C'est le manque de cauchemar qui l'alerte, le rend anxieux inconsciemment et lui fait ouvrir les yeux, se réveillant en un désagréable sursaut. Ses omoplates s'éclatent violement sur le sol dur. Il n'a pas le souvenir de s'être endormi sur le sol, mais ça ne serait pas la première fois que ça arrive. Il ne comptait plus le nombre de fois où il s'était réveillé sur le sol, dans une pièce inconnu, au son de voix inconnues. Ca n'était pas arrivé depuis un petit bout de temps, ceci dit, et la pensée le rend mal à l'aise. Aurait-il rechuté? Il ne se sent pas plus mal qu'un jour normal, ni la gueule de bois, ni en manque.

Ses yeux prennent du temps à s'habituer à la luminosité de la pièce, pourtant pas si aveuglante que cela. Tout est blanc, mais étrangement terne, comme ancien. Correction; tout est beaucoup trop blanc. Du plafond aux murs, peu importe où se porte son regard, il n'y a rien que du blanc. Pas de fenêtre, pas de meubles, juste du blanc, omniprésent et oppressant.

Il compte quelques secondes de plus avant de faire l'effort de s'asseoir. Il regarde ses vêtements mais ne constate rien d'inhabituel, juste des vêtements de travail comme il en a des tonnes; une chemise, un bon pantalon, des chaussures en cuir, ses préférées. Il retrousse ses manches à la recherche d'un quelconque indice, mais les cicatrices ne semblent ni plus nombreuses, ni moins nombreuses, ni moins laide, le laissant sans aucun indice. Certaines semblent assez récentes, mais peu sévères. Aucun signe de piqûres, c'est déjà ça. Il écarte l'option de drogue dans son verre, de un parce qu'il ne boit plus vraiment, de deux parce qu'il en connait trop bien les effets, et il se sent vraiment trop en forme pour que ce soit le cas.

La situation n'en reste pas moins - voir même plus- terrifiante. Au moins, les drogues, il connaît. Il semble être apparu dans cette pièce comme par magie, et ça, c'est franchement déconcertant.

Il commence à tâter ses poches à la recherche de son téléphone, et son absence lui pèse encore un peu plus sur le corps. Il ne s'en sépare jamais, au cas où Sam ou Julie ait besoin de le contacter. Ils aiment lui demander de passer prendre quelques courses lorsqu'il rentre, ou simplement savoir s'il est toujours bien en vie, et quand il vient. La gorge serrée par l'angoisse, il se décide à se lever. Peu importe où il est, il est en bon état général, alors les personnes qui l'ont emmener ici ne semblent pas lui vouloir du mal - mais ça, ça n'est encore que suppositions.

La seule chose qui lui reste à faire, c'est de chercher une issue, alors c'est ce qu'il commence à faire, tâtant les murs nus sans grand espoir avec des mains tremblantes et moites.

Au moins, s'occupper lui permet de garder la tête à peu près claire.

La porte s'ouvre juste à côté de Pierre. Elle est tellement blanche, comme tout le reste de la pièce, qu'il a l'impression que les murs se rapprochent de lui pour l'écraser l'espace d'un instant. Il a vu assez de films d'horreur pour que son cœur rate un battement.

Mais la porte se referme simplement, et là, en face de lui, la silhouette d'une jeune femme jure avec le reste de la place. Le rouge et le noir sont, pour le moins, assez agressif lorsque l'on s'est habitué au blanc. Les yeux de la jeune femme – rouges, comme les rabats de sa veste et sa cravate – le trouve, et elle a l'air aussi heureuse qu'une bobo dans un accident de voiture qui est entièrement de sa faute.

Elle est petite aussi, et semble jeune. Et elle a une énorme faux derrière elle. Pierre cligne des yeux lentement tandis qu'elle lui adresse un geste de tête. Elle n'a pas l'air vraiment humaine, et c'est une étrange pensée. Les yeux, sûrement, mais également un étrange sentiment qui lui colle à la peau.

Et la faux – qui ne lui donne pas envie de la contredire.

« Monsieur le décédé, bienvenue à Asphodèle. Ne criez pas et ne tentez rien d'idiot, sous peine de quoi je me verrai obligée d'utiliser la force. Je ne tiens pas à devoir vous blesser, donc merci de vous tenir tranquille. »

Pierre n'est pas surpris. Peut-être qu'il devrait l'être, au moins un minimum, mais il est bien loin de l'être. Il ne s'y attendait pas forcément, mais toute la situation est si étrange que ça n'est pas surprenant du tout. Si la jeune femme lui avait annoncé qu'il allait participer aux Hunger Games, il n'aurait pas été plus surpris.

Au moins, s'il est mort, il n'aura pas à se faire chasser dans une arène, n'est-ce pas.

Pierre ne se sent pas d'humeur à se prendre un coup de faux. Elle a beau être petite, quelque chose lui dit que 'tenter quelque chose d'idiot' n'aurait pas de conséquence agréable.

« Vous avez sûrement beaucoup de questions, mais ce n'est pas moi qui vais y répondre. Je suis simplement là pour vous escorter jusqu'aux personnes qui s'en chargeront. Si vous voulez bien me suivre. »

Il se tient parfaitement immobile tandis qu'elle continue d'énoncer un discours assez évidement bien appris. Elle est efficace, rapide, parant à toutes éventuelles questions. Elle avait dû en voir, des personnes récalcitrantes.
Son ton n'est pas agréable, mais Pierre, honnêtement, s'en fiche. Elle fait son travail, elle a une faux, il n'a pas envie de la contrarier.

S'il avait été plus jeune, ou d'humeur fantasque, il aurait sans doute jouer avec le feu – mais là, il est plus mature et... il n'a pas assez d'informations sur la situation.

Et elle ne va pas lui en donner plus.

Il classe les mots clés dans sa tête pour plus tard, et hoche la tête, expression neutre.

« Je vous suis. »

Rien de mieux à faire, de toute manière.