-29%
Le deal à ne pas rater :
PC portable – MEDION 15,6″ FHD Intel i7 – 16 Go / 512Go (CDAV : ...
499.99 € 699.99 €
Voir le deal

Dorothy Taylor
- D 00 062024 46 01 B -

Dorothy Taylor

En bref

Féminin
Pseudo : Nii'
Messages : 30




And I'll defy everyone and love you still ; I will carry you with me up every hill.
And if you die before I die, I'll carve your name out of the sky ;
I'll fall asleep with your memory and dream of where you lie.
It may be better to move on and to let life just carry on, and I may be wrong -

Still, I'll try.

'Cause it's better to love,
whether you win or lose or die.
It's better to love,
and I will love you 'til I die.
Nom : Taylor, née Hadlow.
Prénom : Dorothy Maureen.
Surnom : Dottie, Dot.
Genre : Féminin.
Âge effectif : 97 ans.
Âge apparent : 12 ans.
Arrivé depuis : A1, M10, J29.
Date de naissance : 12/12/1926.
Date de mort : 29/06/2024.
Orientation sexuelle : Bisexuelle.
Groupe : Quietus.
Nationalité : Australienne.
Langues parlées : Anglais ; vaguissimes notions d'italien et de français.
Ancien métier : Femme au foyer très retraitée.
Métier actuel : Femme au foyer ??
Casier Judiciaire


▬ Crimes commis :
▬ Circonstances du décès :
▬ Péché capital principal :
▬ Péché capital secondaire :
▬ Rapport à l'alcool :
▬ Rapport aux drogues :
▬ Addictions :
▬ Mauvaises attitudes récurrentes :
▬ A été victime :


Physique


« Down in the valley shone the bright neon signs »


Du bébé pas si potelé que ça à la vieille dame ridée et fatiguée, Dorothy a l'impression d'avoir été mille personnes tout à la fois. Jusqu'à ses vingt ans, compter les centimètres et les formes en plus fut une bénédiction ; et puis, au fur et à mesure, les miroirs cessèrent de la flatter autant qu'elle l'aurait voulu. Les rides l'angoissaient. Elle avait peur de perdre ses dents. De devenir sourde. Elle craignait de ne plus pouvoir courir, de perdre le souffle ou bien la tête ; de ne plus se reconnaître. Alors même si elle avait fini par s'accepter, par s'habituer aux changements, à la vie qui suit son court, rien d'étonnant à ce qu'elle soit ravie de retrouver l'agilité et la finesse de ses douze ans.
D'accord, elle s'aimait grande et mince. Mais si la mort lui a volé quatorze centimètres, son mètre cinquante-cinq a quelque chose de familier ; de pratique. Elle se rappelle avoir été capable de se glisser partout, bras en l'air, pas plus épaisse qu'une affiche lorsqu'elle filait comme un serpent entre deux pierres pour échapper aux bêtises de ses grands frères. Un peu moins mince qu'à l'adolescence — la poussée de croissance n'ayant pas encore pointé le bout de son nez —, courir partout et aider aux tâches ménagères comme extérieures lui a donné de bons muscles dans les jambes et un peu de force dans les bras. Elle ne détestait pas rester à ne rien faire, mais quand même ; elle préférait courir et explorer, les deux bottes dans la boue jusqu'aux genoux s'il le fallait. A douze ans, tant qu'à faire, elle n'avait pas beaucoup de formes. Enfin, elle n'en a jamais eu tant que ça, mais quand même — c'est juste venu plus tard. C'était cette drôle de période où elle oscillait entre enfance et adolescence, sans assez de hanches ni de poitrine pour lui éviter quelques "du calme, jeune homme" quand elle passait en courant, en bottes et en casquette sur le terrain des voisins.
Pourtant, elle n'a jamais détesté être féminine. Elle aimait enfiler de jolies robes le dimanche et agiter les orteils dans ses sandales préférées, celles avec un petit ruban bleu ; se coiffer, se faire complimenter. Seulement ce n'était pas pratique, tout ça. Or, Dorothy a toujours préféré privilégier sa liberté de mouvement. C'est qu'étant enfant, ça n'avait pas tant d'importance : on ne la jugeait pas encore trop sur ses manières et la façon dont elle présentait. Et puis en été, quand il pleuvait beaucoup et que le sol devenait boueux ou que la côte venait écraser des tempêtes ou des cyclones à leurs pieds, inutile d'espérer sortir et rester propre. Alors adieu, petites robes à fleur et jolis rubans ; les salopettes et les gros pantalons, au moins, elle pouvait se cacher dedans sans risquer de les salir irrémédiablement. Ce serait quand même bête d'abîmer ses ensembles préférés.
Pour ce qui est du visage, Dorothy l'avait encore un peu rond. Pas autant qu'un enfant, mais on peut définitivement voir qu'elle n'est pas trop vieille rien qu'à sa mâchoire trop douce. Son nez, qu'elle a toujours trouvé trop droit, trop long, ni joli ni féminin, aura au moins la gentillesse d'être un peu plus discret ; pas autant qu'elle le voudrait, mais un peu moins marqué qu'il ne l'a été la plupart de sa vie. C'est déjà ça. Plus de taches de rousseur sur les joues qu'elle n'en a gardé en vieillissant, un peu plus bronzée peut-être ; le même bleu ciel dans les iris, en revanche, et une belle épaisseur dans ses cheveux blonds. Ils pourraient l'être un peu plus, blond, tant qu'à faire — mais elle ne se souvient pas avoir un jour eu les cheveux si clairs que ça, et à douze ans ils s'étaient déjà bien assombris comparé à ce que ses parents ont pu lui raconter de sa petite enfance. Coupés au-dessus des épaules, elle n'a jamais aimé les avoir trop longs ; elle trouve plus d'élégance à une nuque dégagée qu'à de longues mèches dont on ne sait plus quoi faire. Ça ne l'a jamais empêchée de les coiffer et d'y faire attention. Elle aime y passer les doigts, les arranger comme bon lui semble, mettre la frange sur le côté ou se dégager le front : tant qu'on a de l'imagination, les possibilités ne manquent pas. Elle aime aussi beaucoup y poser des chapeaux, que ce soit pour se cacher du soleil ou juste faire joli. Les bijoux ont moins ses faveurs, tout simplement parce qu'elle a tendance à être maladroite et à soit les perdre, soit les oublier quelque part et mettre dix ans à les retrouver ensuite. Ils finissaient sous verre par peur d'être abîmé et, comme son mari aimait à le lui dire "ils sont fait pour être portés ; ça ne sert à rien, si tu les laisses là". Du coup, elle s'est résolue à ne plus trop en porter. Les seuls qu'elle a gardé et garde toujours sont son alliance, qu'elle gardera maintenant en pendentif à son cou, et une broche discrète en forme de coquillage que son père lui avait offert avant de partir à la guerre.


Caractère


« Yet I know where I belong, I got my peace of mind »


Dorothy a été la petite fille, la jeune fille puis la femme qui ne parle presque pas ; qui reste à l'écart, un peu gênée — mais aussi celle, sur un malentendu, qui soudain se sent à l'aise et qu'on n'arrête plus. Chaque fois qu'on venait voir ses parents et qu'on leur disait qu'elle était toute timide, ils ne pouvaient s'empêcher de rire. Parce que Dottie n'osait pas aller vers les autres, entamer la conversation, on la trouvait introvertie ; vite effrayée. Et il est vrai que souvent, elle a préféré se cacher derrière ses parents ou rester debout dans un coin, mains nouées devant sa robe, plutôt que d'aller discuter avec les autres. Il ne lui fallait pas tant de courage que ça pour se mêler à la foule, mais ça lui en demandait tout de même : et parfois, cette force-là, elle ne l'avait tout simplement pas.
En société, Dorothy répond doucement et rit beaucoup. Elle essaie de rester polie ; de ne pas commettre de faux-pas. Elle ne sait que trop bien de quoi sa spontanéité est capable, et doit faire des efforts conscients pour ne pas sortir des âneries aussitôt qu'elle les a pensées. "Tourne sept fois ta langue dans ta bouche, princesse" — sinon, tu seras ridicule ou tu blesseras quelqu'un. Elle fait de son mieux pour appliquer l'adage, mais bien souvent les mots lui échappent quand même. La plupart du temps, ce n'est pas bien méchant. Mais il arrive tout de même qu'on la regarde de travers, ou que sa remarque soit suivie d'un silence qui en dit long ; et s'il y a bien une chose qu'elle ne sait pas gérer, c'est la honte et la gêne. Elle rougit plus fort qu'une tomate bien mûre, se met à balbutier, perd ses moyens et, à moins qu'on ne la calme, finit inévitablement par partir aussi vite que ses jambes peuvent la porter. On lui a souvent dit qu'elle exagérait ; à ses yeux, pourtant, c'est justifié. La gêne lui donne envie de pleurer, et elle déteste pleurer en public. Ça ne se fait pas. Et puis c'est ridicule, et puis elle est moche, quand elle pleure — alors elle s'isole, maudit le monde, se déteste, tape des talons et attend qu'on vienne la sortir de sous la table en lui disant que tout va bien.
Capricieuse, Dorothy gonfle vite les joues et n'a jamais eu le loisir de trop apprendre le sens d'un non net et définitif. Ses parents avaient tendance à trop les gâter, à trop céder, et même sans le vouloir elle s'est habituée à ce qu'on lui donne ce qu'elle veut. Les cadeaux et la gentillesse placide de son mari ne l'ont pas aidée ; il a toujours tout fait pour la rendre heureuse, à quelque niveau que ce soit. Si elle voulait acheter quelque chose, on s'arrangeait pour qu'elle l'ait. Si elle préférait aller ici plutôt que là, souvent, on cédait. Comme elle n'a que rarement exagéré, il paraissait normal à son entourage d'accepter ses petits caprices. Du coup, quand on lui refuse quelque chose et qu'elle ne comprend pas pourquoi, ou que ça l'embête, elle boude. A douze ou quatre-vingt ans, ça a été la même chose : bras croisés, installée dans un coin, à attendre qu'on la remarque et qu'on s'excuse.
Excuses que, heureusement, elle n'hésite pas à faire. Quitte à s'étaler sur la personne en pleurant, elle est prête à se répéter un milliard de fois jusqu'à ce que l'offense soit pardonnée. Elle ne supporte pas qu'on lui en veuille ; les conflits doivent être réglés au plus vite, sinon elle panique puis déprime. Laisser le temps aux autres de digérer ou de réfléchir lui fait du mal, elle n'est pas très douée pour ça. Souvent, il faut lui répéter que ce n'est pas contre elle ; qu'on a besoin de solitude, que ça va passer. Se sentir inutile et vulnérable l'horripile, mais elle fait de son mieux pour patienter.
Puérile par nature, Dorothy aime rire de choses stupides et peut se montrer assez gamine sur bien des points. Elle est aussi très motivée, très énergique en quasiment toutes circonstances ; tant qu'elle n'est ni triste ni malade, elle se sent en devoir de s'activer d'une manière ou d'une autre. Marcher, rire, danser, cuisiner, faire le ménage... La journée est là pour faire tout ce qu'il y a à faire, et le soir est là pour se reposer. Elle y tient. A part sur la fin de sa vie, où la fatigue se faisait grandement ressentir, il était très rare de la voir lire ou juste rester assise avant que le repas n'ait été pris. Elle aime l'aventure ; l'adrénaline. Courir partout, attraper des animaux, faire découvrir des choses à ses proches, grimper — et, souvent, accidentellement terroriser son entourage. Elle est curieuse : adore la nature, le ciel, la mer, les collines et les montagnes. La ville l'étouffe, elle a besoin d'espace, d'endroits où elle peut faire ce qu'elle veut sans se demander si on la regarde, si on risque de moins l'aimer en la voyant être stupide comme ça. Devoir se plier au jeu des apparences l'ennuie un peu, mais c'est surtout la peur des faux-semblants qui l'a bien souvent poussée à se méfier des gens. Elle n'est tranquille que quand elle peut être elle-même, et elle craint souvent que les autres ne le soient pas tout-à-fait. Rien de bien méchant, bien sûr : mais pour former des relations à long terme, ça la bloque un peu plus.
Du reste Dorothy est ouverte d'esprit, et si elle peut se montrer réticente sur certains sujets, la politesse l'emportera toujours sur le reste. Elle a à cœur de rester au courant des choses, même si le plus souvent elle n'y comprend trop rien ; tant qu'il y a quelqu'un pour lui expliquer, ça lui va.
En amitié, l'australienne a toujours été du genre à vouloir partager les bons moments et garder les mauvais. Elle n'a jamais été très douée pour consoler ; elle peut enlacer et attendre que ça passe, mais les mots ne viennent jamais. Rien à faire. Être une oreille attentive, d'accord. Ça, elle sait faire. Mais dès qu'on lui demande un avis important ou que les pleurs empirent, elle aura tendance à paniquer et à chercher quelqu'un pour l'aider à gérer la situation — parce que clairement, toute seule, elle ne gère rien du tout. Ça ne l'empêche pas d'être attentionnée, volontiers généreuse, un peu hypocrite sur les bords quand l'honnêteté lui fait peur ; brusque mais pas brutale, parfois complètement à côté de la plaque mais le plus souvent de bonne humeur.
Même si positiver, c'est plus facile quand tout va bien.


Histoire


« I was born a country girl, and that just suits me fine »


Dorothy est née en 1926, cadette d'une famille de cinq enfants dans la campagne au nord-est de l'Australie. Son père travaillait à la ferme pendant que sa mère s'occupait d'eux ; ils n'étaient pas bien riches mais vivaient néanmoins sans avoir à trop se préoccuper des dépenses. Elle avait suffisamment de jolis vêtements et de jouets, d'autant qu'elle leur préférait invariablement les grands espaces et les bottes qui ne craignaient pas la boue.
Près de chez eux, dans une ferme similaire à la leur, vivaient les Allen. Les deux couples étaient proches et leurs enfants firent vite de même ; à la mort du père dans un accident en 1934, les Hadlow vinrent tout naturellement leur prêter main forte. La mort de celui qu'elle considérait comme un oncle attrista la petite fille, mais elle trouva du réconfort dans la présence des deux cadettes Allen : Mary et Jean avaient toujours été là pour elle, et c'est donc tout naturellement qu'elle s'appliqua à faire de même. Ils durent vendre des champs et des bêtes, mais l'équilibre finit par revenir.
Occupée entre les deux maisons, Dorothy grandit au rythme de ses excursions dans la forêt et les criques, slalomant entre les cyclones et les cris ennuyés de ses parents ou de ses grands frères quand elle allait trop loin ou grimpait trop haut dans les arbres. Jack et Maxwell, de sept et six ans ses aînés, avaient beaucoup à faire dans les champs et en ville ; ils passaient plus de temps à travailler avec Norman Allen, qui avait leur âge, qu'avec elle, alors elle s'en accomoda. Ça ne l'empêchait pas d'aller les ennuyer quand ses parents lui permettaient de venir leur prêter main forte, quitte à juste s'allonger dans les brouettes sous un joli chapeau et un soleil de plomb.
Ruby n'avait que deux ans de plus qu'elle, mais elles n'avaient pas tellement de passions en commun — sans compter que les deux enfants savaient se montrer plutôt discrètes, et que l'aînée aimait sa tranquillité. Elles ne partageaient des moments de complicités que presque par hasard, lorsqu'elles se retrouvaient ensemble par un quelconque miracle.
Quant-à Douglas, de deux ans son cadet, il fut toujours considéré par ses bons soins comme un bébé ; même quand il l'eut presque rattrappée et fut capable de la pousser plus fort qu'elle, elle ne réussit jamais à le considérer autrement que comme un petit pot de colle — très mignon, certes, mais pas le genre de personne avec qui on peut discuter de choses importantes.

Le trois septembre 1939, le premier ministre annonça l'entrée de l'Australie dans la seconde guerre mondiale. Assise aux pieds de sa mère près de la radio, Dorothy agrippa ses jupes sans réussir à quitter le poste des yeux. Elle avait douze ans ; elle ne comprit pas tout.
En début d'année suivante, étant donnée la situation politique et leur proximité géographique avec les japonais, qui risquaient de venir les bombarder, les Hadlow décidèrent de déménager. Dorothy n'eut pas voix au chapitre et si ses pleurs creusèrent des rides sur le visage de ses parents, ce furent les protestations des aînés qui posèrent le plus problème.  La fiancée de Maxwell, Louise, habitait ici ; il ne voulait pas la laisser. Quant-à Jack, il refusait d'abandonner les Allen. Son amitié avec Norman autant que son début de relation avec Frances, la seconde, causa de nombreux cris entre lui et son père. Face à son entêtement, ils décidèrent de le laisser rester. Il allait avoir vingt ans, après tout. Ils ne pouvaient pas le forcer.
Triste à en mourir de devoir abandonner ses amies bientôt, Dorothy passa son dernier mois dans la maison familiale à être triste, avoir peur et traîner des pieds. Le jour du déménagement, elle serra fort Mary et Jean dans ses bras, leur fit promettre d'aller bien, de ne pas mourir, et pleura dix bonnes minute sur Jack avant d'accepter de monter dans la voiture.
L'emménagement à Townsville fut pour le moins difficile. Aucun d'eux n'avait l'habitude de la ville ; avec la guerre en toile de fond, l'adaptation fut chaotique. La forêt et les champs manquaient à Dorothy. Elle regrettait les grands espaces. La paix. La tranquillité. De dépit et de peur, terrorisée à l'idée de pouvoir se faire tirer dessus ou voir une bombe tomber du ciel, et ce peu importe à quel point ses parents lui expliquèrent que ça n'allait pas arriver, elle resta beaucoup enfermée à l'intérieur. Maxwell et Louise se marièrent dans les mois qui suivirent, mais la joie ne fut qu'à demi au rendez-vous. La jeune mariée avait peur de voir son époux partir à la guerre et bientôt, cette crainte s'étendit à Dottie. Elle qui n'avait jamais pensé à cette eventualité fut forcée de s'en inquiéter quand ses parents commencèrent à en parler. Sans Maxwell ni Jack, ils n'étaient plus que trois enfants à la maison ; Ruby avait eu seize ans, Douglas douze. Ils étaient tranquilles.
Mais les autres, non. Son père, ses frères, même Norman — aucun d'entre eux n'était à l'abri. Le patriotisme ne fut pas son fort, durant cette période. Les disputes fusèrent à la moindre occasion et si elle s'en voulut souvent, ça ne l'empêchait pas de recommencer le lendemain. Elle avait peur.

En 1941, son père s'engagea. Elle pleura, s'accrocha à ses jambes, alla jusqu'à hurler, mais rien n'y fit. Il partit quand même. Elle refusa de parler à sa mère pendant de longues semaines après ça. Elle allait à l'école, en revenait, s'enfermait dans sa chambre et attendait. Ça commençait à faire un moment qu'elle n'avait pas eu de lettre de Jack. L'inquiétude la rongeait.
Quand des bombes explosèrent sur le port, en juillet 1942, elle se retrouva sur la plage à insulter les avions et les oiseaux jusqu'à ce que Ruby ne vienne la chercher pour la ramener à la maison.
La guerre commençait à durer. Elle en avait assez. Le risque d'invasion allait croissant ; entendre sa mère lui répéter qu'ils étaient en sécurité (à peu près), que ça finirait bien, n'adoucit jamais le sentiment amer de colère lové dans son estomac. Elle avait l'impression qu'on lui avait volé une partie de sa vie — et aussi infime soit-elle, ça ne lui allait pas. Elle ne voulait pas.
Quelques mois plus tard, Maxwell fut conscrit. Elle n'apprit que bien plus tard que Jack était parti lui aussi et quand elle le sut enfin, sa colère passa du rouge au noir. Mais Dottie était timide ; vite au bord des larmes. Elle pleura plus qu'elle ne hurla et à force de se taire, elle se retrouva plus isolée qu'avant. Toujours sur les nerfs. Nerveuse. Inquiète. Ruby et Douglas continuaient leur vie, persuadés que tout allait s'arranger et qu'ils devaient encourager l'effort national ; mais elle, ça ne lui disait rien. Elle aurait aimé que tout redevienne comme avant. Le courage lui manquait. Son père et ses frères aussi.
Malheureusement, le monde ne fonctionnait pas comme ça. Le temps volé ne lui fut jamais rendu et celui qu'elle passa à fixer le ciel par la fenêtre ne servit qu'à la rendre plus mélancolique et effacée qu'avant.

En avril 1943, Louise donna naissance à un fils qu'elle prénomma Paul. Dottie alla souvent l'aider ; l'absence de Maxwell lui pesait, mais avoir un enfant dont s'occuper l'aida à positiver. Sa mère prit part à l'effort de guerre en allant travailler en industrie. Dorothy n'avait que seize ans encore et dut se résoudre à ronger son frein. Ça ne pouvait pas durer éternellement.
Et effectivement, ça ne dura pas.
Lorsque la guerre fut finie, elle fit la fête, pleura et sauta mille fois de joie sur place. Elle savait son père et ses frères en vie, alors rien au monde n'aurait pu assombrir son joli tableau. Il n'y avait plus qu'à attendre leur retour et laisser à la vie le temps de reprendre son cours.
Aussitôt revenu, Jack demanda Frances en mariage. Ce fut l'occasion pour elle de revoir Mary, Jean et les autres amies qu'elle avait abandonnées en partant pour la ville ; pouvoir courir dans les champs à nouveau lui fit un bien fou. Elle savait que ça ne pouvait pas durer — elle n'était venue que pour féliciter le jeune couple, après tout — mais malgré tout, elle se prit à espérer de pouvoir revenir bientôt. C'était ici, chez elle. Pas là-bas.
Malgré les ans, ce sentiment ne changea jamais.
Avec deux frères mariés, elle fut tante une deuxième puis une troisième fois l'année suivante, juste avant que Ruby n'épouse son fiancé. Elle était suffisamment heureuse et ravie pour ignorer le peu de temps qui s'était écoulé entre leur rencontre et leur mariage ; et quand elle eut un fils l'année suivante, Dorothy fut la première à l'en féliciter.
Comme toujours, malheureusement, le malheur suit la joie comme son ombre. En 1948, après de longs mois de maladie, son père mourut. Elle en fut dévastée. Elle qui avait l'habitude de voir son père comme un géant invincible supporta très mal de le voir à ce point affaibli — et quand il partit, elle fut inconsolable. Elle passa beaucoup de temps avec sa mère, à essayer de se consoler l'une l'autre, sans jamais réussir à tout à fait retrouver le sourire. Il n'y avait plus qu'elles dans la petite maison ; Douglas avait vingt ans, maintenant. Il vivait sa propre vie.
Dorothy, pendant ce temps, était rongée par la solitude. Elle s'était fait quelques amies, mais personne qui ait autant d'importance à ses yeux que celles de son enfance ; et si elle chérissait leurs lettres plus que tout au monde, elle ne les voyait plus assez pour ne pas se sentir seule. Mary voyait quelqu'un. Un joli marin. Jean pensait moins à ces choses-là : elle voulait travailler, construire quelque chose. Dorothy l'encouragea de loin, assise au bord de la mer, perdue entre vagues et marées.

L'amour la frappa de plein fouet un jour où elle lisait le journal en ville. Un jeune homme très poli, très joli et bien sûr lui l'aborda pour lui demander où se trouvait le bureau de poste ; et puisqu'elle était aussi peu douée pour donner des directions que pour se trouver des pretextes de parler à quelqu'un, elle accepta de l'y accompagner. Il réussit à la faire rire et, de fil en aiguille, ils se retrouvèrent à discuter plus longtemps que prévu. Quelques jours plus tard, ils se donnaient rendez-vous à un café ; le mois suivant, il l'invitait à danser. Au bout de six, elle ne comptait plus le nombre de fois où elle s'était laissée tomber dos contre son lit en soupirant, un oreiller contre le cœur, à sourire comme la pire des idiotes. Dorothy était timide. Elle n'osait pas lui avouer que son coeur battait plus fort quand il était là et bête comme elle l'était, elle finit par lui en vouloir de ne rien dire.
Un jour qu'il l'avait invitée à une terrasse, le cœur rempli à raz-bord d'inquiétude et d'impatience, elle prit mal une de ses remarques et partit en tapant du pied. Il ne la rattrapa pas. Les jours suivants furent horribles. Elle pleura beaucoup, s'insulta tout autant, se promit d'aller s'excuser et abandonna l'idée à chaque fois, persuadée que de toute façon ça ne servirait à rien puisqu'il ne l'aimait pas. Sa mère eut beau la pousser du lit, rien n'y fit. Elle voulait que lui fasse le premier pas, comme sont censé le faire les hommes dans toute bonne histoire d'amour, et s'y borna à en pleurer.
Heureusement pour elle, John finit par revenir la voir. A reculons, timide lui aussi, sûr de ne pas être assez bien pour la jeune femme, mais il le fit. Elle lui pleura dix rivières et au moins autant d'océans, accrochée à son cou, et quand il l'embrassa elle lui promit de ne plus jamais risquer de le perdre.
La promesse fut brisée plusieurs fois au cours des ans, évidemment — mais jamais au point d'en rompre.

John la demanda en mariage en 1949, pendant une averse. Le mariage eut lieu en fin d'année ; il en profita pour lui demander de venir habiter avec lui à Sydney. Elle s'y opposa un moment avant de capituler. Une ville ou une autre, quelle importance ? Ce n'était pas là qu'elle voulait vivre, mais pour John, elle accepta de remettre ses projets à plus tard. Son travail ne lui permettait pas d'aller où bon lui semblait. Sydney, c'était vraiment le meilleur endroit selon lui.
Quitter sa mère lui fit de la peine, mais elle fut rassurée de savoir que Jack avait proposé de la faire venir chez lui. Elle refusa — evidemment — mais la proposition restait valable ; et puis Ruby et Douglas ne vivaient pas très loin. Ils viendraient la voir souvent.
Elle pleura le jour de son départ mais ensuite, la curiosité et la découverte prirent le pas sur la peur de l'inconnu et la séparation. Elle arpenta Sydney de long en large, même dans ses robes lâches de femme enceinte, et décréta que pour une ville, cet endroit était tolérable. John avait acheté une jolie maison un peu à l'écart, dans un quartier chic, et elle se retrouva assise dehors à se dire qu'elle pouvait se voir fonder une famille ici.
Cooper vint au monde en 1950. Elle détesta l'accouchement de tout son corps, mais l'oublia aussitôt qu'elle eut son fils dans les bras ; entendre tout le monde lui dire à quel point il était beau et elle heureuse l'emplit d'une fierté indescriptible pour les dix ans à venir.
A cette periode, sa vie glissa doucement vers ce qu'elle aurait pu qualifier de presque perfection. Elle et John s'entendaient à merveille, toute sa famille se portait mieux que bien, Cooper grandissait si vite qu'elle s'en retrouva à presque avoir envie d'un autre enfant — et au milieu de tout ça, elle se sentait juste bien. Elle avait un mari aimant, une belle maison, un fils adorable, de l'argent. Pas de marais dans lequel le faire sauter, mais au moins il avait plein d'amis qui vivaient à deux pas de là ; avoir une poussette au bout des bras l'aida à lancer des conversations plus facilement, aussi. Elle se fit d'autres amis, sortit plus souvent. Six ans plus tard, quand elle accoucha d'une petite fille — Nathaly — elle se dit que ça ne pourrait jamais être mieux que ça. La mélancolie entâcha les premiers mois qui suivirent l'accouchement, mais John veilla à la garder sous l'oeil d'un médecin et s'assura qu'elle ne manquait de rien — surtout pas de contact. Et puis, comme tout, le blues passa. Avoir un bébé dans les bras et un fils de six ans dans les jambes força le couple à donner un peu plus d'eux-même dans un premier temps, mais ils réussirent vite à retrouver un équilibre qui fonctionne pour tout le monde. Douglas se maria peu après le baptême de Nathaly ; deux ans plus tard, lui et sa femme accueillaient une petite fille dans la famille. Voir ses neveux grandir (Paul avait quinze ans déjà ; le jour où il dut se baisser pour l'enlacer, elle ne s'en remit pas) lui fit prendre conscience que ses enfants aussi allaient grandir. Ce constat tragique la rendit plus nerveuse, de temps en temps, quand voir Cooper se prendre des pieds de table eut fini de l'inquiéter pour plutôt la faire rire. Le changement lui faisait un peu peur. Elle aimait avoir ses enfants près d'elle, à défaut du reste de sa famille, et plus d'une fois elle serra John un peu trop fort de crainte qu'il ne trouve quelqu'un d'autre qu'elle.
Ses enfants, sans surprise, finirent quand même par grandir. Cooper et Nathaly ne passaient guère de temps ensemble, vu la différence d'âge ; en dehors des quelques blagues obligatoires que l'aîné se sentit en devoir de faire à sa petite sœur, ils ne furent jamais très proches. N'ayant jamais été collée à la hanche de sa propre fratrie, Dorothy ne s'en inquiéta pas. Ils avaient tous les deux un sacré caractère et suffisamment d'amis pour ne jamais être seuls, sérieux dans leurs études et responsables dans la vie, juste assez immatures pour la laisser s'inquiéter sans jamais lui causer de vraie frayeur pour autant.
Cooper partit aussitôt qu'il eut dix-huit ans ; il voulait faire des études et prendre son indépendance. Elle faillit en pleurer, mais John la secoua suffisamment pour qu'elle réussisse à le laisser partir sans le faire culpabiliser. Les larmes vinrent ensuite. Nathaly en fut quitte pour une période d'affection presque étouffante, mais elle joua gentiment le jeu.
Cinq ans plus tard, après deux ans à fréquenter une jeune femme du nom de Siena, Cooper leur annonça qu'il comptait se marier. Elle et John leur donnèrent leur bénédiction. Elle aimait bien Siena.
En 1975, ce fut au tour de Nathaly de partir de la maison. Elle eut plus de mal à l'accepter, d'autant qu'elle ne comprenait rien aux études qu'elle envisageait ; la médecine, pour elle, ç'aurait aussi bien pu être du chinois (or le chinois aurait aussi bien être du japonais, qu'elle n'affectionnait toujours pas trop). Il y eut une dispute, une réconciliation, puis elle dut la laisser partir. John dut passer de nombreuses soirées à l'écouter se plaindre avant que la peine ne se tasse un peu. Devenir grand-mère l'année suivante n'arrangea rien à ses angoisses. Autant voir Cooper tenir un petit garçon dans ses bras l'avait émue aux larmes, autant se fixer dans la glace en se disant qu'elle aurait bientôt cinquante ans lui fit faire de nombreuses nuits blanches. Entendre John lui dire qu'il se fichait de ses cheveux gris la fit hurler plus d'une fois — et si ça finissait toujours par des rires et ses bras enroulés autour de sa taille, l'angoisse resta là, quelque part en bruit de fond, prête à ressurgir chaque fois qu'elle voyait une nouvelle ride sur son visage ou ses mains.
La mort de sa mère en 1977, faible et malade, puis de Louise d'un cancer l'année suivante finit de la replonger dans la mélancolie. Sa belle-sœur n'avait que six ans de plus qu'elle. Six ans. Ce n'était rien, six ans — elle ne voulait pas mourir si jeune, pas avoir le cancer, pas perdre ses frères et sœurs, ses enfants. Les bras de John eurent du mal à les réconforter, dans ces moments-là. Cooper et Nathaly firent de leur mieux pour aller la voir plus souvent, la faire sortir et lui changer les idées ; elle eut du mal à se remettre en selle, mais à force de temps et de gentilles attention, le moral lui revint. Kidnapper ses petits-enfants autant que possible l'aida à rester active et à éviter de passer ses nerfs sur son mari, dont elle craignait encore de finir par causer la colère. Chaque fois qu'il s'énervait contre elle, elle se recroquevillait, terrifiée comme au premier jour, à savoir que c'était toujours de sa faute s'il finissait par être poussé à bout comme ça. Mais chaque fois il revint la voir, bras enroulés autour de sa taille, et elle le serrait si fort qu'elle en avait mal aux coudes et aux épaules.
En 1982, Nathaly épousa son petit-ami — un certain Clive, avec qui son mari n'avait guère d'atome crochus mais qu'elle trouva drôle. Ils prévoyaient d'avoir des enfants. Ils étaient heureux.
Peu après le mariage, alors qu'elle était assise sur le canapé avec John, elle lui demanda s'il accepterait de partir avec elle plus au nord. Les criques et les champs, les grands espaces, la nature pas toujours très délicate et les pluies torrentielles lui manquaient ; ses enfants avaient grandis, maintenant. Ils n'avaient plus besoin d'elle. Et elle comprendrait qu'il ne veuille pas, bien sûr. C'était juste une idée comme ça.
Mais John rit ; soupira. Passa son bras autour de ses épaules et, dès la première question posée, elle se retrouva quasiment debout sur les coussins à lui expliquer à quel point c'était merveilleux, là-bas — à quel point ça lui ferait plaisir et à quel point elle lui serait redevable toute sa vie d'accepter, s'il voulait bien.
Elle l'avait suivi à Sydney. Ils y étaient restés trente ans.
Elle vit bien qu'il aurait préféré faire autrement. Mais pour elle, il accepta.

Elle ne revint pas sur sa décision. Le déménagement eut lieu courant 1983 ; Cooper et Siena les aidèrent à tout ranger. La maison fut vendue. Elle dit au-revoir au jardin, au voisinage. A ses enfants, ses deux petits-enfants. Ils achetèrent une petite maison en campagne, pas trop loin de là où elle avait vécu étant enfant. Jack et sa fille, Betty, les aidèrent à emménager.
Il ne lui fallut pas deux jours dans sa nouvelle maison pour mettre des bottes à son mari et le traîner dans la boue.
John eut plus de mal à s'adapter, mais il finit par s'y faire. Les insectes et les araignées continuaient de le faire hurler, mais au bout de quelques mois il avait cessé de s'inquiéter de sa vie. Aucun crocodile n'allait venir manger sur leur porche. Normalement. Sans doute.
Le bonheur fut malheureusement de courte durée, puisque Maxwell et Douglas moururent tous deux l'année suivante, à quelques mois d'écart seulement. Malaise cardiaque pour l'un, accident de travail pour l'autre ; la succession la laissa fragile et peinée. La mort de Douglas tout particulièrement fit l'effet d'une massue sur elle tant que sur Ruby et Jack ; ils n'avaient jamais imaginé les cadets mourir avant les plus vieux.
Mais ainsi va la vie. Elle n'y pouvait rien. A part épauler la veuve et les orphelins, il n'y avait rien qu'elle puisse faire pour arranger les choses. Alors elle soupira, inspira, et s'occupa pour oublier le temps qui passe. La naissance du premier fils de Nathaly en 1985 fut l'occasion de revenir à Sydney passer quelques temps chez ses enfants. Ça lui fit un bien fou. Elle n'eut pas l'occasion de se déplacer à chaque vacances, mais fit de son mieux pour revenir en ville à chaque naissance — et puisqu'il y en eut une autre en 1987 et une dernière en 1988, elle eut encore l'occasion de revenir plusieurs fois. Pour chaque carte de mariage qu'elle recevait, elle répondait par la positive ; les neveux, les nièces, leurs enfants — tout était prétexte à célébrer quelque chose.
Les années 90 furent difficile à encaisser. D'abord, ce fut la fille aînée de Maxwell qui perdit le contrôle de son véhicule ; elle avait seulement quarante-quatre ans. Ensuite, ce fut le mari de Ruby. L'année suivante, Ruby le suivit. Moins d'un an plus tard, ce fut Frances qui fit un malaise. Quelques temps plus tard, elle apprit que Norma — la femme de Douglas — avait fait une mauvaise chute. Elle était morte sur le coup.
Main serrée fort sur celle de John, debout à côté de Jack devant un cercueil, puis l'autre, puis l'autre, puis l'autre, elle sentit son cœur se serrer à lui en faire mal. Ils n'étaient pas jeunes, eux non plus. Et à force de voir tout le monde mourir autour d'elle, elle commença à se demander si elle atteindrait les quatre-vingt ans.
Personne ne semblait y arriver, ici.
Et puis, comme toujours après la tempête, le calme revint. Plutôt que de se déplacer sans arrêt, ce furent ses enfants qui commencèrent à venir en vacances chez eux ; l'aîné de Cooper avait déjà vingt ans. Sa cadette, seize. Chaque fois qu'ils venaient, ils lui apportaient des rires et quelques souvenirs ; ils appréciaient trop la ville pour vouloir rester très longtemps, mais les voir lui faisait toujours plaisir. Ils étaient adorables ; intelligents. Toujours le mot pour la faire rire et lui faire oublier les petits tracas de la vie.
Pour ce qui était de chasser les insectes et de sauter dans la boue, heureusement, elle pouvait compter sur les fils de Nathaly. Ashley n'aimait pas salir ses robes et ses petites ballerines, mais Tyler et Ryan n'hésitaient jamais à lui prendre les mains et à partir explorer la forêt avec elle. Ça devenait difficile, avec son dos et ses jambes, mais elle refusa toujours de laisser les rhumatismes et les douleurs gagner. Elle avait quelque chose à se prouver. Et puis l'exercice, c'était bon pour la santé — son docteur était même ravi qu'elle en fasse autant.
John avait de plus en plus tendance à rester lire à l'intérieur, peu importe à quel point elle essayait de le tirer dehors. Ça finit par l'inquiéter. Il fallut qu'elle se mette à pleurer pour qu'il accepte d'aller faire des marches avec elle le matin. Il n'avait jamais été du genre sportif ; elle n'aurait pas dû s'en faire autant. Mais l'âge les rattrapait et si elle n'avait plus que quelques années à passer avec lui, elle refusait de les laisser filer.
La routine lui convenait. Elle se fichait de ne pas faire de grands voyages, tant qu'elle l'avait lui. Mourir ne lui faisait plus si peur qu'avant ; c'était la solitude, qui l'effrayait. De le savoir parti loin d'elle. De se sentir coupable. Alors elle l'enlaçait, tête posée contre sa poitrine, et s'endormait au son de son cœur, heureuse à en pleurer qu'il soit encore là, avec elle, après toutes ces années.
Et soudain, tout ne paraissait plus si terrible ; parce qu'elle avait été heureuse. Parce qu'elle l'était encore. Parce que même si elle mourait aujourd'hui, alors elle n'aurait pas de regrets à emporter dans la tombe.

Une fois en paix avec elle-même, le temps sembla passer plus doucement. Entre ses enfants, ses petits-enfants, ses amis et son mari, elle sourit bien plus qu'elle ne pleura ; chaque fois que son corps l'empêcha de faire ce que bon lui semblait, elle trouva une parade. Tout était question de s'adapter. De voir le bon côté des choses.
Alors quand sa fille vint les voir et qu'elle les fit s'asseoir dehors, un soir où il faisait trop chaud, main serrée fort sur celle de Tyler, pour lui dire qu'il était très malade, que ça ne se soignait pas, c'est ce qu'elle fit. Elle eut envie de pleurer ; de se mettre en colère. Mais au lieu de ça, elle serra fort son petit-fils contre elle et le laissa pleurer.
Elle ne pouvait pas faire grand-chose contre sa maladie — elle n'était pas Dieu, malheureusement — mais elle fit de son mieux pour se tenir au courant et participer financièrement aux soins (et ce quoi qu'en dise Nathaly, qui jura ne pas en avoir besoin ; c'était symbolique, elle le savait très bien). Elle n'avait jamais vu Tyler être autre chose qu'heureux, alors oui, ça lui fit un choc de savoir qu'il allait sûrement mourir jeune — mais ce n'était pas à elle que ça faisait le plus de mal, alors elle ne pleura que sur l'épaule de John. Ils avaient bien assez à faire sans devoir la consoler elle.
Et puis elle fut arrière-grand-mère ; fixa toutes ses rides dans le miroir, se demanda ce que son mari faisait encore là. L'entendit se demander la même chose, gonfla les joues et le poussa en riant. Assista à l'enterrement de Jack, heureuse de savoir qu'il avait vécu si longtemps une si belle vie. Assista au mariage de Tyler ; d'Amelia. Eut la joie d'avoir trois arrières-petits enfants de plus avant de fêter les quatre-vingt-dix ans de John. Elle reçut beaucoup de lettres et le double de coups de fil, toujours pour donner des bonnes nouvelles. Quand elle revit ses enfants et leurs enfants (et leurs enfants !) pour ses propres quatre-vingt-dix ans, elle pleura presque de voir que tout le monde se portait bien. Tyler avait du mal à marcher, mais devoir s'appuyer sur sa femme ne l'empêcha pas d'aller courir après son aîné dans l'herbe et les cailloux — et même en fauteuil roulant, ça ne changea pas.
Elle aussi avait du mal à marcher. Pas à en avoir besoin d'un fauteuil, mais ça devenait difficile. Alors elle dû réduire les promenades ; et quand John en fut incapable, elle n'y alla plus non plus. Elle resta assise près de lui, sa main dans la sienne, et soupira de bien-être contre son épaule. Elle remercia Dieu de le lui avoir laissé si longtemps ; de lui avoir permis de vivre une si belle vie, d'avoir tellement aimé, et été aimée si fort en retour.
Et puis, en été 2020, John la quitta.
Il partit dans son sommeil, sans rien dire. Il avait toujours été discret ; ça ne la surprit pas. Elle pleura, bien sûr — elle pleura beaucoup — mais quand sa famille s'inquiéta de la savoir seule, elle leur promit que ça irait. Il ne l'avait pas abandonné ; il avait juste atteint la ligne d'arrivée un peu avant. Elle le rejoindrait le jour venu. Ça ne l'inquiétait plus depuis longtemps.
Les années suivantes, elle accueillit sa famille chaque fois qu'ils eurent envie de lui rendre visite. Tous les soirs, elle allait marcher un peu ; cueillait des fleurs, celles qu'elle trouvait les plus jolies, et allait les poser sur la tombe de John. Pour le remercier d'avoir été là. Pour lui dire qu'elle l'aimait. Pour ne pas qu'il se sente trop seul, là-haut.




Dorothy Taylor ▬ « She's habitually paradoxical, a parallel perpendicular » 190801021136716369
     
Dorothy Taylor ▬ « She's habitually paradoxical, a parallel perpendicular » 190801021137191111
« Requiescat in pace »
Pseudo : Non.
Âge : 200 ans.
Avatar : YO NEVER ;D
Comment avez-vous connu ce forum : Au bar gay du coin.
Autres : Je veux une chèvre.




Dorothy Taylor ▬ « She's habitually paradoxical, a parallel perpendicular » 4c12366c29653948521d2bc0439d49d7
« I was raised on country sunshine, I'm happy with the simple things ;
A Saturday night dance, a picture show and the joy that a bluebird brings.
I love you, please believe me, I won't want you to ever leave me -
But I was raised on country sunshine ;
There's just something 'bout the morning that make each day a joy to see.
The nighttime brings a peaceful feeling that rests inside of me. »

I don't wanna just be fine :

Dorothy Taylor
- D 00 062024 46 01 B -

Dorothy Taylor

En bref

Féminin
Pseudo : Nii'
Messages : 30

Dorothy Taylor
- D 00 062024 46 01 B -

Dorothy Taylor

En bref

Féminin
Pseudo : Nii'
Messages : 30

Dorothy Taylor
- D 00 062024 46 01 B -

Dorothy Taylor

En bref

Féminin
Pseudo : Nii'
Messages : 30

Dorothy Taylor
- D 00 062024 46 01 B -

Dorothy Taylor

En bref

Féminin
Pseudo : Nii'
Messages : 30

Dorothy Taylor
- D 00 062024 46 01 B -

Dorothy Taylor

En bref

Féminin
Pseudo : Nii'
Messages : 30

Dorothy Taylor
- D 00 062024 46 01 B -

Dorothy Taylor

En bref

Féminin
Pseudo : Nii'
Messages : 30



Dorothy Taylor ▬ « She's habitually paradoxical, a parallel perpendicular » 4c12366c29653948521d2bc0439d49d7
« I was raised on country sunshine, I'm happy with the simple things ;
A Saturday night dance, a picture show and the joy that a bluebird brings.
I love you, please believe me, I won't want you to ever leave me -
But I was raised on country sunshine ;
There's just something 'bout the morning that make each day a joy to see.
The nighttime brings a peaceful feeling that rests inside of me. »

I don't wanna just be fine :

Aether
- NO DATA -

Aether

En bref

Féminin
Pseudo : Nii'
Messages : 430


Félicitation
Vous êtes officiellement validée ♥

Je suis triste maintenant. Ma fragilité.

Tu peux dès à présent recenser ton absence d'avatar, ton absence de métier et demander une chambre pour t'en faire un petit nid douillet. Tu peux également poster une demande de RP ou créer ton sujet de liens. Ton numéro va t'être attribué sous peu et tu vas être intégrée à ton groupe dans l'instant. Tu es arrivé dans la pièce Ouest.

You'll come a-waltzing Matilda with me  Dorothy Taylor ▬ « She's habitually paradoxical, a parallel perpendicular » 1614271194

Contenu sponsorisé

En bref


Permission de ce forum:

Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum