Kenneth Anderson
- A 03 082013 47 07 A -

Kenneth Anderson

En bref

Masculin
Pseudo : Nii'
Messages : 97





Deus meus,

ex toto corde pænitet me omnium meorum peccatorum, eaque detestor, quia peccando, non solum pœnas a te iuste statutas promeritus sum, sed præsertim quia offendi te, summum bonum, ac dignum qui super omnia diligaris. Ideo firmiter propono, adiuvante gratia tua, de cetero me non peccaturum peccandique occasiones proximas fugiturum.

Amen.
Nom : Anderson.
Prénom : Kenneth Aaron.
Surnom : Père Anderson, Mon Père, Ken, Kenny, daddy (non)
Genre : Masculin.
Âge effectif : 35 ans.
Âge apparent : 35 ans.
Date de naissance : 25/11/1977.
Date de mort : 30/08/2013.
Orientation sexuelle : Homosexuel.
Groupe : Commotus.
Nationalité : États-unien ; Utah - Salt Lake City.
Langues parlées : Anglais, Espagnol, Latin ; se débrouille en Grec ancien.
Ancien métier : Prêtre catholique.
Métier actuel : Prêtre catholique.
Casier Judiciaire


▬ Crimes commis :
▬ Circonstances du décès :
▬ Péché capital principal :
▬ Péché capital secondaire :
▬ Rapport à l'alcool :
▬ Rapport aux drogues :
▬ Addictions :
▬ Mauvaises attitudes récurrentes :
▬ A été victime :


Physique


« Awake, wide eyed ; I'm screaming at me »


Kenneth est un homme  qui aura toujours tendance à passer inaperçu. Rien ni dans son physique ni dans sa stature n'attire l'attention : il est standard, normal, vaguement terne et facile à ne pas remarquer parmi d'autres gens plus soucieux de se démarquer dans la foule.
Du haut de son mètre soixante-seize, Ken se situe dans la moyenne tant pour la taille que pour le poids — quoi qu'il soit relativement musclé, et nettement plus large qu'il a pu l'être à l'adolescence. Il apprécie les menus travaux et pouvoir s'occuper sur l'extérieur, que ce soit pour aider à déplacer ceci cela ou pour installer des stands et rénover ce qui doit l'être. Sa peau est assez claire mais bronze vite et sans brûler ; il est donc rare de le trouver pâle, même en hiver. Les années n'ont pas particulièrement marqué son visage, en dehors des quelques débuts de rides dont il se moque pas mal, mais il fait son âge. Ses yeux bruns voient encore très bien et n'ont pas l'air décidé à fatiguer ; la ligne de ses cheveux châtains, toujours gardés courts et assez nets, n'a pas non plus l'air de vouloir reculer de sitôt. Il n'a pas le nez aussi droit et élancé qu'il aurait pu le souhaiter étant jeune, mais n'a jamais ressenti le besoin d'en vouloir à sa mère pour ça. Ses sourcils sont épais, ses lèvres facilement gercées, ses dents ni moins droites ni plus jolies que d'autres. Il n'a jamais rien trouvé de marquant à son propre visage, ni dans un sens ni dans l'autre : que ce soit les compliments ou les insultes, il a toujours eu du mal à les comprendre. Il les accepte, mais ne voit pas forcément d'où ils viennent. A priori, il ne pourrait pas plus ressembler à John Doe que l'homme lui-même.
Ses épaules sont larges et son bassin étroit, son port de dos impeccable. Il ne s'affale ni ne s'avachit qu'en cas d'extrême détresse et a l'habitude de rester debout toute la journée, aussi le verrez vous rarement se plaindre d'avoir mal où que ce soit. Il résiste plutôt bien à la douleur de manière générale, quoi qu'il en soit — et s'il s'est déjà blessé quelques fois, ce ne fut jamais rien d'assez grave pour laisser des traces.
Côté vestimentaire, Kenneth n'a jamais aimé se faire remarquer non plus. On l'a habitué à s'habiller de manière simple et efficace : du noir, du brun, du blanc, du bleu foncé, rien de fluo ni rien de ridicule. Il aime les chemises en public tout autant que les t-shirt en privé, et apprécie de la même façon les pantalons droits autant que certains jeans souples. Il aime être à l'aise et un minimum élégant. C'est un minimum pour avoir l'air de quelqu'un de bien et sérieux, selon lui ; il y accorde tout de même de l'importance.


Caractère


« Trying to keep faith and picture his face, staring up at me »


Kenneth a été un garçon très vif et impulsif, étant jeune. Il avait du mal à baisser la voix quand il était trop excité, courait d'un point à l'autre plutôt que de marcher et peinait à tenir en place à moins que ce ne soit exigé de lui. En grandissant, il s'est adouci et a perdu de sa joie de vivre. Les éclats de voix se sont fait rare au point qu'il soit surpris lui-même de s'entendre rire trop fort ou crier ; il ne court plus, ne tombe que rarement dans les excès. Il dirait bien qu'il a appris à se maitriser et à être plus adulte, que c'est le fruit d'un long travail sur lui-même, mais ce n'est pas entièrement vrai. Il n'a pas besoin de s'empêcher de quoi que ce soit et ne maitrise pas mieux ses émotions qu'avant ; l'impulsion a juste... disparu.
La plupart du temps, ça ne le gêne pas. A moins de l'avoir connu étant petit, de toute façon, ça ne se remarque guère — ou alors pas avant de le connaître sur le bout des doigts.
Pour la majorité, Kenneth est un homme stable et tranquille ; discret, calme, patient, gentil, généreux, toujours à l'écoute et prêt à s'effacer pour laisser quelqu'un d'autre récolter les lauriers. Autant de choses qui lui ont valu maintes et maintes louanges dans le cadre de sa profession, et sur lesquelles ses parents mettaient une emphase nettement méliorative, mais qui lui vaudraient d'être qualifié d'ennuyeux par certains. Il est vrai que sans être timide, Ken ne parle pas toujours beaucoup ; il initie sans mal mais la politesse et la douceur de son caractère lui donnent parfois l'air un peu fade. Ce n'est pas le genre de personne qu'on imaginerait enfreindre la loi, faire des écarts, blesser quelqu'un — et, par extension, s'amuser vraiment ou se laisser aller. Il n'a jamais l'air absent, mais il fait vraiment plat par comparaison avec ceux qui hurlent et font ce que bon leur semble. Il suit les règles, attrape le bras de ceux qui dépassent les bornes, repose à sa place tout ce que les autres envoient valser sans y penser. Il a des airs de figure paternelle qui lui collent à la peau, dans son travail comme en dehors. De longues années de prêtrise n'ont fait que mettre un peu plus en exergue les valeurs chrétiennes par lesquelles il a toujours juré : la générosité, l'écoute, le partage, la bonté, la justesse, l'équité, et autant d'autres jolis mots qu'il s'efforce de ne jamais oublier. Il tient à être quelqu'un de bien. C'est important, pour lui.
La religion, de fait, est une des pierres angulaires de sa personne. Chrétien catholique, croyant et bien sûr pratiquant, il croit en Dieu autant qu'il se réfère à la Bible et aux prières en cas de doute. Il garde des vues relativement souples à l'égard de bien des choses comparé à certains de ses confrères, mais se retrouve tout de même bien souvent à grimacer intérieurement face à certains propos ou comportements. Un peu vieux jeu peut-être, il craint le changement et a tendance à trop s'attacher là où il aimerait rester aveugle et sourd à tout ce qui pourrait lui nuire. Il vit mal la solitude, tombe trop vite dans l'alcool quand les choses ne vont vraiment pas et a un mal fou à admettre avoir besoin d'aide dans ces moments-là. Être proche des autres ne le dérange pas, et il lui arrive régulièrement de danser sur des lignes dangereuses concernant sa foi, mais il préfère fermer les yeux et se boucher les oreilles que de choisir par lui-même. Prendre des décisions importantes lui est difficile, pour ne pas dire qu'il y est allergique et devient complètement passif face au danger.
Il donnerait sa vie pour ceux qu'il aime mais paniquerait de les entendre dire la même chose. Il déteste se reposer sur plus jeune que lui et dès qu'il a l'impression de devenir un poids pour quelqu'un, il se sent obligé de mettre un masque sur son visage et de s'éloigner de l'autre jusqu'à être sûr de ne pas pouvoir lui nuire involontairement. Il n'a eu que peu de relations humaines importantes, et parmi elles certaines étaient clairement dysfonctionnelles ; l'affection, qu'elle soit amicale, romantique ou plus familiale, lui pose souvent problème. Il peine à dire "je t'aime", ne sait pas enlacer, a peur de s'engager.
Et malgré tout, il reste un ami dévoué et peut être de très bonne compagnie quand le naturel revient au galop. Quand il rit, s'énerve, ose dire ce qu'il pense et se fiche un peu plus des convenances, ses défauts remontent mais les couleurs reviennent ; pour lui comme pour les autres, c'est souvent bien plus agréable.


Histoire


« Without losing a piece of me, how do I get to heaven ? »


« La décision que je vais prendre risque-t-elle de porter tort à des plus faibles ? Mon regard n' est-il pas borné par l'immédiat, aveugle aux conséquences plus lointaines ? Le courage me manque-t-il pour assumer ce que je crois discerner comme ta volonté ? Tel est, Seigneur, mon débat intérieur. Pacifie-moi. Simplifie-moi. Fortifie-moi. »

Mains serrées l'une contre l'autre, tête basse, il laissa sa nuque ployer jusqu'à ce que le souffle lui revienne.

« Si la décision prise se révèle mauvaise, donne-moi de la corriger. »

Son front heurta le matelas. Il ferma les yeux plus fort.

« ... Si elle se révèle bonne, donne-moi de l'assumer. »

Amen.



"Dieu t'entend, et Dieu t'écoute, et Dieu te voit ; et son amour est infini, mais son courroux est terrifiant. C'est pour ça que tu dois te conduire convenablement, et ne pas te laisser tenter ou entraîner par des personnes mal intentionnées. C'est pour ça que tu dois faire attention, Kenny. A toi et aux autres, et à ce que tu fais, et à ce que tu les laisse te faire."

A cinq ans, on ne choisit pas ce que l'on retient de ce genre de discours. Kenneth, lui, y associa les dîners en famille avec ses parents et son grand frère ; l'église et ses chœurs d'une beauté presque irréelle ; le regard bienveillant de Jésus depuis sa croix, qui lui pardonnait ses offenses ; les prières faites à genoux près du lit, avant de dormir.
Mais par-dessus toutes ces images, et sans doute plus que le sens de ces paroles en elles-mêmes, ce fut la voix de sa mère qui lui resta. Le ton froid qui lui expliquait tout, encore et encore. La présence presque sombre au-dessus de son épaule. La main posée là comme pour le soutenir mais qui l'enfonçait, qui lui faisait peur, qui l'empêchait de se redresser avant que le sermon soit enfin fini, qu'il puisse s'excuser et aller se coucher. La voix qui savait, parce qu'elle savait toujours tout. Pas Dieu, pas du tout, mais peut-être un peu un ange ; une main libre de le rassurer et de lui caresser les cheveux, et l'autre prête à punir tout écart avant qu'il n'ait eu le temps de se confesser et de demander pardon.
Malgré tout, curieusement, il pensait aimer sa mère plus qu'il n'aimait son père. Peut-être parce qu'il craignait moins de le décevoir ; peut-être parce qu'il était plus proche de Scott que de lui et que, d'une façon ou d'une autre, il l'avait remarqué. Sortir faire du sport avec son père et son frère ne l'intéressait pas tellement, ou du moins pas assez pour que sa présence les intéresse eux : au final, il préférait rester étudier ou accompagner sa mère aux œuvres et évènements caritatifs auxquels elle participait fréquemment. Il y avait dans la communauté et l'humanitaire quelque chose qui l'attirait presque autant que la religion en elle-même ; être capable d'aider, de donner, de participer, de se sentir faire partie d'un groupe l'emplissait d'un bien-être difficilement descriptible. Ça faisait doucement rire Scott et hausser les épaules à ses amis, mais sa mère comprenait. "Tout le monde n'a pas la chance de ressentir les choses comme ça, tu sais", lui répétait-elle alors. "Tout le monde n'arrive pas à se contenter d'avoir la foi."

Sur le coup, il lui sembla évident que ce ne serait jamais son cas.

En grandissant, la joie de vivre et la motivation de Kenneth lui permirent de s'intégrer sans mal dans son école primaire puis dans son collège. Ses parents veillaient à ce que lui et son frère soient sérieux autant dans leurs études que dans la profession de leur foi ; et puisque Scott s'était rapidement montré moins assidu que son cadet concernant la religion, c'est sur lui que retombèrent leurs attentes. Lui qui avait toujours pris très à cœur son rôle de servant d'autel, suivait le catéchisme sans faille et s'engageait dès qu'il le pouvait dans des actions autour de sa communauté n'y vit aucun problème. Après tout, il ne comptait pas se détacher de l'Église. Au-delà de ce que pouvaient souhaiter ses parents — et à plus forte raison sa mère —, c'étaient autant de choses qui lui tenaient personnellement à cœur ; qui l'aidaient à se sentir bien et à grandir. Aucun caractère d'obligation là-dedans. S'il avait une passion, une chose qui lui appartienne vraiment, c'était celle-là.
Une fois entré au lycée, sa relation à ses parents se fit plus tendue. Il arrivait à un âge où il commençait à se poser des questions, à douter, à s'énerver, à vouloir essayer des choses, imiter son frère qui prenait son indépendance et la liberté qui allait avec ; malheureusement, sa mère comme son père n'avaient jamais été du genre à encourager ou à même tolérer le conflit. Tout ce qui pouvait être considéré comme un manque de respect de sa part finissait par un sermon, sans jamais lui laisser la chance d'en discuter. Quand tu auras accepté que tu as eu tort, on pourra en reparler. Alors bien sûr, il avait tort. Il avait toujours tort, de toute façon.
A défaut d'avoir le droit d'exprimer sa colère ou sa tristesse, habitué à ce qu'on lui reproche tout écart, il reporta son besoin d'ouverture au confessionnal et à l'oreille du Père Thomas. Le prêtre avait à ses yeux tout du confident idéal : une figure paternelle parfaite, jamais en colère, juste et équitable. Il lui accordait une confiance absolue, pour ne pas dire aveugle. Lorsqu'il n'était pas sûr de l'avis de ses parents, sa parole avait valeur de loi.
Qu'il leur donne souvent raison ne le gêna jamais ; au fond, il ne demandait pas mieux. Il avait juste besoin de certitudes et d'affection.

L'année de ses seize ans, un certain Corey vint s'installer à côté de lui au self du lycée pour gentiment lui signaler qu'il fixait Ethan trop fort. Ç'aurait été bête qu'il le transperce du regard, quand même. Le commentaire passa loin au-dessus de la tête de l'adolescent, qui avait depuis longtemps appris à ignorer ce qu'il ne voulait pas remarquer, mais pas la présence de Corey : et comme ils étaient tout deux plutôt bavards et sociables, ils ne mirent pas longtemps à discuter comme si ç'avait été la chose la plus naturelle au monde. Les amis de Kenneth étaient gentils, et il les aimait beaucoup, mais il y avait un quelque chose dans le sourire du garçon qui lui donnait envie de le privilégier un tout petit peu. Il parla de lui à ses parents ; l'invita chez lui et inversement. Son père puis sa mère, malheureusement, ne tardèrent pas à prendre la famille de Corey en grippe. Trop peu sérieux, un peu bizarres, trop négligeant, trop négligés, irrespectueux — pas des gens bien, assurément. Chaque fois qu'ils venaient prendre le café, à peine la porte passée, les commentaires ne cessaient de fuser. Alors, par soucis de facilité, et aussi parce qu'il ne voulait pas arrêter de lui parler, il décida de le mentionner le moins possible à partir de là. Il détestait leur faire des secrets, mais ce n'était pas tout à fait pareil non plus. Ils savaient qu'il allait chez lui, ils savaient qu'il lui parlait. Ils ne savaient juste pas à quel point.
Et bien sûr qu'il les avait remarqués, les papillons qui s'agitaient dans son ventre chaque fois qu'il lui prenait la main ou allongeait sa tête contre son estomac. Il savait qu'il aurait dû écouter ses parents, s'en aller, se confesser et promettre de ne plus jamais penser à lui ; qu'il lui faisait du mal, d'une manière ou d'une autre. Que ce n'était pas normal. Mais il n'osait pas en parler, pas même au Père Thomas, et il aimait trop compter les lattes du plafond de sa chambre, quand le soleil de fin de soirée venait les illuminer, pour vouloir lui glisser entre les doigts.
Lorsque Corey posa ses lèvres sur les siennes, comme si c'était la chose la plus normale au monde, ce furent les siens qui s'égarèrent les premiers. Et il n'y avait rien d'innocent là-dedans ; mais il se sentait bien, et il se sentait à sa place, et il l'aimait. Alors il se tut.

Il l'aimait si fort que pendant quelques semaines, il en oublia tout le reste.

Le secret par omission devint dès lors mensonge pur et simple. Ses parents auraient hurlé s'ils avaient su qu'il était amoureux d'un garçon, c'était sûr. Ils les auraient séparés. Ils l'auraient interdit de le voir. Ils l'auraient sermonné jusqu'à ce qu'il en devienne sourd. Et tout ça c'était uniquement d'en être tombé amoureux, parce que s'ils avaient su le reste —
Rien que d'y penser, il en était tétanisé.
Puisqu'il aimait Corey, et puisqu'il avait besoin de lui, il préféra l'écouter dire que tout irait bien. L'amour n'avait pas à connaître de limites ; la Bible n'avait jamais rien dit de tel. S'aimer n'avait rien d'un crime et ils ne faisaient de mal à personne, si ? Ses parents n'en pensaient pas moins, de toute façon — ils ne diraient rien à personne. Promis juré.
C'était plus facile à croire. Plus joli, aussi, alors forcément, il s'y raccrocha.

Peut-être que s'il s'était accroché moins fort, la chute ne lui aurait pas fait aussi mal.

Il ne sut jamais vraiment comment sa mère réussit à ouvrir la porte à l'instant exact où il décida d'embrasser Corey ; sûrement qu'elle se doutait de quelque chose depuis un moment. Ils avaient toujours fait très attention, quand ils étaient chez lui, alors il ne pouvait pas se résoudre à croire qu'elle ne l'avait pas fait exprès. Il aurait aimé penser que c'était une pure coïncidence, pourtant, ou bien quelque chose comme la punition divine venue corriger sa déviance — mais la colère et la tristesse, ce soir-là, lui firent oublier Dieu pour la première fois de sa vie.
Il vit sa mère mettre Corey à la porte sans ménagement depuis la fenêtre de sa chambre ; juste le temps pour elle de le jeter sur le trottoir et de remonter l'escalier et après ça, il ne le revit plus jamais.
Les semaines suivantes furent parmi les pires de sa vie. Ses journées alternèrent entre hurlements, crises de larmes et sermons répétés encore et encore et encore, et encore, et encore, jusqu'à ce qu'il en ait marre de se boucher les oreilles, qu'il ne supporte physiquement plus de devoir faire la grève de la faim et doive écouter ses parents. Tu as tort. Tu n'es pas comme ça. Tu t'es perdu. Il t'a influencé. C'est une maladie. C'est un choix. C'est une erreur. Ne répond pas à ta mère. Ne sois pas comme ça. Fais un effort. Tu nous fais honte. Comment tu peux dire ça ? Prie. Demande pardon. Confesse toi. On va te changer d'école. On va te surveiller mieux. On a dû se tromper quelque part, mais on va arranger ça. Tu iras mieux. Tu vas changer. Lis ça. Arrête de te plaindre. Tu n'étais pas insolent, avant, tu vois bien qu'il t'a influencé. Ne me parle pas sur ce ton. Tais-toi.
Tais-toi.
A force de l'entendre, il finit par le croire. Il ne voyait personne en dehors de ses parents et des gens de l'Église ; toutes les voix qu'il entendait lui répétaient le même discours, plus ou moins gentiment, sans relâche. Alors d'accord. Il avait tort. Il était déviant.
Comme il ne savait pas quoi faire d'autre, il pria plus fort. Il pria pour être pardonné ; il pria pour ne pas perdre la foi.

« Que Dieu notre Père vous montre sa miséricorde : par la mort et la résurrection de son Fils, il a réconcilié le monde avec lui et il a envoyé l’Esprit Saint pour la rémission des péchés. Par le ministère de l’Église, qu’il vous donne le pardon et la paix. Et moi, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, je vous pardonne tous vos péchés. »

Amen.

Les prières avaient un goût salé sur son palais, maintenant. Ce n'était plus pareil. Lui qui quelques mois auparavant sautillait encore d'impatience devant l'Église et portait l'aube avec le sourire des choses que l'on sait importantes, sans rien dire, s'effaça tout doucement dans les murs et les vitraux. Il était toujours autant présent, physiquement, mais on ne le voyait plus qu'à peine.
Et tout le monde le vit, mais personne ne bougea ; parce qu'on n'y pouvait rien.
C'était juste comme ça.

Le soutien et les paroles du Père Thomas lui permirent de tenir bon, d'avoir son diplôme et d'obtenir l'accord silencieux de ses parents lorsqu'il décida de suivre des études de théologie pour ensuite s'orienter vers la prêtrise. Plus il eut l'impression de lâcher prise, plus il s'accrocha à la religion ; à chaque doute, à chaque nouvelle vague de mélancolie poisseuse, il donnait un peu plus de lui pour oublier.
Sans plus d'amis proches autres que son mentor, sans le soutien d'un frère distant et de parents méfiants et autoritaires, c'est tout entier qu'il se reconstruit autour de l'Église. Il aimait Dieu. Il aimait donner, partager. Il aimait faire partie d'une communauté aimante et chaleureuse. Ce qui l'avait blessé par le passé n'avait rien changé à la passion qu'il ressentait pour la chrétienté ; il avait beau avoir eu peur et s'être senti abandonné plus d'une fois, jamais il ne songea à s'en détacher. C'était sa lumière. Son ancre. Son pilier.

Une fois sacré prêtre, il officia dans la même église où il se rendait jusqu'alors. Avoir une source de revenus stable et un domicile propre lui permit entre autres de s'éloigner de l'ombre oppressante de sa mère, avec qui ses relations restaient plus que tendues, et ainsi de s'accorder plus de sérénité d'esprit. Il ne se sentait pas encore bien, pas vraiment, mais il y travaillait. C'était un combat constant contre ses démons et, en ce sens, il fut heureux de se retrouver dans un endroit familier et rassurant dans lequel il se sentait à l'abri de tout ce qui aurait pu autrement envahir ses pensées. Dans la maison du Seigneur, il ne craignait rien. L'effet placebo lui mettait du baume au cœur.

En 2006, alors qu'il était resté plus tard à l'église pour veiller aux préparatifs d'un baptême et conseiller un des servants d'autel qui avait peur de faire des bêtises pour sa première messe dominicale, il trouva un jeune homme replié sur lui-même sur un banc. C'était peut-être présomptueux, et il imaginait bien que ce soit déplacé, d'une certaine façon, mais sa propre adolescence lui avait donné envie de protéger les jeunes gens plus qu'il ne l'aurait fait pour des enfants ou des adultes ; il savait mieux que d'autres combien cette période pouvait être difficile.
La seule chose que l'inconnu en chemise blanche et chaussures cirées accepta de lui dire, quand il l'approcha, fut qu'il n'avait pas le droit de le jeter dehors. Il ne chercha pas à cacher son rire à cette idée ; bien sûr, qu'il ne l'aurait pas mis à la porte. Il essaya de lui demander son nom, son âge, la raison de sa présence ici, mais il se mura dans son silence. A défaut de savoir quoi faire d'autre, il décida donc de s'asseoir à ses côtés. Il parla de tout et de rien, sans chercher à articuler ses pensées, jusqu'à ce ne plus savoir quoi dire et rester là, en silence, à attendre que quelque chose se passe.
Au bout d'un moment à écouter les quelques bruits qui parvenaient jusqu'à eux, le garçon accepta de se présenter. Hyrum, nota Kenneth, c'était forcément un nom mormon ; il ne pensait pas pouvoir se tromper sur la question. Il trouva un peu étrange qu'un jeune homme de cette église vienne trouver refuge dans la sienne, mais décida de ne pas commenter. Et comme il restait à ses côtés, à l'écouter, le garçon se remit très vite à parler. Il avait des problèmes avec ses parents, ne voulait pas rentrer chez lui ni les revoir de toute sa vie — et ce même s'ils excusaient, parce que de toute façon il savait qu'ils ne le feraient pas. Le pourquoi de la dispute ne vint jamais sur le tapis, et Kenneth ne demanda pas.
Une fois qu'il fut suffisamment calmé pour accepter de rentrer chez lui, il insista pour le ramener. Il faisait quasiment noir, et de toute façon il n'habitait pas très loin de là ; il comprendrait qu'il ne veuille pas monter dans la voiture d'un inconnu, mais de son côté, le déposer ne le dérangeait pas. Hyrum insista un moment pour être sûr que non, il ne mentait pas quand il disait habiter dans les environs, puis accepta sa proposition.

Le lendemain, il le revit près de l'église. Il voulait s'excuser de l'avoir ennuyé la veille et avait apporté des gâteaux de la part de ses parents, pour le remercier de sa gentillesse.
Plus tard dans la semaine, il revint le voir pour discuter.
La fois d'après, il insista pour l'aider à porter les provisions de la kermesse.
Chemin faisant, les exceptions se firent régulières ; très vite, ils se mirent à passer autant de temps ensemble qu'ils auraient pu en consacrer à un ami proche. Ses parents l'aimaient bien et réciproquement. Le Père Thomas aussi l'appréciait. D'une manière ou d'une autre, malgré leur différence d'âge, de foi et de tempérament, c'était une relation qui fonctionnait. Hyrum était comme un rayon de soleil ; il le rendait plus chaleureux, plus vivant. Lui, de son côté, lui apportait des conseils et une influence extérieure à une communauté dans laquelle il avait tendance à se sentir pris au piège. Tout simplement, la présence de l'autre leur faisait du bien.

Au bout de peut-être un an à se côtoyer, Kenneth retrouva pour la seconde fois Hyrum avachi au fond de l'église. Il était au bord des larmes et suffisamment sur les nerfs pour qu'il en panique lui-même ; il l'avait déjà vu grogner, en colère ou démotivé, mais jamais dans un tel état. Comme il refusait d'expliquer quoi que ce soit et partait dans les aigus dès qu'il lui expliquait qu'il valait mieux rentrer chez ses parents, il décida de l'emmener chez lui. Il ne pouvait pas le laisser là, quoi qu'il ait très confiance en ses collègues, et se voyait mal le déposer à sa porte s'il ne voulait absolument pas retourner chez ses parents : le laisser se calmer chez lui était encore le mieux qu'il puisse faire.
Aussitôt arrivé, il téléphona aux Julander pour les prévenir que leur fils était en lieu sûr, qu'il n'allait pas bien mais qu'il le leur ramènerait dès qu'il accepterait de les voir. Ils n'émirent aucune protestation à ce sujet ; ils se contentèrent de le remercier mille fois et de s'excuser pour la gêne occasionnée.

"J'aime les garçons."

Ce furent les premiers mots qu'il lui adressa après que sa crise de larmes se soit calmée. Kenneth fut tellement pris de court que, sur le coup, il ne réagit pas. Son silence ne fit que le paniquer un peu plus ; il se mit à déblatérer sur l'Enfer, et le fait qu'il était anormal, bizarre, déviant, qu'il voulait mourir, et —
Ce n'était pas tout-à-fait un miroir, mais c'en était trop proche pour qu'il ne se sente pas personnellement concerné. Quand sa mère lui avait dit ça, il aurait aimé avoir quelqu'un pour le rassurer. Alors c'est ce qu'il fit.
La sécurité d'un adolescent passait avant la sienne. Peut-être qu'il était encore un peu trop impulsif par certains aspects, ou peut-être qu'il avait trop confiance en Hyrum pour vraiment s'inquiéter ; quoi qu'il en soit, il répéta sa phrase, mot pour mot, « moi aussi », jusqu'à ce que les larmes cessent, que la panique laisse place à l'étonnement et que, enfin, il se calme.
C'était stupide, bien sûr. Il aurait pu le répéter à n'importe qui. Ruiner sa carrière. Sa vie. Et puis qui était-il pour lui dire que ça irait ? Qu'il ne pensait pas que Dieu, et ce peu importe leur religion, choisisse de maudire quelqu'un d'être tombé amoureux ? On lui avait rabâché le contraire, encore et encore et encore, et il l'avait cru. Il le croyait encore, d'une certaine façon. Que ce n'était pas normal. Qu'Hyrum ferait mieux d'accepter que certaines personnes n'étaient tout simplement pas faites pour être heureuses. Qu'ils ne seraient jamais tous des gens bien.
Mais Hyrum le remercia, et ce fut tout. Fidèle à sa promesse, il ne mit jamais personne au courant ; il n'en reparla même pas. Tout allait bien dans le meilleur des mondes, aussi étonnant que ça puisse sembler.

De toutes les conséquences qu'il avait pu imaginer à son aveu, ce fut la plus improbable qui revint lui mordre les chevilles.

Il avait bien remarqué l'affection qu'Hyrum lui portait. Ça ne le gênait pas plus que ça, au début ; il avait regardé le Père Thomas avec de grands yeux plein d'admiration depuis sa plus tendre enfance, et ça n'avait rien de malsain ou de gênant. Quand les disputes avec ses parents se firent de plus en plus fréquentes et qu'il se retrouva souvent à arriver chez lui sans prévenir, il se plaint mais n'arriva pas à le laisser dehors. Comment aurait-il pu ? Les Julander lui faisaient confiance et quand il était étalé sur son canapé, au moins, il n'était pas sur son vélo à prendre la mort sous des trombes d'eau.
Quelque part, sans doute appréciait-il d'être la priorité de quelqu'un d'autre. Quand Hyrum allait mal, c'était chez lui qu'il venait ; quand il se sentait seul, c'était lui qu'il voulait voir. C'était flatteur. C'était mignon.

Manquer de se faire embrasser par un adolescent de dix-sept ans l'était beaucoup moins.

Si Hyrum avait toujours été du genre borné, il fit preuve d'une obstination plus qu'inappropriée sur la question. Il eut beau mettre de la distance entre eux, lui expliquer que non, il ne pouvait pas, que non, il ne l'aimait pas, l'adolescent refusa d'entendre quoi que ce soit. Si encore il avait été vexé ou gêné et s'était éloigné de lui, il aurait réussi à gérer la situation à distance ; mais non, bien sûr. Hyrum était passionné, sûr de lui, prêt à prendre des risques stupides pourvu que le jeu en vaille la chandelle à ses yeux. Mais ce n'était pas un jeu ; et les risques, ce n'était pas lui qui les prenait.
Si quelqu'un avait su, personne n'aurait cherché à comprendre. Le tort serait retombé sur Kenneth. Vu les rumeurs qui ne cessaient de voler sur sa profession, il savait pertinemment ce que les gens auraient pensé.
Un prêtre considéré trop intime avec un mineur ? Oh, mon Dieu.

Ils l'auraient lapidé.

L'expliquer à Hyrum se révéla impossible. Il voyait bien le problème mais ne comprenait pas que ça justifie un refus ; le refus en lui-même, en fait, paraissait lui rester incompréhensible. Ses "je ne t'aime pas de cette façon, laisse moi", même répétés à tort et à travers, à chaque fois qu'il lui attrapait le bras ou lui répondait que "moi je t'aime comme ça", tombèrent systématiquement dans l'oreille d'un sourd. Il ne voulait rien savoir. Et, aussi bizarre cela puisse paraître, Kenneth finit presque par s'y habituer. Ce n'était jamais rien d'envahissant au point qu'il pense à se plaindre de harcèlement : Hyrum était trop tactile, trop affectueux, trop familier peut-être, mais reculait dès qu'il le lui demandait. Et puis ce n'était pas comme s'il avait déjà eu de gestes franchement déplacé, non plus — il l'enlaçait, parfois, surtout quand ça n'allait vraiment pas, mais n'avait jamais laissé glisser ses mains au-delà de ce qu'il aurait autorisé.
C'était ambigu, souvent. Doux-amer, étrange, agréable et insupportable tout à la fois. On ne l'avait pas regardé comme ça depuis, quoi, quinze ans ? Voir des hommes séduisants ne l'avait jamais dérangé, pas plus qu'être enlacé par qui que ce soit, mais entendre des "je t'aime" parfaitement sincères, droit dans les yeux, sans le moindre coup de semonce, c'était un tout autre genre de torture. Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime.
... Ha.
Au bout d'un an à l'entendre lui déclamer des poèmes, il cessa de jouer la comédie face au miroir. Hyrum lui plaisait ; de toutes les façons possibles, d'ailleurs — c'était bien ça qui rendait la proximité si complexe. Le fait de ressentir de l'amour ou de l'attirance ne le gênait pas tellement, dans le principe ; tant qu'il n'y posait pas de gestes, ce n'était pas un mal en soi. En tant que chrétien, il pouvait tolérer que deux hommes soient amoureux.
Les relations hors-mariages et sa vocation de prêtre, c'était une autre histoire.
Et si seulement il avait bien voulu le comprendre, le laisser tranquille, aller trouver quelqu'un d'autre, tout aurait été beaucoup plus simple.
Par peur qu'il ne le prenne comme un "oui" déguisé, il n'admit jamais ce qu'il avait pu reconnaître en silence. Ni quand il lui parla de partir définitivement de chez ses parents, ni quand il eut l'air de vouloir tout abandonner, ni quand il frappa à sa porte, saoul, le jour où il fut interdit de partir en mission, à lui pleurer qu'il l'aimait — et ce qu'il put en souffrir, pourtant. Il se consola en se disant que lui donner de faux-espoirs aurait été bien pire que lui briser le cœur ; mais son cœur à lui, justement, n'y était pas.

Ce n'était que de la tentation. Il aurait dû être au-dessus de ça. Il n'avait plus vingt ans.

En Novembre 2009, il dut officier à l'enterrement de deux enfants et de leur mère. Un excès de vitesse qui avait fini dans le fossé. Le père n'était pas dans la voiture, le fils cadet non plus, mais les trois occupants avaient été tués sur le coup. Il connaissait bien les parents ; un couple gentil, sans histoires. Les petits avaient quasiment l'âge de son neveu.
Il passa un long moment avec la famille avant de rentrer chez lui. Quand il passa la porte, Hyrum regardait la télévision sur son canapé. Il lui avait donné une clef en cas d'urgence, étant donné la tension qui pouvait régner entre lui et sa famille ces temps-ci ; comme il ne l'avait jamais utilisé, il avait presque fini par l'oublier.
Il lui demanda plusieurs fois de partir. Lui répéta qu'il n’était pas d'humeur à se chamailler, qu'il voulait être seul. Qu'il avait besoin d'être seul. Alors évidemment, il refusa. "Tu as pas l'air bien", "ça te ferait du bien d'en parler", "pourquoi tu me dis jamais rien ?" — et il ne savait pas quoi dire, et il n'avait rien à répondre, et il voulait juste qu'il lui fiche la paix parce que là, tout de suite, il n'était pas en état de quoi que ce soit. Encore moins si ça impliquait Hyrum.

Le "je t'aime" sortit au milieu de la dispute, sans qu'il le veuille, quelque part entre le moment où il l’attrapa par le col et celui où il se laissa embrasser. Ça fit mal, ça lui broya les côtes et lui noya le cerveau et, quand il plaqua ses mains contre les clavicules d'Hyrum, il se retrouva avec la lèvre entaillée et une porte claquée.

Il crut bien qu'il ne le reverrait jamais. Il se dit même que ce serait mieux, peut-être, pendant un temps. Il n'arrivait pas à être suffisamment clair ; son hésitation constante les blessait tout les deux, et pas qu'un peu.
Il resta sans nouvelle pendant plusieurs mois avant que le Père Thomas ne se décide à le prendre à part pour lui demander ce qui n'allait pas. La discussion fut désagréable — un peu comme un pansement qu'on arrache — mais grâce à lui, il eut au moins suffisamment de recul pour réussir à appeler Hyrum.

L'arrangement sur lequel ils s'étaient mis d'accord n'était pas bien complexe. Il lui avait demandé deux semaines pour réfléchir ; ne serait-ce que pour être tranquilles, Hyrum avait préféré qu'ils se rejoignent à l'hôtel, n'importe où loin d'ici. S'il venait, c'était oui. S'il restait, c'était non. Rien de plus simple.
On lui avait lourdement sous-entendu de partir en vacances, dernièrement. Il avait l'air fatigué. Malheureux. Perdu.

Alors ce fut un peu en retard, très maladroit et sans doute une des pires décision qu'il aurait pu prendre, mais il partit.

Pendant un long moment, il se sentit bien. A sa juste place. Ce n'était pas idéal — il mentait à ses supérieurs, aux fidèles, offensait Dieu —, mais c'était le mieux qu'il ait trouvé pour être heureux. Il n'était pas prêt à quitter la prêtrise, loin de là, et ne tenait pas non plus à perdre Hyrum. C'était peut-être vouloir le meilleur des deux mondes, mais il ne voyait pas comment faire autrement. L'hypocrisie lui collait à la peau.
Malheureusement, être en contradiction perpétuelle avec ce qu'il enseignait, ce en quoi il croyait fondamentalement, le mina plus profondément qu'il ne l’aurait imaginé. Ce n'était pas de l'ordre d'être malheureux, c'était plus violent que ça — un mal-être presque existentiel, intime, difficilement explicable, qui lui rampait petit à petit sous la peau. Hyrum lui proposa de partir loin d'ici, de trouver un autre métier, n'importe quoi qui puisse le sortir de son cercle vicieux de flagellation mentale, mais il refusa systématiquement.
D'une part, il avait peur du changement. Accepter d'être avec Hyrum tenait au fond plus du renoncement que d'un choix actif de sa part, même s'il aimait à penser le contraire ; il avait laissé son cœur parler pour lui, mais se refusait à aller au bout de l'idée. Quitter la prêtrise, c'était avouer s'être trompé. Admettre sa faiblesse. S'éloigner de Dieu, d'une façon ou d'une autre. C'était aussi et surtout couper les ponts avec tout ses amis, tout ses proches à l'exception de son frère et de sa famille, d'Hyrum. S'il décidait de s'en aller, sa mère ne mettrait pas dix secondes à deviner pourquoi. Ça pouvait sembler ridicule, mais il savait qu'elle saurait. Il le savait pertinemment.
Alors certes, d'accord, Hyrum était là. Il ne serait pas seul. Mais s'il décidait de partir, il n'aurait plus que lui. Il se connaissait suffisamment pour pouvoir affirmer qu'il dépendrait de lui, même — et c'était sans parler du fait qu'il n'aurait pas été loin dans la vie avec un diplôme en théologie et aucune expérience d'autre chose que de la prêtrise.
Kenneth était peut-être bêtement romantique, mais il n'était pas stupide. Hyrum venait d'avoir vingt ans. Aussitôt qu'il serait complètement parti de chez lui, il allait rencontrer d'autres gens ; être occupé par ses études, sortir, s'amuser. Trouver de nouveaux centres d'intérêt qu'ils ne partageraient pas. Se faire aborder, quand lui ne serait pas là.
Il voulait le croire quand il disait qu'il ne le quitterait jamais, vraiment. Mais il avait pensé la même chose de Corey, à seize ans. Qu'il l'aimait plus que tout le reste, qu'il allait passer par la fenêtre, le rejoindre et partir avec lui, quelque part, n'importe où, là ils pourraient rester ensemble.
Les barreaux que ses parents avaient mis à la fenêtre n'avaient rien de physique. Il aurait pu désobéir, si ça avait eu tant d'importance.
Mais il n'avait rien fait.
Et au bout du compte, il s'attendait à ce qu'Hyrum fasse de même.

A Noël 2012, lorsqu'il n'y eut plus que son frère et lui à table, sa mère lui fit remarquer qu'elle l'avait souvent vu parler à un jeune homme. Le Père Thomas lui avait assuré que c'était un garçon très bien, mais malgré tout, elle trouvait leur proximité étonnante. Inhabituelle. Suspecte, pour être claire. Son mari lui fit clairement comprendre qu'il en avait plus qu'assez de ce genre de discussions, mais elle refusa de lâcher l'affaire. Même quand Scott menaça de ne plus revenir si elle continuait à chercher le conflit sans arrêt, elle insista. Elle ne disait rien de mal, après tout, n'est-ce pas ? S'il n'avait rien à se reprocher, ses remarques ne feraient que l'irriter et rien de plus. Et puis ce n'était pas comme si elle pouvait lui faire confiance quand il agissait de manière aussi inadaptée.
Trop fatigué pour vouloir gérer ça, Kenneth sortit de table sans un mot.
Il garda ses distances avec ses parents le plus possible dans les mois qui suivirent. Il ne pouvait que difficilement les éviter quand ils venaient tout les jours à l'église et que sa mère participait à beaucoup des évènements qu'ils pouvaient organiser, mais il fit de son mieux pour les tenir à distance d'Hyrum. Il accepta d'arrêter de venir le voir à l'église pour éviter de causer des problèmes ; il était en plein déménagement, quoi qu'il en soit.
Le voir moins souvent ne fit qu'empirer les choses. Il avait beau s'attendre à ce qu'il le quitte un jour, en sentir la possibilité se rapprocher l'empêtra de nouveau dans l'anxiété et la sensation de vide qu'il avait passé des années à chasser.
Et tout ça pour quoi ? Pour que sa mère passe chez lui, un jour, et époussette la veste d'Hyrum sur la patère avant de lui dire que

"Les gens comme toi ne méritent pas de vivre."
"Tu es horrible."
"Est-ce que ses parents savent ?"
"Bien sûr que non."
"Tu es prêtre. Prêtre, Kenny."
"Tu te rends compte ? PRÊTRE."
"C'est abominable."
"Tu devrais avoir honte."
"Au-revoir."

Il but beaucoup, ce soir-là. Quand Hyrum revint, il fondit en larmes.
Les "je t'aime" ne pouvaient pas soigner ce genre de blessures, mais il les prit quand même. C'était tout ce qu'il avait.

Le lendemain, il ignora tout les appels des parents d'Hyrum jusqu'à ce que lui-même n'arrive chez lui en panique pour lui demander de le faire. Il dut le retenir — au sens propre — d'aller expliquer sa façon de penser à sa mère, et ne le laissa repartir voir la sienne que quand il lui eut promis de ne pas le faire. Ça n'aurait fait qu'empirer les choses et vu la situation, il n'avait vraiment pas besoin de ça.
Quand le téléphone cessa de sonner, il supposa que les Julander avaient au moins réussi à en parler. Tant mieux pour eux.

Qu'il reçoive une convocation la semaine suivante ne l'étonna pas. Il fonctionnait en mode automatique depuis la visite de sa mère, et vécut la discussion avec l’évêque de la même façon. On m'a dit ceci, j'ai entendu cela. Je suis très inquiet. Vous comprenez que dans ces conditions, si vous n'êtes pas lavé de tout soupçon...
"Dans le doute", il se retrouva suspendu de son titre et de ses fonctions pour une durée indéterminée. Ce que ça voulait dire, c'était que son cas allait être étudié, premièrement ; mais aussi qu'il ne pouvait plus célébrer la Messe ni se présenter comme prêtre devant qui que ce soit. Officieusement, c'était plus être démis de ses fonctions qu'autre chose.
Mais c'était de sa faute. Alors il ne se plaint pas.
Au lieu de ça, il intériorisa. S'isola. Il refusa de voir son père. Repoussa les mains tendues de Scott et du Père Thomas. Il demanda à Hyrum de le laisser seul et, après une dispute particulièrement virulente, c'est ce qu'il fit.

Là non plus, il n'y avait pas de barreaux. Ni à la fenêtre, ni à la porte. Il n'était attaché à rien.
Mais il le laissa partir quand même.

Après une heure à se cogner la tête contre les murs, il essaya de l’appeler. Il ne pensait pas ce qu'il avait dit, ou du moins pas à ce point — enfin, il le pensait, sûrement, mais ce n'était pas vrai pour autant ; ce qui lui arrivait n'était pas de la faute d'Hyrum. Il n'avait fait que l'aimer et vouloir être aimé en retour. Il ne pouvait pas lui reprocher ça. Il ne voulait pas se fâcher contre lui. Il ne voulait pas qu'il le laisse.
Les messages qu'il lui envoya restèrent sans réponse.
Évidemment. Lui non plus n'aurait pas voulu se parler.
Il comprenait. C'était normal. C'était habituel. Il ne méritait pas qu'il lui réponde. Compréhensible. Normal. Il aurait dû s'y attendre.

De toute façon, il ne pouvait rien y faire.

C'était juste comme ça.




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