Natalya se prit les pieds dans ses cheveux en voulant se redresser ; la douleur lui arracha un couinement sonore et lui courba à nouveau le dos. Repliée sur elle-même comme une tortue, elle massa son crâne en se désolant à voix basse.

Il n’y avait qu’à elle que ça arrivait, ce genre de mésaventure. Se retrouver enfermée dans une pièce blanche, sans aucun mobilier ni aucun souvenir de la veille – ou de l’avant-veille, sa mémoire jouait aux petits chevaux et elle n’avait aucune idée de la couleur de son pion. Quoiqu’il en soit, ça n’arrivait pas aux gens normaux, ces trucs-là. Les gens normaux ne se faisaient pas droguer ou kidnapper à un coin de rue, tout ça parce que… Parce que quoi ?

Prudemment, elle releva la tête.

Elle en avait vécu des choses, dans sa vie, mais rien d’aussi bizarre. Elle ne savait pas où elle était, ne savait pas si elle était en pleine possession de ses moyens ou non, ne savait pas si elle hallucinait ou si c’était la vérité vraie. La jeune femme tapa du poing contre le sol, qui lui renvoya une douleur et un son caractéristiques de la vraie vie. Ok, ok, c’est du dur. Avec un soupir, elle se posa élégamment sur les fesses et souffla quelque mèches de son visage. Aloooors, quelle était l’hypothèse la plus probable : un enlèvement par un taré fétichiste du blanc, qu’elle ait décidé d’aller descendre une bouteille de vodka seule pour on ne sait quelle raison, une détention aussi soudaine qu’inexpliquée dans un asile, une expérience bizarre du gouvernement russe… Natalya garda ses quatre doigts levés, perplexe. Y’avait pas grand-chose de crédible, là-dedans. On se serait cru dans une série TV. Si la vie lui avait appris quelque chose, c’était que la télévision mentait, tout le temps et sur tout. Ne pas faire confiance aux spots publicitaires.

Elle sentit une paranoïa grandissante lui geler les veines, même les plus petites. C’était pas crédible,  d’accord, mais si on se servait quand même d’elle pour un test ? Nooon, elle était trop vieille pour ça, elle avait pas le temps de se faire couvrir d’électrodes ou d’autres machins et de se faire injecter des produits dans le corps.
D’un autre côté, elle était la cible parfaite. Une petite vieille que personne ne regretterait, sans amis et –

Et uh ?

Natalya cligna des yeux, tourna et retourna la main qu’elle avait sous les yeux. Pas de rides. Pas de taches. Pas la même qu’hier. Fascinée, elle ne put en décoller les yeux.