kilomètres alentours sur sa personne.
Dès qu'Axel lui eut hurlé ses félicitations pour la très lourde tâche de grimpage d'arbre qu'elle venait d'accomplir – très très difficile ; il était tellement si fier – elle se tut et recommença à sauter sur place. Ce qui aurait sûrement fait déguerpir le chat à toute vitesse, si son maître ne l'avait pas serré contre lui avec suffisamment de fermeté. Pauvre bête.

« … Il est trop gentil. »

Trop gentil ? Ha. Et puis quoi encore. Trop beau, trop intelligent... Pas comme si on pouvait avoir trop de qualités, hein.
Mais d'accord. Comme tout ce qu'il savait du garçon se résumait à « sa sœur est trop bonne » (merci Alexandre et toute la délicatesse de ses seize ans), son nom et le son de sa voix, il ne pouvait pas trop juger. Dean passait pas mal de temps avec eux quand lui et Maude se contentaient de squatter élégamment les locaux ; et pas de soucis, ça lui allait. C'était elle qui avait insisté pour venir les embêter, il la suivait simplement.
De son propre chef, oui. Mais n'empêche que.

Revenir faire ami-ami avec des gens qu'il avait ennuyé le mettait mal à l'aise. Il ne voulait pas faire semblant d'être gentil à ce point.

Alix accueillit le retour au trot de son ami avec un sourire qu'il ne lui avait encore jamais vu jusque là.

Et sa gêne s’appelait de la culpabilité mais ça, il ne le comprenait pas.



J'ai jamais eu de chance dans la vie.



▬ 09 Juillet 2005

« C'est quoi ton jeu ? Jamais entendu parler. »

Mains dans les poches de son jean tout neuf, Axel laissa le regard exaspéré d'Alix glisser sur ses épaules et jusqu'au sol. Il commençait à avoir l'habitude, hein ; les compliments et les « wow, bravo ! » ne venaient jamais que du mannequin miniature pour vêtements trop chers. L'autre, il pouvait toujours rêver.
A côté de cette boule de piquants sans âme, l'enthousiasme discret du petit brun réussissait du coup à le rendre un tout petit peu cool à ses yeux. Et pas uniquement parce qu'il le complimentait, hein – il n'était pas sensible à la corruption. Jamais de la vie.
Il avait juste l'air tellement bête et naïf que le détester devenait difficile, par moments. Alix, okay, mais lui... Allez vouer une éponge aux Sept Enfers, vous.

Il était plus drôle à embêter qu'à ne pas aimer.

…Eh.

« On l'a inventé, répéta lentement le grognon de service. Je viens de le dire.

-Faut atterrir, Axel. »

Ça fit rire Maude et sourire Sebastian, comme toujours, mais lui se contenta de hausser un sourcil.
Dean était vraiment assis entre deux chaises. Axel ne trouvait ça qu'à moitié drôle.

« Pas ma faute si y'a que moi qui décolle » répondit-il avec un sourire presque indulgent, main levée au-dessus de ses cheveux blonds.

Dean grimaça. Haha.

« Bref ! Ça marche comment ? Ça a un nom ?

-Hmhm. Ça s'appelle  »

Si poétique. Rien d'étonnant venant d'eux ; les bons élèves pleins d'imagination, ça devait être doué pour créer des trucs comme ça. Des jeux, des mondes, des personnages à incarner...
Étant enfants, ni lui ni Maude n'avaient été plus loin que les éternels « on fait comme si », et Dean n'avait pas apporté une grande pierre à l’édifice en se joignant à eux. Ça leur suffisait, en même temps. Pas la peine d'aller chercher très loin.

L'idée d'avoir un jeu spécial rien que pour eux, malgré tout, gonfla sa poitrine d'une belle adrénaline.

« Et ça marche comment ? »

Pas qu'il soit pressé, mais il préférait nettement jouer à écouter les règles. Son professeur de sport en était toujours ravi.

« Uh. Y'a cinq rôles. Les deux derniers, ils sont pas obligés. On peut faire sans.

-Ouh, comme c'est pratique. »

Le commentaire de Maude lui valut un regard indifférent de la part du maître de conférence, auquel elle répondit par le même désintérêt vaguement méprisant. Cause toujours tu m'intéresses, hein.
Son sourire suffisant n'inquiéta pas Axel, sur le coup. Elle était souvent comme ça avec ceux qui lui tapaient sur les nerfs ou l'ego.

« Si t'es pas contente, tu t'en vas. »

Imperturbable et parfaitement sûre d'elle, elle ne répondit pas.
Et ça, par contre, ça l'inquiéta.

« C'est comme le loup, en gros, concéda Alix en haussant les épaules. Ça se joue dans , et on tire les rôles au sort. Après... part d'abord. , et après un petit moment fait pareil. Après suit aussi. reste là, et ... peut aller partout. »

Axel hocha la tête, concentré ; jusque là il pouvait gérer. Sans doute.

« Le but c'est de et de surtout pas . Si a perdu. On a pensé à compliquer un peu pour qu'il puisse gagner , mais... » Les deux amis se regardèrent un bref instant. « On verra déjà si ça marche comme ça, uh. »

Ils semblaient bizarrement sceptiques, les deux petits génies. C'était pas bien dur de jouer au loup, pourtant : Axel ne doutait pas un seul instant qu'il gérerait n'importe quel rôle avec brio, même s'ils rajoutaient vingt mille règles super compliquées.
Maude, juste à côté, enroulait distraitement une mèche de cheveux châtains autour de son index. Dean se balançait d'avant en arrière dans ses baskets trop grandes, tantôt tourné vers lui tantôt le nez vers le bas. Sebastian attendait sagement sur place.

Tout le monde avait l'air relativement content, au moins.

«  doit . Une fois qu'elle , elle doit et jusqu'à . Si elle fait ça, elle a gagné. Si elle a perdu. Si elle , pareil. Du coup, gagne si gagne. Et ben, gagne si . Logique. »

Glauque, mais logique. Okay.
Qu'on lui rappelle de ne plus énerver Alix et ses envies de décapitation.

«  est un peu spécial, uhm... Mais il doit choisir, il peut pas changer au milieu. Par exemple, hmm, disons qu'il . Dans ce cas il peut , ou . Il peut , tout ça. Il gagne si , en gros.

-Et comment tu sauras qu'il a pas changé ? »

Le petit brun réfléchit un moment sans rien dire, yeux rivés sur les clavicules de Dean à défaut de son visage.

« … C'est à vous de pas tricher. On va pas tout vérifier. »

Que de maturité, que de beaux mots. Tant de confiance l'aurait presque ému.
Presque.
Parce que de la confiance, il ne leur en accordait clairement pas.
Il avait juste dû abandonner le combat d'avance. Difficile d'empêcher quelqu'un de tricher sans constamment le surveiller, et se battre pendant dix ans n'avait pas l'air d'être le passe-temps favori du rabat-joie ; Maude n'était pas du genre à se taire avant d'avoir eu le dernier mot, Dean ne tricherait pas de toute façon, et le petit machin noir... N'aimait pas les conflits, à l'évidence.
Or Alix l'aimait beaucoup, ça, il avait compris. Au moins autant que lui aimait Maude et Dean.

Combien de poings serrés à s'en faire mal juste pour le laisser s'amuser ?

Ses yeux bleus glissèrent sur Maude ; sur ses épaules nues, son sourire tranquille.
Le malaise se tut comme on couvre un vieux meuble.
C'était pas si grave, de toute façon.

« Vous voulez essayer ?

-Ah bah ! Quand même.

-J'ai les cartes ! »

Trésor en mains, Sebastian tendit les bras vers Alix le premier ; puis Dean, puis Axel, puis Maude. Il garda la dernière pour lui.

Amusé, le blond fit tourner l'As de Carreau entre ses doigts.

« Alors, qui décapite qui ? »

Dean secoua sa carte en riant.

« C'est moi qui te décapite. »

La Reine avait une seule méthode pour résoudre toutes les difficultés, petites ou grosses.

« Pfff Deaaan. Tu pourrais même pas me faire mal, alors me couper la tête. Sérieux.

-Ehhh. Je peux essayer !

-Je préfère pas, merci merci. »

Un claquement de mains coupa leur échange avant qu'il ne tourne au débat ; attentifs, les deux enfants se tournèrent vers Maude et son sourire taquin.

« C'est pour rigoler, les petits. Du caaaalme. »

Qu'on lui coupe la tête, tchak tchak.

« On a qu'un bâton ! Même en faisant exprès, on réussirait pas à se blesser. »

C'était tellement vite dit, vu comme ils réussissaient à s'égratigner rien qu'en courant, qu'Axel en laissa filer un rire incrédule. Elle ne le pensait même pas.

Les rires des courses-poursuite, l'insouciance et le soleil noyèrent ses incertitudes bien avant que l'idée et l'automne ne reviennent assombrir sa quiétude et faire tomber les feuilles mortes.

… Elle ne le pensait pas.



▬ 18 Novembre 2005

A la fin de l'été, les règles du jeu leur étaient devenues aussi familières que celles de la bataille ou du football. Axel savait quelle carte correspondait à quel rôle, qui gagnait comment et ce qu'il devait faire dans à peu près tout les cas ; au fur et à mesure, les cafouillages avaient disparus, des précisions avaient été ajoutées. Un vrai travail de pro.
Pour ça, ils pouvaient remercier Sebastian. Quoi que l'idée vienne d'Alix, à l'évidence, son ami était le plus doué des deux pour rectifier les petits détails techniques auxquels personne n'aurait pensés autrement. Ça marchait super bien : le premier créait, le deuxième arrondissait les angles.
Et eux, ils se contentaient de jouer sagement.
Ou du moins, s'ils avaient eu un impact quelconque sur le jeu, il ne s'en était pas rendu compte. D'accord, avait presque été banni quand Dean avait failli s'éborgner tout seul avec, mais il avait convaincu leurs hôtes de le garder quand même – c'était juste de la maladresse et franchement, à ce stade, autant lui interdire de courir et de manger avec un couteau.
Seule avait été retirée pour de bon. Les réflexes malheureux de Maude l'avaient envoyée Dieu sait où ; personne n'avait pu la lui voler, d'accord, mais personne n'avait réussi à la retrouver non plus.

Punis pour punis, un faisait très bien l'affaire. Pas de quoi se plaindre.

Ces quelques mésaventures mises à part, cela dit, rien à signaler ; ils étaient sages et obéissants comme de vrais petits soldats. Certains mélanges étaient plus heureux que d'autres, et Alix préférait clairement devoir courir après Sebastian qu'échapper à Maude (qui s'était pourtant montrée étonnamment correcte), mais rien de trop grave. Les vacances avaient été suffisamment hachées par les départs des uns et des autres pour permettre aux conflits de ne jamais durer trop longtemps. Trois semaines en Espagne pour Maude, deux semaines aux États-Unis pour Sebastian et ensuite, c'était lui qui avait kidnappé Dean et Manon quinze jours à la mer ; avec les visites chez les familles et les amis en plus de ça, les possibilités comme les contacts entre eux s'étaient retrouvés relativement réduits.
Sans le joli jardin de Sebastian, de toute façon, jouer à était hors de question.
Sans Sebastian, en fait, jouer avec Alix semblait hors de question tout court. Il ne leur parlait jamais sans avoir une très bonne raison de devoir le faire – et pour ce qu'en savait Axel, aucune raison n'était suffisamment bonne pour ça.

Entre colère noire et désir de se racheter, son cœur balançait très fort.

Entre Dean et Maude, qui lui tiraient chacun un bras –

« Je suiiis.

-, poursuivit Dean en montrant sa carte. Qui me coupe la tête ? »

Monsieur Pas-Drôle leva la sienne sans commenter.

« Je suis.

- ! »

Axel roula des épaules, déjà à sa place et prêt à courir pour sa vie. Ils avaient eu cette configuration la deuxième fois, à deux rôles près, donc il pouvait plus ou moins imaginer comment ça allait finir. Soit il gagnait grâce à ses grandes jambes de coureur surdoué, soit... Dean gagnait. Logiquement. Il imaginait mal le petit brun battre son meilleur ami ; super intelligent ou pas, il n'était pas athlétique pour un sou. Niveau rapidité, ils devaient tous le battre facilement. Sebastian y compris.
en main et large sourire victorieux aux lèvres, il sautilla sur place jusqu'à ce qu'un « FONCE » retentissant ne lui donne le top départ.

Pas besoin de lui dire deux fois.

Léger sur ses jambes, il s'élança au hasard sans faire attention à être discret. Avaler le plus de distance possible primait, pour l'instant.
Il attendit qu'un deuxième cri retentisse dans son dos pour siffler entre ses dents et accélérer la cadence – juste un peu, le temps de creuser l'écart, avant de ralentir d'un coup. C'était maintenant qu'il fallait être silencieux. Chemin entretenu ou pas, il y avait toujours des petites branches pour craquer sous ses chaussures ; sans compter que la boue était très forte pour retenir les traces de pas, cette sale traîtresse. Il n'était pas sûr que Dean soit dans ce délire-là et fixe le sol façon chien de chasse, mais on ne sait jamais. Prudence est mère de sûreté.
Attentif aux bruits autour de lui, Axel chercha à aller là où on ne le chercherait probablement pas sans trop en demander à son cerveau pour autant. Gagner avait beau lui faire super plaisir, se faire violence n'était pas son passe-temps favori. Surtout pour un jeu sans récompense à la clef.
Perdre ne le tuerait pas, hein.
Le troisième départ résonna tandis qu'il fixait le ciel gris, tentant d'évaluer les risques qu'il se mette à pleuvoir. Ils devraient sûrement rentrer, si une averse décidait de venir leur faire coucou.

Comme répondant à ses pensées, la voix de Sebastian résonna une fois de plus :

« Aaaah je dois rentrer, gémit-il, le ton clairement contrarié. Vous pouvez continuer sans moi, et... »

S'il continua à parler, Axel ne l'entendait plus.

« S'il pleut, la porte d'entrée est ouverte ! Je reviens vite. »

Vite, uh. Joueur et trop heureux d'avoir une raison de se compliquer l'existence sans avoir l'air de tricher, Axel leva le bras aussi haut qu'il put et cria bien fort :

« OKAY BOSS, AMUSE TOI BIEN !

-Axeeel sérieux ! »

Oups. Beaucoup plus près qu'il l'aurait pensé, le Dean.
Enfin, il pouvait se plaindre tant qu'il voulait, il venait de lever la voix aussi ; sûr qu'Alix devait l'avoir repéré à trois cent mille mètres, maintenant. Peut-être même que cet indice suffirait à le faire gagner. Auquel cas wow, bravo. La supériorité du cerveau sur les muscles enfin prouvée.

Plongé dans ses réflexions, il passa une main distraite dans ses cheveux blonds avant de repartir vers la droite à grandes enjambées pressées.
Plus la peine de trop penser, maintenant. Il avait juste à courir le plus vite possible et prier parce que là, Dean devait sûrement être à ses trousses et prêt à en découdre ; s'il avait su élaborer des super pièges et prédire les mouvements des autres, ç'aurait été le moment de mettre tout ça en action. Aller ici pour détourner l'attention, faire ceci cela pour faire croire qu'il était parti dans ce sens-là... Comme dans un film, quoi !
Mais Axel préférait les chevaliers aux espions et, plus récemment, les super-héros sans collants aux super-héros en tenue moulante.
Sauf les super-héroïnes. Elles, okay. Ça passait. Mais peu importe parce que de toute façon la plupart de ces types-là n'étaient pas des génies, à part les méchants – comme quoi l'intelligence c'était définitivement un truc de super vilai –

« BAM ! T'es mort ! »

Dos dans la terre, Axel éclata de rire pour mieux rouler sur son ami façon catch amateur.

« Je suis pas mort, t'es faible !

-Si, t'es mort et tu me donnes ton truc ! s'exclama Dean entre deux rires débiles – ça lui apprendrait à être chatouilleux, l'imbécile heureux. Axeeeel !

-Tu vas te faire repérer si tu cries comme ça, débile ! »

Pas qu'il parle moins fort. Pas qu'il rit moins non plus.
Mais puisqu'il avait perdu, il avait bien le droit de l'embêter quand même. Et puis comment il avait pu arriver devant lui, hein ?

« Magie noire, sorcière ! Qu'on la brûle !

-Je fais pas de magie noire, je suis la genti – »













▬ 19 Novembre 2005

« Il a besoin de se reposer et vous allez le laissez tranquille. »

Caché sous la couette, Axel plaqua plus fort le tissu contre ses oreilles.
S'il n'entendait rien, rien n'existait. Si rien n'existait, tout allait bien.
Il se sentait si loin de tout qu'il aurait été incapable de comprendre quoi que ce soit, de toute façon.

« C'est qu'un gamin ! Comment vous pouvez – »

Doucement, Alexandre appuya ses mains sur les siennes. Le monde s'étouffa en murmures incompréhensibles, chauds et doux comme la voix de sa mère dans le salon.
Il entendait son frère chantonner, sentait les vibrations de son pied qui tapait le plancher remonter jusque dans le bois du lit. C'était rassurant.
Même s'il allait parfaitement bien, même s'il n'en avait pas besoin, c'était rassurant.

« Sortez de chez moi. Sortez. »

Elle était tellement douée pour parler très fort sans crier. Il n'avait aucune idée de comment elle faisait ça.
C'était si bizarre.
Blotti contre le mur, yeux à demi-clos, il laissa Alexandre s'asseoir à côté de lui. Il y avait quelque chose de gênant dans les embrassades émues. Il préférait les éviter.

… Et de toute façon, il n'en avait pas besoin.

Parce que tout allait très bien. Tout était parfait. Il allait bien. Ce n'était pas lui qui allait mal.

« Les écoute pas. Ça va aller. »

Je vais bien, pourquoi ça irait pas ?
Il ne saisissait plus rien. Son esprit était comme vide, son corps réglé en mode automatique. Inspire, expire. Parle. Mange. Assis, debout. Serre le poing. Cligne des yeux. Respire encore. Ne tombe pas. Dors.
Dors, dors, dors.

Il voulait juste dormir. Toute la journée. Tout le week-end.

Toute sa vie.

Mais je vais bien.

Tout va très bien.




… Madame la marquise.





Il avait juré.

Axel Merec'h
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Axel Merec'h

En bref

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Histoire



▬ 21 Novembre 2005

Cris reproches reproches regards de travers colère tristesse.

Tout le temps.

On ne le laisserait jamais tranquille, jamais.
Pourtant il n'avait jamais forcé personne à quoi que ce soit.
Il n'avait fait que suivre.

« On l'a embêté un peu. »

Les pierres étaient passées de main en main sans que personne ne se pose la moindre question.
Une insulte par-ci. Des moqueries par-là. Quelques blagues pas drôles du tout, parfois.
Des trucs de gamins stupides. Rien de plus.

« Mais y'avait pas que lui. On embêtait Sebastian, aussi. »

Il savait bien que chacun était coupable.
Yeux clos, il préférait l'ignorer.

« Et lui il va bien, non ? »

Yeux clos, il pouvait tout oublier.

« Alors pourquoi ce serait de notre faute ? »

On a rien fait.

« On a rien fait. »

On a rien fait.

« On a rien fait –  »

Rien rien rien rien.


« Oh, chérie. C'est pas de votre faute. »


Je suis gentil.

« Vous n'avez rien fait du tout. »

Doigts serrés sur les bords de son pull, Axel se leva brusquement.

« Je dois rentrer. »

Il n'avait rien fait.
Ce n'était pas de sa faute.

« Mais Axel, tu –

-Je dois rentrer. »

Assise sur le lit, dans son dos, Maude pleurait.
Il ne se retourna pas.

« Axel ! Tes parents m'ont demandé de te surveiller, ils reviendront bientôt, attends – »

Il ne pouvait pas rester là il ne pouvait pas il ne pouvait pas.
Ses enjambées pressées se firent paniquées – ses genoux heurtèrent le sol en bas des escaliers sans lui laisser le temps de se rattraper à la rampe et déjà il se redressait, courait presque vers la porte d'entrée et l'ouvrait du même geste, cognait ses doigts contre la clenche et le panneau en bois, cognait son épaule aussi et son coude et s'écroulait dehors comme une vilaine marionnette en chiffon sans fils pour la suspendre.
Ses larmes glissèrent sur la petite allée grise mais ses sanglots, il les ravala.

Les deux mains hésitantes sur ses épaules n'existaient pas et il ne savait plus où il était.

« Je veux rentrer chez moi... »

Oh, pauvre toi.

« … »

Il entendit Magalie pousser un cri horrifié sans la comprendre. Ni ses mots, ni le pourquoi, ni la panique dans sa voix.
Encore moins l'urgence dans ses gestes quand elle le tira à l'intérieur, ses bras trop fins enroulés autour de lui comme un bouclier de fortune.





« Ne dis plus jamais ça, Axel. »

Oui, papa.

« C'est pas de ta faute. T'as rien fait bon sang ! »

Je sais, papa.

« T'es pas tout seul. On t'aime. »

... Je sais.

« Alors si on t'embête encore avec ça, tu viens me le dire. Tu me le dis, hein ? Ils ont pas le droit et je les laisserai pas faire. C'est triste mais on y peut rien. »

Oui, papa. Je sais, papa.
Pardon. Pardon. Excuse moi, pardon.


« Pardon. J'irai mieux, t'en fais pas. »

Poings serrés et la respiration tremblante, comme une promesse dont il savait déjà qu'elle ne tiendrait pas.
Il devait essayer. C'était pour ça qu'il en était arrivé là, de toute façon. Il n'avait pas le choix.

Il ferait tout pour aller mieux. Avancer. Passer à autre chose. Il allait faire des efforts, sourire, arrêter de se fâcher contre ses parents quand ils ne faisaient que se montrer prévenants. Accepter la sollicitude, méritée ou non. Il écouterait en cours – du moins autant qu'avant. Il vivrait. C'était ce qu'il voulait et c'était ce qu'il allait faire.

Vivre.


▬ 28 Décembre 2005

Ils allaient finir par le tuer.

« Arrêtez. »

Paume de la main contre les clavicules de Dean, paume de la main contre les clavicules de Maude. Arrêtez, stop, j'en ai marre. Ça faisait trop ; il avait besoin de souffler, lui aussi. Il avait mal, lui aussi. Il voulait crier, lui aussi.
Mais il ne pouvait pas.
Parce que contrairement à eux, il ne voyait rien d'autre que la malchance à blâmer.

« Je suis fatigué. »

Peu importe les torts de chacun, Dean refusait de pardonner Maude. C'était facile de rejeter la faute sur elle ; honnêtement, il comprenait qu'il lui en veuille. Seulement il comprenait aussi qu'elle lui renvoie ses critiques. C'était bien là le problème.
Parce que ça ne faisait pas mouche pour rien, hein ?

« Y'a que la vérité qui blesse. »

Ils étaient tous dans le même bateau.
Sur le même radeau.
Il aurait aimé s'en moquer. Regarder ailleurs. Sauf que c'était terrifiant à entendre – des cris comme autant de jolis coups de pioche dans la coque, chop chop. Axel avait trop mal aux mains pour encore vouloir s'interposer. Pour encore pouvoir vraiment.

S'ils continuaient à se crier dessus, ils couleraient tous à pic. Fin de l'histoire.

« … Désolée. »

Ses yeux bleus, si secs qu'ils lui en faisaient mal, refusèrent de pleurer. Il n'était pas sûr d'en être de nouveau capable un jour.

« Il est parti » lâcha-t-il platement, regard rivé sur l'herbe gelée.

« On a rien fait » ajouta-t-il, les yeux relevés vers ceux de Dean.

« … C'est pas de notre faute. Okay ? »

C'est ce qu'ils auraient dû faire dès le début.
S'ils étaient capable de se promettre des choses futiles, ils auraient dû pouvoir jurer sur les choses importantes aussi. A quoi ça servait, sinon ?

Ils ne pouvaient pas s'en vouloir comme ça toute leur vie.

Maude saisit sa main aussitôt qu'il la lui tendit. Au contact de la peau gelée, des millions de frissons remontèrent jusqu'à sa nuque ; préoccupé, il vérifia qu'elle avait toujours son manteau sur les épaules.
Elle n'avait pas si froid, d'habitude.

« Dean ? »

L'hésitation lui allait comme une seconde peau. Il le regardait droit dans les yeux, sans ciller ; sans rien dire non plus.
Ils avaient tellement changé, en six ans. Ils se ressemblaient à peine.

Et pourtant.

« Okay. »

Main toujours tendue, Axel serra avec force celle un peu tremblante que son meilleur ami finit par glisser contre la sienne.

S'il se tenait droit sur ses deux pieds et ne tombait pas, peut-être qu'il pourrait les empêcher de glisser. Même si le monde s'écroulait, peut-être qu'il pourrait encore les forcer à rester.
Ses articulations grinçaient et il sentait à peine son cœur battre, mais s'il les tenait à s'en arracher la peau, alors peut-être que –

« … T'es gelé, Axel. »

La surprise le fit cligner des yeux un peu bêtement ; sourire crispé aux lèvres, il haussa les épaules.

« Ah ? Faudrait peut-être rentrer si même moi je gèle, haha. »

Hahahahahaha.

Il était terrorisé.



Est-ce que tu m'aimes encore, toi ?

Ah, pleure pas.

… Pleure pas.



▬ 16 Janvier 2006

« Je peux plus la voir. »

S'il les tenait assez fort, s'il restait droit sur ses deux jambes, peut-être qu'il pourrait les garder près de lui.
S'il les tenait à s'en arracher la peau, peut-être qu'ils resteraient.

« … Désolé. »

S'il se déchirait les ligaments, s'il les attachait, s'il les suppliait, s'il...

« Je suis vraiment désolé. »

S'il...

Épaules affaissées, Axel laissa ses bras retomber le long de son corps.

« Et moi ? »

La réalité lui claquait toutes les portes au nez en riant. Pas par ici, pas par là – les chemins d'Alice menaient tous quelque part et lui, il se retrouvait coincé avec un flacon vide et l'eau qui monte. Centimètre par centimètre, doucement, sûrement. Ça ne le noierait pas.
Ça lui donnerait envie de mourir, mais ça ne le tuerait pas.
La panique grimpa en lui comme du mercure brûlant.

« Toi ? Axel, je t'adore, s'exclama Dean d'une voix un peu étranglée. C'est juste... Je peux pas. Tu comprends, hein ? »

Saint Axel, absous mes péchés.
Son mouvement de négation pétrifia le brun sur place.

« Je sais que vous êtes pas fâchés contre moi. Mais comment je fais, si je peux plus être avec vous deux en même temps ? »

C'était égoïste, en un sens, de les faire culpabiliser pour ça. Il ne pouvait pas les forcer à se supporter. Ni à rester ensemble. Il y avait de quoi en rire, hein ; il aurait tellement cru qu'entendre ces quelques mots lui ferait plaisir. Comme une petite pointe de fierté rancunière, tout au fond, là où il ne voulait rien voir.
Parce que Maude et Dean n'étaient pas fait l'un pour l'autre alors eh, ça devait arriver.

« On était déjà plus trop ensemble avant de casser... tenta le garçon en plongeant ses mains dans les poches de son jean. Et je vais pas me fâcher si tu traînes avec elle. »

Le « plus qu'avec moi » resta sous-entendu. Les traits crispés de son ami parlaient d'eux-même, de toute façon.
A l'évidence, Dean n'imaginait pas qu'Axel puisse le préférer lui.
Mal à l'aise, il tira sur les lanières de son sac à dos.

« Et elle se fâchera pas si je traîne avec toi ? grommela-t-il, regard perdu dans la cour presque vide.

-Je sais pas. Ce serait pas cool, mais c'est Maude. »

Et Maude n'avait jamais été du genre compréhensive dans sa colère, non. Sûrement qu'elle hurlerait à la trahison de savoir qu'il considérait encore Dean comme son meilleur ami ; question de loyauté. Il aurait dû prendre parti.
Même Dean, complaisant ou pas, devait le détester un peu de ne pas prendre sa défense. Accepter de le dédouaner.
C'est de sa faute à elle, on a rien fait.
C'est de sa faute, il devrait pas t'en vouloir.


Triste comme les pierres, Axel secoua de nouveau la tête.

« Je veux pas. »

Paupières à demi-closes, son ami pinça les lèvres sans rien dire. Il ne changerait pas d'avis. C'était évident. Qu'il le perde ou pas dans le processus, il ne ferait pas marche-arrière – et sûrement que Maude non plus, de toute façon. Trop vexée pour encore vouloir l'aimer.

Au bord des larmes, il passa nerveusement les mains dans ses mèches blondes. Plutôt mourir que de pleurer pour ça.
Plutôt que de trembler, il envoya violemment son genoux heurter le mur en plâtre.
Dean sursauta ; tendit même le bras, indécis, mais ne chercha pas à le suivre quand il partit à grandes enjambées furieuses vers l'autre bout de la cour.

Pas là où il trouverait sa meilleure amie. Pas là où il trouverait qui que ce soit.

Laissez moi.



▬ 25 Août 2006

Ouais, c'est pas cool les séparations. Mais t'es pas leur fils, tu vois, donc ça va aller. Ils vont juste se faire la gueule et bah, ce sera pas pareil, mais bon.

Vous êtes que des gamins. Ça passera.


Pied gauche sur la pédale, Axel laissa le vent frais claquer contre son visage. L'automne approchait à grand pas, courants d'air froids et petites averses en éclaireurs ; pas le meilleur temps pour des vacances d'été, mais définitivement mieux que la canicule de Juillet. Ses parents n'avaient pas arrêté de téléphoner aux leurs, tellement préoccupés par leur déshydratation imminente et définitive que sa mère avait réussi à s'en fâcher avec eux (« on n'est pas stupides, on va pas sortir bronzer et attendre la mort »).
Comme sa grand-mère paternelle avait toute une batterie d'enfants attentionnés prêts à la jeter dans la Manche au moindre signe de surchauffe, ils n'avaient pas été jusqu'à lui rendre visite en Bretagne.  Pas que la bonté de ses frères et sœurs aient eu l'air de rassurer son pauvre père, mais ça l'avait au moins poussé à être raisonnable.
Vu l'ardeur que mettait la seule femme de la maison à harceler tout les voisins âgés avec ses bouteilles d'eau, il en fallait au moins un.

« Faut repartir, mademoiselle. Tes pieds. »

Comme il n'obtint aucune réponse, mais voyait toujours les sandale blanches frôler le sol près des siennes, Axel tenta de se tourner vers l'arrière sans envoyer vélo et équilibre contre le trottoir. Toute une technique.
A peine eut-il le temps d'apercevoir une mèche de cheveux châtains que son amie se dérobait à son regard ; joue posée entre ses omoplates, trop près pour qu'il puisse voir quoi que ce soit d'elle.
Il se redressa avec la rapidité d'un ressort.

« Tu veux parler ? »

Le souffle tranquille contre le tissu trop fin de son t-shirt lui tira un frisson.

« J'ai encore ton cadeau à te donner, chantonna-t-il distraitement. On va pas rester les fixer toute la journée.

-Pourquoi pas ? »

Lèvres pincées, Axel tapota des doigts contre le guidon. La question revenait trop souvent, ces temps-ci. Pourquoi pas, pourquoi, à quoi bon et toutes ses variantes – parce que ce n'était jamais la peine de faire quoi que ce soit et se lever était inutile et rien ne méritait ses efforts et exister était tellement, tellement fatigant. Elle évitait même ses amies les plus proches, en plus de rater les cours sans raison. L'inquiétude les rendait compatissantes quand l'incompréhension ne les rendait pas irritables, mais c'était toujours à lui qu'on finissait par demander des comptes.
Si Maude avait un problème, il savait forcément. Il savait toujours tout la concernant.
Mieux qu'elle, à l'évidence.

Mais il ne savait pas.

Honnêtement, il ne savait pas.

« Parce qu'on a rien à faire là et que c'est bizarre ? Il est parti. Et elle... »

Yeux bleus perdus sur les contours d'une maison en contrebas, il étouffa un soupir. Il détestait être là.
On détestait le savoir là aussi, de toute façon. Tomber d'accord ne lui faisait pas spécialement plaisir, mais c'était quand même mieux que ne pas savoir où s'en tenir.

Le souvenir des cris et des reproches cinglants le tenait éloigné. Plus jamais ça.

« … Peut-être bien. »

Ses mots brûlèrent dans l'air comme l'asphalte contre les roues.

Arrête de penser que c'est tout le temps ta faute. Les Launay ont divorcé tout seuls. Maude et Dean ont cassé tout seuls. Même Alix est parti tout seul.

Cheveux décoiffés par le vent, il n'arriva pas à imaginer la douleur d'enfants dont les parents se séparent. Ça devait être horrible de les entendre hurler sans arrêt.
Mais Alexandre avait raison ; il n'était ni le fils de Dean, ni le fils de Maude, et si tout les trois en avaient souffert c'était le genre de choses qui arrivait tout le temps. Personne ne reste avec son amour d'enfance. Ou d'adolescence. Combien de filles il ferait pleurer ? Et combien le feraient pleurer, lui aussi.

Les bras de Maude serraient à peine sa taille.

Il avait tellement de mal à la faire taire, avant.

« J'ai besoin de toi, tu sais ? »

La bourrasque vola ses mots sans qu'elle puisse les entendre ; et tant mieux, au fond.

Ses épaules grinçaient suffisamment comme ça. Il pouvait attendre.
Occupe toi juste d'aller mieux.



Au bout d'un moment, il avait cessé de s'inquiéter.

Maude va chez le psy mais ça l'aide, c'est tout ce qui compte.

On lui avait prescrit des médicaments, un peu, mais elle n'en parlait jamais trop devant lui ; sa pudeur inhabituelle l'aidait à ne pas s'en faire. Qu'elle puisse se forcer à sourire exprès pour le ménager ne lui passa jamais par la tête. Maude n'était pas du genre à tenir compte des sentiments des autres avant ses propres caprices.
Dean aurait haussé les épaules en regardant ailleurs. Mais Dean ne parlait plus jamais de Maude, de toute façon.

Il a pas l'air bien, mais ça va passer. Il sourit déjà plus qu'avant.

La fracture des inséparables commençait doucement à se réparer, cachée sous son plâtre de silence et de ressentiment. Ils ne pouvaient pas encore se revoir, ni se parler tout les trois sans que l'un de ses amis ne parte, mais ça finirait forcément par s'atténuer. Dans un an, peut-être deux, ils se rendraient compte que l'indifférence était souvent moins pénible que la colère ; les supplier maintenant n'aurait servi à rien, alors Axel s'était promis d'attendre.
Ce n'était rien, un an. Sur toute une vie, ça n'avait presque aucune importance. Ils avaient tout le temps du monde devant eux pour guérir.

Dean s'est remis à discuter avec Sebastian, un peu. Mais il m'en parle jamais.

Compréhensible. Ils n'avaient jamais été très proches, de toute façon. Ça ne le chagrinait pas.
Il devait avancer.

Tout était redevenu comme avant. A quelques détails près, pas toujours les plus agréables, mais ça faisait partie du contrat ; on ne grandit pas sans laisser des petits bouts de soi sur le chemin. Il avait soigneusement frotté ses bras et son visage, enlevé toutes les peaux mortes qui l'empêchaient de se sentir vivant. Ses sourires ne lui blessaient plus les joues. Il s'était réhabitué à ne pas plier le cou à s'en briser la nuque.

Et il y avait toujours cette petite voix dans sa tête qui lui chantait qu'il ne méritait rien de tout ça, qu'il aurait dû mourir et que rien ne cesserait jamais vraiment avant que son corps sans vie ait heurté le sol, mais elle savait se faire discrète – et si parfois elle se sentait d'humeur violente, la musique et les douches brûlantes aidaient à la noyer.

Parce que tout irait bien, et il n'avait pas à l'écouter.

Ils avaient déjà suffisamment payé.



▬ 02 Décembre 2007

Ça faisait mal. Le silence ; le froid. Il aurait aimé savoir quoi dire, trouver les mots qui soulagent sans ressembler à ces cartes que l'on envoie par manque de temps et d'intérêt. Pas la peine de prétendre savoir ce que ça faisait. Il n'arrivait même pas à pleurer, ou à ne serait-ce qu'avoir la gorge serrée par le chagrin. Il était à peu près certain qu'il aurait réussi à parler sans que sa voix ne tremble.
Le voile qui l'étouffait ressemblait plus à de la lassitude morbide qu'à de la tristesse.
Ça aurait eu l'air cruel pour beaucoup et pourtant, il en souffrait tout autant.

« … Ils vont fermer. »

Dean avait entrelacé ses doigts aux siens et depuis, ils n'avaient plus bougé. Épaule contre épaule, têtes penchées l'une près de l'autre, ils étaient restés figés pendant ce qui lui avait semblé être une éternité. Les invités étaient partis, mais pas eux. La famille était partie, mais pas eux.
Elle était partie.

Pas eux.

« Je veux pas. »

Les mèches brunes étaient douces contre sa tempe. Familières ; rassurantes.

« Je sais. »

D'avoir été trop crispés, ses doigts commençaient à grincer douloureusement. Son esprit aussi.
Né de ses nerfs à vif, l’égoïsme dansait sur sa langue et le long de ses muscles fatigués sans réussir à le faire culpabiliser. Il avait toutes les raisons du monde d'être exténué, de ne pas vouloir être là. C'était trop lourd pour lui. Ses parents l'auraient réconforté, s'il avait été chez lui ; Alexandre aurait préparé le repas, quelque chose de léger, et ils auraient regardé un film jusqu'à ce qu'ils s'endorme. Son père l'aurait ensuite ramené dans sa chambre, tant bien que mal, et Cluedo serait même venu se lover près de lui comme il savait si bien le faire dans ces moments-là. Il se serait senti bien, en sécurité, loin des problèmes de l'extérieur.
Quelques nuages blancs obscurcissaient à peine le ciel trop clair.
Il en avait marre. Il voulait rentrer.

Mais Dean était tout seul.

« Je suis sûr qu'elle voudrait pas que tu prennes froid.

-Ha. »

Pour toutes les fois où elle a refusé de monter le chauffage, hein. Mentir ne servait à rien.

« Faut que tu lui dises au-revoir. Elle va pas revenir.

-J'ai besoin d'elle.

-Je sais. »

Qu'est-ce qu'il pouvait dire d'autre ? Il n'en pouvait plus de se taire.
Trop conscient des sanglots vides que son ami pleurait entre deux inspirations maladroites, Axel baissa les yeux sur la tombe devant eux.
Manon avait toujours été tellement gentille.

La vie avait vraiment un sens de l'humour cruel.

« Elle t'aime. »

Le passé ne venait pas ; ça prendrait plus de temps que ça.
Deux semaines plus tard, il n'était toujours pas habitué à savoir madame Launay enterrée à quelques mètres de là. On ne lui avait pas raconté grand chose. Juste qu'elle s'était pendue. Pas de détails glauques, bien sûr, à quoi bon. Personne ne veut savoir.

Ses doigts le brûlaient.

Manon était tombée dans les escaliers, ça n'avait rien à voir. Un bête accident. Ça aurait pu arriver à n'importe qui, n'importe quand.
Que ça lui soit arrivée à elle maintenant rendait juste les choses plus terribles encore. Il en avait entendu faire le lien ; elles étaient amies, la succession paraissait presque trop parfaite. La peine avait dû la rendre plus maladroite et fatiguée qu'elle ne l'était déjà. On ne se donne pas la mort en glissant du haut des marches avec un bac de linge dans les bras, alors personne ne s'était posé la question d'un accident.

Personne sauf son frère.

Axel avait vu les regards noirs qu'il jetait à Dean. Il l'avait entendu, aussi.
Il n'avait pas eu ne serait-ce que la décence de rester le consoler à la fin de la cérémonie.
Même Maude avait voulu le voir. Même Maude l'avait enlacé en pleurant.
Alors ce type, s'il avait eu la force de s'énerver, il lui aurait craché dessus.
Il avait qu'elle au monde. Comment il aurait pu la tuer, hein ?

Yeux clos, il écouta Dean frotter ses yeux avec la manche de sa veste.

« … Au-revoir, maman. »

Balayées par le vent, quelques mèches brunes vinrent caresser ses cils.

Ah.

Doigts serrés sur ceux de l'autre à chacun s'en briser les phalanges, il pleura enfin.




« Ce serait plus facile si . »

Ça a l'air suffisamment facile comme ça.
J'ai mal partout, j'ai mal.


« … Mais . »

Je comprends rien. Pitié,  je veux juste rentrer.

« Alors je . »

Alex, Alex Alex Alex maman papa maman –
Oh pitié pitié pitié venez me chercher.

Venez me chercher.





▬ 10 Février 2010

« Émeline avait pas l'air. Ravie.

-Hmhm. »

Lèvres pincées, Axel tapota discrètement des doigts sur ses cuisses. Chaque fois qu'il osait bouger d'un centimètre de trop, le banc de l'abribus lui rentrait dans la peau façon instrument de torture. C'était pas vraiment mieux que le sol, en fin de compte ; juste différemment nul et inconfortable. Ça donnait pas le même style, non plus. Y'avait que les loubards et les types débiles pour ne jamais s'asseoir que sur les dossiers ou le plancher.
Comme sa tête d'ado parfait ne rentrait pas vraiment dans l'une ou l'autre des catégories, le banc lui allait très bien.

« Nous traversons une phase critique de divergences diverses, lâcha-t-il après quelques secondes de silence à tirer sur sa cravate imaginaire.

-Elle s'est rendu compte que t'es un mauvais coup ? »

Faussement outré, il envoya son pied heurter le tibia de Dean.

« Saaaaale, t'es saaaale, geignit-il en laissant son dos aller contre la vitre.

-J'ai eu un bon professeur.

-Ça pourrait faire super sale aussi, mais je vais faire comme si j'avais compris ce que tu voulais dire. »

Regard détourné, il secoua la tête très lentement pour mieux mimer l’exaspération.
Parfois, il ne savait plus s'il cherchait à se guérir de ce qui le gênait ou s'il était juste stupide. Les deux explications se valaient.

« Et toi ? Personne à l'horizon ? »

Cigarette coincée entre l'index et le majeur, Dean haussa les épaules. Il détestait le voir fumer comme ça ; détestait que Maude s'y soit mise, elle aussi. Parti perdant et incapable de leur faire entendre raison, malheureusement, il avait bien dû se résoudre à abandonner le combat. « C'est déstressant », « j'ai déjà commencé, trop tard », « je fume pas beaucoup », « j'en mourrai pas, débile » et autres justifications atterrantes auraient eu raison du courage de n'importe qui, à force. Il comprenait qu'ils aillent mal, mais de là à accepter qu'ils se pourrissent la santé en riant... Non.
Il n'approuverait pas, jamais de la vie. Hors de question.

« Si tu les jetais pas du regard, hein. Ça te ferait plus de choix déjà.

-Ça va, merci. J'ai pas besoin d'un harem. »

Axel fit la moue.

« Un harem non, une fille, ouais. Alyson serait grave intéressée, genre. »

Ça eut le mérite d'attirer son attention.
Sourcils haussés, Dean le dévisagea d'un air bête ; et, sans surprise, l'embarras ne tarda pas à envoyer valser le reste. C'était quand même leur amie. L'attention de filles qu'il connaissait à peine n'avait jamais eu l'air de gêner le brun, qui de toute façon était trop occupé à profiter d'une crise d'adolescence bien méritée pour avoir le temps de courir les jupons, mais dans des cas comme Alyson ? Ça changeait tout. Il la voyait tout les jours en classe, ils parlaient, ils traînaient en ville ensemble. Dean était galant, grand, cool. Bien sûr qu'il plaisait.
Pas étonnant que ça ait finit comme ça, hein. Il pouvait au moins se consoler de ne pas avoir tapé dans l’œil de Lise.
Ça aurait fait hurler Maude que sa petite sœur – en pleine rébellion existentielle aussi, soit dit en passant – ose soupirer sur SON ex. Son ex affreux et sans cœur et juste terrible, tant qu'à faire. Qu'ils soient amis l'énervait déjà bien assez.

« Dean me vole tout ce que j'aime. »

Quelque chose comme ça.

« … Nan, t'as fumé. On est juste amis.

-Ouuui. Parce que tu jettes les filles du regard, tu te souviens ?

-Arrête. »

Même pas drôle.
Dean prenait tout trop sérieusement, ces derniers temps. Un petit truc sur la conscience, peut-être ; ça ou ses nerfs arrivaient en fin de vie.
A cette idée, Axel jeta un coup d’œil pensif à son ami. Pas sûr que ça se remplace, ces machins-là. Il espérait sincèrement qu'il avait juste un soucis intérieur complexe qui le poussait à ne pas vouloir parler de sa vie sentimentale non-existante, parce que si ça allait en se généralisant à tout les sujets ils étaient partis pour de longues années de joie.
Si leur amitié tenait le coup, en tout cas.
Il finissait le lycée l'année prochaine.

« Her. Dean. Tu peux tout me dire, hein ?

-Je te dis tellement de trucs que je me demande ce que tu sais pas, grogna-t-il en écrasant sa cigarette sous ses bottes de bad boy. Je te dirai. Peut-être. Un jour. »

Ah. Donc il admettait lui cacher un truc. Intéressant.
Ça devait pas être loin de sortir, s'il le lui disait aussi ouvertement sans craindre d'être harcelé non-stop.

« Hmmm. Des secreeeeets.

-Arrête, stop, tais toi. Tu veux même pas savoir. »

Sa gêne évidente tendait à lui faire penser qu'il avait une copine problématique cachée dans un placard, mais il décida de ne pas trop l'embêter avec ça pour l'instant. Ne pas effaroucher un animal sauvage et cætera et cætera.
Dean avait suffisamment souffert comme ça. Alors, souvent, il oubliait que le ménager ne servait à rien. Dès qu'il s'en rendait compte, tant qu'à faire, il se hérissait pire qu'un oursin face à un dangereux prédateur.
Inquiétude et attention ? Mon dieu, quelle sainte horreur ! Qu'on le laisse mourir de tristesse.

Terrible ado torturé. Il n'en connaissait pas de pire.

Mais, bon, il commençait enfin à s'habituer à vivre chez son oncle ; ç’aurait été bête de le laisser partir maintenant.

« Je veux tout savoir, tu me sous-estimes, chanta-t-il en lui frappant le bras avec une belle énergie. Et t'as presque dix-sept ans, d'ailleurs ! On boit ça quand ?

-Fête ?

-Non. Boit.

-Jamais.

-Laisse moi rêver » râla le garçon avant de se redresser d'un bond. Ses jambes avaient bien besoin de se détendre et son dos aussi.

Maude boit trop donc moi pas. Typique.

« Bon, j'ai une blonde à reconquérir. J'ai ton soutien moral ? »

Le sourire presque timide de Dean, quand il plongea les mains dans les poches de sa veste en faux-cuir, lui noua les artères juste assez longtemps pour que ça fasse mal. Il lui renvoyait des souvenirs qu'il aurait préféré oublier ; des soirées passées à le consoler et à l'entendre détester le monde entier. Lui y compris, parfois. Maude lui avait fait subir son lot de soirées horribles, mais elle finissait toujours par s'endormir en s'excusant et il savait qu'elle n'en pensait pas un mot. Qu'elle l'adorait. Il pouvait la croire même sans l'entendre.
Dean, il était sûr de l'avoir senti le penser.

Le ressentiment et la rancœur lui faisaient mal. Il avait toujours été là pour lui, ou presque.
Il ne les méritait pas.

« Ouais. Je te ramasserai quand elle cassera. »

C'était comme un test de confiance à chaque fois.
Il n'avait pas vraiment peur qu'il le laisse tomber. Ni qu'il le lâche.
Pas vraiment.

Rire au bord des lèvres, il heurta son épaule à la sienne à l'en envoyer heurter la vitre de l'abribus.

« Ça risque d'arriver, rigole pas ! Je compte sur toi. »



▬ 19 Mars 2010

Dean avait à peine fini sa phrase que déjà le sang battait contre ses tympans comme un tambour de guerre.
Pas dans le sens agréable, clairement.

« … Dis un truc, s'il te plaît. »

C'était facile de vouloir une réponse mais là, Axel ne voyait vraiment pas ce qu'il aurait pu dire. Tout ce qui lui venait n'était soit pas très poli, soit pas très sympa, soit aucun des deux ; il doutait bizarrement que ce soit le genre de choses qu'il ait envie d'entendre. Pas la peine d'être cruel non plus. C'était pas sa vie. Il n'avait pas à juger.
Bras raidis le long de son corps, doigts pianotant sur les coutures de son jean, il continua à passer d'un pied sur l'autre sans trouver les mots adéquats.

A supposer qu'ils existent seulement.

En face, Dean paniquait plus violemment que s'il avait attendu l'aval d'un père tyrannique. Il se demanda un instant s'il avait pu faire ou dire quelque chose qui lui fasse craindre sa réaction à ce point ; mais vu comment il gérait la situation, de toute façon, il aurait eu du mal à lui donner tort.
Quel meilleur ami minable il faisait s'il était incapable d'accepter ça, hein.

Sauf que.

« … Okay, euh. Ça me. Dérange pas, lâcha-t-il prudemment, bras croisés contre son pull. Tuuu fais ce que tu veux, tant que tu m'en parles pas genre. Tout le temps. Enfin ça me gêne, tu vois ? Mais c'est tout, sinon je m'en fous. »

Définitivement pas le meilleur encouragement du monde, mais il fallait avouer que c'était un peu forcé. Vu les circonstances, il ne pouvait pas faire beaucoup mieux.
Le cœur du problème avait l'air de complètement échapper à Dean et lui avait peur de l'aborder.

« Désolé, je suis nul, souffla-t-il entre ses dents. Sérieux, je m'en fous que t'aimes les mecs, c'est juste... »

Son regard se déporta jusqu'à la silhouette longiligne qui, un peu plus loin, tassait le sable au pied de sa balançoire d'un air appliqué.

« … Je veux dire, lui ? »

Dean fronça les sourcils, l'air plus blessé que s'il venait de remettre toute son existence en question.

« Quoi, lui ? »

C'était précisément pour ce genre de réactions qu'il n'avait aucune envie de lui en parler. Il voulait bien croire qu'être dans la même classe rapprochait, et qu'ils avaient passé beaucoup de temps ensemble après la mort de sa mère et son redoublement, mais ça restait bizarre. Pour ne pas dire malsain. Leur relation devait frôler la limite du glauque pour tout un tas de raison qu'il ne se sentait pas d'énumérer et qui auraient tout aussi bien fait de rester enterrées. Dean le savait forcément. L'amour rend aveugle, d'accord, mais pas sourd ; pas stupide à ce point-là.
Pas amnésique.

Les yeux vert jade de Sebastian accrochèrent les siens.

D'un côté comme de l'autre, ils n'avaient pas pu oublier.

« Rien, c'est juste... Bizarre. »

Haussement d'épaule nerveux. Il ne comptait pas l'admettre, ça crevait les yeux.

« Il est cool. »

Ouais, okay, pourquoi pas ; sûrement qu'il avait bien changé depuis la dernière fois, et si une bombe atomique lui était tombé sur la tête, d'accord. Il avait peut-être pu devenir cool.
Sérieusement.
Il voulait bien faire un effort d'imagination, mais Sebastian ? Il n'avait rien d'un type sociable ou populaire. De mémoire, c'était un gamin intelligent et timide, plutôt positif et carrément naïf, pas du genre à faire des bêtises ou à voir le mal où que ce soit. Facile à embêter, aussi. Gosse de riche typique incapable de se débrouiller par lui-même.
Il l'imaginait mal être resté comme ça. Il l'imaginait mal avoir vraiment changé pour autant.

Perdre son meilleur ami rendait rarement les gens plus gentils et tolérants.

Axel s'en serait pris la tête entre les mains de ne ne pas pouvoir faire comprendre un truc aussi élémentaire à Dean. Ça ne pouvait pas marcher. Ça allait juste tout empirer.
Stockholm et culpabilité ne fondaient pas de jolies maisons.

« Cool je sais pas, mais...

-Axel. Je suis grand, je sais ce que je fais. »

Le ton presque suppliant faillit le faire grimacer.
Comme s'il avait le choix, hein.

Paumes levées en signe de reddition, il abdiqua.

« C'est ta vie, écoute. Oublie pas de m'inviter au mariage.

-Okay. Okay ! Super. »

Enchaîné à bien plus qu'une petite hypocrisie passagère, Axel s'écouta rire comme si de rien n'était. Il se sentait hors de lui ; bizarrement détaché. La joie pudique de Dean lui faisait mal à la tête, le silence poli de Sebastian lui tordait l'estomac, et leurs mains jointes...

Cœur noué, il serra les poings.

« On recommence, j'imagine. »

La voix de Sebastian, beaucoup plus grave que dans son souvenir, le ramena sur terre à la vitesse du son. Il était tellement discret qu'il en aurait presque oublié sa présence – et si Dean ne lui avait pas fait signe de se rapprocher quelques instants plus tôt, c'était probablement ce qui se serait passé. Il l'avait toujours préféré en tant que décor. Le rôle de la statue dans le fond lui allait comme un gant.
Son masque d'acteur était parfait, pourtant, quand il lui tendit la main. Rien à redire sur le sourire ; il y mettait même la petite dose d'agacement contrit pour ne pas avoir l'air trop gentil et trop lisse.

Quelque chose n'allait pas chez lui et tout ça, juste parce qu'il en avait envie. Il ne l'apprécierait jamais.

J'aime toujours pas perdre.

« Sebastian. Enchanté. »

Il resta un moment sans rien faire, regard rivé sur ses doigts, à se demander jusqu'où la vie déciderait de se foutre de lui. Suffisamment pour avoir l'air impoli. Sur la réserve. Agacé.
Que ce soit la vérité ne voulait pas dire que ce soit la meilleure chose à faire de le montrer.
Une fois accusé, il aurait juste le mérite de l'honnêteté pour lui tenir compagnie.

« Axel. Et ouais. Pareil.  »

Sa poigne fut ferme ; franche, comme aurait dit son père. Pas que ça veuille dire grand choses à ses yeux, mais l'impression lui resta un moment.
Sebastian n'était plus un petit garçon. Eux non plus.

« C'est quand même bizarre, comme nom. T'écris ça comment ? »

Le mouvement de tête perplexe du garçon fit onduler ses épais cheveux noirs autour de son visage ; Dean rit presque en silence, à peine trahi par ses épaules tremblantes.

« Comme ça se prononce ? Sébastien, sauf avec un A. A l'anglaise.

-Hmmm. Sa mère aimait James Dean, lâcha-t-il en désignant leur ami commun du pouce. C'est quoi ton excuse à toi ?

-Mon excuse de quoi ?

-Pour avoir un nom bizarre. »

Il n'avait pas l'habitude de ce genre d'échange : ça se voyait. Ses yeux écarquillés paraissaient d'autant plus immenses, comme ceux d'un chat à qui on aurait chatouillé les oreilles – persuadé qu'on l'avait embêté mais incapable de savoir d'où l'attaque était venue, si c'en avait seulement été une.
Rien à voir avec Maude. Le type de Dean était plutôt obscur, pour ne pas dire autre chose.

« Jeee, ils travaillent à l'étranger. Tu devrais savoir ça.

-Tu viens de me dire ton nom, je suis censé savoir rien du tout. Je sais même pas ce que font mes parents, alors ceux des autres, t'imagines. »

Il plissa les yeux, cette fois. Aucune idée de comment réagir, hein.

Ça n'allait pas être automatique, mais à défaut de l'apprécier il se pensait capable d'être gentil avec lui.
Plutôt mourir que de recommencer les mêmes erreurs. Il avait assez donné.

Sans ligne de conduite à suivre ou conseils venus d'ailleurs, il ne pouvait faire confiance qu'à son instinct pour savoir quoi faire, quoi dire, quoi choisir. Qu'est-ce qu'il en savait, lui, des détails qui vous condamnent dix ans avant qu'on se décide à vous pousser sur l'échafaud ?

« T'es bizarre. »

Il pensait bien faire.

« Arrête, il va le prendre comme un compliment.

-Je le prends comme un compliment. Et j'aime ça. »

Mais comme toujours, j'avais tort.



▬ 10 Septembre 2010

« Deaaaaaan ! Tu m'as trop manqué mec t'imagines pas sérieux – »

Il n'aurait pas cru qu'une politesse à ce point banale vibrerait aussi sincèrement le long de ses cordes sensibles.
L'été, passé à déménager et préparer son entrée en MAN, lui avait laissé peu de temps pour voir autant Dean que Maude que n'importe qui d'autre ; et quelque part, bien sûr, il en avait été soulagé. Plus rien pour le tenir attaché au passé, plus de souvenirs désagréables, plus de mauvaises nouvelles, plus d'amis déprimés qui font bêtise sur bêtise sur indélicatesse sur erreur stupide. Rien que du nouveau, du silence. De la tranquillité. Des rires légers. Son colocataire était génial, tout le monde était génial, la vie était géniale.

Il se sentait déraciné et en overdose d'oxygène.

Bras serrés presque trop fort autour des épaules de Dean, il tenta de se persuader qu'il réussirait à complètement partir un jour.

« Toi aussi tu m'as manqué, débile. Mais tu m'étouffes, là.

-Oh ! Oups, pardon. »

Le sourire amusé de Dean lui parut vrai ; s'il était en colère, en tout cas, il n'en avait pas l'air. Pas qu'il ait des raisons de l'être, bien sûr – ses nerfs le rendaient juste trop attentif et dans quelques situations, quoi qu'il aurait détesté l'admettre, un rien paniqué. Maude, quand elle était arrivée, avait eu droit aux même craintes injustifiées.
Sauf que Maude étant Maude, elle les avait envoyées valser en trois secondes et autant d'efforts.
C'était son super-pouvoir rien qu'à elle et s'il ne marchait que sur lui, ça lui allait.

« Vous êtes en retard ! lâcha-t-il d'un air exagérément inquiet. J'ai cru que vous viendriez jamais.

-C'est Alyson, elle nous a mis le doute sur l'heure. J'étais persuadé que c'était dix-neuf heures, et elle a pas arrêté de répéter que c'était vingt. On a fait moit moit.

-Heeein ? C'est pas ma faute ! Et t'avais qu'à appeler, si t'étais tellement sûr que j'avais pas raison ! »

Grimace aux lèvres, Axel tapota la joue de son amie suffisamment fort pour la faire pencher dans l'autre sens.

« Mademoiselle Saulnier, je ne tolérerai aucun retard à mes dix-huit ans.

-Oui Monsieuuur, pardon monsieur. J'ai une super offrande en guise d'excuse, j'espère que ça suffira ! »

Jugeant sa tristesse docile suffisamment bien imitée, il hocha la tête tel le dieu miséricordieux qu'il était.

« Allez allez, rentrez moi tout ça à l'intérieur. Tout le monde est déjà là ! Sauf genre, un mec, mais vous vous en foutez un peu. »

Les fossettes d'Alyson le firent sourire jusqu'au coin de ses yeux bleus lorsqu'elle le dépassa en sautillant, à peine arrivée dans le hall que déjà elle rejoignait sa meilleure amie à grand renfort de décibels.
Trop d'énergie. Il l'adorait pour ça.
Lorsqu'il se retourna vers les invités restants, Dean avait passé sa main dans le dos de Sebastian.
… Est-ce qu'il avait déjà les traits aussi tirés, tout à l'heure ?

Bras plié, il adressa une fausse référence aux garçons.

« Si ces messieurs veulent bien se donner la peine. »

Il y voyait de l'inquiétude ou une réticence presque affolée – voire de la peur panique, pour ce qu'il en savait ; les expressions de Sebastian étaient aussi faciles à lire que du latin. C'était quelqu'un d'assez peu expressif, à priori. Ou du moins contrôlé.
L'intensité de son regard rivé par terre, pourtant, réussit à le mettre mal à l'aise.

Aie pas l'air si forcé de venir.

« Dis comme ça, nous acceptons volontiers. »

Sourire par trois et pas ni lents ni pressés ; doucement, Axel secoua la tête de gauche à droite.
Il en avait tellement marre de voir le mal partout.

Revenu du côté de la musique et des rires familiers, il claqua la porte sur le dehors.

C'est la mère d'Alyson qui les a amenés. J'ai pas eu le temps de la voir, elle était déjà partie.

Sebastian avait vite disparu ; impossible de lui présenter Robin. Son pauvre colocataire n'en avait pas eu l'air traumatisé, mais la sensation d'être évité restait quand même sérieusement en travers de la gorge d'Axel. Mérité ou pas, ça faisait mal.
L'important c'est que ça passera.
Soucieux de ne pas rester en plan toute la nuit à fixer Dean fixer son copain, il claqua des mains.

« Her, Dean ! Un J'ai jamais, ça te dit ?

-Hm ? »

Hm, ce n'était pas vraiment oui mais pas tout à fait non ; il savait reconnaître les batailles gagnées d'avance et s'en réjouissait déjà. Quoi que toujours réticent à boire, Dean risquait de faire un effort pour son anniversaire – d'autant que c'était vraiment juste pour embêter Maude qu'il critiquait l'alcool, et non par pure conviction éthique.
Comme ces types un peu lourds qui lâchent des « non » à tour de bras à attendre qu'on leur donne un prétexte de faire ce dont ils ont envie, Dean ne mit pas longtemps à hausser les épaules.

« Ouais, répondit-il vaguement, plongeant les mains dans les poches de son jean. Mais ça va faire beaucoup, si tout le monde joue, non ? »

Le problème fut chassé d'un revers de poignet.

« Oh, t'inquiète. Tout le monde jouera pas.  Y'aura qui... Moi, toi, Robin Hood, Maude, Violette, Dorian, Aurélien... Peut-être Aly ou Sebastian ? Les autres là –

devaient rentrer en voiture ou détestent grave boire, alors ils ont pas joué. Ils faisaient je sais plus quoi à côté – un jeu de carte débile, je crois. Ils gueulaient à mort.

Lorsqu'Axel revint avec les verres en plastique et les bouteilles, tout le monde s'était déjà sagement assis en cercle dans le salon. Il imagina que la place vide entre Robin et Dean était là pour lui et s'y dirigea donc, forcé contraint à la retenue par la tour en équilibre précaire dans sa main droite.
Surprenant le regard de ses amis, il haussa les épaules.

« Quoi ? C'est moi qui vais devoir faire la vaisselle, je vous signale. A défaut d'être écologiques, on peut au moins être économiques.

-Économes, le corrigea Robin.

-Ha ? C'est pas le truc pour éplucher les patates, ça ?

-Axel...

-Wholala, alerte à la mauvaise humeur ! chanta-t-il en s'étalant à demi sur Robin, dans le but avoué d'empirer la mauvaise humeur en question. Mon frère me parle tout le temps de cuisine, je dois être contaminé. Mais bref allez, on joue ! »

Tandis qu'il expliquait sommairement les règles du jeu à ceux qui ne le connaissaient pas déjà par cœur, il regarda les verres passer de mains en mains jusqu'à avoir fait le tour. Dean, puis Sebastian, puis Maude, puis Lise – il se fit une note mentale de la surveiller – puis Alyson, puis Aurélien, puis Dorian, puis Violette, puis Robin et le surplus revint rapidement entre ses mains expertes.

« Vous buvez ce que vous voulez, tant que vous buvez. Ceux qui boivent pas souvent ou jamais de la vie jeeee vous conseille de pas abuser. C'est pas marrant de finir dans les toilettes et si vous vomissez ailleurs que dans les toilettes, vous êtes. Morts. Et enterrés. Donc ! Faites gaffe à vos jolis estomacs. »

Il les aurait même brûlés pour mieux danser sur leurs tombes ensuite – pas de saleté dans sa chambre ou sur le carrelage tout neuf, merci bien.

« Et je commence. Parce que.

-Vas-y, chef. Inspire nous.

-Fais nous rêver.

-Fais nous boire, ouais. »

Rire aux lèvres, il leva les yeux au ciel.

« Je vais faire ça et éviter de vous tuer en même temps. Ma sainte mission. »

Ça a duré un moment mais y'a pas eu de problèmes.
Je m'en souviendrais je saurais –


« Sebastian est HS ?

-Ouais. Mais Dean le gère, ça va le faire. »

Et par « Dean le gère » il entendait « Dean lui tient les cheveux », évidemment. Pas besoin d'expliquer en détail ce qui se supposait très bien.
Avec ses trente kilos tout mouillés et sa tête de gentil garçon obéissant, il ne l'aurait pas imaginé du genre à tenir l'alcool de toute façon. Pas de surprise de ce côté-là.
Sauf que.

Il n'aurait pas bu autant s'il n'avait pas testé tout un tas de trucs que même les plus débiles ou les plus vieux n'avaient pas fait. Alors, okay ; il s'inclinait.

Sebastian était un parfait inconnu.

Et grâce à lui, une partie de Dean aussi.

A ce moment-là elle rigolait avec Lise et Julia, je crois ? Guillaume les draguait à moitié comme un débile, mais c'était pas méchant. Puis y'a eu une dispute et

« Vous pouvez pas vous empêcher de tout gâcher. »

Dean et Maude sont sortis.

« Dehors. Vous rentrerez quand vous serez calmés. »

Maude voulut protester, mais Dean la poussa vers l'extérieur avant qu'elle n'en ait eu le temps.

Maude pleurait en revenant, je l'ai consolée.

« Je suis nulle, je suis désolée – »

Elle avait trop bu, elle, je me souviens. Je me souviens de ceux qui avaient trop bu je pense.
Moi ça allait encore.


« Her, Dean ! On a failli commencer sans toi. Allez, c'mon, c'mon. Je veux ma photo d'abord ! Avec tous les cadeaux et tout là. Robin, file ta machine !

-C'est un appareil photo. Fais-y attention, merci.

-Au-cun soucis ! Allez, installez vous là. Dean, Sebastian, par ici par ici. »

Tout le monde était là quand j'ai ouvert les cadeaux. J'en suis sûr.
était


« Wooooouh le mien d'abord le mien ! »

En pleine forme ? Je crois.
Elle rigolait et tout. Je crois.


« Tu vas où ?

-Fumer. »

Et après ça

« Maude est partie fumer, Julia doit être avec. »

« AXEEEEL DEBILE MENTAL SERIEUX LACHE MOI ! »

« Guillaua me e putai n

Y'en a qui sont partis et j'ai
J'ai dû trop boire parce que je


Se ??, ?, dort el ?, va hur$////

Aly so n, ?
Juli a a fai t = =ded – ; ed

C'est bizarre d'habitude ça me fait pas ça je

Lee lit t t est l co na
Il avait porté Maude jusqu'en haut et miraculeusement, personne n'était mort.
Elle avait rigolé bêtement tout du long ; c'était mignon.

«  t ' eiam sa ??:/ i i

-Haha, dors. »

Guillaume s'était écroulé sur le canapé ; à un gramme d'alcool dans le sang près, il lui aurait dessiné des trucs sur la figure.
C'était quand ?

« Je croya is qu'elle rejreshbtj jnrejfd ? »

Je sais pas

,?NnnNNDNEnnd/// ?,/

Je sais pas –

« Je sais pas je sais plus je –  »  



▬ 11 Septembre 2010

« Axel. »

La main d'Alexandre serra la sienne si violemment qu'il en grimaça, gorge serrée par les sanglots comme autant de cordes contre sa peau.
Les larmes avaient enfin glissé de ses yeux et il n'y voyait plus rien.

« Her, ça va. C'est bon. On va demander aux autres, okay ? »

Il n'eut pas la force de hocher la tête et se contenta de la laisser tomber vers le bas. Tout son corps était lourd comme la pierre et il ne se souvenait pas ; il ne pensait pas avoir tellement bu et pourtant, il ne se souvenait pas.
Pour une fois dans sa vie qu'il aurait fallu faire attention pour une fois qu'il aurait dû pour une fois qu'il –

« Axel. Ça va aller. On va rentrer. »

Les accents calmes de sa voix ne le rassuraient pas ; leurs regards accusateurs le transperçaient de part en part et s'y soustraire ne changerait rien. Ils allaient le suivre quoi qu'il fasse ils allaient le suivre jusqu'à chez lui et ils ne le quitteraient plus – la culpabilité et les remords reviendraient lui coller à la peau jusqu'à en devenir une deuxième, jusqu'à lui comprimer le souffle et lui broyer les os.

Il n'avait jamais oublié celui de , ce jour-là.
Celui d' le réveillait encore, parfois.

« C'est vrai que tout le monde sortait tout le temps. On faisait pas attention.

-Mais elle se serait pas éloignée toute seule, elle est pas stupide ! Et puis qui aurait pu vouloir l'enlever ? Devant chez moi ? »

Sa voix cassée vrillait ses tympans et lui nouait l'estomac. Il voulait se taire, il voulait oublier, il voulait s'en aller.
Mais il n'y arrivait pas.
Il ne pouvait pas.

« Personne ne dit qu'elle s'est faite enlever, pour l'instant.

-Elle n'a pas fugué ! Au lieu de penser que nous sommes de mauvais parents, inquiétez vous plutôt de savoir quel genre de... de monstre a pu enlever notre fille ! »

Quel genre de monstre, ah –

« Il n'a pas fugué ! »

Du genre humain ? Une tête, deux yeux, un cœur.

« Vous savez... »

Il avait l'impression d'avoir treize ans de nouveau. D'être accusé de nouveau. D'avoir mal de nouveau. D'être seul de nouveau. D'être coupable de nouveau.

Pourtant, il ne l'était pas.




Axel Merec'h
- C 10 092010 70 03 C -

Axel Merec'h

En bref

Masculin
Pseudo : Nii'
Messages : 79



Histoire



▬ 15 Septembre 2010

Il ne voulait rien avaler.
Manger le rendait malade. Quand il lui prenait d'avoir faim, de toute façon, l'envie s'écroulait systématiquement une fois face au repas ; le chocolat chaud passait à peine, le café pas du tout. L'anxiété le laissait tantôt hyperactif et trop souriant, tantôt à genoux dans les toilettes à prier pour que personne ne se demande où il avait pu disparaître et le pire, c'était encore que personne ne se rende compte de rien.
Ce qu'il considérait comme une chance le rongeait consciencieusement de l'intérieur.

Toutes mes félicitations, tu sais souffrir en silence.

Fourchette plantée dans un haricot qu'il mourait d'envie de jeter dans l'assiette de son voisin, il pria pour que l'angoisse cesse bientôt. S'il ne pouvait pas se nourrir normalement, on finirait par l'envoyer à l'hôpital. Ou chez lui, en tout cas – c'était déjà un petit miracle que ses parents l'aient laissé repartir dans cet état.
L'excuse de la gastro allait devenir suspecte, au bout d'un moment.

Surtout pour Robin.

Une sonnerie familière interrompit son observation méticuleuse des légumes avec la minutie d'une bombe.
Qui que ce soit, il jurait de lui élever un autel.

« Jeee dois prendre ça.

-Hmm. »

Puisque son colocataire mangeait, lui, il n'élabora pas ; ce n'était pas le genre de garçon à beaucoup parler, de toute façon, et tant mieux. Ses regards inquiets étaient suffisamment difficiles à supporter comme ça.

Le nom affiché sur l'écran lui tira un sourire fatigué.
Si la voix de quelqu'un avait une petite chance de le calmer, c'était la sienne.

« Merec'h ?

-... Berault – et si le sarcasme dans sa voix lui sauta à la figure, il fut incapable de le comprendre pour autant. T'as deux minutes ou t'es occupé ? »

Définitivement libre. Libre comme l'air.
Verre en main, il tâcha d'avoir l'air détaché.

« Je suis avec Robin, on prend notre déjeuner. Qu'est-ce qui se passe ?

La réponse ne fut pas immédiate. Il n'entendait pas grand chose de ce qu'elle pouvait faire à l'autre bout du fil pendant ses silences, mais à en juger par l'heure elle devait sans doute manger aussi. Elle n'était pas du genre à trop traîner pour ça. Les habitudes ont la vie dure.
Prendre des médicaments lui avaient appris à être régulière, surtout.

« A propos d'. »

Il avala l'eau de travers.
Aussitôt plus attentif qu'un Saint Bernard en mission de sauvetage, Robin le regarda tousser sans oser intervenir ; d'un geste, il lui fit signe de ne pas s'inquiéter.

« C'est à dire ?



- Fais attention à toi, s'il te plaît.

- Maude, je – »

Bip, bip.

Le téléphone pesait si lourd dans sa main qu'il faillit en glisser.

« … Fais attention à toi aussi. »



▬ 17 Septembre 2010

Trois cent. Deux cent quatre-vingt-dix-neuf. Deux cent quatre-vingt-dix-huit. Deux cent quatre-vingt-dix-sept. Deux cent quatre-vingt-seize. Deux cent quatre-vingt-quinze.

Deux cent quatre-vingt.

A contrecœur, Axel cessa de fixer l'aiguille des secondes. Ça ne faisait que rendre le temps plus long encore. Autant dire qu'il n'avait vraiment pas besoin de ça.

Il allait faire une crise de nerfs avant la fin du cours.

Index gauche occupé à tapoter contre le bois de la table, il assigna l'autre main au traçage de lignes abstraites en lieu et place de son cours d'anglais. Impossible de se concentrer sur ce que leur professeur disait ; voir Robin prendre des notes consciencieuses et organisées ne faisait que le désespérer un peu plus encore. Pas moyen d'écouter de la musique pour s'occuper la tête, non plus. Il se serait fait sortir de cours avant même d'avoir pu mettre le casque sur ses oreilles.
Dans le silence religieux de la salle beige, jusqu'aux habituelles discussions de fond de classe s'étaient tues. Les petits rigolos avaient vite compris que leurs notes n'avaient pas le droit de chuter s'ils voulaient finir l'année ; le reste d'entre eux était trop heureux d'avoir été accepté pour vouloir rouler leurs chances en boule, les jeter au bûcher et en faire un joli feu de joie.
Il faisait partie de ceux-là, évidemment.

En théorie.

Dos en arrière contre la chaise, il soupira entre ses dents. C'était ce qu'il avait toujours voulu faire. Passer un bac ES pour pouvoir gérer une réorientation, se faire accepter en MANHR, et en fin de parcours se débrouiller pour monter un truc sympa avec son frère. Ils en parlaient depuis toujours ; en riant, d'abord, et puis plus sérieusement. Alexandre n'avait pas eu trop l'air d'y croire au début, préférant par prudence mettre son enthousiasme sur le compte de la jeunesse, mais l'envie ne lui était jamais passée. L'adolescence lui avait fait découvrir tout un tas d'autres domaines mais non, rien à faire. Il ferait dans l'hôtellerie. Avec ou sans son frère, il ferait dans l'hôtellerie.
Il n'aurait pas qualifié ses ambitions de rêve, surtout parce qu'elles étaient réalisables et qu'il n'en mourrait pas de bonheur, mais c'était sans doute ce qui s'en rapprochait le plus chez lui. Un boulot sympa, une femme, des enfants, des amis, des voyages. Il restait plutôt standard. N'en demandait pas beaucoup.

Alors qu'on lui arrache le peu qu'il osait demander, c'était juste...

Encore une minute.

Si aucune déviation n'avait poussé pendant la semaine, il devait pouvoir être rentré avant dix-neuf heures. Ça lui laisserait le temps de faire un crochet par chez Maude. Histoire de dire bonjour. Vérifier qu'elle allait bien. Elle lui avait envoyé un message stupide pas plus tard qu'en début d'après-midi et il savait, il savait qu'elle n'avait pas pu se faire assassiner entre temps, mais une partie de lui-même ne réussirait à se calmer qu'une fois ses mains à portée des siennes.
Dean avait Sebastian, Lise, sa cousine ; il n'était peut-être pas en sécurité, mais au moins il n'était pas seul. Maude n'avait plus grand monde. Tout ses amis étaient partis faire leurs études ailleurs ou, dans le meilleur des cas, avaient cours et ne pouvaient pas lui tenir compagnie aux bons moments. Les semaines devaient lui paraître horriblement longues.
Il avait été tellement pressé de s'enfuir qu'il en avait oublié l'important.

Il n'aurait jamais dû la laisser.

La sonnerie brisa son immobilité d'un coup sec.

« M. Merec'h est pressé, à ce que je vois. » Son sourire désolé n'excusait rien, affaires déjà rangées et sac à dos zippé ; étrangement, son professeur ne le lui reprocha pas. « Allez-y, je vous prie. Les autres, notez que lundi vous devrez... »

La porte claqua dans son dos sans lui laisser le temps d'hésiter. Il traversa le couloir au pas de course, slaloma entre les quelques lycéens déjà sortis de cours, s'excusa lorsqu'il heurta par mégarde l'épaule d'une jeune fille et – Dean l'aurait tué – descendit les escaliers aussi vite que ses jambes le lui permirent.
Après réception douloureuse en bas des marches et vu le nombre de personnel enseignant dans le hall, l'étudiant s'efforça de marcher normalement. Jambe gauche, jambe droite, tendues et pliées aussi strictement que celles d'un automate.
Je dois rentrer. Je dois rentrer. Je dois rentrer.

Il passa la large porte vitrée sans un regard autour de lui.

Ses affaires étaient déjà prêtes, sa valise faite. Pas besoin de repasser par l'appartement ou de prendre de l'essence. Il n'avait plus qu'à monter dans la voiture, mettre le contact et démarrer. S'en aller.

La sensation de ne pas être là où il aurait dû être lui faisait bien trop mal.
En sécurité ou pas, on avait besoin de lui là-bas.

« Her ! Axel, attends ! Axel ! »

Le juron ne quitta pas ses lèvres que déjà, il se tournait vers son ami. Robin s'arrêta le temps de reprendre son souffle ; qu'il ait réussi à le rattraper sans se casser quelque chose était presque bizarre, mais ses grandes jambes avaient dû en voir d'autres. Quand on veut on peut. L'esprit sur la matière.
Morose et tout sauf motivé, Axel reprit son chemin sans un mot.
On lui emboîta immédiatement le pas.

« T'es pressé de partir, aujourd'hui. T'es sûr que ça va ? »

Un sourire forcé crispa ses trait déjà tirés.

« Oui, ça vaaa. J'ai juste hâte de revoir mon chat, répondit-il en claquant des mains. Ils s'en occupent grave mal. Avec moi il se laisse porter et tout mais mes parents, il leur crache dessus en mode sale bête tu vois. Y'a même une fois où Dean a voulu rentrer, sauf que Cluedo s'était allongé devant la porte comme une grosse loque et il voulait pas bouger alors –

-Axel. »

D'habitude, le regard de Robin avait quelque chose de rassurant.
Il n'arrivait plus à le soutenir.

Son masque d'insouciance craquelait. Ce n'était qu'une question de secondes avant qu'il ne se brise, et il le savait. Ils le savaient tout les deux.

Sauver les meubles n'avait plus grand sens et pourtant, il avait le sentiment que c'était tout ce qu'il lui restait.

« Ça va, je t'assure.

-Est-ce qu'ils ont retrouvé  ? »

Axel retint son souffle. Ses mains, enfouies dans les poches de sa veste, tremblaient.

« Non.

-T'es pas obligé de faire semblant d'aller bien, tu sais. Te rends pas malade. Je serais triste et inquiet aussi, à ta place. »

Machinalement, il se mit à faire rouler ses clefs au creux d'une paume moite d'incertitudes. Il n'était pas obligé de faire semblant, non. Mais il ne voyait vraiment pas quoi faire d'autre. L'habitude s'installait vite et à force de constater que oui, ça marchait, que non, personne ne se rendait compte de rien, les chaînes se resserraient doucement pour mieux stabiliser un confort trop précaire.
L'avis des autres avait toujours compté pour lui. Il y mettait de l'importance sans s'y blesser ; sans excès. Leurs regards étaient comme autant de jolis miroirs qui lui renvoyaient de la fierté, de l'attirance, de l'admiration, de l'envie, de la confiance, de l'amour. S'il se voyait aller bien dans leurs yeux, alors il allait bien.

Que Robin lui rappelle à quel point il s'écroulait fit remonter un million de silences à la surface, aiguisés comme des poignards.

« J'ai l'impression que y'a un truc... Je veux dire, fit-il en bougeant les mains, autre chose que tout ça. Après on se connaît pas depuis si longtemps, je peux pas te forcer à me faire confiance, mais...

-C'est pas ça, le coupa-t-il. Je te fais confiance, c'est juste que... C'est des trucs personnels, tu vois ? »

Axel leva les yeux vers son colocataire. Il le vit acquiescer ; sourire, de la même façon qu'il aurait imaginé sa mère le faire dans la même situation.
Et là, pendant ce qui lui parut être une éternité, il aurait tout donné pour pouvoir lui expliquer.

Ses lèvres scellées brûlaient de sel sur les marques qu'y avaient laissé ses dents.

J'ai promis.

Ils marchèrent encore quelques minutes en silence avant d'arriver à la voiture. Portière ouverte d'un geste las, Axel jeta un dernier coup d’œil à son ami.

« Si t'as besoin d'aide, tu sais où me joindre.

-Ouais. Je sais. A lundi. »

Enfermé à l'intérieur par un clac satisfaisant, il glissa les clefs dans le contact et constata avec soulagement qu'il n'avait pas pris de retard. Maude se couchait tôt, par moments, mais pas moyen qu'elle soit déjà endormie avant le repas. Ça devrait aller.

Deux petits coups secs le firent sursauter.

S'il ne ralentissait pas les battements de son cœur, c'était lui qui mourrait avant d'avoir atteint sa rue.

Il baissa la vitre et esquissa un sourire maladroit à Robin. Ce qui, vu son air grave, ne dut pas servir à grand chose.

« Tu connais le mythe d'Orphée ? »

Axel resta le regarder sans comprendre.

« C'est toi qu'a fait latin, hein. Je dois y aller. »

Sa protestation fut rejetée d'un geste de la main ; il ne se sentait pas de lui refermer la vitre à la figure, non plus.
Alors il écouta.

« La femme d'Orphée, à sa mort, est descendue aux Enfers. Je te passe les détails, mais il a réussi à obtenir de la faire revenir. Sauf que pour ça, il devait marcher devant elle et ne surtout pas se retourner avant qu'ils soient tout les deux dans le monde des vivants. Sinon, elle disparaîtrait de nouveau.

-Okay ? Ça craint ?

-Et juste avant d'être tout les deux sortis des Enfers, il s'est retourné. Eurydice lui a été définitivement enlevée. »

La mythologie lui parlait autant que les métaphores, honnêtement ; aussi joli que ce soit, il préférait les lignes directes et les chutes claires. Interpréter lui faisait mal à la tête.
Malheureusement, pas besoin de comprendre les sous-entendus pour deviner l'intention. Qu'il se sente le besoin de lui raconter ça maintenant lui noua l'estomac.

« Ce que j'essaie de te dire, soupira-t-il finalement, c'est que t'as l'air de courir après un truc et ça te fait clairement pas du bien. J'aurais dit que tu voulais t'échapper, à la base, mais tu... »

Cette fois-ci, ce fut Robin qui détourna le regard.

« T'as l'air pressé de rentrer. Écoute, je sais vraiment pas ce qui te met dans cet état, si c'est ou autre chose, mais tu vas pas t'en sortir comme ça. Si y'a des conditions, faut les respecter. Fais pas de bêtises.

-T'as peur que je fasse quoi ? Que je braque une banque ? »

Sa triste dénégation n'enleva rien à son malaise, mais ça eut le mérite de le rassurer un peu. Son ami n'avait pas l'air de trop savoir où il voulait en venir lui-même.

« Je veux pas que tu te fasses du mal. Si t'y peux rien t'y peux rien, et si t'y peux... Fais juste les choses carrément, okay ? Sans te faire mal. Tu me reviens en pleine forme lundi, hein ?

-...Je vais essayer ?

-Je te fais confiance. A lundi, Axel. »

Ses yeux clairs suivirent la silhouette du garçon tandis qu'il s'éloignait à grandes enjambées, sac sur l'épaule. Il ne se retourna pas une seule fois. Ni au bout de cinq secondes, ni au bout de dix.
Les cinq d'après, il n'en saurait rien ; vitre close, il avait tourné la clef et levé le frein à main.



La colère lui faisait défaut au moment où il en aurait eu le plus besoin.

Si seulement il s'était énervé. Si seulement il avait tout cassé. Si seulement il avait blessé ses poings sur les murs, sur le plâtre, dans les portes. Si seulement il avait retourné toute la ville. Si seulement il avait frappé à toutes les portes si seulement il avait frappé à toutes les portes. Si seulement il avait frappé à toutes les portes. Si seulement il avait couru. Si seulement il avait réfléchi. Si seulement il avait eu la force de lever le poing et de l'écraser contre un mur et de dire non.

Non, ce n'est pas fini.

Non, ça ne se finira pas comme ça.

Non, je refuse.

Non. Je vais changer ça.

Non, je vais la retrouver. Je la laisserai pas comme ça.

Je la laisserai pas je l'aime je la laisserai pas.

Non, non, non.

« J'ai besoin de toi ; t'as pas le droit. »

Mais au lieu de se battre, il s'écroula.
Le dos contre les draps. Yeux fermés. Mains sur les oreilles. La tête sous l'eau jusqu'à s'en noyer.

Et il s'en noya.



▬ 19 Septembre 2010

Il n'avait pas mangé. Il ne voulait pas manger. Il n'avait pas mangé vendredi soir en rentrant il n'avait pas mangé samedi midi en ne se levant pas. Il ne s'était pas levé samedi. Alors lui non plus.
La fatigue l'avait fatigué et la fatigue l'avait endormi. Ses cauchemars étaient allés et venus entre l'éveil et le sommeil sans jamais trop le quitter, comme avant. Pas qu'ils soient un jour partis. Ils ne partiraient jamais, de toute façon. Parce qu'il avait raté, parce qu'il avait mal fait, on le punissait. Ça ne s'arrêterait pas. Il avait fait le mal et il méritait ce qui lui arrivait.
Bizarre qu'il n'arrive pas à penser la même chose de Dean. De Maude. De qui que ce soit.
Mais lui – ha, bien sûr. Il le méritait, tout était mérité, tout tournait autour de lui.

Il se dégoûtait.

Plus de vingt-quatre heures sans vraiment se lever l'avaient laissé vide : irritable. Ses pensées avaient mis un long moment avant de se remettre à fonctionner. Correctement, du moins. Les plaintes répétitives filaient d'un sens à l'autre et de neurone en neurone sans difficulté aucune, au contraire de pensées plus construites mais aussi moins agréable – forcément.
Se remettre à bouger avait demandé plus d'effort qu'il n'aurait cru possible d'en fournir.
Il exagérait. Sûrement.
Son ressenti était démultiplié par un cœur à vif. Sans doute.

Malgré tout, il s'était réveillé.

La mine soucieuse et la main sur la poignée, quelques secondes à peine après avoir entendu des coups contre le panneau en bois.

« Ah. »

Alexandre parut presque surpris de le trouver là ; yeux plissés pour mieux s'adapter à la lumière du couloir, il nota l'inquiétude sur son visage sans vraiment la voir.

« Maman veut savoir si tu comptes manger ce midi. Ça lui ferait plaisir que tu descendes, je crois. » 

Il réfléchit ; hésita. Faire semblant demandait une énergie qu'il n'avait pas et si ses parents le voyaient dans cet état, difficile de croire qu'ils auraient été rassurés. Ne pas le voir laissait la place au doute. C'était peut-être pire que ce qu'ils imaginaient. Peut-être mieux. Il ne connaissait que trop bien la chanson.

Soupir aux lèvres, il se secoua intérieurement.

« D'accord. Je dois sortir, de toute façon.

-Sortir ? »

Le ton surpris de son frère l'irrita. Il avait toutes les raisons du monde de l'être, pourtant – l'imaginer aller où que ce soit quand il sortait à peine de sa chambre devait paraître bizarre.
A lui aussi, ça lui faisait bizarre. Il n'avait simplement pas envie de l'entendre. Si même Alexandre ne croyait pas en lui, alors qui le ferait ?

Si même moi j'y crois pas, alors –

Nettement plus réveillé déjà, l'adolescent fit demi-tour jusqu'à sa commode. Le t-shirt qu'il n'avait pas quitté depuis la veille glissa au-dessus de ses épaules avant d'embrasser le sol en silence. Le pantalon suivit peu après.

« Je m'inquiète pour toi, tu sais. Si t'as besoin de parler, ou... »

Ou quoi ? Frapper quelqu'un ? Crier ? Te faire réprimander ? Conseiller ? L'intention était gentille et vraiment, il lui était reconnaissant d'être là. Ça comptait beaucoup ; il n'était juste pas très doué pour le montrer. Qu'il s'inquiète pour lui était la dernière chose dont il ait envie et s'il avait été en état de s'en préoccuper, il s'en serait voulu. Il ne lui causait que des soucis, ces derniers temps.
Tout le temps.
Seulement ce n'était pas le moment, ce n'était pas le lieu. Parler, d'accord. Il pouvait faire ça. Une dernière fois, avant de serrer les dents et de se jeter dans le vide.

Aide moi.

Le jean glissa sur ses jambes ankylosées. Sitôt noué, elles vinrent se plier contre le bord du lit défait.

« C'est la faute d'Eurydice, marmonna-t-il d'une voix absente, les yeux rivés sur le sol.

-Hm ? Tu t'es mis au latin ?

-Non – tu, écoute, Alex. Juste... Écoute, okay ? »

Aussi détestable soit-elle, l'urgence amère dans sa voix eut le mérite de faire taire son aîné.
Il avait oublié à quel point c'était difficile d'être sérieux.



« Peut-être que t'as raison. Je peux pas réparer, mais... Je dois pouvoir me rattraper. Je pense. »

Sitôt redressé, il récupéra son portable ; tendit une main volontaire à Alexandre et, sans trop d'efforts, le hissa sur ses deux pieds.

« J'ai quelque chose à faire avant, mais... Quand je reviendrai, je t'expliquerai. Promis.

-D'accord. Tu veux pas me dire où tu vas ? »

Le sourire d'Axel se fit mélancolique. Plus de mensonges. Plus de regrets.
Ça sonnait bien, dit comme ça, non ? Héroïque. Admirable. La seule chose à faire.

La vérité n'avait rien d'aussi enviable.

« Non. »

Il se souvenait d'un dernier sourire et de la porte qu'on referme derrière soi ; des yeux clairs de son frère et qu'il était décoiffé, ce matin-là.

Mais s'il y a une chose dont il ne se souvenait pas, c'était d'avoir pensé que ce serait la dernière fois.

Il n'aurait jamais imaginé que c'était un adieu.







Les miracles n'arrivent qu'une fois. Il faisait trop noir ; il avait froid.



« Du coup je fais quoi, déjà ? Je garde mon truc et je cours ? Elles sont bizarres vos règles, quand même. »

Deux grands yeux bruns le fixèrent sans ciller.

« Tu cours. Tu t'arrêtes pas, tu peux pas te cacher. Si je la tue pas avant qu'elle t'ai attrapé, c'est elle qui te tuera. »

Alors ne t'arrête pas, Axel. Je compte sur toi.
Tu peux le faire. T'as tes chances.
Tu peux compter sur personne mais moi, je compte sur toi.

Je te crois.

Alors cours.


Axel Merec'h ▬ Thought it was dead and buried ; Cd185b4edd2ef7925805127e8813ce3c
« Close my eyes and then cross my arms,
Put me in the dirt, let me dream with the stars.
Throw me in a box with the oxygen off ;
You gave me the key then you locked every lock.
When I can't breathe, I won't ask you to stop -
When I can't breathe, don't call for a cop.
I was naive and hopeful and lost ;
Now I'm aware and trapped in my thoughts. »

I'd like to be proud, but somehow I'm ashamed :

Aether
- NO DATA -

Aether

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Félicitation
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Le pouvoir de l'auto-validation hoho.  Axel Merec'h ▬ Thought it was dead and buried ; 1614271194

Tu peux dès à présent recenser ton avatar, ton métier et demander une chambre pour t'en faire un petit nid douillet. Tu peux également poster une demande de RP ou créer ton sujet de liens. Tu arriveras dans la pièce Est.

Nipnip rabbit.

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