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Giorgio Di Natale
- D 00 072024 62 09 D -

Giorgio Di Natale

En bref

Masculin
Pseudo : Dayday
Messages : 32



You're just a sad song
with nothing to say
About a life long
wait for a hospital stay
And if you think that I'm wrong,
This never meant nothing to ya

So go, go away,
just go, run away
But where did you run to,
and where did you hide ?
Go find another way,
price you pay
Nom : Di Natale.
Prénom : Giorgio.
Surnom : Gior, Gio, Giodue, Barbabietola, Barbie ...
Sexe : Masculin.
Âge effectif : 36 ans.
Âge apparent : ~26 ans.
Date de naissance : 24/04/1988.
Date de mort : 18/07/2024.
Orientation sexuelle : Homosexuel.
Groupe : Quietus.
Nationalité : Italien.
Langues parlées : Italien, Anglais, Français (pas très bon) et Japonais.
Ancien métier : Patron d'une entreprise indépendante d'architecture.
Métier actuel : Gérant d'un café qu'il a appelé Treno per L'Aquila.
Casier Judiciaire


▬ Crimes commis :
▬ Circonstances du décès :
▬ Péché capital principal :
▬ Péché capital secondaire :
▬ Rapport à l'alcool :
▬ Rapport aux drogues :
▬ Addictions :
▬ Mauvaises attitudes récurrentes :
▬ A été victime :


Physique



Giorgio arrive difficilement à passer inaperçu, et ça n'a rien à voir avec son mètre soixante-dix sept à peine au dessus de la moyenne. Mais il n'a pas à s'en plaindre, et ne le ferait jamais de toute façon. C'est lui seul qui a décidé de garder cette teinte rouge flamboyante pour colorer ses cheveux. Et c'est aussi lui qui a des goûts fantaisistes en matière de lunettes.
Mise à part cela, l'italien reste un homme sans grande particularité. Peau légèrement tannée, corpulence normale, pas spécialement athlétique mais malgré tout non dénué d'un certain charme. Cependant, tout joli trait se fait vite balayer par son excentricité et, de même, il est potentiellement difficile de lui donner un âge. Ce qui n'a plus vraiment d'importance à Asphodèle.

Bref, c'est à l'adolescence qu'il décida de troquer durablement ses boucles châtain pour quelque chose de plus voyant. Quoi de mieux alors que du rouge intense, tirant un peu sur le bordeaux. Pour ce qui est des lunettes, c'est aussi venu dans la même lancée.
Puis, arrivé à un âge où il avait suffisamment d'argent, il se permettait de régulièrement varier leurs montures colorées selon son humeur. Il est à noter cependant qu'elles sont loin de faire simplement office d'accessoire de mode. Giorgio est un véritable myope qui n'y voit rien sans correction. S'il lui prend de porter des lentilles, ce sera justement pour un soucis de discrétion. Rien cependant ne vient changer la couleur noisette de ses yeux.

Ces deux points de côté, Giorgio garde des goûts classiques et chics. En tant qu'homme d'affaire, il a adopté le costume trois pièces avec une classe certaine. Ses cravates n'arborent aucun motifs justement pour mettre en valeur ceux de ses lunettes. Autrement, ça ferait définitivement trop. Il ne souhaite pas ressembler à un clown, non plus. Ça ne ferait pas bien sérieux et c'est loin d'être son genre. Il tient en effet à donner de lui une image d'homme digne de confiance et c'est tout à son honneur. L'uniforme imposé à Asphodèle risque fort de lui rester au travers de la gorge, mais il suppose que c'est le prix à payer ? Il trouvera toujours un moyen de rendre ça plus facile à porter.
Dans ses moments personnels, Giorgio peut là se laisser aller aux vêtements amples et informes pour rester à l'aise.

Pour en revenir à son image, l'italien en est bien conscient et pense savoir ce qu'il en fait. Il se tient bien, parle clairement ... cela sonne en accord avec son ancien statut. Mais même avant cela, il était toujours digne et se grandissait par la force de sa confiance en lui. La balance avec la puérilité que peuvent inspirer ses cheveux et accessoires est ainsi instaurée.


Caractère


La personnalité de Giorgio est globalement à l'image même du rouge de ses cheveux : voyante, exubérante, chaleureuse, potentiellement charmante pour ceux qui aiment cette couleur.

Le fils Di Natale a toujours été un garçon extraverti, plutôt bon vivant et sympathique avec tout le monde en général. Avant qu'il n'aille à Turin, il trouvait que les liens entre les gens étaient très importants et se montrait très attaché à ceux qu'il créait. Parfois trop, selon les points de vue. De ce fait, il n'apprécie pas tellement lorsqu'il sent que son affection n'est pas rendue de la façon dont il le souhaiterait. Cependant, il sait très bien que c'est un poil immature et que ses pensées ne sont pas toujours légitimes, mais il n'y peut rien. Ça lui fait quelque chose au cœur, ça y laisse une marque et le contrarie. Et il est facile de voir quand Giorgio est contrarié.

Très expressif, c'est comme un livre ouvert. De toute façon, il ne voit pas non plus pourquoi il devrait cacher ses sentiments : tant mieux si ça se voit, en fait ! Aussi stupides les sources de ceux-ci peuvent être.
L'honnêteté est quelque chose d'important pour lui. Il n'aime pas du tout l'hypocrisie et les comportements qu'il ne pense pas authentiques. Il ne pense pas du tout pouvoir donner sa confiance aux personnes qu'il voit être de ce genre-là. Cela reste commun et Giorgio est conscient qu'il doit faire preuve de concession, surtout dans le monde des affaires, mais, globalement, il va plutôt se tenir loin d'elles.

Autrement, Giorgio est un homme débrouillard, autonome et intelligent. S'il y met toute son énergie, très peu de choses lui sont impossibles mais sa seule essence resteront ses racines et ses proches.
D'un point de vu professionnel, il est plutôt doué dans son domaine et difficile de lui reprocher grand chose. Il sait prendre des décisions ainsi que faire la part des choses, laissant de côté l'affectif un temps pour miser sur l'efficacité. Dans ces cas-là, il se montre très organisé et ne lésine pas sur les efforts.

La gestion de ses émotions peut s'avérer un problème. Il vit tellement les choses à fond, qu'elles soient en bien ou en mal, que tout à tendance à déborder tellement fort que c'est difficile de bloquer les vannes. Et ce même avec du soutien, ce qui peut malheureusement en énerver certains. Ceci étant bien la dernière que Giorgio souhaite.
Car il est vraiment quelqu'un d'attentionné et d'aimant, qui tient à offrir le meilleur de lui même à ceux qu'il dit aimer.
Cet amour n'est cependant pas sans faille et est sujet à quelques fragilités. Ce qu'il a pu alors reprocher à d'autres peuvent alors se retourner contre lui.

Giorgio aimait sa vie. Il en profitait toujours le plus possible et n'y allait pas toujours de main morte. Il aurait bien sûr aimé que tout reste pareil.
Aujourd'hui, à Asphodèle, il sait que quelque chose a cloché. Que quelque chose ne va pas. Une seule phrase résonne alors dans sa tête « Tu serais tellement plus heureux si tu arrivais à tout oublier ».
Il suit donc ce principe et ne cherche pas à comprendre. Ça semble mieux ainsi.
Giorgio, quand il réussit à bloquer les vannes, il est parfois tout autant difficile de les rouvrir et que ça reste fluide.


Résumé


Giorgio est né dans une petite ville située non loin de l'Aquila, au centre de l'Italie. Havre de paix dans les montagnes et, même si ce n'était pas bien grandiose, le fils Di Natale s'y sentait bien avec sa famille et ses amis. Ceux qu'ils pouvaient définir comme les meilleurs étaient les frères et sœurs Martina et Giovanni Petricola.
Ce dernier cependant, perdit la vie dans un accident où son aînée s'en sortit non sans un traumatisme crânien qui développa chez elle une prosopagnosie. Malgré cette perte et le sentiment de vide qui en découla, Martina et Giorgio sortirent ensemble de leur deuil et se promirent d'être confiant pour l'avenir.

Ce fut à ce moment-là que Giorgio décida de se teindre les cheveux et de porter des lunettes colorées. Avant tout pour aider Martina à le reconnaître sans problème, ce fut cependant aussi la marque d'un certain changement, et Giorgio se fit alors plus bruyant et sûr de lui. Ce pourquoi il n'eut aucune honte à demander à un autre garçon, Celio, de sortir avec lui devant tout le monde. Ce pourquoi il se battait pour offrir un travail de qualité à ses employeurs. Ce pourquoi il continua de vivre.


Finalement, Giorgio décida de partir pour Turin faire l'école d'architecture. Son parcours professionnel, atypique pour le profil de leurs étudiants, rebuta au premier abord mais il s'en sortit tellement bien aux tests d’entrée qu'ils ne purent refuser sa réorientation. Giorgio passa ces cinq années en ermite, mettant toute son énergie dans sa réussite. Énergie qui paya étant donné qu'il finit major de promotion à de nombreuses reprises, jusqu'à l'obtention de son master. Les seules fois où il s'était permis un peu de bon temps fut à travers quelques relations courtes où peu de sentiments furent au rendez-vous.

Son parcours, associé à son physique excentrique, attirèrent les journalistes qui lui demandèrent plus de détails sur ses motivations. Ce fut un grand coup de publicité pour son envie de créer sa propre entreprise d'architecture à Rome. Les premières années de sortie de l'école se passèrent donc très bien. Il avait réussi, son business marchait plus qu'il ne l'aurait espéré. Ses proches devaient être très fiers de lui.

Il finit par entrer dans un cycle de travail dans lequel il avait du mal à trouver du plaisir …
Malheureusement, des informations sur ses fréquentations régulières de bars homosexuels et sites de rencontre furent dévoilées sans qu'il ne comprenne ni comment, ni pourquoi. Cependant, sa fierté l'empêchait de nier quoi que ce soit, il n'avait aucune honte de ce qu'il avait fait. Ce n'était en rien les affaires des autres et ça ne changeait pas non plus ses capacités, ce qu'il avait accompli jusque-là et ce qu'il comptait encore accomplir.
Malheureusement, ses mots teintés de colère et d’honnêteté ne plurent pas au public. Il perdit des clients, des employés et beaucoup d'argent. Ceux qui lui étaient fidèles durent être renvoyés par faute de moyens pour les payer. Il arriva le moment où Giorgio se rendit compte qu'il ne pouvait plus rien faire et se vit obligé de fermer boutique.
La couleuvre s'avérant difficile à avaler, la dépression le guetta.
Il veut tout oublier.


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Giorgio Di Natale ▬ « Our voices saying farewell resound here forever » F7c39546fd1c4e7dbb6718f1818fe8d9
« Requiescat in pace »
Pseudo :  Giorgio Di Natale ▬ « Our voices saying farewell resound here forever » 4243084023
Âge :  Giorgio Di Natale ▬ « Our voices saying farewell resound here forever » 3437087373
Avatar : Mystic Messenger ► 707.
Comment avez-vous connu ce forum :  Giorgio Di Natale ▬ « Our voices saying farewell resound here forever » 1614271194
Autres : CRÈME ITALIENNE.
Attention spoilers : y'a pas de mafieux dans cette histoire.


Giorgio Di Natale
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Giorgio Di Natale

En bref

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Histoire



▬ Octobre 1995

Ce matin-là, dans la forêt, le chant des oiseaux était supplanté par le brouhaha venant des élèves de l'école primaire de la petite ville voisine. C'était devenu une sorte de tradition que les enfants de deuxième et troisième année s'y rendent une fois par semestre afin d'étudier l'évolution de la flore locale. Une idée de leur institutrice de Sciences, Madame Giannetti, qui n'était nulle autre que Valentina Iezzi, la tante de Giorgio et la mère d'Oscar. Cependant, comme elle avait préféré garder son nom de jeune fille pour le travail, la dame avait en horreur qu'on l'appelle « tatie » ou « maman » dans l'enceinte de l'école. Ce que les deux comprirent vite. Ce fut plus facile pour Giorgio, d’ailleurs. Oscar, de son côté, dut être puni à quelques reprises avant que ça ne rentre.

Le premier était en deuxième année, c’était donc sa première excursion avec ses camarades de classe. Et il n’y avait pas à dire qu’il avait été très excité à l’idée. Oscar le savait et, en tant que plus âgé (il prenait ça très au sérieux), il mettait un point d’honneur à ne pas lâcher son cousin. Sa mère en ferait une jaunisse autrement, et personne ne voulait voir ça. Après, qu’on ne le fasse pas dire ce qu’il n’avait pas dit, Oscar aimait beaucoup son cousin qui avait plus le profil du bon élève que du chenapan intenable. Cependant, la peur entretenue à l’égard de Madame Giannetti masquait toutes ses bonnes intentions.
L’autre principe derrière cette sortie éducative était aussi que ceux de la classe au-dessus partagent leur savoir : ainsi, tout le monde y gagnait en termes d'apprentissage. De leurs côtés, Madame Giannetti et ses collègues étaient toujours présents et surveillaient ce beau monde d'un œil strict et attentif mais, à ce jour, il n'y avait encore jamais eu de soucis. Les enfants aimaient beaucoup sortir et, à cet âge, ils se montraient souvent obéissants.

« Gior ! Gior ! J'ai trouvé un truc ! Tu viens ? »

Comment dire non à son grand sourire malicieux. Impossible. Giorgio se redressa donc, laissant Oscar en plan dans ses explications avec d’autres petits pour vite rejoindre Giovanni. Le fils Petricola et lui étaient de très bons amis depuis l'école de l'enfance. Avec sa grande sœur, Martina, Giorgio pensait pouvoir les désigner comme les meilleurs des meilleurs. Il aimait beaucoup de monde, mais eux c'était une autre histoire.

« Giorgio, où tu vas ? »

L'interpellé se retourna de nouveau vers son cousin qui, vraisemblablement, ne comptait pas le laisser partir comme ça. Pensant comprendre où il voulait en venir, il ne lui répondit pas tout de suite et fit couler son regard du côté de Vanni, à moitié dissimulé derrière un tronc. Celui-ci haussa des sourcils avant de lever les épaules ; peu importe, tant qu'ils se dépêchaient !

« Tu peux venir, si tu veux, fit donc Giorgio à son cousin en réajustant les grosses lunettes sur son nez.
— Ce n’est pas la question ! Mam…Madame Giannetti va crier !
— Shhh ! T'en fais pas ! »

Oscar laissa échapper un petit hoquet de surprise, croyant halluciner de voir le garçonnet disparaître dans l’ombre des arbres. Tiraillé entre toutes ses conceptions du monde, le fils Iezzi finit par céder et indiqua à ceux qui l’écoutaient précédemment de continuer à compter les escargots jusqu’à son retour. Il ne put non plus s'empêcher de lancer un regard derrière lui avant de suivre les pas de Giorgio et son ami mais, visiblement, les grandes personnes n'avaient rien remarqué de leur départ impromptu.
De toute façon, ils n'étaient pas allés loin du tout.

Giovanni s'arrêta en face d'un arbre et en tapota le tronc avant de commencer à y grimper. A bien l’observa, Giorgio s’avéra assez impressionné. Sa forme et ses branches permettaient de facilement y monter, même pour Oscar par exemple qui n’avait l’habitude de ce genre d’exercice. En parlant de lui, ce fut à ce moment-là qu’il réapparut. Giorgio agita sa main pour le saluer et lui indiqua alors de monter en premier. Certes, c’était le plus grand mais, à la maison, il ne s’en vantait pas autant. C’était quelqu’un de la famille quoi, et ils s’entendaient bien alors nul besoin de hiérarchie ! De toute façon, comme dit précédemment, Oscar n’était pas un bon grimpeur et il fallait donc quelqu’un pour surveiller ses arrières.
Malgré sa réticence, tant qu’il était là et face à l’insistance de Giorgio, le garçon suivit le mouvement.

Sans aucun mal, les enfants arrivèrent sur les plus hautes branches et sortirent la tête des feuillages, découvrant là une superbe vue de la forêt et de ses alentours dans les coloris propres à l’automne. Les magnifiques montagnes de l’Aquila, province des Abruzzes, agrémentaient majestueusement ce paysage que Giorgio aimait tant.

« Giooo …
— Quoi ? », firent en chœur les deux garçons avant d'en rire.

Oscar appréciait beaucoup la vue, ce n'était pas le problème …  Cependant, il pensait toujours à sa mère. Peut-être que Giorgio ne s'en rendait pas compte car elle ne se montrait pas tant que ça sévère avec lui, mais dans son cas … La chanson n’était pas la même. Heureusement, il comprenait bien et les deux amis s'accordèrent pour redescendre compter les fleurs ni vu ni connu.
Il ne s'imaginait tellement pas quitter la région de sitôt, alors il se consolait en se disant qu'il aurait bien le temps de l'apprécier sous tous ses angles. Il verrait tout ; de sa ville au chef-lieu, situé à une heure de route.

« Oscar ? Giovanni ? Giorgio ?
— Aïe. »

Stoppés dans leur élan, les garçons restèrent immobiles dans les branchages, la main de Giorgio instinctivement posée sur la bouche de son cousin. En dessous, ils pouvaient entendre les bruits de pas de Valentina, et pas besoin de plus pour savoir que ça ne sentait pas bon.
Au moins pourraient-ils sauver les meubles, Giovanni prenant les choses en main en bon instigateur de tout ça. Avec agilité, il se mut entre les branchages silencieusement et fit le tour de l'arbre. On aurait dit un écureuil ; impression que la couleur chocolat brillant de ses cheveux soyeux ne faisait que renforcer.

« Madame Giannetti ?
— Ah ! Qu'est-ce que tu fais là ? Où sont tes copains ?, demanda-t-elle en le rejoignant de son côté du tronc, sévère et pas du tout là pour plaisanter.
— Euh …, Giovanni fit mine de regarder vers l'arrière. Ils étaient derrière moi, c'est bizarre … »

Le temps de cette diversion, les disparus purent finir de retrouver discrètement le plancher des vaches et de mystérieusement apparaître dans le dos de leur institutrice.
Ce fut à Giorgio de jouer, du coup : il prit la parole avec sa mine la plus sage collée au visage alors qu'il tenait fermement la main d'Oscar. Lui ne pouvait s’empêcher de baisser les yeux en parfait coupable, expressément pour ne pas croiser les yeux de sa mère dont le pouvoir destructeur aurait pu l'obliger à parler plus qu’il n’en fallait et tout gâcher.

« On est là ! Désolé, Madame, on pensait avoir entendu un merle alors on a voulu le voir de plus près … On ne voulait pas partir trop loin et vous inquiéter. Oscar nous a vu partir, alors il a voulu nous arrêter … »

Pas dupe non plus, Valentina passa de son neveu à son fils, puis au jeune Petricola … Malheureusement, elle ne vit sur le coup aucune raison de sévir. L'aîné de sa sœur parlait si bien, c'était un bon garçon. Elle lui faisait confiance et ce n'était pas comme si elle les avait perdus longtemps, alors …

« D'accord, Giorgio. Au moins, il ne vous ait rien arrivé. Mais je préfère que vous restiez avec les autres ! Oscar vous surveille, mais il reste un enfant aussi. Si vous entendez quelque chose, venez plutôt nous voir. »

Tous trois lui assurèrent que ça ne se produirait plus, Giovanni y ajoutant même une main sur son cœur … pendant que l'autre croisait malicieusement les doigts dans son dos. Mais c'était gentil.

C'étaient d'adorables bambins.
Et, comme tels, ils retrouvèrent sagement le reste de leurs classes.

Les poings de Giorgio et Giovanni s’entrechoquèrent, complices.



▬ Novembre 1997

Les enfants étaient enfin calmés, tous plus ou moins sagement installés autour de l'invitée d'honneur de la fête au lieu de courir partout dans la maison. Ce jour-là, avec sa famille et ses amis, Martina fêtait ses onze ans comme pouvait en témoigner le nombre de bougies allumées décorant le gâteau que sa mère apportait. A mesure qu'elle approchait le plateau, Madame Luigina Petricola commença à chanter, rapidement suivie par des claquements de mains et les voix des autres convives, petits et grands. Son père, lui, capturait l'instant avec son nouvel appareil photo que Martina ne quittait pas des yeux, lui faisant régulièrement coucou.
Cette fois, cependant, elle fut obligée de détourner le regard pour admirer la pâtisserie surprise préparé par le voisin boulanger. Chaque année, il lui cuisinait quelque chose de nouveau, toujours délicieux et si bien présenté ! Après ça et le déballage des cadeaux, elle descendrait le voir pour le remercier.

« Allez Tinaaaa !
— Tinaaaaa ! »

Ah, ben ils étaient là, eux ! Ouvrant un œil, dérangée alors qu'elle réfléchissait à son vœu, la fillette fronça ses sourcils avec sévérité en l’honneur de ces deux garçons venant d'apparaitre comme par magie en face d'elle. Habitués, ça ne leur fit presque rien.
En même temps, Giovanni, son petit frère, et Giorgio, son camarade de classe à lui, étaient sans aucun doute les personnes avec qui elle était le plus proche.

« Si vous me poussez trop, je vais prendre encore plus de temps !, menaça-t-elle gentiment, ce à quoi toute l'assistance réagit en protestations amusées. Oh bon, c'est bon ! »

Vaincue par le poids de la démocratie, elle obtempéra : Un, deux … Hop ! D'un coup, Martina souffla sur ses bougies et leva les bras au ciel sous un tonnerre d'applaudissement. Mais lorsqu'elle chercha ses deux amis, ceux-ci avaient de nouveau mystérieusement disparu. L'incompréhension ne dura pas longtemps, cependant, ceux-ci réapparaissant aussi vite en glissant de sous la nappe de la table.

« Qu'est-ce que vous faites ?
— Surprise ! », tonnèrent-ils en chœur, sortant un long cadeau soigneusement empaqueté de leur dos.

Martina cligna des yeux, se tournant vers ses parents pour chercher leur approbation. Bien que ça n'était pas l'heure des cadeaux, ils acquiescèrent. Sans plus tarder alors, une légère excitation au fond du ventre, la petite fille prit soigneusement le présent, y trouvant de nombreux post-it avec divers messages des garçons, et le posa en face d’elle. Elle les retira un à un, les collant au fur et à mesure sur ses bras, puis retira le papier sans le déchirer. Le premier pan enlevé et malgré tout l'autocontrôle dont elle avait pu faire preuve jusque-là, elle ne put cette fois pas retenir son cri.

« Merci, merci, merci, merci ! »

Sautant à pieds joints de sa chaise, Martina admira le train miniature avec attention. C'était une véritable passion chez elle. En fait, l'aînée Petricola aimait beaucoup tous les types de transports, mais ceux du domaine ferroviaires gardaient sa préférence. Ce n'était un secret pour personne.

« C'est de la part de toute la famille, mais ce sont Giorgio et Giovanni qui ont eu l'idée et l'ont choisi ! »

Retrouvant son calme, ou essayant, Martina posa avec précaution son précieux cadeau et perdit toute forme de douceur en attrapant son petit frère et son meilleur ami par le cou.

« Une photo avec mes deux Gio préférés ! »

Chacun dans l'un de ses bras, Martina offrit son plus beau des sourires à l'objectif de Michele Petricola. Les deux garnements firent de même, rajoutant des oreilles de lapin avec leurs doigts de chaque côté de la tête de la petite demoiselle.

« FAMIGLIAAAA ! »



▬ Décembre 1997

C'était bizarre pour Giorgio de se dire que ça avait été Noël deux jours avant. Qu'à ce moment-là, toute la famille s'était réunie comme à son habitude afin de célébrer les fêtes ensemble.
Il se souvenait encore s'être endormi sur son grand-père avant la fin de la messe. Il l'avait même porté sur son dos, rendant jalouse sa petite sœur à qui il dût laisser son tour. Heureusement, il fut vengé par ses cousins qui lui piquèrent chacun sa place à elle aussi. Valentina n'avait d'ailleurs pas apprécié que son père fasse autant d'efforts et ses fils furent donc les seuls à ne pas en profiter, de peur des représailles.
De toute façon, Vitale était déjà bien trop grand et fort pour être porté ; d’autant qu’il n'y tenait pas plus que ça. Oscar, en revanche … Enfin, bon. Au moins, on ne pouvait pas dire que c'était de leur faute, à eux ?
Valentina s'excusa auprès de Giorgio, lui expliquant que non, ce n'était pas sa faute. Ce n'était d'ailleurs de la faute de personne, mais juste la vie qui continuait son cours.

Pietro Giannetti avait eu une existence qu'il qualifia à nombreuses reprises de belle. Bien qu'il ait perdu sa première femme assez tôt, il s'occupa avec plaisir de ses trois enfants. Plus tard, il se remaria avec Anna qui l'accompagna jusqu’à la fin et qui lui offrit une dernière fille. Il fut content aussi que tout le monde s’entende très bien, même si des fois des questions pouvaient se poser étant donné le caractère de chacun. Lui, en tout cas, y avait vu de l'amour et c’était tout ce qui comptait.
Il avait aussi vécu assez vieux pour voir naître pas moins de dix petits-enfants dont le plus grand, Vitale, avait fêté ses 13 ans et la plus jeune, Jessica, venait tout juste de commencer à faire ses nuits.
Sa famille pouvait supposer qu'il était parti heureux.
Cependant, ça ne les empêchait pas d'être tristes.

A un moment, Giorgio et ses cousins se retrouvèrent de façon quasiment continue à la maison de leurs grands-parents ; et ça allait à priori durer quelques jours. Le cercueil de son grand-père trônait dans sa chambre et pas mal d'amis de la famille étaient venus pour l'embrasser. Le petit garçon l'avait fait une fois, ce qu'il avait trouvé très bizarre à cause de l’odeur qui était trop différente. Après ça, il n'avait plus eut à approcher la pièce au contraire de ses parents, oncles et tantes qui y étaient presque tout le temps.
Mais il n'était pas idiot. Il savait ce que c'était, la mort. Juste que ça lui tombait dessus pour la première fois. Personne n'était décédé, aussi loin qu'il s'en souvenait, et il n'avait donc jamais eu à suivre des veillées mortuaires. Il trouvait ça … particulier, et plutôt triste. Au moins, il n'était pas seul pour en parler.

« Nonno ne serait pas content de vous voir comme ça, les enfants. »

Giorgio baissa un peu la tête, laissant ses montures glisser le long de son nez pour bien marquer l'absurdité de ce que venait de timidement dire son oncle. A ses côtés, affalés comme des dominos sur le canapé, Vitale et Oscar n'en menaient pas plus large.
Voilà un petit moment qu'ils n'avaient rien dit ou fait à part fixer la peinture caillée du plafond et Leandro Iezzi se sentait vraiment mal de voir les trois garçons ainsi. Alors que les descendants directs Giannetti s'affairaient aux préparatifs des funérailles de leur père ainsi qu'au bon déroulement de la veillée mortuaire en son honneur, le père de famille était de corvée de gardage d'enfant. Chose qui ne le dérangeait nullement, habitué.

« Eh bien quoi ? Ce n'est pas parce qu'il ne bouge plus et que tout le monde est triste qu'il n'est plus là ? »

Leandro réfléchit sur comment tourner la suite de ses idées dont le but était avant tout de redonner le moral à ses fils et son neveu … En plus, il avait toujours son petit dernier sur les genoux qui commençait à s'impatienter de son manque de considération.

« Qu'est-ce qu'on vous a appris au catéchisme, voyons ? »

Hu. Giorgio fit la grimace. Le catéchisme. Déjà que, de base, l'histoire de Jésus lui passait souvent par-dessus la tête mais, en plus, la sœur qui leur faisait cours rendait ça encore plus terrible et ennuyant. Avec Giovanni, pendant ses discours, ils s'amusaient à se passer des mots ou jouer au pendu ou au morpion. Dernièrement ils avaient tenté une petite bataille navale, par exemple, et c’était vraiment pas mal.
Oscar et Vitale, eux, étaient déjà un peu plus sérieux que lui de ce côté-là. En fait, même sa sœur était plus sérieuse que lui de ce côté-là, alors qu'elle n'avait que six ans. C'était dire.

« Mais tonton, comment ça peut être vrai ? Que les gens soient toujours vivants alors qu'ils sont morts ? Et s'ils sont vivants, pourquoi les gens sont tristes alors ?
— C'est pas que les gens sont toujours vivants, commença à expliquer Vitale. Mais leurs esprits qui vont au paradis sont toujours là et peuvent sentir ce qui se passe.
— Ah bon, fit juste Giorgio, toujours peu convaincu.
— Mais si, Giorgio. »

Réorganisant ses idées, l’homme entra dans quelques explications tout en attrapant une marionnette de tigre sur la table pour distraire Ottone, faisant sembler de le manger en lui chatouillant les côtes.

« C'est bien les émotions, c'est important de savoir quand tu es triste et pourquoi. Et puis, après, tu peux encore plus profiter de la joie. Ensuite, votre grand-père va bien, il est au ciel et veillera toujours sur vous. C'est … rassurant de se dire ça. »

Face aux regards peu inspirés des trois garçons, la voix de Leandro avait fini par perdre en force. Il commençait à se dire qu'il expliquait mal, ou quelque chose de cet ordre-là ?
Pourtant, ça travaillait sous la tignasse épaisse de l'aîné Di Natale. Il notait donc qu'être triste c'était important, et cherchait dans sa mémoire des événements qui pourraient corroborer ces propos. Tante Valentina lui avait déjà montré que la colère et la frustration pouvaient aussi être de bons carburants pour aller au-delà des difficultés. Tout était une question de "régulation". Il aimait bien ce mot.
Après, pour la partie avec les esprits, il restait sceptique mais peut-être qu'il comprendrait plus tard. A sa confirmation ? Éventuellement. Parce que, sinon, imaginer que plein d'esprits pouvaient le surveiller à tout moment de la journée n'était pas vraiment rassurant pour lui, hein.

« Bon, les enfants, pourquoi vous ne joueriez pas aux cartes, ou quelque chose ? »

A ses mots, Vitale se leva aussitôt, visiblement très enthousiaste à l'idée. Son geste fit qu'Oscar se laissa tomber, laissant à son tour tomber Giorgio.

« Uno ?
— Okaaay », firent son cadet et son cousin en levant un bras en signe de vie. Quelles éponges ils faisaient. Leandro en lâcha un bruyant soupir de frustration.

« ON PEUT JOUER AUSSIIII ? »

Telle un petit diable sortant de sa boîte, Luce déboula sans crier gare de derrière le canapé. Plus tranquilles, Amando et ses deux cadettes allèrent jusqu’à la table déposer leur dinette, caisse enregistreuse et aliments en plastique.

« Tu es trop petite pour jouer au Uno ! Amando (à la notion de son nom, l’intéressé tourna vivement la tête vers Giorgio, mais reprit simplement son jeu la seconde d’après) il peut, toi tu peux pas, protesta son grand-frère avec sagesse.
— Mais si, elle peut.
— Merci Vitaleeeee ! »

Toujours si gentil, le Vitale. Pourquoi ils ne pouvaient pas rester "entre mecs", un peu ? Luce n'avait qu'à jouer avec Flora et Sibilla pendant qu'Amando venait avec eux – et ce même s’il semblait préférer trier les faux légumes de son marché. Mais non, à la place, elle s'installa comme une princesse sur les genoux du pré-adolescent qui s’était assis par terre et l'aida à distribuer les cartes.
Se laissant glisser sur le plancher, les yeux de Giorgio se plissèrent sur les deux qui pouvaient du coup voir les cartes de chacun :

« Eh mais c'est de la triche, non ? »

S'attendant à leurs réponses, Giorgio destina ses gestes outrés à son oncle pour qu'il réagisse, fasse quelque chose au lieu de juste les regarder en faisant sautiller le petit Ottone sur ses genoux. Ce n'était pas toujours le plus réactif des adultes, son autorité fondant face à celle de sa femme, mais quand même !

« Hm, vous pouvez faire des équipes, sinon ? »

Bien entendu. Giorgio savait s’avouer vaincu et décida donc de se prendre au jeu.

« Bon ben moi je fais équipe avec Amando.
— Quoi ?, demanda cette fois la tête brune, dérangé dans son compte de billets plastifiés.
— Comme ça on fait double équipe avec Oscar pour vaincre, HAHA !
— Ehhh, c'est toi qui triche là, Gio ! », protesta du coup Luce en croisant les bras.

Ah, qu'il attendait ce jour où elle serait plus grande et gentille. Il aurait certes plus de remords à l'embêter mais … ce serait reposant, à la maison.
Dans toute sa maturité, Giorgio tira la langue à sa petite sœur avant d'éclater de rire.
L'ambiance s'était allégée chez les Giannetti.



▬ Juillet 2002

La sœur de Luigina Petricola, Speranza, habitait à L'Aquila avec son mari, Cristiano d'Alleva. Comme la grande ville n'était pas si éloignée de la leur, des fois, ils y allaient et passaient du bon temps. Giorgio aurait aimé y aller plus souvent, lui aussi. Même si leur ville avait un côté calme et provincial indéniablement charmant, il préférait l'activité des agglomérations.
Son ambition était d'ailleurs d'y trouver un ou quelques stages pour l'année prochaine, vu que lui et Giovanni quittaient la filière générale pour l'institut professionnelle. Les grandes études ne les intéressaient pas, ils voulaient se faire leur place rapidement dans la vie active. Du coup, le premier était attiré par le management en entreprise alors que le second s'orientait plus vers les ressources humaines. Ça se complétait. Cette légère divergence n'était en rien dérangeante. En plus de huit années de vie commune, ils n'avaient pas toujours été dans la même classe et survécurent très bien. Chacun avait leurs amis, mais les deux se retrouvaient sans mal car ils ne se quittaient jamais vraiment.
La donne était différente pour Martina, cependant. Et même s'il essayait de se convaincre de l’inverse, ça contrariait toujours un peu Giorgio.

« Alors Martina, comment ça se passe l'école de mécanique ? »

Cette année, les d'Alleva avaient organisé une petite fête chez eux afin de fêter la naissance de leur petite Antonella. Luigina et sa famille furent bien entendu conviés, mais tout autant que celle de Giorgio.
Le garçon qui avait toujours été très proche des Petricola fut le lien qui avait rapproché leurs parents puis, par extension, le reste de leur famille.
De ce côté-là, les valeurs italiennes régnaient en maître chez les Giannetti et les Di Natale ; et ce de telle façon qu'il s'avérait difficile de concevoir qu'ils n'étaient pas tous frères et sœurs. Ils aimaient se réunir, faire la fête et préparer de grands repas conviviaux où les cartons d'invitations étaient proscrits. Du coup, ils n'avaient pas de mal à se faire apprécier et à vite créer des liens d'amitié cordiale avec des gens partageant les mêmes idées. Giorgio appréciait lui-aussi beaucoup cet état d'esprit et se lier avec les autres.

« Oh, bien, je m'éclate. Et puis on croise de ces belles machines.
— Hahaha, je vois ! »

Martina discutait avec des adultes qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps, à priori. Derrière elle, Giorgio et Giovanni avec qui elle devait se promener attendaient tranquillement qu'elle finisse de raconter de ses nouvelles, avec l'institut technique et tout, ses projets et cetera …
Qu'ils reviennent sur le tapis assombrit immanquablement le visage de Giorgio. Giovanni frappa doucement son épaule pour le réveiller, ce à quoi il répondit avec un petit sourire gêné mais pas rassurant.

« Tu vas abandonner les trains pour Fiat ?
— Ah non, jamais ! Mais aller dans leurs locaux ne me dérangerait pas … »

Les rires enchainèrent et ils purent enfin partir. Giorgio, tête basse et les mains plantées bien profondément dans ses poches, ne cacha pas son soulagement et prit les devants. Ses baskets fracassaient le pavé en veillant à ne pas franchir les fissures qui le parcouraient.

« Tu fais la tête, Gioduuue ?, demanda Martina en rattrapant son ami par les épaules.
— Non », lâcha-t-il en s'arrêtant juste. Il n'était pas assez mesquin pour se débattre et s'enfuir de sa grippe. De toute façon, la question était rhétorique.

« Pas trop, accorda-t-il finalement dans sa barbe.
— Awww. »

En même temps, Martina les abandonnait et ça ne semblait rien lui faire. Enfin, il savait pertinemment que c'était faux et qu'il mélangeait tout, mais Giorgio ne pouvait s'empêcher de ressentir un peu de rancœur. Conduire des trains était son rêve, et elle ne comptait pas se satisfaire des petits machins de visite touristique. Elle voulait voyager, découvrir de nouvelles contrées de l'Italie, ou même du monde. C'était tellement à des lieux de l'état d'esprit du garçon.

Giovanni, les mains sur les hanches, prit l'air outré pour détendre l'atmosphère :

« Mais je croyais que ça t'allait si on restait que tous les deux.
— Ouiii, je sais, on survivra. Tina n'est pas SI indispensable.
— Voilà.
— Eh. »

Faisant mine de l'ignorer, les deux garçons continuèrent leur chemin bras dessus, bras dessous. Martina roula des yeux et continua donc de rester très proche derrière eux. Elle savait que ça allait, et c'était vrai. La colère de Giorgio passerait, comme d'habitude, car elle restait tout de même sa meilleure amie.

« On va devenir riche, on montera une petite entreprise familiale ici et on vivra tranquille. On aura nos femmes, plein de femmes, puis nos enfants qu'on se partageraaaa …
— Beau programme, Giuno. Bravo. », commenta sa sœur, narquoise.

L'intéressé tourna sa tête et lui tira la langue avec malice. Son intervention avait réussi à changer le sujet mais, en fait, ça embarquait Giorgio dans un autre questionnement récent. C'était peut-être le moment de leur en parler.
Bien que le sérieux de la réplique de son ami fût vacillant, le pré-adolescent en profita pour lâcher :

« Je … Je crois que je m'intéresse pas aux filles … »

Plus surpris par la forme que le fond, Giovanni retourna sa tête vers Giorgio, yeux plissés, et lui demanda un peu bêtement du tac au tac :

« Tu t'intéresses à quoi, alors … »

Le garçon soutint son regard avec des yeux mornes, comme si la réponse était d'une évidence certaine. Bien qu'il fallut une bonne minute de silence pour que le visage de Vanni s'ouvre d'illumination, il y était arrivé tout seul.
Son expression prit, quant à elle, moins d'une seconde pour redevenir sérieuse, presque grave :

« J'aime les filles.
— JE SAIS, OH. »

Presque blessé de ne pas être pris au sérieux, Giorgio reprit de nouveau sa marche d'un pas pressé, lâchant le bras de son ami. En vrai, c'était plus le sentiment d'être bête qui l'animait.
Dans son dos, les enfants Petricola échangèrent quelques regards inquiets avant de se calquer à son rythme, courant presque pour le rattraper.

« Ben, qu'est-ce qu'il y a, encore ? », demanda Martina après avoir attrapé le boudeur par l'épaule et tourné pour qu'il lui fasse face. Ce n'était pas souvent que Giorgio faisait la tête mais, quand ça arrivait, il ne faisait pas semblant. Heureusement, il était facile à remettre sur pieds.

« Je sais pas, c'est bizarre, non ? »

En faire toute une histoire l'était tout autant, ils étaient d'accord. Au départ, il voulait juste en parler. Ce n'était rien, à priori, il s'en fichait ? Peut-être. La majorité avait une tendance, il avait l'impression d'en avoir une autre … du coup, il ne sentait pas totalement assuré dans ses démarches.
Il savait que ça se faisait mais … comment dire ?

« Oui ben, écoute. Je sais pas quoi te dire. Ça arrive ?
— Hey, Tina. »

Sans lâcher les épaules de Giorgio, l'adolescente et lui suivirent le doigt pointé de Vanni qui indiquait un panneau montrant la direction du cimetière de l'Aquila.

« T'es déjà allé là-bas ?, demanda Martina.
— Vite fait ? Pourquoi ?
— Donc … Tu sais pas qui est là ?, surenchérit son ami.
— Ben, y'a pleins de morts, comment je peux savoir ça, t'es marrant !
— Bon, allons-y alors. »

Quand il venait à l'Aquila avec ses parents et ses cadets, ce n'était pas souvent pour visiter le cimetière, il fallait l'avouer. Passer devant, oui, mais sans plus.

Sans rechigner, ce fut à son tour de suivre au pas de course ses amis qui s'amusèrent à courir jusqu'à la nécropole. Eux avaient l'air de connaître l'endroit comme leur poche, le guidant dans ce dédale de tombes et de fleurs avec si peu d'hésitation.
Finalement, ils stoppèrent net devant une vieille épitaphe datant littéralement du siècle dernier. 1825 – 1895.

« Ça, Giodue, c'est la tombe de Karl Heinrich Ulrichs. Le premier homme à avoir fait son "coming out".
— Enfin, c'est ce qu'on dit, se permit de préciser Giovanni.
— Il est venu s’installer à l'Aquila et y est resté jusqu'à sa mort, c'est pour ça qu'il est enterré là. Super, non ? »

Le garçon fronça des sourcils, regardant ses amis puis la fameuse tombe.

« Okay.
— Il a écrit beaucoup de livres et s'est battu pour la cause des homosexuels avec fierté, continua Vanni. C'est ce qu'on dit aussi. Même si on l'a oublié un moment, il est très connu maintenant. Et y'a plein de gens qui viennent voir sa tombe ici.
— Je savais pas. »

Ça semblait impressionnant, comme ça. Cet homme était là, à l'Aquila, et il n'était même pas au courant ? Il ne questionna même pas le savoir encyclopédique des deux Petricola, trop occupé à être soudainement inspiré dans ses idéaux.
Peut-être qu'il ferait bien de lire un peu plus à ce propos.

« C'est bon, moi aussi je veux faire de grandes choses !
— Ouais ! NOTRE ENTREPRISE !
— NOTRE ENTREPRISE ! »

Giorgio et Giovanni imbriquèrent leurs bras autour de leurs cous et levèrent bien haut le poing, jusqu'au ciel, témoignant de leur grosse motivation.

« Ah, je préfère ça. »

Les deux garçons ouvrirent un passage dans leur étreinte pour que Martina puisse les rejoindre.
Leurs rires firent tourner les têtes des quelques visiteurs du cimetière.

« Les gens viendront sur ma tombe à l'Aquila !
— Eh, va pas si loin, non plus, protesta Vanni. Enfin, si je suis encore là je viendrai !
— Si c'est ça, moi aussi.
— Vous inquiétez pas, je mettrai des fleurs pour vous aussi si vous partez avant. »



▬ Septembre 2003

Dans son joli costume noir, Giorgio fit claquer ses chaussures neuves dans la grande allée de l'église, saluant de loin les personnes dont il croisa le regard et faisant un "chut" à Dino et Alessandro Petricola, assis aux côtés de leur tante, leur oncle et le berceau d’Antonella.
Il avait beaucoup trop hâte.

Un grand sourire sur les lèvres, il réarrangea une dernière fois sa veste, passa une main dans ses cheveux et ajusta ses lunettes sur son nez avant de se présenter face à son amie, seule sur son banc avec sa béquille pour seule compagnie.

« Ciaooo, Tina !
— Giod-… »

Relevant la tête de son bouquin, les sons restèrent coincés dans sa gorge alors qu'elle fixait avec des yeux en soucoupe le rouge flamboyant surplombant le crâne du garçon.

« C'est moi, c'est moi !
— O-oui. Jeee reconnais ta voix. C'est … Ça choque. »

Très fier de son effet, Giorgio ouvrit les bras, prenant une pause de lover au sourire brillant comme il avait pu en voir sur plein de magazines.

« Surprise ! »

Avec nonchalance, il s'installa à côté de Martina, croisa les jambes et posa ses coudes sur le dossier du banc. Des réactions à son changement capillaire, il en avait eu des tas et c'était toujours très drôle ! On s'amusait comme on pouvait, dira-t-on. Dommage pour Vitale qui était parti faire ses études aux États-Unis. En personne, c'était tout de même plus impressionnant.
Valentina avait failli en faire une crise cardiaque, mais c'était vite passé.
Les autres furent plus amusés. Il attendait quand même la réaction de sa grand-mère Anna, partie beaucoup plus à l'est depuis la mort de son mari avec la benjamine Giannetti, Beatrice. Ça avait vraiment fait comme un vide pour tout le monde, mais ils s'y étaient faits et restaient en contact.

« En fait, j'ai eu l'idée … Comme ça, à partir de maintenant, tu n'hésiteras plus en me voyant. Même si je ne parle pas, ou si je mue. Tu feras, ah ! Cheveux rouges. Giodue. Et je vais jamais les changer, je te le jure ! »

Martina cligna finalement des yeux, sa mine hébétée virant à la gêne puis au soulagement en quelques secondes. Elle rit un peu et vint décoiffer l'adolescent, faisant déferler les mèches entre ses doigts comme de fines flammes. Ça c'était du changement. Mais l'intention était si adorable que ça lui donnait envie de pleurer. Elle préférait cependant se réserver.

« Ça te va super bien. J'aime. Merci. »

Giorgio rit avec elle, son compliment lui allant droit au cœur et le réchauffait.

« Je pense aussi à prendre des lunettes bien colorées. Ah ! Cheveux rouges, lunettes vintage. Giodue. Définitivement. »

Tout se tenait. Elle avait hâte de voir ça. Impossible qu'elle dise quoi que ce soit, de toute façon : quand Giorgio avait une idée en tête, il ne l'avait pas ailleurs.

Finalement, en attendant que la cérémonie ne commence, ils parlèrent un peu, saluèrent les nouveaux arrivants qui vinrent vers eux avant de s'installer à leur tour. Il y avait beaucoup de monde à l'église ce-jour-là. Difficile de dire si c'était plus que d'habitude, mais ça faisait un drôle d'effet dans l'estomac de Giorgio. Il pensait pouvoir dire que le sentiment était sans doute partagé par Martina.

Le silence commença à se faire dans l'enceinte du lieu saint. Les deux amis s'échangèrent un dernier regard avant de se lever, en un seul mouvement avec le reste des conviés. Leurs mains se rapprochèrent et les doigts s’entrelacèrent avec force.
Le pianiste commença sa mélodie au clavecin alors que le prêtre levait les bras vers l'assistance et ceux qui entraient par la grande porte avec le cercueil.

« Mes chers frères, mes chères sœurs. Dieu nous réunit aujourd'hui en l'honneur de Giovanni Petricola … »



▬ Janvier 2004

« Il a quand même pas mal changé  … »

Giorgio savait qu'on ne parlait pas de ses cheveux. Faisant mine de ne pas les écouter, le fils Di Natale entortillait l'une de ses mèches rouge entre ses doigts et regardait les oiseaux passer sur le ciel gris.
Giovanni était un garçon très apprécié, sa mort en septembre dernier en avait chamboulé plus d'un et beaucoup répondirent présent pour ses funérailles. Une collecte de fond avait même pu être récoltée pour aider ses parents à les financer.
Un terrible accident de la circulation.

Si Martina s'en était sortie, elle, ce ne fut pas totalement indemne. Elle restera encore un moment le pied dans le plâtre mais, pour sa tête, il n'y avait pas d'espoir. Rien de grave, juste un mot compliqué qui l'empêchait de reconnaître les visages. Prosopagnosie.
Et on ne comptait bien sûr pas la perte de son frère et meilleur ami.

Bien sûr que c'était terrible. Encore une fois, Giorgio se sentait triste et personne n'était dupe. Il aurait cependant préféré qu'on le secoue au lieu de juste en parler dans son dos et le prendre en pitié.
Ses yeux noisette, fatigués, se tournèrent vers les petits groupes de camarade d'institut pro qui discutaient pendant la pause de leur cours. Ceux qui le regardaient firent semblant de changer de sujet alors même qu'ils n'étaient au départ pas très discrets.
Il soupira.
Heureusement que pas tout le monde était comme ça …

D'un geste souple, Giorgio se leva de sa place solitaire et se dirigea sans hésitation du côté de Celio et Fernando. Il les connaissait depuis l'année dernière et leur parlait volontiers de temps en temps. Le premier était particulièrement sympa à ses yeux, et lui au moins ne faisait pas partie de ceux qui furent surpris de le voir se lever, trop occupé qu'il fut à vraiment parler de foot avec son ami.

« Celio, je peux te parler ? »

Giorgio avait pris son air décontracté, naturel. Il voulait juste parler.

« Heu, ouais ? Ça va ? »

Si avenant, Celio. Il s'était levé et lui faisait alors face.

« Tu penses quoi de sortir avec un garçon ?
— Hein ? »

Les regards autour d'eux s'avéraient plus insistant, soudainement. Le sourire de Giorgio s’agrandit imperceptiblement. Son interlocuteur, lui, essayait de reconnecter les circuits de son cerveau et comprendre le sens de la question.
Sans doute trop perturbé pour vraiment réfléchir mais tenant à répondre, il balbutia :

« Heu, rien ? Je suppose. Enfin, je … sais pas ? Pourquoi …
— Je trouve que t'es quelqu'un de vraiment génial. Tu voudrais qu'on sorte ensemble ? »

Aux regards s'ajoutèrent de vifs murmures.
Gagné.

« Heu. Okay ? »

Double gagné.

« Super ! On se reparle après le cours. »

Gai comme un pinson, le printemps se pointant avant l'heure sur son cœur, Giorgio retourna à sa place.



▬ Avril 2004

Luce lissait encore et encore les plis de sa robe blanche, en attendant que Giorgio finisse de réarranger son chignon. Ses décorations s'étaient quelque peu vues chamboulées étant donné son trop-plein d'énergie, ce qui n'était en rien sa faute ! Pour de vrai.

« Tu vas arrêter de gigoter ?
— Tu es trop lent !, s'offusqua-t-elle tout de suite.
— Tu veux être magnifique ou pas ?
— Je SUIS magnifique. »

Un peu plus tôt, à la messe habituelle de l’église s'était ajoutée la célébration de sa confirmation (et d'autres, bien entendu). Même s'ils n'avaient pas non plus besoin d'occasion spéciale pour se réunir, toute la famille avait décidé de fêter ça avec un gros pique-nique.

« Allez, c'est bon. Tu es géniale.
— Merci, Giorgio. »

La jeune demoiselle fit un saut vers l'avant puis hésita un instant, comme si elle voulait rajouter quelque chose à son frère … mais elle repartit juste aider au service des pâtes. Elle ne s'arrêtait vraiment jamais, se disait-il avec amusement.

« Gio, je ne t'ai jamais vu aussi réveillé à la messe. »

Les mains dans les poches de son costume crème, l'interpellé se retourna vers Oscar et son bol de légumes, lui répondant tranquillement en haussant des épaules :

« T'as vu ! Pourtant Luce n'a pas arrêté de faire du bruit tellement elle était excitée, j'ai eu du mal à dormir. Mais bon, c'était plutôt cool. »

Il n’allait pas nier sa réputation. Quel soulagement sa propre confirmation avait été pour lui. Plus de catéchisme, plus du tout d’heures de religion à l’école non plus … Que la messe à supporter.
Mais bon ! C'était vraiment une belle journée, en tout cas, et l'aîné Di Natale avait l’humeur au beau fixe. Cela venait-il du printemps ? De Pâques ? De la joie communicative de tous ces gens réunis ?

Sans gêne, Giorgio piocha un morceau de concombre du plat d'Oscar et tourna la tête vers les autres pour les admirer. Parmi la foule, il reconnut d'ailleurs d'emblée Elena qui se faufilait entre les jambes avec son appareil photo. Comme connectée à son cousin, elle tourna la tête dans sa direction et vint tout de suite à la rencontre des deux garçons avec la vitesse d'un missile à tête chercheuse.
Giorgio attrapa donc Oscar par le cou, l'obligeant à plier un peu le dos et à dessiner un sourire timide sur ses lèvres alors qu'on les mitraillait de flash.

« Tu nous prépares un joli album ?
— Peut-être … Mais vous allez bien ? On a pas pu beaucoup se parler avant la messe. »

Elena était sa seule cousine du côté de son père. Marco et Ofelia se contentaient de leur fille adorée et Daniele, l'aîné, cherchait toujours l'âme sœur malgré sa cinquantaine passée. Il continuait de rêver sans faille au coup de foudre. Au pire du pire, il se sentait bien. Les animaux et les gens qu'il rencontrait quotidiennement dans sa clinique vétérinaire lui suffisaient pas mal. De même, ses neveux (même ceux par alliance) étaient un peu comme ses enfants à lui aussi.
Mais tout de même, Valentina restait un peu triste, de son côté. Du coup, à moins de faire ces opérations qui te permettent d'avoir des enfants même passée la ménopause ou que son beau-frère ne tombe sur une jeunette, elle ne pourrait pas faire de pari sur le sexe de l'enfant. Chose qui était sa lubie, surtout depuis qu'elle avait décrété que son mari était incapable d'avoir de filles. Alors, dès que quelqu'un d'autre en avait, elle voyait rouge. Qu'Ugo en ait trois à la suite après son aîné la rendait folle toutes les fois qu'elle y pensait. Du coup, bien qu'elle vannait son frère sur le sujet avec des sourcils froncés d'hystérique, elle chouchoutait les petites Giannetti au détriment de ses propres fils. De toute façon, c'était des garçons grands et forts comme leur papa, en plus d'être de sa chaire et de son sang.
Entre l'école, la maison et en famille, la dame Giannetti-Iezzi arborait de nombreux visages. D'ailleurs, Oscar sentit qu'il allait devoir rejoindre Ottone qui allait se sentir seul à ses côtés pour le repas. Continuant de discuter un peu avec ses cousins, ils se dirigèrent tous jusqu'à la longue tablée où le reste de la famille était installée.

« Oscar, où tu étais ! Ah, Elena ma chérie, c'est toi qui a l'appareil photo ! Tu nous prends, un peu ?, l'appela Valentina dès qu'elle la remarqua derrière son fils.
— J'arrive ! »

La demoiselle allongea ses pas tout en veillant à ne pas se mêler les pinceaux avec sa longue jupe blanche. Elle se plaça près de la femme qui attrapa la mère de Giorgio par la hanche, levant haut sa coupe de vin :

« Une photo avec ma sœur ! »

Valentina et Grazia étaient très proches. Elles appréciaient papoter et trouvaient malgré tout toujours des choses à se dire. Ce fut comme une évidence qu'elle soit le premier choix pour devenir la marraine de son premier fils.

« Une photo avec mon filleul adoré ! Viens là, Giorgio ! »

Même si elle restait stricte, la dame était gentille avec lui. Après, ce n'était sûrement pas seulement par égard pour sa grande sœur. Giorgio avait toujours su se coller à ses attentes et savait lui parler sans trembler de peur comme ses fils. Mais il ne pouvait que compatir, il ne vivait pas avec elle à temps complet.

« Une photo av…
— Oh, tu te calmes un peu, Tina ? »

Le grand sourire vira en grimace et son verre s'abattit avec agacement sur la table. Pas plus que ça impressionné, Ugo Giannetti courbait juste le dos, les coudes sur la table avec nonchalance.

« Qu'est-ce que tu as encore ? Je veux immortaliser ! On pourra les envoyer à Vitale aussi !
— Je ne crois pas que ton fils veuille te voir sur toutes les photos, hein ! »

Ces petits choux aimaient particulièrement se taquiner, comme le soulignait souvent leur défunt père à qui voulait l'entendre. Ça datait vraisemblablement depuis leur tendre enfance, et tout le monde s'y était habitué et en riait.
Préférant donc l'ignorer, Valentina reprit où elle en était en se plaçant entre Oscar et Ottone, tirant par la même occasion le bras de Leandro afin qu'il se rapproche d'eux.
Le père Iezzi n'était jamais très loquace en grand groupe, même quand sa femme n'était pas là, mais ça ne dérangeait personne et lui encore moins.

« Une photo avec mes hommes, Elena chérie, et après j'arrête sinon Monsieur va continuer de casser l'ambiance !
— Elena doit aussi manger, tu sais !, se permit le père de cette dernière.
— Oh, Marco ! Tu vas pas t'y mettre aussi, hein !
— Bon, allez, Valentina, une dernière photo collective, alors ?, s'enquit Antonio pour calmer le jeu.
— BIEN ! J'AI COMPRIS ! »

Elena détendit ses bras, attendant que ces grands enfants qui se faisaient appeler adultes ne se décident enfin. Elle soupira, et Giorgio lui envoya un signe compatissant. Il suivait ainsi la sagesse de Daniele qui pensait qu’il valait mieux ne pas s'en mêler, en riant plutôt grassement à son bout de table.
Alors que tout le monde cherchait à savoir comment se placer pour une photo collective, Ugo revint à la charge :

« Et si tu la prenais et que tu laissais Elena se reposer, cette fois ?
— Bah oui, c'est pas un homme comme toi qui va se lever bien sûr !
— Je peux le faire, maman, si tu veux …
— NON, OSCAR. C'est bon. »

Fulminante, Valentina se leva et prit l'appareil qu'Elena lui tendit docilement. La Di Natale vint alors se mettre à côté de Giorgio que Luce avait attrapé par le bras pour faire bien. Derrière eux se trouvaient leur père, leur mère et tous les autres qui se serraient pour tenir dans le cadre.

« Lucia, cache bien ton mari ! Il gâche la photo avec sa barbe sale !
— Quel est le problème avec les barbes ? », allait commencer à mettre sur le tapis Marco. Mais les plats chauds n'allaient pas le rester bien longtemps et l’esprit vif d'Elena lui fit mettre sa main sur la bouche de son père tout en ne lâchant pas son sourire spécial photographie.

« Merci, ma chérie. Allez, tout le monde, on ne perd pas plus de temps. FAMIGLIA !
— FAMIGLIAAAA ! »

Pietro Giannetti avait raison : c'était de l'amour.
Et Giorgio adorait cette ambiance.




Assis sur leur banc préféré, celui sur lequel ils avaient passé de nombreuses heures ensemble, les deux garçons se regardaient dans le blanc des yeux.
Les lèvres de Celio restaient closes.

« Je pensais bien que ça pourrait arriver, mais … si tôt ? »

Giorgio se mordilla l'intérieur de sa lèvre inférieure, ne sachant pas que dire d'autre. Cela faisait quoi, alors ? Un an et quelques ? Il se souvenait très bien de la petite fête qu'ils s'étaient organisés pour leur anniversaire, du bowling et tout. Il ne doutait pas non plus que ça devait aussi être le cas de Celio. Pourtant, il était vrai que, quand ils s'étaient quittés ce jour-là, il y avait eu un arrière-goût un peu amer flottant dans l'air.

« C'est que … Je ne me sens pas prêt, tu sais ? On a que seize ans.
— Y'a plein de gens qui sont en couple à cet âge.
— Mais on n'est pas tout le monde ? »

Contrarié, Giorgio fronça un peu les sourcils. Ce qu'il aimait chez Celio, c'était sa franchise et sa gentillesse naturelle. Il devait avoir ses raisons et avait aussi dû bien réfléchir la chose avant de se lancer. Ça ne devait pas être facile d'être dans sa position. Malgré tout, ça restait blessant à ses yeux, il ne pouvait s'empêcher de le penser. Il gardait toujours ce sentiment de ne pas comprendre.

« Notre couple est la meilleure chose qui me soit arrivée l'année dernière …, laissa-t-il échapper comme si user de sentiments changerait quelque chose.
— Mais pour moi aussi, Gior. »

Ses doigts dans les paumes de ses mains étaient brûlants. Il voulait soudainement les serrer et ne plus les perdre.
Giorgio ne mentait pas, avoir formé un véritable couple avec Celio fut une première expérience formidable. Il s'était senti pousser des ailes à ses côtés. Le fils Valeri lui avait aussi avoué qu'il avait l'impression d'avoir mûri grâce à lui ; de voir les choses un peu autrement, depuis.

« Ce n'est pas ta faute, c'est la mienne. Je t'aime, mais …
— Eh bien ? »

Alors quoi, tout se passait bien et … Un os imperceptible. Giorgio n'était pas un romantique au point de déjà penser que Celio était l'homme de sa vie et qu'il voudrait vivre à ses côtés jusqu'à la fin, mais comme il l'avait déjà dit ça lui semblait tôt comme changement d'avis.

« Je trouve juste que ça ne me va pas. Pas maintenant. »

Il ne pouvait rien faire à part l'accepter. Comme il avait accepté le départ de Vitale, le prochain de Martina … Il le verrait peut-être toujours pendant les quelques heures qu'ils avaient en commun, mais avec les stages et tout … Quand bien même ce serait différent, il était prêt à tout accepter. Tout.
Il avait bien accepté le départ définitif de Vanni.

« Bien … »

Le garçon laissa échapper un long soupir sinistre puis secoua la tête pour montrer que ça allait, vraiment.
Celio ne voulait bien sûr pas le blesser et tenta de voir le bon côté des choses :

« On reste ami, hein ? Et si tu es encore libre quand je me sentirai prêt … »

Malheureusement, le garçon se rendit compte un peu tard que ce fut un peu maladroit. Giorgio ne lui en tiendrait pas rigueur, cependant, riant juste nerveusement et haussant les épaules avec légèreté :

« Genre … Je t'avoue que ça sera difficile …
— Ouais. Je sais. »

Ils se levèrent et se fixèrent une dernière fois en silence. Le faux roux souriait un peu pour faire bonne figure, mais l'autre n'y arrivait pas aussi bien.

« Je suis désolé, Gior …
— Moi aussi. »

Ses bras voulurent l'étreindre une dernière fois, mais ses jambes partirent dans le sens contraire.

Ça ira.



▬ Juillet 2008

« Ça va ? »

Martina n'avait eu aucun mal à le reconnaître, sans surprise. Elle s'installa devant lui à la table du café où ils s’étaient donné rendez-vous et purent commander chacun leur pâtisserie. C'était Giorgio qui régalait, il y tenait. Après tout, cela faisait vraiment longtemps qu'il n'avait pas vu sa meilleure amie. Elle était partie pour la capitale italienne pour sa formation de conducteur de train et n'était rentrée que là. Elle n'avait bien sûr pas changé et ils se parlèrent aussi facilement que s'ils s'étaient quitté la veille mais … quand même.
Lui, bien sûr, était resté à l'Aquila. Il lui raconta sa rencontre avec l'entreprise familiale de Romilda et Roberto Di Pasquale. Le garçon s'y était fait sa place très facilement et les deux patrons étaient prêts à l'embaucher tellement ils étaient ravis de son dynamisme. En même temps, Giorgio tenait à offrir du travail de qualité, et encore plus avec des gens aussi chaleureux que ceux-là. Il s'entendait aussi très bien avec ses collègues, et une bonne ambiance régnait dans la boîte. Il s'imaginait sans aucun mal y travailler, pour sûr.

« Y’a quelqu’un qui te plaît ?, s'enquit-elle sur le ton de la confidence.
— Hmmm, peut-être … Enfin parle-moi un peu de ce Federico, là … »

Elle aussi elle s'amusait, hein, la terrible. Elle s'était trouvé un copain et ne lui en racontait que du bien. Comment ne pas vouloir le rencontrer ?
Et lui ? Non, depuis Celio il s'était plus préoccupé à bien travailler plutôt qu'à se trouver quelqu'un. Est-ce que c'était parce qu'il l'attendait pour de vrai ? Il se persuadait que non. En tout cas, Giorgio ne cherchait pas spécialement et ne pensait pas non plus à lui tout le temps. Il vivait sa vie, et c'était tout.

Giorgio était resté à l'Aquila. Les choses commençaient à prendre un bon rythme et il se sentait bien. Si quelque chose manquait ?

Il n'en savait rien.



▬ Avril 2009

L'Aquila, l'Aquila, l'Aquila … Si belle de nuit.

Giorgio se sentit obligé d'arrêter sa moto sur le côté et respira profondément l'air légèrement humide de la place et sa fontaine. Quelques voitures passaient, de temps en temps, mais c'était dimanche et il était tard. Même, qu'à priori, ils étaient déjà lundi. Tout le monde dormait et il devrait aussi, sachant que le lendemain il aurait du boulot.
Personne n'avait d'excuse vu qu'il venait tout juste de quitter les locaux de l’entreprise où ils avaient fêté l'anniversaire de Roberto. Une petite soirée surprise organisée par sa femme et les employés.
Occupé avec ça, d'ailleurs, il n'avait pas pu passer dans sa ville d'origine où était revenue Martina pour sa période de congés. Il faudra qu'il se trouve un temps, sûrement demain en sortant ? Il devait prévenir ses parents qu'il dormirait chez eux, au moins. S'il ne le faisait pas, ça ne serait pas dérangeant, mais ça restait tout de même mieux.

Soudain pris d'une envie folle, Giorgio regarda à droite, puis à gauche … Parfait.
Jubilant, il fit de grands pas jusqu'à la fontaine et monta sur son bord. Ses chaussures valdinguèrent,  et Giorgio retroussa le bas de son pantalon avant de tremper ses pieds dans l'eau translucide. C'était glacé, ah.
L'idée qu'un agent de police puisse sortir à tout moment d'un coin de rue et le prendre en flagrant délit faisait agréablement monter l'adrénaline en lui. Ce qu'il aurait donné, aussi, pour voir la tête des conducteurs qui passaient par là et voyait une grande ombre aux cheveux rouges sautiller dans l'eau. Le jeune homme se contenterait juste de les imaginer.

Ha ha.

Il se sentait si bien qu'il n'avait aucune envie que la nuit s'arrête. Le sommeil ne voulait pas de lui et c'était réciproque, alors autant en profiter ! Tant pis pour demain, une nuit blanche n'avait jamais tué personne.

Enfourchant sa moto, Giorgio fit un tour tranquille de la ville sans se soucier de l'heure qui tournait. Il alla admirer les boutiques et les rues qu'il connaissait par cœur à force d'y passer, maintenant qu'elles étaient toutes calmes et désertes, à peine illuminées par la lune.
Finalement, peut-être même qu'il pourrait retourner chez lui ce matin-même, attendre l'ouverture du boulanger et lui prendre un copieux petit-déjeuner qu'il offrirait en surprise aux charmants endormis. Quelle idée ! Inspiré, il se mit donc en route.

Jamais il n'avait pris la route de nuit. C'était une expérience. Quel gamin il faisait, hein ? Mais qu'importe l'heure, les montagnes gardaient de leur splendeur.




Giorgio Di Natale
- D 00 072024 62 09 D -

Giorgio Di Natale

En bref

Masculin
Pseudo : Dayday
Messages : 32



Histoire


▬ Mai 2009

Il n'en pouvait plus, il avait envie d'autre chose pour l'Aquila.
Et pour ça, il devait partir.

« Giorgio ! »

Le fils Di Natale sortait tranquillement du cimetière. Il venait juste de quitter la tombe de Monsieur Ulrichs pour inspirer une ultime fois sa décision.

Ses poings se serrèrent, la flamme de la motivation brillant derrière le verre de ses lunettes.

« Je compte faire bouger les choses, et pour ça j'ai décidé de partir pour Turin, à l'école d'architecture. »

Roberto offrit un grand sourire au fils Di Natale. Il était très fier de le voir décidé à suivre ses convictions avec autant de passion. C'était très important et c'était ainsi qu'il réussirait. Il n'en doutait pas une seconde qu’il en fût capable, par ailleurs. Giorgio avait toujours été un très bon élément de son équipe, il l'appréciait réellement.
En fait, il aimait toute son équipe, c'était les meilleurs.

« Je vois, je suis de tout cœur avec toi. Tu as les moyens de payer l'entrée ?
— J'ai mes économies et j'ai commencé à demander un peu d'aide à ma famille. Je veux me donner à fond et je compte bien les rembourser après.
— Laisse-moi t'aider, moi aussi.
— Oh non, Roberto …
— Si si, j'insiste, mon garçon. Je suis sûr que Romilda serait du même avis. Tu sais quoi ? Viens, on va aller la voir. Tu es pressé ?
— Non, dit Giorgio entre gêne et profonde gratitude.
— Je sens que si je te laisse partir, je ne te reverrai pas avant longtemps alors on s'en occupe maintenant ! Hahaha. »

Le vieil homme avait raison.



▬ Début 2010

Entrer à Turin avec une formation professionnelle en poche n'était pas chose aisée. Mais pas impossible non plus, et voilà bien tout ce qui suffisait à Giorgio.
Il avait l'argent et la motivation, alors qu'est-ce qui aurait pu faire que ça se passe mal ? Le jury accepta de lui laisser sa chance, malgré quelques réticences que la couleur de ses cheveux n’amenuisa guère.
Il comptait bien leur montrer qu'ils avaient eu raison.

Giorgio conciliait pour le moment ses études avec un job de serveur. Le rythme était certes effréné, mais il tenait bon. Il le devait.
Jamais il n'avait autant travaillé de sa vie. Tout était organisé afin qu'il rattrape son retard sur les autres étudiants plus jeunes que lui et qui sortaient de filières générales. Sa vie sociale se résumait bêtement aux personnes avec qui il discutait dans les ateliers de langue, qu'il fréquentait de toute façon plus pour parfaire son anglais et commencer le japonais. Parmi elles, il s'était par ailleurs accroché à un garçon de trois ans son aîné, Ilio Flesca, qui avait accepté de lui donner quelques cours particulier.
Toutes les chances de son côté, Giorgio put se hisser à une très bonne place au classement des premiers examens, mais manqua malheureusement le top dix. Peu content de ces résultats, plus d’efforts devraient être fournis.

Il travailla avec encore plus d’ardeur pour le second semestre.



▬ Juin 2010

Toutes les chaises du restaurant étaient rangées sur leur table respective, excepté pour celles où Giorgio et Ilio étaient installés. Dans le plus grand des sérieux, les deux garçons avaient le nez plongés dans leurs bouquins dans la perspective des examens du second semestre. Seuls les yeux d'Ilio ne trompaient personne, cependant, beaucoup plus occupés à fixer son opposant.
Lorsque c'était à Giorgio de s'occuper de la salle, son patron lui avait accordé qu'il reste un peu plus longtemps avant de fermer afin qu’il puisse travailler ses révisions. Il était vu comme un garçon sérieux et responsable, alors ce ne fut pas une faveur difficile à donner. Chez lui, c'était juste trop petit pour travailler convenablement à deux.

« Je pense que tu es prêt pour les examens. Tu te débrouilles si bien, je n'ai plus grand chose à t'apprendre. »

Les mots résonnèrent dans la pièce vide et celui auquel ils étaient destinés ne leva pas du tout le nez de ses affaires. Ses mains tenant son front, Giorgio avait fermé les yeux et se répétait silencieusement son cours.

« Giorgio ? »

Ilio posa son propre livre, et croisa les bras. Toujours pas de réponse. Malheureusement, ce n'était pas étonnant, et le manège qu'il se permettait n'était là que pour l'amuser lui-même. Son élève était adorable et obéissant quand il l'écoutait mais, à d'autres moments, son excès de sérieux et d'ambition le rendait tout simplement sourd. Incroyable.
Bien qu'il trouvait ça impressionnant, Ilio aussi avait quelques ambitions que cet état de transe n'aidait nullement.

Le jeune homme se pencha vers l'avant, se retrouvant ainsi à à peine une dizaine de centimètres du visage de Giorgio. Il se dit en passant qu'il sentait vraiment bon.

« Hey, Giorgio !
— Hein ? Oh ! Quoi ? »

Enfin.
Giorgio cligna des yeux, d'autant plus surpris que son nez touchait presque celui de son professeur particulier. Ilio était un drôle d'énergumène avec des manières étranges, mais loin d’être dérangeantes.

« T'es vraiment un coincé, toi, hein ?
— Comment ça ?, demanda-t-il avec une moue perplexe.
— Je pourrais avoir commencé à me déshabiller devant toi que tu n'aurais rien remarqué. »

Son absence de réaction ne fit que conforter Ilio dans son avis. Eh bien ? Il lui avait pourtant dit une fois que les filles ne l'intéressaient pas, au détour d’une conversation, alors comment se faisait-il que depuis le temps le fils Di Natale n'avait pas capté qu'il se faisait ouvertement dragué ?
Leur relation n'était bien sûr que professionnelle, au départ, et ce fut avec plaisir qu'Ilio lui donna cours. Cependant, petit à petit, le jeune homme s'était senti attiré par quelque chose chez lui et le challenge n'avait fait qu'augmenter son envie de réussir. Il était en dernière année de cycle, aussi, c'était un peu sa dernière chance.

« Es-tu encore vierge ?
— T'aimerais savoir ?, répondit Giorgio en haussant un sourcil.
— Ha … Je préfère ça. »

Ilio recula, retournant poser son dos sur le dossier de sa chaise pendant que Giorgio refermait son livre, tout ouïe. Il comprenait bien que le garçon avait quelque chose à lui dire et commençait tout juste à envisager ce que cela pouvait être.
Pris dans ses études, il ne pensait tellement pas à ça.

« Je disais que je n'avais plus grand chose à t'apprendre. Mais j'aimerais quand même te donner une dernière leçon, tu veux ? »

En tout cas, il ne pouvait nier apprécier le côté direct de la demande. Une partie de lui voulait se replonger dans les révisions tandis que l’autre était inspirée par l'allure défiante du fils Flesca.

Ce fut cette dernière qui gagna le débat.

« Je fais confiance à mon professeur. »



Ilio s'occupa de tout. Les deux rejoignirent son appartement en ville juste après avoir quitté le restaurant. Là, Giorgio n'eut rien à faire d'autre que de s’installer dans le lit, selon les ordres de l'hôte. Il prit tout de même la peine d’enlever ses chaussures.

Assis sur le bord, le silence lui donna le temps de se demander si ça n'allait pas un peu vite. La dernière fois qu'il avait eu une relation, c'était avec Celio … ça datait. Vraiment. Beaucoup. Woah.
Soudainement, Ilio revint et avait visiblement troqué sa chemise et son pantalon pour une paire de préservatifs. Il fronça des sourcils à sa vue :

« Il faut aussi que je te dise de te déshabiller ?
— Eh, je ne sais pas, peut-être que tu voulais le faire toi-même.
— Hmm, bonne réflexion. Eh bien, d'accord, cher élève. »

L'air impassible, Ilio déposa les préservatifs sur la table de chevet et s'assit adroitement sur les genoux du garçon pour mieux commencer à déboutonner sa chemise.
Docile, Giorgio le laissa faire, non sans sentir que la température avait quelque peu agmenté. Il mit ça sur le compte de la lampe de chevet, leur unique source de lumière, et demanda juste :

« Quel est le thème du jour ? »

Ilio ne répondit pas tout de suite, finissant sa tâche avant de prendre le vêtement par le col et l'enlever délicatement. Il le laissa aux poignets de son invité et passa ses doigts sur la peau de ses épaules qu'il avait douce.

« La détente. »

Giorgio sentit une légère pression au niveau de ses clavicules. Ilio commençait à lui masser le dos. Ses doigts glissèrent le long des muscles tendus par le stress quotidien que le garçon préférait mettre de côté, prétextant qu'il était normal.

« Tu es trop sérieux, mon petit Giorgio. Tu vas finir par péter un câble en cours de route. Et pouf, fini Turin. Arrivederci. Tu ne veux pas ça, hein ? »

L'intéressé répondit en secouant doucement la tête, des frissons le parcourant avec le contact étranger qui descendait petit à petit le long de son dos. Dans cette approche, Ilio s'était aussi redressé et se tenait sur les genoux, placés sur les côtes des cuisses de Giorgio.

« Il faut savoir s'octroyer des moments de plaisir, aussi. »

Le faux roux finit de retirer ses bras des manches de son haut et vint entourer la taille de son partenaire avec. Doucement il le colla contre lui et bascula vers l'arrière avant de rouler sur le côté pour se retrouver en position de supériorité. Sa tête se pencha vers l'avant et leurs lèvres se rencontrèrent dans un baiser qu'Ilio lui rendit volontiers.

Quand finalement ils se détachèrent, ils partagèrent dans le même temps un sourire satisfait.

« J'ai toujours trouvé que tu apprenais vite. »

Cette fois, ce fut au tour d'Ilio d'attraper Giorgio par les bras et d'à nouveau rouler sur le côté pour qu'ils se retrouvent face à face, sur le flanc. Il l'étreignit un instant, prenant le temps de s’imprégner de son odeur avant de se laisser glisser le long du lit jusqu'à atteindre son pantalon. Il s'occupa d'abord de la ceinture, puis de la braguette avant de faire descendre le tout.
Dans le geste, Ilio se retrouvant alors au sol, Giorgio revint dans une position assise, débarrassé de tout vêtement, et prit un des préservatifs sur le côté. Le premier tendit la main.

Ça allait commencer.



A la fin de la nuit, Giorgio fut si épuisé qu'il eut du mal à sortir du lit. Il ne lui fallut pas longtemps pour s’écrouler comme une souche. L'écart d'expérience entre lui et Ilio était flagrant.
Après, cela n'empêcha cependant pas que ce dernier fût quand même satisfait et n’eut pas le loisir de regretter.

Au matin, il resta un temps à observer son bel endormi, ses lunettes dérobées sur le haut de son crâne. La lumière du soleil filtrait entre les volets, et ce fut surtout ça qui réveilla Giorgio. Doucement, il ouvrit un œil et fut content que la source de chaleur à ses côtés soit restée. Son bras vint se glisser vers lui et se posa sur son épaule. Ilio se laissa faire, un mince sourire sur les lèvres :

« Alors ? »

Un léger son s'échappa seulement des lèvres du garçon, attestant de l'étrange sentiment de légèreté qui le composait. Ilio, à ce moment-là, était tel un dieu à ses yeux. La leçon avait bien été apprise, à priori.

« Juste. A un moment, tu as appelé "Celio". »

A la mention du nom, l'expression de Giorgio changea du tout au tout, assurant du coup à Ilio que ce n'était pas juste une mauvaise prononciation de son prénom à lui.

« C'est un copain à toi ? »

Il n'y avait aucune malice ou jalousie derrière la question, juste de la curiosité. Pourtant, une petite boule s'était formée dans le creux de l'estomac de Giorgio qui se demandait comment et pourquoi ça avait pu arriver. Ça ne le faisait vraiment pas, quand même.
Avec une légère moue coupable, ramenant son bras vers lui, il avoua tout :

« Mon premier et mon dernier copain, ça date maintenant. Il a cassé.
— Eh bah ?
— Il ne se sentait pas prêt, il a dit.
— Ah. »

Les jeunes, devait-il penser. Ça arrivait. Il en croisait souvent, des cas comme ça, en tout cas.

« Et donc, tu n'arrives pas à l'oublier ?
— Je pensais que si, mais. »

Giorgio se tourna sur le dos, sourcils froncés vers le plafond. Il pensait vraiment avoir tourné la page avec Celio mais, comme avec Martina, ce n'était pas totalement possible. Il les aimait tous tellement.

« Je n'y arrive pas. Je n’arrive à rien oublier. Mais … Après, c'est aussi de là que je puise ma force. C'est pour tous ces gens que je veux réussir. »

Les jeunes, devait-il continuer de penser. Ilio acquiesça juste, triturant machinalement une boucle rouge. Ce n’était franchement pas ses affaires, tout ce qu’il retenait était qu’ils avaient tous les deux passé une bonne soirée et qu’ils étaient contents.

« Désolé.
— Hof, comme si je me formaliserais de ça. »

Vraiment, il avait d'autres chats à fouetter. Son détachement réussit heureusement à faire que son invité se sente mieux et retrouve son état détendu. Ça aurait été bien terrible autrement, il aurait fallu recommencer ça ! Le fils Flesca n’était pas contre, mais peut-être pas dans ces conditions-là.

« Quand on aura nos résultats d'exams, on fêtera ça ensemble une dernière fois ? », finit-il par demander.

Giorgio sourit et hocha la tête avant de fermer les yeux.
Encore un peu.



▬ Juillet 2010

Sa toute première année d'étude à Turin arriva ainsi à sa fin. Après sa soirée avec Ilio, les deux garçons retrouvèrent le rush des derniers instants avant les examens. Le fils Di Natale sentait cependant que quelque chose avait vraiment changé, depuis. Le conseil de son aîné avait bien porté ses fruits. Pas qu'il en doutait, mais il ne pensait pas que ça aurait eu une telle portée.
Il pouvait le dire, il se sentait bien.

Les examens se terminèrent très rapidement et ce fut avec une pointe d'excitation que Giorgio attendit les résultats. Mince, quoi, si on lui avait dit qu'il serait comme ça il y avait cinq ans.
Si on lui avait dit aussi qu'il exploserait de joie à voir son nom tout en haut de la liste.

Il s'excusa quand même auprès des gens qu'il avait bousculés sans faire exprès. En même temps, quelle idée de se poster derrière lui de cette façon. Mais plus de peur que de mal.
Gonflé à bloc, Giorgio sortit de la foule agglutinante d'étudiants et leva les bras vers le ciel bleu, gorgé de soleil. C'était une très belle journée, mais l'heure n'était pas au repos. Les vraies choses allaient commencer à partir de maintenant, et rien ne l'arrêterait.

Sentant une main lui tapoter l'épaule, le jeune homme se retourna et fit face à une fille qu'il était certain d'avoir déjà croisé. Elle était ronde, trapue même, portait des vêtements classes et, surtout, une coiffure carrée blonde et bien géométrique qui venait accentuer ses traits sévères. Sans tarder, certaine qu'elle avait toute son attention, elle lui offrit un sourire poli et une main tendue :

« Bonjour, je suis dans ta promo, Rahela Lupei.
— Ah, oui. Enchanté, fit-il en lui serrant la main. Giorgio Di Natale. »

Sa poigne était solide, faisant vite oublier son accent colorant son anglais. L'essentiel était qu'il la comprenait.
Rahela Lupei était un nom qui lui parlait plus que son physique, en tout cas. Pas seulement pour son exotisme, mais aussi parce qu'il l'avait noté le semestre dernier tout en haut de la liste du classement de la promo et, cette fois, juste en dessous de son nom à lui.

« Je voulais te féliciter …
— Merci, dit-il, ravi.
— … mais aussi te prévenir que je reste dans la course. Je compte bien te dépasser l'année prochaine. Si tu es encore là, bien sûr, et que tu continues comme ça. »

Leurs mains se quittèrent et, au lieu de montrer sa surprise, Giorgio sourit de plus belle. Ce qu'il aimait les gens qui allaient droit au but.

« Il est hors de question que j'abandonne.
— Parfait, alors. A l'année prochaine. »

Ses talons claquèrent quand elle lui tourna le dos, mettant l'emphase sur la fin du court mais très intéressant échange.
Un peu de compétition n'avait jamais fait de mal.

Encore quatre ans.



▬ Mars 2013

Un long long long soupir s'échappa d'entre les lèvres du garçon. Il cala son dos contre sa chaise, la faisant un instant légèrement basculer vers l’arrière, et cacha son visage dans ses bras pour faire semblant d'y hurler. La seule chose qui l’empêchait de vraiment le faire était le règlement de la bibliothèque.
En face de lui, son petit copain resta purement et simplement impassible. Et pas du tout parce que ça devait être la cinquième fois de la matinée qu'il agissait ainsi, non non non.

« Gioooo …
— Hm ? »

Nicola laissa flotter quelques bonnes grosses secondes pour se remettre de la vitesse de réaction. Son regard derrière les lunettes se firent même insistants, surpris tout de même que l'appel de son surnom finisse sur une panne sèche.
Se donnant une claque mentale pour se ressaisir, l'étudiant se pencha vers l'avant avec un grand sourire teinté de supplique :

« On pourrait aller manger en ville, ce midi ?
— D'accord.
— … Sur ta moto ? »

Peut-être qu'il en demandait trop d'un coup, mais il fallait en profiter. Il ne se le permettait pas tous les jours, non plus. Son moral n'était pas au plus haut depuis le début de ce nouveau semestre, ça faisait remonter ses tics nerveux et autres envies de sucre. Giorgio ne questionna pas son désir soudain, acquiesçant simplement avec un doux sourire avant de replonger dans ses notes.

« Merci beaucoup, j'ai vraiment besoin de ça. Je n'arrive vraiment à rien, je ne sens pas du tout les rattrapages … Et si je n'ai pas mon année … »

Nicola soupira de nouveau et baissa la tête jusqu'à ce que son front ne se cogne au bois de la table. De toute façon, il savait qu'il ne l'écoutait plus, mais le jeune homme ne pouvait s'empêcher de parler. Puis de se sentir un peu bête. Ah.
D'immanquables claquements de talons se firent entendre dans son dos qu'il redressa aussitôt, une main à son front comme à l'armée :

« Salut, Rahela.
— Bonjour. »

Son sourcil haussé face aux réactions incongrues habituelles de Monsieur Reymond revint vite à sa position froncée initiale. L'autre en face ne l'avait toujours pas remarquée, comme le boulet qu'il était, et elle dût donc frapper la table de la palme de sa main pour attirer son attention.
Son sursaut, ainsi que ceux des autres étudiants aux tables voisines, fit doucement rigoler Nicola que Rahela impressionnerait toujours. Même s'il avait compris qu'elle venait de Roumanie, son imagination ne pouvait s'empêcher de l'habiller en costume nazi. C'était à côté de toute façon, non ?
Mais nazi ou pas, ce qu'il aurait aimé être une brute, parfois, et avoir autant d'effets sur les gens.

« Les journalistes. »

Claire, nette, précise. Giorgio se leva quasiment instantanément, comme remonté sur ressort, et laissa ses affaires en plan pour suivre sa collègue. Nicola s'illumina en voyant qu'il prit le temps de passer lui faire un bisou sur la joue :

« Souhaite-moi bonne chance !
— Comme si tu en avais besoin, toi. »

Pas sûr qu'il avait compris ce qu'il voulait dire mais, peu importait. Le garçon n'était pas là pour l'embêter avec ses problèmes personnels alors qu'il en avait déjà suffisamment de son côté.
Cela faisait quasiment deux ans, mais …
Il lui arrivait toujours de se demander s'il l'aimait.
Même si, dans son lit, il avait au contraire l'impression d'être la personne la plus belle et importante de l'univers.
Giorgio était excité. Ses professeurs lui avaient donné l'opportunité, avec Rahela, de représenter les couleurs de leur filière dans une interview pour une presse internationale. De ce fait, ils parleraient en anglais. Comme s'il aurait refusé.
Le rendez-vous était à la bibliothèque où ils se trouvèrent un coin tranquille où il leur était permis de discuter. Les deux étudiants en architecture rencontrèrent ainsi le journaliste, Benedikt Summers et, sa caméraman, Trisha Victoire.
Bien qu'aucun n’était spécialement stressé, l'ambiance resta rassurante et décontractée. Ils n'attendirent pas pour commencer.

« Nous nous trouvons cette fois-ci avec des étudiants de l'école d'architecture de Turin, polytechnique. Et pas n'importe quels étudiants ! Rahela Lupei et Giorgio Di Natale. Ils en sont au deuxième semestre de leur quatrième année et ont tous les deux été major de promo à plusieurs reprises. »

La fille Lupei avait convenu avec Giorgio qu'elle s'occuperait des questions techniques, ce qu'il lui accorda volontiers. De toute façon, s'il n'avait pas d'arguments convaincants pour la contrer, rien ne servait de discuter.
Elle voulait juste beaucoup parler, il savait bien.

« Oui, j'ai été major de promo deux fois, aux premiers semestres de ma première et deuxième année. Giorgio l'a été les autres fois.
— Mais vous le suivez de très peu.
— En effet, mais cela ne change rien. Je continuerai de tout faire pour le dépasser jusqu'à la fin. »

Giorgio souriait tranquillement à ses côtés. Même s'ils ne partageaient pas grand chose, il appréciait beaucoup la roumaine. C'était une figure solide, toujours là pour le regarder avec sévérité comme si elle voulait le défoncer à coup de dictionnaire. Vraiment quelqu'un de fiable.

« Ah oui, très bien. Et, en fait, pourquoi avoir choisi de faire l'école d'architecture à Turin ? Qu'est-ce qui vous motive ? »

Rahela continua donc dans sa lancée, bien que la question était bien entendu destinée à eux deux :

« Pour ma part, je viens de Roumanie et j'ai toujours été intéressée par la création et le dessin. J'ai eu l'opportunité de voyager et de venir à Turin qui est une très bonne école. J'aime me donner à fond dans ce que je fais, cela n'en vaut pas la peine autrement.
— C'est ce que j'admire chez toi. Rahela, continua d'intervenir Giorgio en s'adressant cette fois au journaliste, est vraiment très douée et créative. Je le vois bien et ça se sent encore plus quand on travaille avec elle. Moi, je suis plus dans la technique, le carré.
— Vous diriez que vous faites une bonne équipe ?
— Personnellement, j'apprécie beaucoup. »

Et il était sincère. L'intéressée ne montra aucun signe de surprise ou quoi, renvoyant tout naturellement l’ascenseur :

« Oui, on ne peut nier le sérieux de Giorgio qui en fait un partenaire de travail convenable.
— D'ailleurs, après mon diplôme, j'ai pour projet de créer ma propre entreprise d'architecture. Ce serait un tel plaisir si tu pouvais y travailler avec moi, Rahela, qu'en dis-tu ? »

Cette fois-ci, l'information prit un peu plus de temps pour atteindre la jeune femme. Son regard brun se détourna du journaliste pour soutenir celui de Giorgio pointé dans sa direction.
Du coin de l’œil, elle pouvait tout de même deviner que la déclaration avait éveillé l'intérêt du journaliste.

« C'est à voir, Giorgio …, articula-t-elle lentement.
— On peut dire que vous avez de l'ambition, Monsieur Di Natale. Et vous, alors ? Qu'est-ce qui vous motive ? »

Les deux se retournèrent de nouveau vers Benedikt, Rahela croisant les bras comme pour faire une pause.



Les motivations des autres ne l'intéressant guère, la jeune femme entendait donc celles de Giorgio pour la première fois. Elle eut du mal à rester professionnelle, ayant baissé la tête et ne quittant pas des yeux son collègue alors qu'il s'était exprimé.
Benedikt fut plus doué qu'elle pour rebondir et ainsi éviter de blanc gênant pour l'interview :

« Je dévie un peu le sujet mais, par pure curiosité, pourquoi ces cheveux rouges ? Difficile de les rater !
— Ha ! Eh bien, c'est exactement leur but. Cela vient d'une promesse que j'ai faite à une amie très chère. Ils lui permettent de me reconnaître facilement. Mais, du coup, tout le monde le peut. Excusez-moi, d'ailleurs, mais est-ce que je pourrais leur passer un bonjour ?
— Mais bien entendu !
— Ceux qui me reconnaissent, commença-t-il en italien tout en s'adressant directement à la caméra, j'espère que vous allez bien où que vous soyez. Si je fais tout ça, c'est pour vous ! Je vous aime. »

Rahela avait du mal à douter de la sincérité du garçon, alors qu'il lançait un baiser à l'objectif avant de lui secouer sa main.
De l'autre côté, l'équipe du journal était conquise.

« En voilà un jeune homme très sympathique, ils doivent être fiers de vous.
— Je l'espère. »

Il avait manifestement dit tout ce qui lui tenait le plus à cœur. Giorgio se détendit un peu dans le fond de son siège, un sourire satisfait sur les lèvres, prêt à laisser Rahela reprendre les rênes. Le jeune homme était désolé d'avoir monopolisé la conversation, et le lui dirait quand ils auraient fini, mais c'était important.

« Bien, à présent, parlons plus globalement de l'école. Pourriez-vous nous la décrire un peu ? … »

Vraiment important.



▬ Avril 2014

Pour 2014, à l'aube de la fin de ses études, Giorgio avait constaté ne pas s'être fait plus que ça de camarades proches ou avoir gardé son petit ami. En même temps, il y avait la différence d'âge, de milieu … Associé au fait qu'il ne s'accordait pas non plus beaucoup de temps pour autre chose que ses projets.
Il pensait pourtant que ça marchait bien avec Nicola. Après son redoublement, Giorgio avait tenté de rester en contact avec lui mais le garçon avait préféré en arrêter là. C'était en Novembre dernier.

Comment avouer qu'il s'était juste dit tant pis ?

Fort des conseils d'Ilio, son célibat ne l'arrêta pour chercher à se faire un peu plaisir de temps en temps.
Pour son anniversaire, le fils Di Natale se rendit dans une boîte gay et n'eut aucun regret.



▬ Décembre 2014

Tout le monde faisait bonne figure. Giorgio saluait chaleureusement ses anciens professeurs, anciens collègues ainsi les dernières années du second cycle ; tous réunis pour le rassemblement très attendu de la remise des diplômes.
Il était revenu de Rome pour l'occasion. Un voyage express qui lui donnait un temps de souffler. Bien avant la fin de ses études, il avait déjà commencé à faire le nécessaire pour l’ouverture de sa propre boîte d'architecture. Avec sa bonne réputation et son profil assez avantageux, les rouages et engrenages s'imbriquèrent à la perfection. Encore un peu d'huile de coude et il pourrait enfin entendre leur mécanisme chanter.
Pendant qu'il racontait ses dernières démarches à des enseignants qui le suivaient de près, Giorgio surveillait l'entrée où il s'attendait à tout moment à voir arriver une certaine personne. Cependant, le jeune homme fut véritablement surpris quand il en reconnu finalement une autre.
Prenant congé de ses interlocuteurs, il alla à grands pas rejoindre la petite demoiselle à lunettes qui admirait l'architecture, glissant à moitié sur une valise plus grosse qu'elle.

« Elena, qu'est-ce que tu fais là …!
— Eh, ben !, s'écria-t-elle entre la joie de voir son cousin et l'air vexé. Voilà des manières de dire bonjour. Tu ne donnes pas de nouvelles, rien ! Tu cours partout … Un vrai homme d'affaire, hein. »

Le garçon s'excusa, gêné, et l'aida tout de suite à pousser son énorme bagage.
Giorgio étant … ce qu'il était (c'était-à-dire : autant pré- qu'occupé), Elena avait décidé de prendre le taureau par les cornes et s'était vue obligée de directement téléphoner au secrétariat de Turin pour savoir quand se déroulerait cette fameuse cérémonie de remise des diplômes. C'était l'occasion rêvée pour le retrouver, à priori sans trop le déranger, lui qu'elle n'avait pas revu depuis le début de son entrée à Turin. Même pendant les vacances, il travaillait sans relâche.

« Tu es venue toute seule ?
— Oui, c'est quand même loin de la maison donc … Je viens à la place de tout le monde. Mais ils sont là à leur manière … »

Elle tapota le tissu de la valise d'un air entendu.
Certains avaient montré des réticences à la laisser partir sans compagnie, mais elle s'était montrée assez convaincante. Au final, elle était arrivée sans problème, alors il n'y avait vraiment pas eu lieu de s'inquiéter ! Et puis, si ça avait été le cas, ça aurait été du fait de leur grande générosité. Heureusement que des personnes plus grandes et musclées que la jeune femme l'avaient gentiment aidé pendant son périple.

« Tu as des affaires pour toi là-dedans, au moins ?
— Oh, oui. »

Giorgio rit. C'était tellement gentil et inattendu qu'il ne trouvait pas les mots pour s'exprimer. Ils avaient dégagé le passage et trouvèrent une place où ils purent poser les affaires sans qu'elles n'encombrent de trop la voie. Juste après, Elena leva les bras et attrapa son cousin par la taille, le serrant très fort :

« Félicitations ! »

Tranquillement, ils s’installèrent sur des chaises dans un coin et discutèrent un peu, prenant des nouvelles de tout le monde, des siennes … Il promit qu'il l'inviterait au restaurant, après ça, aussi. Son retour pour Rome était pour le lendemain, malheureusement, mais Elena comprenait. Elle était habituée, même. L'avoir vu ne serait-ce qu'une seconde en chair et en os lui suffisait.
Et ce même s'il continuait de surveiller l'entrée. Finalement, alors qu'une femme ronde, bien habillée et à la coupe très carrée en passait le seuil, il se redressa subitement :

« Excuse-moi, on se reparle bientôt.
— Je ne compte pas m'envoler. Pas avec ce sac. »

Elena souffla par le nez. Elle s'amuserait à continuer d’admirer les lieux, voilà tout.
Giorgio lui agita la main et sourit avant de la quitter, partant retrouver Rahela à pas vif. Sur sa route, il intercepta une coupe de champagne et la lui présenta, tel un gentleman, avant même qu'elle ait pu saluer qui que ce soit :

« Bonsoir !
— Bonsoir. »

Elle ravala sa surprise de voir le myope aux cheveux rouges apparaître aussi brutalement dans son champ de vision et prit la coupe avec dignité. Ils ne s'étaient plus parlé depuis l'annonce des derniers résultats qui fut dure à avaler, pour sa part. Elle considérait en avoir complètement fini avec lui, du coup, alors …

« Comment vas-tu ? Tu étais en Roumanie ? »

Sans cacher sa méfiance, Rahela prit une gorgée de champagne avant de répondre, non sans froideur :

« Oui, j'ai été prise pour un contrat là-bas.
— Ah oui ! Sur quoi donc ? », demanda-t-il, véritablement curieux.
« Je n'ai pas très envie de le répéter cent fois alors, si tu y tiens, tu n'as qu'à me laisser passer et m'écouter quand quelqu'un me posera la question. »

Ouch. Bon.
Malgré son rire nerveux, il ne comptait pas se laisser faire. Alors qu'elle pensait lui avoir cloué le bec et s'apprêtait à partir, Giorgio l'arrêta de nouveau en mettant son bras sur le sien. Ses yeux passèrent de sa main au reste de son bras jusqu'à ses iris luisant. Bien entendu qu'il avait quelque chose en tête.

« Attends, Rahela, tu te souviens de mon offre de l'année dernière ? »

Lèvres pincés, dessinant une fine ligne de rouge-à-lèvres bronze, la jeune femme épousseta simplement les longs doigts pour qu'il la lâche.

« Ma proposition tient toujours. », continua-t-il en rangeant ses mains sur ses hanches. Rahela plissa un peu plus les yeux pour chercher le piège dans tout ça. Elle savait bien entendu de quoi il parlait, mais pourquoi ?

« C'est pour m'humilier que tu me demandes ça ?
— Non, du tout. Tout ce que j'ai pu dire, je le pense vraiment. Tu es très douée, et ce serait un véritable honneur que nous fassions affaire ensemble. Si tu le veux bien. »

Ils se regardèrent en silence, un moment, Rahela réfléchissant et Giorgio attendant sa réponse avec patience. Elle aurait pu lui répondre dix ans plus tard que ça lui serait allé, mais il n'était pas sûr de la retrouver d'ici là. Ce soir lui donnait cette occasion, et ça restait mieux si elle pouvait participer à l'ouverture de l'entreprise.
Giorgio cherchait de la main d’œuvre, sans plus. Il appréciait Rahela dans sa personnalité comme dans son travail, alors cela semblait légitime de lui demander. De même, il comptait en toucher quelques mots à d'autres personnes de sa promotion qu'il avait remarquées, mais la jeune femme restait son coup de cœur. Et c'était comme ça qu'il avait l'habitude de marcher.

« Je ne t'aime pas. Je ne t'aime pas parce que je suis jalouse de toi. Je sais que tu as travaillé dur pour en arriver là, mais moi aussi ! Et pourtant … C'est toi qui a gagné.
— Moi, j'ai toujours aimé ta franchise. Et puis, je n'ai rien gagné du tout. Ce n'est pas ça, le diplôme, qui compte. C'est ce que nous allons en faire. »

Les lèvres de Rahela virèrent en une légère moue et ses yeux obliquèrent vers une colonne.

« Tu en es où, alors ?
— J'ai les financements, les partenaires, les locaux, commencé un recrutement … J'ai amené plusieurs documents dans ma valise que je peux te montrer, aussi. »

Giorgio savait y faire et la connaissait bien, avouons-le. Il ne lui aurait jamais rien proposé sans préparation solide ; autrement, il aurait pu continuer de rêver. Là, il savait qu'il avait touché dans le mille et son sourire s’agrandit avant même qu'elle ne continue :

« C'est d'accord, je veux bien te suivre. Pour voir. »

En vérité, cela restait de l'ordre de l'échange de bons procédés. Elle lui fournissait de la main d’œuvre de qualité et sa nouvelle notoriété ainsi que son capitale sympathie permettrait à la fille Lupei de se faire connaître autrement. Avoir son nom sur un projet tel que le sien ne ferait aucun mal à son CV, bien au contraire.
La Roumanie saurait attendre un peu son retour.

« Parfait. »

Leur conversation à priori close pour le moment, Giorgio consentit à lui permettre de rejoindre les autres et voulut lui proposer son bras pour l'accompagner. Ce à quoi elle répondit avec un regard dédaigneux avant de faire claquer ses talons qu'il suivit de près.
Croisant le regard d'Elena et, bien qu'elle ne comprendrait pas totalement, il lui fit un discret signe de victoire avec sa main.

La suite de la soirée ne saurait être mieux.

Son jugement se ravisa lorsqu'il découvrit tout ce que ses proches lui avaient envoyé dans cette valise.

Mais Rome était droit devant, aussi.



▬ Avril 2015

Giorgio sortit de sa concentration et décrocha le téléphone. Le numéro affiché venait d'une ligne externe, mais il le connaissait bien. Son siège de bureau pivota légèrement dans l'action, et le fit remarquer l'heure avancée affichée sur l’horloge murale.

« Monsieur Di Natale, ça commence ! »

Comme prévu, il reconnut la voix et rit doucement. France Maretti était sa nouvelle secrétaire et prenait très à cœur son travail, ce même depuis le confort de son salon. Quoiqu’elle n’avait aucune raison de se plaindre de son fauteuil à l’accueil.
Autrement, elle ne comptait pas non plus l'appeler par son prénom malgré leurs très nombreux échanges. Après, il n'allait pas nier que ça lui plaisait assez.

« Merci, France, bonne soirée ! »

Reposant le combiné du téléphone, Giorgio retourna sur son ordinateur et ouvrit une page internet à la place de son tableur sur lequel il fut absorbé un peu plus tôt. Comme il avait déjà préparé le terrain, ça ne lui prit qu’à peine quelques secondes pour arriver sur la diffusion télévisée du journal du soir. Son sourire s’agrandit de satisfaction en reconnaissant ses locaux. La scène s'était passée ce matin-même et il n'y avait pas à dire que le jeune homme avait été très excité par la perspective. D'autant que cette date était plus que symbolique.

Finalement, comme il avait été interrompu dans son travail, Giorgio eut le temps de se dire qu'il avait quand même bien avancé. Il avait tant donné pour en arriver là et ne voulait absolument pas décevoir ses clients ou tous ceux qui comptaient sur lui, à présent. Sans oublier sa famille.
Le rythme commençait à venir, ainsi que les contrats. Tout tournait rond et sans encombre. C'était comme un rêve qu’il remerciait chaque jour le Seigneur d’avoir permis d'atteindre. Les gens parlaient de lui, il était devenu assez populaire … Et maintenant ?

La vie continuait.

Ce qui suivit le reportage de présentation de son entreprise n'étant pas à son goût, Giorgio ferma les diverses fenêtres, sauvegarda ses documents et commença tranquillement à quitter son poste.
De très bonne humeur, il sentait que c'était le moment de la dépenser un peu. Ça faisait longtemps. En même temps, il ne se le permettait vraiment que pour se récompenser. Se détendre. D'un autre côté, le fils Di Natale y avait un peu réfléchi et sûrement que l’heure était venue de passer à autre chose ?
Les boîtes et les gens qu'il pouvait y rencontrer le temps d'une nuit étaient agréables, de temps en temps, mais c'était autre chose qu'il cherchait. C'était d'autre chose dont il avait besoin.
Pour l'heure, cependant, il se dit qu’il y songerait plus tard.

Enfilant son manteau et son attaché-case à la main, il éteignit les lumières et fila le pas léger.



La société d'architecture de Giorgio Di Natale avait la réputation d'être jeune et dynamique, à l'image de son patron. Cela devait sans doute paraître cliché pour des personnes travaillant en entreprise mais, dans les faits, cela colorait le marché d’un vent de fraîcheur.
Les gens aimaient ça, c'était vendeur.
Et Giorgio n'allait pas se laisser prier.

L'ascension continuait. Les postes se remplissaient, les offres arrivaient ; pas toutes toujours au même rythme mais cela finissait toujours par s'arranger.

Le matin, et malgré ses efforts, Giorgio arrivait toujours deuxième. France gardait fièrement la première place, toujours prête à accueillir avec un grand sourire le jeune homme. Un jour, il avait essayé de la doubler, mais elle s'était fâchée, promettant de dormir au bureau si c'était comme ça. C'était lui qui finissait le plus tard, elle avait bien le droit d'arriver le plus tôt. Et aussi jeunes et dynamiques qu'ils peuvent être, les êtres humains ont besoin d'un minimum de sommeil.

Habituellement, le patron passait sa vie dans son bureau. Là, il s'occupait donc de la paperasse, veillait à l'avancement des projets, prenait de nouveaux rendez-vous, des appels, participait à des réunions en visioconférence avec d'autres pays …
Lorsqu'il en sortait, c'était pour d'autres réunions, des rencontres avec des partenaires ou des discussions à avoir directement sur le terrain.
Pas de quoi s'ennuyer. C'était prenant et sa passion faisait qu'il ne voyait pas le temps filer. La personne avec qui il parlait le plus, aux bureaux, était France. Il veillait cependant à passer dans les couloirs, s'il en avait l'occasion, et saluer ses employés dont il avait appris tous les noms. Il tenait vraiment à offrir une bonne et chaleureuse ambiance à son équipe. Qu’ils se sentent comme en famille. A la manière de ce qu'il avait vécu lorsqu'il travaillait pour les Di Pasquale.
Sinon, Rahela et lui se croisaient autant que lorsqu’ils étaient à l’université, alors il n’y avait pas de quoi se plaindre. Elle n’avait pas encore parlé de vouloir démissionner et prenait son travail à cœur. Il avait même eu des échos satisfaits de la part des personnes qui l’avaient rencontré en tant que chef de projet.
Enfin, Giorgio prenait aussi à cœur la rencontre des demandeurs d'emplois ou de stages. Il avait le souci de la passion de la personne et acceptait même ceux qui n'avaient pas d'expérience. Dans le cas contraire, ça aurait été plutôt hypocrite, de toute façon. De même, il ne faisait pas attention aux physiques ou aux diverses étiquettes. Tant que la personne lui plaisait, c'était ce qui comptait. Il lui donnait alors volontiers sa chance.

Il aimait son travail. Il s’y sentait si bien.



▬ Décembre 2015

L'appartement de Giorgio était du genre spacieux, moderne et propre. Il paraissait sûrement un peu trop grand pour une seule personne, mais le garçon l'avait préféré ainsi.
En effet, il n'y passait que quand il finissait de travailler et n'avait clairement pas le temps pour se préparer à manger. Soit il commandait au bureau, soit il se prenait un truc dehors. La cuisine n'était donc jamais utilisée, sauf pour le café dont l'odeur y était persistante. Ça lui donnait néanmoins un peu de vie.

Ce samedi soir, assis dans son lit, le jeune homme consultait sa boîte mail personnelle qui l'avertissait de quelques nouvelles notifications. Il mettait un point d'honneur à marquer une différence entre vie publique et vie privée. Bien que la manière dont il conciliait les deux restait discutable, selon les points de vue, lui pensait s'en sortir plutôt bien.

tu devré metr 1 tof 2 toi allé

Si certains ne prenaient même pas la peine de cliquer sur son profil pour cette raison, quelques courageux se permettaient malgré tout de laisser un petit commentaire et tenter leur chance.
Giorgio échangeait alors un peu avec eux et, s'ils insistaient de trop, il s'en tenait à là. Tout simplement. Il n'aimait pas se prendre la tête juste pour ça et ils n'étaient pas si nombreux à être dans cette deuxième catégorie, de toute façon. Sinon, il y avait toujours la minorité de ceux qui se fichaient des photos. Là, la discussion allait directement dans le vif du sujet et ils faisaient un peu connaissance. Suffisamment pour se prévoir un premier rendez-vous à l'hôtel, pour commencer. Et puis plus si affinité.
C'était posé, tranquille. Giorgio appréciait ce nouveau rythme qu'il avait démarré il n'y avait pas si longtemps. Les demandes ne pleuvaient pas justement parce qu'il avait préféré se présenter avec une image de chaton plutôt que son propre visage, mais il n'y avait pas de quoi s'en plaindre. C'était une méthode qui lui garantissait de l'anonymat et filtrait quelques lourds. Devenu relativement médiatisé, il ne voulait pas que son image se retrouve n'importe où sur le web, non plus.

Après, il ne savait pas ce qu'il attendait réellement de la plateforme de rencontre virtuelle. Pour le moment, rien. Il se disait que ça lui tomberait dessus, que l'alchimie se créerait pour que des sentiments finissent par être compris dans l'équation.

Car, sinon, ça assouvissait surtout le plaisir charnel.

Des fois, ça convenait à certains. Moins à d'autres.

C'était comme ça.



▬ Février 2016

Tic, tac, tic, tac …
Vingt minutes.
Heureusement qu'il n'avait rien d'autre de prévu.

Lorsque Giorgio sortait pour un rendez-vous, c'était le plus souvent les week-ends, hors messe, ou pendant les vacances. Le travail passait avant tout, sinon. Il lui était déjà arrivé que des gens aient du retard ou ne viennent carrément pas. Ça ne le gênait pas outre mesure.
Dans tous les cas, c'était un moment qu'il s'accordait pour s'aérer l'esprit et se changer les idées. Il pouvait ainsi en profiter pour visiter un peu Rome sous une autre facette. Giorgio Di Natale, l'homme d'affaire jeune et dynamique aux cheveux rouges et lunettes vintage, laissait place à un italien lambda dissimulé sous un bonnet et des lentilles de contact.

L'homme qu'il devait rencontrer pouvant toujours apparaitre d'un instant à l'autre, Giorgio ne quitta pas le secteur. Sa moto garée toujours à portée de vue, le garçon s'en alla visiter les boutiques environnantes, échangeant quelques mots avec les commerçants.
Il y avait aussi cette chose qui n'arrêtait pas d'attraper son regard. Sur tout le pan du mur d'un immeuble, cachée dans son ombre et qui ne devait que rarement voir le soleil, s'étalait une impressionnante peinture.
Le quartier était calme, les gens grouillaient et il y avait toujours de la circulation mais ce n'était pas tant des touristes au contraire du centre de la capitale.
Là, le nez levé à fixer les arabesques colorées, Giorgio avait l'impression d'être hors du temps et se pensait capable de sentir l'odeur de la forêt qu'il aimait tant.

« Ciao, Signore ! »

Une pensée optimiste se dit que c'était peut-être son rendez-vous … Il ne connaissait ni sa tête, ni son nom (juste un pseudonyme), mais il lui avait signalé qu'il porterait un gilet de sport et une casquette de marque. Choses que son interlocuteur n'avait point. C'était un homme (tout allait bien), légèrement plus petit que lui, aux cheveux et à la barbe bouclés. Ses vêtements étaient aussi simples que froissés et il avait des sandales aux pieds. Donc, non.
Son sourire chaleureux semblait par ailleurs plus appartenir à quelqu'un qui voulait discuter qu'à celui qui cherchait quelque chose. Peu méfiant, Giorgio répondit à ses salutations avec autant de politesse.

« Joli, hein ? »

Leurs regards retournèrent ensemble vers la décoration murale. Le fils Di Natale ne put alors qu'acquiescer :

« Très sympa, en effet. C'est discret tout en donnant son originalité à la rue. Et puis ça me rappelle de belles choses.
— C'est pas une peinture bien connue et, comme c'est un petit quartier, on n'y fait pas toujours attention. Elle me fait vibrer à chaque fois que je la vois, moi. »

Giorgio ne discutait pas souvent art, et ce n'était pas non plus sa tasse de thé. Comme tout : il aimait ou pas, voilà. Cependant, ça restait agréable de rencontrer des gens passionnés, vrais et généreux qui avaient le goût du partage. C'était difficile pour lui de se décrocher de leurs lèvres, dans ces cas-là.

« Je m'appelle Paolo.
— Giorgio. »

Leurs mains se serrèrent et le dit Paolo eut l'air impressionné de la bonne poigne de son nouvel interlocuteur. Lui était habitué aux poignées de main fermes avec ses partenaires d'entreprise, et ce depuis cette chère Rahela qui ne plaisantait pas là-dessus. Et, oui, ça lui arrivait de plaisanter.

« Désolé de vous avoir dérangé, mais vous attendez quelqu'un, en fait ?
— J'attendais. Un rencard. Mais il a dû me poser un lapin. Tant pis !
— Ah ! Comment ça se fait ? Quelqu'un d'aussi mignon ! »

Giorgio rit du compliment. Il hésita presque à se demander si c'était de la drague ou juste une façon d'être très naturelle. Peut-être un peu des deux, comme en témoigna la suite de ses paroles après une petite seconde de réflexion :

« Et si je remplaçais votre rencard ? »

Les sourcils du garçon se haussèrent, signalant bien que la demande était bien directe. Pas décontenancé pour un sou, Paolo sourit de plus belle et leva un doigt vers l'immeuble d'en face :

« J'habite juste là-haut. »

Franchement ?
Comment résister.




Alors que Paolo jouait au guide, les faisant simplement traverser la rue et entrer dans le bâtiment où ils commencèrent à gravir les escaliers jusqu'au dernier étage, il prit aussi le temps d'échanger et de demander s'ils pouvaient se tutoyer.
Cela pouvait peut-être sembler niais, mais Giorgio avait comme l'impression de se trouver avec un ami de longue date et n'eut aucun mal à être franc ou rire avec lui. Les avances finirent par tourner dès le troisième étage atteint et, au pied de la porte, tout avait déjà été décidé.

« Fais comme chez toi. Je te sers un truc ?
— Merci, ça ira. »

L'appartement était incroyablement petit, rien à voir avec le sien.
Giorgio retira ses chaussures à l'entrée, imitant Paolo qui avait laissé là les siennes alors qu'il était parti vers la cuisine, slalomant avec aisance dans l'étroit couloir. Curieux, les yeux de l'invité s'attardèrent sur les étagères, les boites, tous ses objets qui encombraient le passage.
Seul le lit, un deux places, était parfaitement rangé et vide, formant comme un ilot autour des montagnes de trucs et de machins divers.
Retirant son bonnet et laissant alors ses affaires sur le côté, Giorgio enjamba le lit pour atteindre la fenêtre qui menait vers la rue. Il y avait un petit balcon aménagé de quelques pots de plantes vertes et, sinon, une vue imprenable sur l'artère et ses passants aussi petits que des fourmis. Le jeune homme reconnut sa moto sans problème, et pouvait aussi continuer d'admirer la peinture d'un peu plus tôt. Quelle vue.

« Woh. »

Giorgio se retourna au son de la voix de Paolo et ses yeux prirent un peu de temps pour se réhabituer à la pénombre de l'intérieur. Une boîte de tabac à rouler dans les mains et une clope calée derrière son oreille, l'hôte faisait des yeux ronds et admirait les reflets des cheveux du garçon au soleil.

« T'es bien, sans bonnet. »

L'homme enjamba les draps à son tour afin de le rejoindre, ses mains hésitant presque à toucher. Giorgio souffla par le nez de ces manières et l'attrapa, les obligeant à rouler sur le lit et défaire la couette.
Les deux se déshabillèrent jusqu'à finir chacun torse nu. Paolo déposa son paquet sur le coin du matelas avant de passer ses mains dans le creux des reins de son invité. Giorgio se laissa faire, appréciant ce contact rapproché et allant pour l'embrasser.
Leurs lèvres ne restèrent pas longtemps accrochées, Paolo mettant fin à leur baiser avec un sourire gêné :

« Hey, Giorgio … Franchement, désolé mais … est-ce que je peux te dessiner ? Ça me démange tellement. »

Étant donné le caractère incongru de la demande, l'intéressé resta bête le temps que l'information s'achemine convenablement jusqu’à son cerveau.

« Euh, oui, pas de soucis. »

A peine la sentence prononcée, Paolo glissa hors du lit et fonça dans le couloir. De son côté, Giorgio resta allongé, la tête appuyée sur sa main, toujours dans sa légère surprise. Ce n'était pas dérangeant en soi, au contraire, ils avaient à peine commencé. De plus, il trouvait ça amusant et puis ne se voyait pas brider la montée d'inspiration du brun. Cependant, il ne pouvait se défaire du fait que ça ne lui était jamais arrivé auparavant.

« Je dois prendre une pose, ou quelque chose ?
— Comme tu veux. Sois toi-même. »

Paolo revint, un grand sourire sur les lèvres et un chevalet sous le bras. Il se plaça juste en face du lit et, à la manière d'un maestro, sortit planches et outils de peinture de son capharnaüm en regardant à peine. C'était impressionnant, on aurait dit un véritable magicien.

« Tu es peintre, alors ? »

Sa tête dépassant de la toile blanche, Paolo tentait de s’imprégner du corps de Giorgio avant de griffonner quelques traits au crayon que le garçon ne pouvait qu'imaginer, de sa position.
Il n'avait pas bougé plus que ça, finalement, regardant juste dans sa direction et lissant les plis de la seconde place laissée vide.

« On peut dire ça ? Artiste free-lance, mais je fais plutôt dans le street art. »

Ah.
Les choses s'expliquaient … D'une certaine façon ?
Sourcil levé, Giorgio demanda :

« En fait, c'est toi qui a illustré le bâtiment d'en face ?
— Noooooon ! J'aurais pas posé la question comme ça, c'est bizarre et sournois, non ? »

Il était d'accord. Ça l'aurait fait se sentir un peu piégé et il n'aurait pas vraiment apprécié. Genre, l'artiste fou qui pêche ses proies selon s'ils aiment ou non ses peintures ?

« Ahhh, comment je vais pouvoir rendre la couleur de tes cheveux. Ils sont rouges comme de la betterave. Mince, j'aurais dû y aller à l'aquarelle … J'aurais pris du jus … Mais je n'ai pas de betterave, hmmm. »

L'écoutant penser à voix haute, Giorgio n'était pas mécontent que son premier plan soit tombé à l'eau.

Giorgio Di Natale
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Giorgio Di Natale

En bref

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Histoire



▬ Juillet 2018

Sans broncher de sa prise de note, Giorgio attrapa le combiné du téléphone, coupant le sifflet de la sonnerie. Il leva un sourcil en entendant France murmurer de l'autre côté :

« Monsieur Di Natale … »

Ce fut suffisant pour complètement le désabsorber de sa tâche. Il ne sentait aucune panique dans sa voix, mais …

« Il y a un homme gigantesque qui dit vous connaître …
— Pourquoi parlez-vous comme ça ?
— Je vous l'ai dit … Il est gigantesque. »

Elle n’aurait sans doute pas été ravie de voir poindre un sourire amusé sur le visage de son patron.
Peut-être, effectivement, qu'il aurait dû la prévenir et indiquer cette visite dans son agenda électronique. Malheureusement, il n'était pas toujours infaillible, notamment sur ce genre de questions informelles. Ça n’avait pas été comme si il avait eu de rendez-vous urgent de programmé, de toute façon. Les vendredis s’avéraient souvent les journées les plus calmes, aux bureaux. Prévision du week-end.

« Haha, eh bien faites attention à ne pas vous évanouir, il est médecin.
— Oh. » Sa voix avait soudainement repris un ton normal. « Je vous le fais venir ?
— Oui, merci. »

Réajustant sa cravate ainsi que ses lunettes après avoir raccroché, Giorgio laissa rouler son fauteuil en arrière et en sortit, prêt à aller accueillir son invité surprise. Enfin, en vérité, celui-ci l'avait appelé en début de semaine pour lui demander s'il pouvait justement passer lui dire bonjour. Ça faisait si longtemps qu'il n'était pas revenu en Italie.
Giogio sortit de son bureau à grands pas et, dès qu’il le vit, salua sans retenu son cher cousin :

« VITALE ! Comme je suis heureux de te voir ! »

L'aîné Iezzi était si impressionné par les lieux qu'il essayait de se faire tout petit, mais la tâche pouvait être ardue pour un gaillard tel que lui, aussi large qu'une porte. Il préféra faire comme Giorgio, se focaliser sur lui alors qu'ils se prenaient chacun dans les bras de l’autre, plutôt qu'aux quelques regards curieux qui se pointèrent dans les coins de couloir.

« Viens, on va dans mon bureau. »

Une main dans son dos, Giorgio guida l’homme jusqu'à son antre. Un spacieux espace rien qu'à lui. Vitale nota les feuilles sur la paillasse, que le chef d’entreprise rangea expressément pour faire de la place sur la table.

« Je te dérangeais ?
— Jamais ! » Avec un peu trop d'enthousiasme, le garçon se dirigea vers l'une de ses nombreuses armoires qui cachait un minibar. Le visiteur avait bien du mal à en croire ses yeux, découvrant ceci. « Tu veux boire quelque chose ? Du café, du thé, du champagne ? »

Se doutant quand même un peu de la réponse, il sortit la bouteille pleine du compartiment frais ainsi que deux flûtes qui ne demandaient qu'à être remplies. Comment refuser ?

« C'est pour les gros clients, d'habitude, mais bah !
— Je veux bien me laisser tenter.
Eccelente ! »

Vitale, laissant Giorgio préparer leur apéritif avancé, fit un petit tour d’horizon de la pièce, notant les nombreux écrans d’ordinateur de tailles impressionnantes, les énormes dossiers colorés, les photos aux murs … Une petite Vierge Marie, sur une étagère.
Il laissa échapper un petit soupir avant de reprendre avec bonne humeur :

« Alors, comme ça va, Gio ? »

Le bouchon de liège laissa échapper un petit son merveilleux, libérant le liquide frais et pétillant que l'interpellé fit couler dans les verres posés sur un plateau d'argent. Rien que ça. Vitale dont les valeurs étaient plus simples – il tenait ça surtout son père – ne jugeait pas, mais trouvait tout de même la chose amusante.
Giorgio les prit ensuite entre ses doigts et alla servir son cousin :

« Boulot boulot, comme d'habitude. Tu sais ce que c'est, j'imagine.
— Ah, ça. Merci. »

Vitale prit son verre et trinqua tout sourire avec Giorgio.

Aux imbéciles.


« Allez, parle-moi un peu de ton cabinet … Une future madame Iezzi aux commandes ? »

Vitale éclata dans un grand rire franc.
L'après-midi fila comme le contenu de la bouteille. Et, juste après, ils continuèrent de parler autour d'un bon repas que Giorgio offrit complètement. C'était la moindre des choses. Vraiment.



▬ Septembre 2019

Après s'être occupé de garer sa moto à sa place attitrée, Giorgio, qui revenait d'une matinée sous le signe de réunions, retourna de façon décontractée à sa boîte. Devant les portes du bâtiment, il rencontra certains de ses employés sortis fumer qu'il salua tranquillement avant d'entrer.
France, en bonne professionnelle qu’elle était, ne tarda pas pour lui faire un topo de la matinée et de lui indiquer les nouveaux rendez-vous potentiels qu'elle avait déjà insérés dans son agenda. C'était ensuite à lui de lui donner ses accords et disponibilités pour qu'elle s'occupe du reste. Elle adorait l'idée qu'ils formaient un bon tandem.

« Alors, est-ce que l'on vous verra, demain ?
— Demain ? »

France parut surprise de la question, tout comme Giorgio parut décontenancé avec ses sourcils froncés. Certes, Monsieur Di Natale était un acharné du travail à qui il arrivait parfois d'oublier de manger ou de la prévenir de certaines informations qu'il considérait comme mineures … Par exemple. Cependant, c'était aussi une personne avenante et bonne vivante que la secrétaire ne voyait pas dire non à une petite fête conviviale, et encore moins dans ces circonstances :

« Eh bien ! Aujourd'hui c'est l'anniversaire d'Adrian Piroli. Comme cela fait aussi trois ans qu'il travaille ici, il a voulu fêter ça en invitant pas mal de gens de l'entreprise. Vous … n'êtes pas au courant ? »

Non, apparemment.
Les sourcils de Giorgio restèrent froncés trop longtemps au goût de France qui sentit bien fort qu'elle venait de faire une petite boulette. Mais vraiment toute petite.
Elle eut l'impression d'avoir retrouvé le droit de respirer lorsque les traits de son patron se radoucirent :

« Ça doit être un oubli. Ce sont des choses qui arrivent.
— Certainement. »

Ils terminèrent sur quelques dernières nouvelles techniques avant que Giorgio ne prenne finalement congé de sa fidèle assistante. Dans sa tête, cependant, il était resté bloqué sur ce truc. Ça ne devait être qu'un oubli, oui, sûrement. Même s'il l'avait dit lui-même, le garçon avait du mal à s'y accrocher sans se soucier des autres idées parasites.
Entrant dans la zone des bureaux, Giorgio hésita un instant et fit face à divers choix questionnables. Devait-il faire comme si de rien n'était et retourner sagement au boulot sans s'en faire … ou bien aller mettre les pieds dans le plat en demandant des comptes à l'intéressé ?

Raisonnable n'était pas un adjectif auquel il était régulièrement associé.

Remarquant l'éclair rouge vif qui filait jusqu'au bureau d'Adrian, quelques regards et oreilles indiscrètes se pointèrent. Giorgio, en tout cas, fit comme s'il n'avait rien remarqué et salua son employé avec énergie :

« Hey, Adrian ! J'ai appris que c'était ton anniversaire. Buon compleanno ! »

L'homme avait déboulé d'une telle façon, sans crier gare, que le fils Piroli en aurait presque sursauté. Arrêté dans sa tâche en cours, il se doutait bien que son visage ne dépeignait pas le même ravissement que celui de son patron.
Patron qui, finalement, s'était dégonflé au dernier moment. Qu'aurait-il pu dire de toute façon ? Hey, au fait, je sais que tu organises une fête avec tous les gens de l'entreprise … Et je crois que, euh, j'en fais partie, aussi, non ? Pas sûr, hein ?

« Merci … »

La gêne du garçon augmentait à vue d’œil, il se sentait acculé. Pour enfoncer le clou, Giorgio le prit par l'épaule et lui sera la main bien chaleureusement.
Mais pourquoi il agissait ainsi.

« Dîtes, Monsieur Di Natale, désolé de ne pas avoir pu vous le proposer plus tôt, euuuh … mais je fête mon anniversaire demain, en fait. Euh, j'ai commencé à inviter toute l'équipe. Vous voudriez venir ? »

Giorgio cligna des yeux, feignant la surprise :

« Ah ? Oh … C'est gentil de me le demander ! Hmmm … »

Puis sortit son smartphone de sa poche pour y consulter son agenda.

« Oh, mince … J'ai quelque chose de prévu, du coup. Excuse-moi, c'est vraiment dommage.
— Oh. Enfin, ce n'était qu'un petit truc, vous savez. Vous ne manquerez pas grand chose ! »

Le problème était que ce n'était même pas un mensonge. S'il n'y avait effectivement rien de marqué sur son emploi du temps professionnel, comme la plupart du temps les samedis, Giorgio savait que son après-midi et sa soirée étaient complètement bloqués. Et, honnêtement, il ne se voyait pas décommander pour des raisons aussi puériles qu'un goûter d'anniversaire.
Il rangea donc son téléphone mais ne perdit pas sa bonne humeur apparente pour s'adresser une dernière fois à Adrian, ainsi qu'à ceux qui avaient levé le nez de leurs écrans pour écouter leur conversation :

« Allez, même si c'est ton anniversaire, keep up the good work ! Vous tous aussi. »

Sournois et bizarre. Mince. Ce n'était tellement pas ça qu'il voulait …
Son plus joli des sourires à destination de ses employés, Giorgio leur agita une dernière fois la main avant de retourner dans son antre de verre.

Tant pis.



Ou pas tant pis.

Surveillant sa montre, Giorgio n'arrivait décidément pas à se sortir de la tête que, à ce moment-là, une petite fête entre employés de son entreprise s'organisait sans lui. Pourtant, ça n'était pas comme s'il ruminait seul dans son lit, non ! Il avait rendez-vous avec un membre récent de son site de rencontre et l'attendait, justement. Vu les petits échanges qu'ils avaient entretenu par chat, il lui avait semblé être quelqu'un de sérieux qui n'allait pas lui poser de lapin.
Au pire, il irait voir Paol-…

« Ciao, joli chapeau ! »

Il sortit de ses pensées un peu trop brusquement, ce qui surprit son interlocuteur :

« Ah ! Ciao !
— Ouah, désolé, je ne voulais pas te faire peur.
— Non, c'est moi, j'avais la tête ailleurs. »

Rassuré, le nouveau venu retrouva vite son sourire. Giorgio avait déjà vu sa tête en photo, mais il s'avérait beaucoup plus mignon en vrai. Quelque centimètres de moins que lui, brun aux cheveux courts. Standard, mais mignon. Il ne connaissait pas encore son véritable prénom cependant (juste le pseudonyme du site), préférant laisser le suspens pour le premier contact "officiel".

« Emanuele, fit-il d'ailleurs en tendant la main.
— Giorgio.
— Ah ! »

Alors qu'ils se serraient la main en guise de salutation, le garçon leva un sourcil circonspect à Emanuele qui n'avait su retenir son petit cri. Ce fut comme si quelque chose l'avait subitement frappé chez lui :

« Excuse-moi, mais … Tu serais pas Giorgio Di Natale ? De l'entreprise d'architecture ? »

Cette fois, ses deux sourcils se froncèrent. Si cela arrivait qu'on puisse connaître son nom, personne ne l'avait encore reconnu de cette manière-là, aussi rapidement. Ce n'était pas comme s'il était une star du cinéma, après tout, d'autant plus qu'il sortait toujours couvert et avec des lentilles de contact.
Passée l'étonnement, il ne cacha pas sa légère admiration :

« Wow, en effet. Tu as l’œil, dis.
— Haha, j'aime bien suivre les actualités. »

D'un côté, c'était plaisant mais, de l'autre, ça le faisait revenir à ses problèmes (qui n'en étaient pas tant). Dire qu'il avait pensé que son rendez-vous aurait pu servir de grappin qui l'aiderait à sortir la tête de l'eau. Comme il se connaissait, certes ce n'était pas non plus sûr mais, là, encore moins.
Après, Giorgio se dit malgré tout que ça ne coûtait rien de continuer d'essayer :

« Enfin, tu sais, je reste un type lambda avec des envies lambda. Ce qui est important, là, c'est nous deux.
— Oui, bien sûr ! Je ne veux pas t’embarrasser.
— Non, non. »

Ils décidèrent de ne pas rester plantés là et de commencer à se diriger du côté de l'hôtel où ils avaient décidé de passer la nuit. Ce n'était pas un complexe de luxe, loin de là, mais il était du genre convivial et proposait d'autres services plutôt sympas dont ils profiteraient avant le soir. Emanuele avait expressément souligné qu'il cherchait plus qu'un plan cul dans ces rencontres.

« Ça reste important de discuter pour faire connaissance, je trouve.
— Oui, bien sûr. Chacun sa façon de faire les préliminaires, je ne juge pas. »

Le jeune trentenaire tiqua un peu à la façon dont les choses furent posées, bien qu'au fond ce n'était peut-être que de l'humour ? Il ne le connaissait pas assez, encore, pour le savoir mais notait quand même que le fils Di Natale avait l'air un peu froid.
Celui-ci se rendant compte du mutisme soudain de son interlocuteur et que, effectivement, sa phrase pouvait être mal interprétée, continua la discussion :

« Eh bien, alors, tu as vécu à Rome toute ta vie ?
— Ah, oui. Je connais bien les bons quartiers. Je pourrais te les montrer, ce serait sympa.
— T'es un rapide, toi, hein. Tu penses déjà que tu voudras toujours me voir après ce soir ?
— Ou l'inverse ! »

Ils rirent tous les deux et furent contents que la glace se soit brisée en un rien de temps. Allez, pour l'heure, il fallait faire en sorte que ça se passe le plus agréablement possible.

Emanuele avait l'air de quelqu'un de poli, mais tout de même décontracté. Pas le genre de mec qui se prenait la tête, à priori, tout en étant capable d'affirmer ses goûts et pas juste laisser l'autre décider ce qu'ils allaient faire ou quoi, bien qu'il restait souple. Après tout, il avait accepté que peut-être qu'ils coucheraient ensemble la première nuit.
Il serait heureux d'apprendre que ce n'était pas du tout à ça que Giorgio pensait, beaucoup moins cependant qu'il ne profitait pas pleinement de leur rendez-vous. Ça se voyait, quand il regardait ailleurs et n'écoutait plus ce qu'il disait. Pourtant, c'était un type sympa et quand Emanuele réussissait à capter pleinement son attention, tout se passait très bien.

Après qu'ils aient découvert leur chambre et y avaient déposé leurs affaires, les deux firent le tour de l'hôtel avant de finalement décider de se rendre au bowling. Suite à cela, ils allèrent se remettre de leurs émotions, et de la cuisante défaite de Giorgio, en tête à tête dans un jacuzzi.
Ça ne l'avait pas étonné, depuis combien de temps n'avait-il pas joué au bowling ? Ses rendez-vous étaient les seuls moments où il faisait ce genre de chose.

« Ce n'était pas le bon jour pour un rendez-vous ? »

Giorgio releva la tête, retirant la petite serviette humide posée sur ses yeux pour voir son interlocuteur qui lui faisait face dans l'eau.

« Hm ? Pourquoi tu dis ça ?
— Tu as souvent l'air … ailleurs ? Tu ne laisses rien tomber d'urgent, quand même ? »

Concerné, le garçon se redressa un peu mieux et laissa sa serviette sur sa tête, là où elle ne tomberait pas.

« Pas du tout ! Désolé si je gâche l'ambiance … Tu ne te plais pas ici, du coup ?
— Je m'inquiète plus pour toi, en fait. »

Mince.
Comme il se sentait misérable, à ce moment-là, Giorgio se laissa glisser dans l'eau jusqu'à ce que sa bouche y soit submergée. Bien sûr qu'il ne voulait pas l'embêter et aurait carrément préféré pouvoir passer outre. Pourquoi il n'y arrivait pas. Jamais.

« Tu veux pas me dire ? »

Giorgio leva les yeux vers Emanuele qui, lui, n'avait pas bougé et continuait simplement de le regarder avec sincérité, l’encourageant à se lâcher. Il consentit à relever le menton :

« C'est un peu stupide.
— Pas tant si ça t'empêche de t'amuser. »

Bon. S'il y tenait. Et puis, il avait raison au fond, en parler l'aiderait peut-être et le ferait moins culpabiliser. Le fils Di Natale pariait cependant qu'il allait se moquer de lui, mais bon. Heureusement qu'il était extérieur à son entreprise.
Fixant les petites bulles éclatant à la surface de l'eau, Giorgio s'expliqua finalement :

« Hmmm … Un employé fête son anniversaire aujourd'hui, et il a invité toute la boîte à ce que j'ai compris. Mais ne m'en a pas parlé. Sauf au dernier moment, parce que j'étais juste devant lui et il devait savoir que j'étais au courant. »

Il ne laissa aucunement à Emanuele le temps de réagir à ses marmonnements, continuant avec un peu plus d'assurance jusqu'à ce que celle-ci ne replonge dans l'eau avec la moitié de son visage :

« Enfin c'est pas parce que je suis le patron qu'il doit m'inviter, bien sûr mais … Comment le prendre ! Ahhh … Tu vois, c'est stupide. »

Pourtant, le garçon n'eut pas de geste spécial. Il avait juste écouté avec attention, bras croisés. Il ne dit rien non plus un bref instant, réfléchissant un peu pour bien aligner la situation.
Giorgio le fixait en attendant.

« Je n'ai pas d'avis », finit-il par dire. « J'ai vu tes interviews. Tu as l'air d'être un type qui veut bien faire. J'imagine que tu puisses être déçu que tous tes efforts ne soient pas récompensés comme tu le souhaiterais. »

Euh, wow. Ce type ne plaisantait pas quand il disait qu'il suivait les actualités. Et pas que ça. Il les assimilait bien. En effet, Giorgio avait toujours été sincère devant les journalistes quant à ses envies que son entreprise se passe pour le mieux et dans des valeurs familiales. La première partie était plutôt bien engagée depuis la création de sa boîte : tout roulait. Alors pourquoi la seconde …

« Après, justement, tu veux tellement bien faire que tu travailles tout le temps. Je me trompe ? »

Ah bah ça, pour travailler, oui, il travaillait. Du matin jusqu'au soir, il ne pensait que boulot, boulot, boulot et ne prenait jamais des vacances. Les seules fois où il se permettait des moments d'égarement, c'était pour ses rendez-vous amoureux qui n'étaient pas non plus tous les week-ends. Il fallait que quelqu'un aime son profil, qu'ils discutent un peu, programment la date … Ça prenait du temps.
Bien heureusement, d'ailleurs, parfois il était si débord-…

« Combien de fois tu lui as parlé, à ce type, hors boulot ? »

Hu.
Pas besoin de réfléchir pour se rendre compte que ça ne se comptait même pas sur les doigts d'une main.
Qu'est-ce qui était le plus terrible ? De se rendre compte qu'il était un raté en tant que patron ou bien que c'était du fait d'un mec qu'il venait tout juste de rencontrer ? Entre oser répondre et tenter de se noyer, Giorgio préféra la seconde option.

Voyant qu'il ne se décidait pas à remonter, Emanuele se leva, légèrement paniqué, et attrapa le garçon par les aisselles pour le relever. Et il n'y mettait vraiment pas du sien.

« Heyyy ! Alleeez, ressaisis-toi ! »

Alors qu'il mettait bien trop d'élan dans ses bras, Emanuele glissa en arrière et se cogna le coude. Ses jambes sortaient du jacuzzi alors que Giorgio se retrouvait sur lui et crachait l'eau qu'il avait manqué d'avaler. La panique arriva très vite chez lui aussi, prenant celui qui avait tenté de le sauver par les épaules :

« Woh ! Tu t'es fait mal !?
— Je vais bien ! Fallait le dire que tu préférais la piscine, hein. »

Plus de peur que de mal, à priori. Les mèches dégoulinantes sur le front de Giorgio qui lui donnaient des allures de chien trempé rajoutaient au comique et saugrenu de la scène où leurs membres étaient entremêlés. Ce n'était pas comme ça que l'on devait se servir d'un jacuzzi, messieurs.
Malheureusement, il n'oubliait pas que, si c'était arrivé, c'était complètement sa faute. Alors le fils Di Natale se dit qu'il n'était pas en droit de rire, même si Emanuele pouffait doucement en passant une main sur son front pour dégager sa vue.

« Bon, changement de plan. »

Avec un grand sourire, le garçon se releva et sortit du jacuzzi, tirant un Giorgio docile par le bras.

« Je vais te requinquer un coup. »

Ils s'enroulèrent dans des peignoirs et partirent pour leur chambre.
Ah.





Suite à ce week-end reposant, Giorgio arriva de très bonne humeur au bureau. Il avait repensé à tout ça et, en effet, il n'y avait pas de quoi s'en faire. Il se savait imparfait et pouvait faire des erreurs, le tout était de les rattraper. Certes, il travaillait vraiment trop, et ce n'était pas un mal. Sans ça, lui et son entreprise n'en seraient sans doute pas là où ils en étaient. Il avait fait des choix, pas les meilleurs ou les plus compatibles avec sa manière d'être mais … Maintenant qu'il n'avait plus à prouver quoique ce soit, il se disait qu'il pouvait se permettre de lâcher un peu la bride. Peut-être que …

« C'est clair que tout ce qui l'intéresse, c'est l'argent. Encore un hypocrite.
— Au moins, il nous fout la paix la plupart du temps.
— Ah mais, la dernière fois, il m'a fait bien fait chier quand même. »

Adossé contre le mur, Giorgio fixait le bout de ses belles chaussures vernies. Pour une fois, il avait quitté son bureau pour aller à la rencontre de ses employés pendant leur pause mais … Mauvais timing, à priori. Il avait toujours du mal à croire que c'était de lui dont ils parlaient.

« Comment il joue bien la comédie, quand même. Il aurait ses chances à Miss Monde.
— Mais t'as vu ! »

Quelques rires vinrent ponctuer les remarques. Ils étaient partis et n'arrivaient plus à revenir. C'était leur moment pour casser du sucre en pensant bien qu'il ne les entendrait pas, vu comment il était toujours dans son bureau. Sans la secrétaire, tout le monde prendrait sûrement du temps à se rendre compte de son silence s'il mourrait un jour sur sa chaise, après avoir avalé une olive de cocktail de travers. Car oui, il ne faisait que ça. Boire des cocktails dans ses vêtements de marque et ses chaussures à mille euros.

Des échos de talons lui parvinrent, de plus en plus sonores.

« Bon, ça suffit. Pourquoi vous ne partez pas si votre patron ne vous plait pas ? »

Giorgio releva la tête. Il reconnaissait ce ton si froid et chaleureux à la fois.
Les types qui parlaient s'étaient tus, ne trouvant rien de plus à ajouter et ne voyant de toute façon pas ce qu'ils gagnaient à répondre à la roumaine effrayante.

« Au boulot, alors. »

Rahela, la voix de la sagesse. En effet.
Giorgio se retint de tout et retourna à son bureau sans faire de bruit.

tant pis tant pis tant pis tant pis …



▬ Janvier 2020



« Dieu … Ce n'est pas vraiment mon truc et, de toute façon, ça n'était pas non plus celui de mes parents. Ce n'est pas dérangeant ?
— Moi non plus ça ne l'était pas … Mais faut avouer qu'il a de bons côtés. »



Clic.

Giorgio cligna des yeux, voyant l’icône de sa boîte d'accueil lui avertir d'un nouveau message.



Ciao, Giorgio !
Wow. Ça me tellement plaisir que tu m'écrives. Comme toi, je ne suis pas habituée à ce genre de trucs donc je vais sûrement être très maladroite mais … Je suis contente de savoir que tu vas bien et que tout se passe pour le mieux. Tu passes à la télé, mais entre ce qu'on voit et la réalité, on ne sait jamais !

Et Giodue. Arrête d'être bête. Ne t'inquiète pas pour nous, bien sûr que ça va ! Tout le monde pourra témoigner qu'on est tous supers fiers de toi. Vis ta vie comme tu l'entends. Comme tu penses être le mieux. Nous on t'attendra et on restera derrière toi pour t'encourager.
Je comprends que tu sois triste et que ça fasse mal, c'est normal. Mais comme tu le dis toi-même, tu n'es pas seul et j'ai confiance en toi.

Toi aussi tu me manques. Je t'aime fort mon Giodue.

Ta Martina Tina ♥






▬ Mars 2020

Le temps s'était adouci sur Rome. L’hiver avait gracieusement laissé sa place au printemps et Giorgio ne pouvait qu'en être ravi. C'était sa saison préférée. Les bourgeons qui fleurissent, les arbres qui se parent de vert, le soleil qui réchauffe doucement sa peau et son cœur …
Pour fêter sa bonne humeur, et étant donné qu'il était libre ce week-end-là, le fils Di Natale avait décidé de payer une petite visite à son cher camarade, Paolo Antonucci.

Si le matelas était doux et confortable, les lattes du lit s’avéraient solides ; et il fallait bien ça. Giorgio ne doutait pas une seconde que son ami avait les capacités pour s'initier à des exercices autant musclés que créatifs avec ses partenaires. Et il se sentait plutôt bien placé pour le savoir.
La fenêtre ouverte laissait passer un léger courant d'air dans la pièce où les ébats faisaient loi. Au dernier étage de cet immeuble, il n'y avait bien que les pigeons capables de jouer les voyeurs.

Après leurs efforts, et pleinement satisfaits, Giorgio et Paolo s'accordèrent une petite pause où l'un pourrait souffler, et l'autre fumer.
S'étalant sur le matelas à présent solitaire, le faux roux chercha de la fraîcheur dans les draps des oreillers qu'ils avaient laissés de côté. Encore sous les effets de la fièvre de leur tango, il regarda simplement son partenaire en tenue d'Adam se poser à la fenêtre et rouler sa cigarette.
Tous deux se régalèrent du calme, des bruits venant de la rue et des soupirs enfumés … jusqu'à ce que Giorgio ne trouve la force de se lever et d'aller rejoindre son ami. Son bras passa au niveau de sa hanche et le deuxième s'appuya sur le bord de la fenêtre. Au balcon, s'il y trouva toujours les mêmes pots garnis, Giorgio remarqua aussi un nouvel accessoire. Un cendrier tout neuf, en pâte à sel, avec marqué dessus "Auguri papa !" et décoré de paillettes ainsi que de petits dessins définitivement faits par de petites mains.

« Je ne savais pas que tu étais papa ? »

Paolo arrêta d'observer les passants pour trouver le regard curieux de Giorgio :

« Je ne le suis pas. »

Il aimait tellement ses réactions, à Barbabietola, qui filaient sur son visage en moins de deux. De la curiosité, l'homme était passé à de l'incompréhension qui fit sourire l'artiste.

« C'est à mon frère, mon neveu le lui a fabriqué pour la fête des pères, à l’école. Je leur ai emprunté. »

Ah. Les éternels cadeaux de fête de pères qui finissaient dans les tiroirs. Mais tout de même !

« Wow, et il a laissé faire ? C'était y a à peine quelques jours, la fête des pères, c'est rude.
— Bah ! » Paolo laissa échapper un petit rire amusé. « T'en fais pas, Barbie. Il est pas au courant. »

Le bras de Giorgio quitta son ami pour se poser sur sa hanche. Il aurait pu directement dire qu'il l'avait volé, alors, non ? Le garçon ne connaissait pas exactement les relations que Paolo entretenait avec sa famille, mais il supposait bien que ce ne devait pas être toujours rose. Malgré tout, ce n'était pas une raison pour leur piquer des affaires. Surtout pour un cendrier …?

« Ne me regarde pas comme ça, je le trouvais tellement joli et … je leur rendrais quand ils se rendront compte qu'il a disparu. Il a du talent ce petit chou, hein ? »

Ça sonnait plus comme un "s'ils se rendent compte qu'il a disparu", mais … C'était Paolo. Il le reconnaissait bien là. Giorgio souffla donc simplement par le nez, convaincu, et acquiesça avant de se permettre de récupérer l'ouvrage entre ses doigts et l'admirer de plus près.



« Bon. », le reste de la cigarette du barbu vint finir de s'écraser au fond du cendrier artisanal. « On y retourne ? »



Giorgio Di Natale
- D 00 072024 62 09 D -

Giorgio Di Natale

En bref

Masculin
Pseudo : Dayday
Messages : 32



Histoire






▬ Avril 2021





▬ Juin 2023

Tic, tac, tic, tac …
Son portable sonna alors qu'il se trouvait en plein travail, mais Giorgio n'aurait pas pu être plus heureux de découvrir le nom de l’émetteur. Avec un grand sourire niais, il décrocha :

« Ciao, Caro. Bien dormi ? »

Comme il fut épuisé la veille, ce fut grasse matinée pour le garçon et il n'avait, du coup, pas pu voir son amoureux partir ; soucieux comme était celui-ci, de toute façon, à ne pas le réveiller dans ces cas-là. Ça arrivait, alors qu'est-ce qui faisait que, cette fois, il lui manquait plus qu'une autre ?
Pourtant, il ne sembla pas partager son ravissement de l'entendre :

« Ah, Gior. J'imagine que tu ne sais pas encore. Bien … Euh … Comment dire … »


Giorgio, après qu'il l'eut averti, raccrocha sans rien dire. Il n'avait pas compris, sur le coup.

Nerveusement, il préféra en avoir le cœur net et se rendit directement à la source. Pourtant, ça n'aida en rien. Il n'arrivait pas à en croire ses yeux non plus. Des sentiments en méli-mélo, entre la surprise, la colère et l'incompréhension, le submergèrent tel un raz-de-marée et, comme souvent, ses jambes furent les premières à réagir.
L'homme ne savait pas trop où il allait, ni ce qu’il comptait y faire. Peut-être était-il encore en plein cauchemar et voulait que quelqu'un de chair et d'os lui confirme ce qu'il se passait ?
Les employés qu'il croisa en chemin le regardèrent d'une drôle de manière, sûrement car il faisait une tête terrible et semblait pressé, mais il le prit pour lui :

« Qu'est-ce qu'il y a ? »

Surpris par son ton sec, ils n'eurent rien de mieux à lui répondre que des rien, rien timides et secouements de tête. Giorgio ne leur accorda de ce fait pas plus d'attention, filant jusqu'à l'accueil où France eut l'air inquiète de le voir débouler de cette façon.

« Monsieur Di Natale ?
— Tu es au courant ? »

La femme fronça des sourcils d'incompréhension, d'une part car la question sortait de nulle part, et de l'autre car celui qui lui faisait face avait une attitude bien étrange. Gardant cependant son calme, comparée à lui, elle reprit :

« Au courant de quoi ?
— Genre ! Ne fais pas semblant ! », explosa-t-il, la faisant presque reculer dans son siège.

« Monsieur Di Natale, calmez-vous, bon sang ! »

Pour peu, elle l'aurait bien giflé afin qu'il reprenne ses esprits, mais il n'en eut pas besoin.
Tête entre ses mains, reprenant son souffle sur le comptoir de l'accueil, Giorgio s'exécuta et pria France de l'excuser. Il ne se demanda cependant pas ce qu'il lui prenait ; il avait raison d'être en colère, moins de se défouler sur les autres.

Sur ses indications, la secrétaire alla vérifier le ramdam qui semblait se propager sur les réseaux sociaux. Ses yeux s’écarquillèrent face aux articles terribles illustrés de photos floutées qui défilaient sur bon nombre de pages d'actualité.

Vous ne devinerez jamais ce qu'il cache …
Giorgio Di Natale, le célèbre homme d'affaire : GAY.
Giorgio Di Natale, que fait-il de son argent ?
Giorgio Di Natale, homme admirable et au succès indéniable cachant pourtant de sombres secrets. Boîtes gays, coucheries répétées, … Une décadence bien loin de l'image de petit saint qu'il donne habituellement aux médias … Vous saurez tout dans notre dossier exclusif.




Urgh.
Depuis le scandale des fuites d'informations déformées, Giorgio se montrait particulièrement agacé. S'il ne disait pas non à la lumière des projecteurs, ceux-là l'aveuglaient avec un peu trop d'insistance.
Les nouvelles allèrent en plus de mal en pis. Sa réputation était durablement tâchée et il avait déjà eu les échos de contrats annulés pour ne plus rien avoir à faire avec lui. Il savait aussi que, pour la majorité des cas, c'était surtout motivé par la réalisation de son orientation sexuelle.
Il restait le même, pourtant. Quoiqu'il ait pu faire, que ce soit vrai ou faux, ça ne changeait en rien ses accomplissements. Ce n'était pas de la fraude ou d'autres trucs illégaux qu'on lui reprochait … Mais une ancienne vie sexuelle libre. Cette injustice le mettait tellement en colère.
Cela faisait bien longtemps qu'il n'allait plus dans des hôtels coucher à droite et à gauche. Mais ça, pour les gens, ce n'était qu'un détail qu'ils préféraient exagérer et grossir jusqu'à l'étouffer.

Heureusement, au moins, il avait reçu gain de cause face à la loi, aidé par son fidèle et brillant avocat. Même si ça lui avait coûté de l'argent et du temps, ça en valait la peine pour lui. Aucun moyen qu'il n'ait laissé passer ça, c’était tout bonnement une question d'honneur.

Mohamed Blanc, l'avocat donc, essayait de calmer le jeu et protéger son client des paparazzis particulièrement insistants pendant l'affaire. Alors qu'ils sortaient du tribunal, une foule de ces mouches étaient présentes et prêtes à fondre sur eux et vouloir entendre la belle voix de l'homme d'affaire.
Monsieur Di Natale, Monsieur Di Natale ! Un instant !

« Monsieur Di Natale ne prend pas d'interview. »

La voix ferme du français ne les calmant guère spécialement, il poussa un peu plus Giorgio dans le dos pour que le rythme de leurs pas soit plus rapide.
Monsieur Di Natale ! Nous voulons entendre votre version des faits !
Les poings de l'interpellé étaient serrées d'une telle façon que la circulation devait difficilement passer dans ses doigts. Il n'en pouvait plus du tout, tellement plus que les recommandations de Mohamed lui passèrent complètement par-dessus la tête.

« Ça suffit, un peu !? »

L'avocat fit la grimace et tenta vainement un dernier geste pour tirer Giorgio. Le garçon était cependant bien vissé au sol et n'avait nullement l'intention de bouger avant de partager ce qu'il avait sur le cœur.
Retenant leurs souffles, les micros se pointèrent en masse vers lui que la colère faisait légèrement trembler :

« Sérieusement, ça vous fait quoi tout ça ? Je suis gay, oui, et alors ! J'en suis très fier ! De toute façon, toutes ces conneries qu'on a racontées sur moi, que ce soit vrai ou faux, qu'est-ce que ça peut vous foutre ! C'est ma vie privée, ça devrait pas être les affaires de journalistes de merd-…! »

Mohamed l'arrêta tout de suite, l'attrapant avec une clé de bras et le tirant sans plus de sommation jusqu'au parking qui aurait dû être leur unique destination.
Bizarrement, son discours n'avait en rien calmé les journalistes.
Bizarrement, il en subit très rapidement les conséquences.



« Monsieur, ils annulent notre contrat. »



« Monsieur, une nouvelle lettre de démission. »



« Monsieur, nous n'avons plus d'argent. »



« Monsieur … »



Clic.

La lumière s'alluma dans le bureau. Giorgio avait sûrement oublié d'appuyer sur les interrupteurs en rentrant. Bah, ça aura fait des économies.
Il frotta ses yeux éblouis et fatigués, témoins de ses insomnies comme l'étaient ses joues creusées de son stress. Ça n'allait pas, pas, pas …

« Tu t'es décidée à partir, toi aussi ? »

Le nez de Rahela se retroussa, mécontente. Son regard respirait fort le dégoût, mais elle secoua la tête pour le radoucir. Sans un mot, de façon très formelle même, elle vint s'asseoir sur le fauteuil de cuir qui faisait face au bureau de son patron. Elle ne comptait pas attendre qu'il l'y invite.
Il n'était pas en état d'y penser, apparemment.

« Quand je te vois comme ça, je me pose la question. »

Les épaules de Giorgio s'affaissèrent un peu plus dans un soupir à fendre l'âme. Alors, quoi ? Pour quelle autre raison se trouvait-t-elle là ? Le narguer, l'écraser un peu plus sous ses talons autoritaires ? Qu'elle fasse vite et profite bien. Ça donnerait au moins un peu de goût à son chemin vers l’inexorable fin. Du bon sel.

« Je suis là en tant que représentante des autres employés. Nous voulons faire parvenir un message à Monsieur Di Natale. »

Le garçon se redressa sur son siège dans un grincement, passant une main dans ses cheveux pour que les mèches sur son front cessent de le gêner avant de réarranger sa cravate.
Bien. Pronto.

« Il est devant toi. »

Rahela pinça ses lèvres un court instant avant de toussoter, le poing devant la bouche, libérant sa gorge en prévision de ce qu'on lui avait demandé de faire partager.
Les employés avaient un gros coup au moral, ces derniers temps. Certains ne savaient plus où ils en étaient. Un bon nombre avant eux avaient démissionné sans remord, et Giorgio semblait croire que tout le monde était à ranger dans le même panier. Elle savait qu'il lui arrivait de penser qu'il n'était pas apprécié au sein des équipes dont il s'occupait. Facile, dans sa tour d'ivoire rouge.
La fille Lupei se savait bornée – parfois –, mais alors lui.

« Quoiqu'il ait pu se passer, nous respectons Monsieur Di Natale et, pour lui et son œuvre que représente l'entreprise, nous resterons tous jusqu'à la fin. C'est toujours notre lieu de travail. »

Giorgio écouta soudainement avec beaucoup plus d'attention. Ses yeux retrouvèrent de leur brillance derrière le verre de ses lunettes. Ah.
Il ne s'était pas attendu à ça. Son estomac se tordait, et pas seulement parce qu'il n'avait rien avalé de la journée.

Ayant fini, Rahela lâcha imperceptiblement sa posture et délivra, cette fois-ci, un message plus personnel :

« Tu n'es pas tout seul, Giorgio. Alors, fais pas comme si. Tu m'as habitué à mieux. Tu veux déjà tout arrêter ? »

Le garçon soutint son regard glacé, mais sincère. Comme toujours. Pourquoi ne s'était-il pas rendu compte plus tôt que cela faisait déjà tant de temps qu'elle travaillait pour lui ? A la sortie de l'école d'architecture, il n'y aurait lui-même jamais cru.
Il avait vraiment tout raté, hein ? Cette pensée le fit rire, et il lâcha les yeux de Rahela pour les cacher dans ses mains. Vraiment tout raté.

Soit.

Giorgio releva la tête, déterminé :

« Il est hors de question que j'abandonne. »

Pour lui. Pour eux. Qui croyaient toujours en lui. Tous.
La Vierge Marie le regardait du haut de son étagère poussiéreuse.

« Parfait, alors. »

Nous finirons ensemble, et nous finirons bien.
Le dernier marché de l'entreprise Di Natale fut conclu.



▬ Juillet 2024

Ce plafond. Ça lui disait un truc.
Tout comme cette absence de sensation.
Retour à la case départ.

Dans la pénombre, la lumière bleue de l'écran de son téléphone s'alluma au moment même où il se mit à vrombir. D'un geste las, presque douloureux, Giorgio tendit le bras pour le récupérer. Appel entrant… Elena… Encore.
L'homme prit une profonde inspiration et posa le téléphone sur son ventre, le laissant encore vibrer un moment jusqu'à ce que sa cousine ne tombe sur sa boîte vocale.
Bonjour, vous êtes bien sur la messagerie de Giorgio Di Natale. Je ne suis pas là pour le moment, alors laissez un message ou rappelez-moi plus tard !

Et elle finissait toujours par rappeler plus tard.
Sans doute était-ce pour cela qu'il s'évertuait malgré tout à le charger lorsqu'il n'y avait plus de batterie, mais ces constantes n'étaient pas vaines. Elles lui permettaient de continuer un minimum à se rendre compte du temps qui passait et l'empêchait de totalement s'isoler. Déjà que …
Giorgio retourna se perdre dans ses pensées, ou plutôt dans la marée sombre et épaisse qui les composaient. Aucun rayon de soleil ne parvenait à la transpercer, et c'était peu dire qu'ils essayaient.



« Tu serais tellement plus heureux si tu arrivais à tout oublier. »





▬ 18 Juillet 2024



Clic.

L'icône de sa boîte d'accueil lui avertit d'un nouveau message.

Bonsoir Giorgio.
C'est gentil d'envoyer un mail, ça t'a pris du temps. J'apprécie de voir que je compte pour toi. Mais c'est fini, il n'est plus possible de retourner en arrière.
Tu es égoïste. Tu ne penses qu'à toi. Tu te fiches des gens qui pourtant ne veulent que ton bien. En fait, tu les remarques à peine et les hommes que tu dis aimer ne servent qu'à évacuer tes tensions sexuelles. Tu ne le fais pas exprès ? Bah ! Je ne sais pas c'est quoi le pire entre ça ou le faire consciemment.
Enfin bon, je prends le temps de te l'expliquer mais ça va sûrement passer par une oreille et sortir par l'autre. Tu es comme ça. Tu ne changeras jamais. Tu vas trouver quelqu'un d'autre, le faire souffrir et il partira. Ça doit être pour ça que Celio aussi a préféré te quitter, d'ailleurs.
Bref, si il n'y a qu'une chose à retenir de tout ça, ce sont mes derniers mots : ADIEU.









Il voulait tout oublier.

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ET CE FUT RAPIDE BOIII WOW *CHAMPAGNE*
Ce petit champignon rouge radioactif de Giorgio, là.

Ça fait presque bizarre de voir un perso dans la vie activ/RACISME/ Par contre je juge son sens du style en tant que patron, wsh là c'est pas sérieux jeune homme (en vrai j'essaie d'imaginer un mec de 30 ans avec les cheveux rouge, grâce à toi). ET GENRE UNE PETITE CHOSE HEIN OK
POURQUOI TU AS TUE GIOVANNI
EXPLIQUE MOI
POURQUOI IL AVAIT BESOIN DE MOURIR, TU AURAIS TRÈS BIEN PU LE LAISSER LOLER DANS LA CAMPAGNE AU LIEU DE FAIRE C/PLEUUURE/ C'EST DU SADISME TOTALEMENT GRATUIT JE TE CAILLASSE
*jette des assiettes en hurlant à l'injustice*
Aussi, grosse dédicace à Paolo et sa betterave. C'est mon poulain. u go paolo u paint dem legs

Sinon je n'ai rien à redire sur les descriptions, le casier et compagnie, comme d'habitude. Tout est aux normes. J'ai pas fait super attention aux fautes, donc je ne peux pas te dire où y'en avait s'il y en avait, mais ça devait pas être bien violent non plus quoi qu'il en soit. B>



Pasta pasta time.

Tu peux dès à présent recenser ton avatar, ton métier et demander une chambre pour t'en faire un petit nid douillet. Tu peux également poster une demande de RP ou créer ton sujet de liens. Ton numéro va t'être attribué sous peu, YES SIR, et tu vas être intégré à ton groupe dans l'instant. Tu es arrivé dans la pièce Nord.

Ciao bella.

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