Bobom. Bobom.
Ce fut comme si les violents battements de son cœur l'avaient réveillé. Ses poumons s'ouvrirent comme pour la première fois à ce moment-là, et NJ avala une grosse goulée d'air. Trop rapidement, sans doute, car il se mit tout de suite à la recracher, pris par une toux.
Quelques minutes de silence passèrent, lui laissant le temps à sa respiration de reprendre un rythme normal et à son esprit de commencer à se poser les bonnes questions. Où se trouvait-il ? Pourquoi ? Comment ? Et ... éventuellement, qui était-il ?

L'air hagard, mais pas non plus plus paniqué que ça, NJ se jaugea du regard. Enfin, si, il savait comment il s'appelait, à priori. Il savait aussi à quoi il ressemblait, et pas besoin de miroir pour deviner la blondeur de ses cheveux ou le bleu de ses yeux. Cependant, rien de plus ne lui venait. NJ, Terrien. Disons quand même que c'était plutôt pas mal ; le garçon aurait pu avoir pire, comme situation.
Bon. Avec souplesse, l'amnésique étira ses jambes et se redressa avec elles pour se mettre debout. Difficile de trouver son équilibre alors que l'horizon n'existait pas dans son champ de vision. Tout était tellement blanc ... ça lui rappelait la neige. Pourtant, il ne faisait pas froid et le sol était bien solide sous les semelles de ses bottines. Est-ce qu'il venait d'un pays où il neigeait souvent ? Hahaha.
Le voilà qui jouait aux devinettes.

Se remettant en tête une fameuse et interminable liste de pays où la neige pouvait potentiellement tomber, NJ commença tranquillement à marcher à l'aveuglette. Si marcher ainsi ne servait peut-être à rien, rester planter là l'était tout autant ... alors !

Son voyage ne dura cependant pas longtemps. Très vite, ses mains trouvèrent un mur bien dur qu'il longea tranquillement et sans être interrompu dans ses idées.
Après s'être dit que le Groenland portait assez mal son nom, NJ fut extrait de ses pensées par un changement dans l'atmosphère. Stoppé dans sa marche réflexive, le jeune homme pencha la tête sur le côté tout en croisant les bras pour observer ce certain nouvel arrivant. Ah, donc y'avait une porte, là ?
Sans reculer mais sans s'approcher pour autant, NJ observa l'inconnu les lèvres pincées par la curiosité : tout d'abord par son apparence, mais ensuite surtout par la faux qu'il ou elle portait. Cette drôle de dégaine alla de pair avec son discours que le blond dû remâché intérieurement pour bien s'en imprégner. Décédé ? Asphodèle ? Le suivre ?
Voilà un peu trop d'informations à assimiler à son goût, d'autant qu'il était déjà bien assez perdu au départ. Comme s'il allait le ou la suivre aussi facilement, eh ?

« Un peu plus loin ? »

Qu'est-ce que cela voulait dire ? Ici n'était pas assez bien ? Qu'est-ce que c'était qu'ici ?

« Pourquoi ? »

NJ était resté calme, ses émotions inhibées par la situation difficilement compréhensible. Ou bien était-il juste naturellement comme ça ? D'un autre côté, il ne voyait pas trop à quoi cela aurait pu servir de s'agiter plus.

NJ hocha la tête aux explications, comme s'il les comprenait parfaitement. L'endroit semblait être à l'image d'une machine bien huilée. Les choses étaient organisées, il y avait des marches à suivre. Tout lui serait bien expliqué dans la mesure du possible, il avait donc le temps pour s'inquiéter.
Pour le moment, il se focaliserait sur la première manifestation "de vie" qu'il venait de rencontrer et répliqua non sans une pointe de malice :

« Et donc, vous, vous pouvez vous permettre de vous déplacer à chaque fois ? »

Cela ne semblait pas très juste comme condition. Pourquoi ce serait le rôle de cette personne si les autres ne le pouvaient "décemment" pas. En tout cas, NJ le comprenait comme une situation de stagiaire à qui on refilait le sale boulot. Il osait même penser être dans le vrai, vu le peu d'assurance que son interlocuteur arborait. Le jeune homme restait cependant conscient qu'il ne se basait que sur des stéréotypes. Peut-être que c'était tout simplement son rôle ici, aussi ingrat semblait-il, et NJ n'avait pas assez d'éléments pour se permettre de juger.
Il espérait vivement que son travail ne se résumait pas à faire des allers-retours toute la journée ? Enfin, tant qu'à faire, il ne tarderait pas à directement lui demander des détails. Avant ça, des présentations semblaient de mise :

« Est-ce que je peux vous demander comment je peux vous appeler ? Moi, c'est NJ. »

Aussitôt dit, le garçon déplia ses bras initialement croisés.

Tête penchée sur le côté, Cocytus regarde le garçon sans avoir l'air de comprendre. Soit sa question lui parait bizarre, soit c'est l'intention derrière qui lui échappe ; quoi qu'il en soit, la réponse n'est pas immédiate. Elle le laisse silencieux et gêné, agrippé au manche de sa faux suffisamment fort pour blanchir ses phalanges. Muet en plus de stressé.
Finalement, il hoche la tête.

« Bien sûr ? C'est mon travail. »

Malgré l'aplomb de sa réponse et l'assurance tout simple dans sa voix, celle des grandes évidences que l'on ne questionne pas, la confusion reste placardée sur son visage en lettres capitales. Il sourit malgré tout au garçon lorsqu'il lui donne son nom ; le retour, cette fois, ne tarde pas.

« Cocytus ! Enchanté, NJ. »

Il y a comme un bref instant de flottement où il semble parti à dire autre chose, mais il referme bien vite la bouche. Quoi qu'il ait voulu ajouter, ça ne devait pas en valoir la peine.
Quand il reprend, la nervosité tire un peu trop fort sur son sourire.

« Vous voulez bien me suivre, maintenant ? Ce n'est pas que vous m'ennuyez, s'excuse-t-il, mais je dois vous emmener. »

Le "j'ai d'autres choses à faire" reste sous-entendu. Il n'oserait pas mettre un ordre de priorité lorsque des décédés sont inclus dans l'équation. Ce ne serait pas très charitable de lui dire qu'il a mieux à faire.
Malgré tout, ses yeux papillonnent jusqu'à la porte close avant de revenir sur le garçon. NJ, donc.

Alors ?

Le blondinet hocha la tête, tout sourire. Cocytus, Cocytus. Vu les circonstances qu'on lui avait présentées, cela semblait un nom bien adéquat. Ou bien cocasse. Le nom lui revenait comme un souvenir ; il se rappelait que c'était le nom d'un des fleuves des Enfers dans la mythologie grecque. Pas sûr cependant d'où lui venait son savoir. Un livre peut-être ? Mais ce n'était pas important. Ou bien que si ?
En tout cas, Cocytus le rappela un peu à l'ordre :

« Oh oui, bien sûr. Je comprends. Votre travail. »

Malgré ses mots et son air concerné, NJ ne bougea pas plus que cela. Les mains dans le dos, il se balança légèrement jusqu'à se retrouver sur la pointe des pieds avant de laisser ses talons retrouver le sol.

« Cocytus ..., commença-t-il comme pour tester la sonorité du nom sur sa langue. En quoi consiste-t-il, en fait, votre travail ? »

Et ainsi voulut-il reprendre la discussion comme si de rien n'était. Après tout, son interlocuteur ne semblait pas tant que ça pressé, si ? Son activité ne se limitait pas à des allers-retours entre les bureaux et ... ici, il imaginait ?
NJ n'irait pas jusqu'à dire que ça ne semblait pas intéressant, on devait sûrement faire bien des rencontres et chacun avait ses goûts ... mais tout de même.