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Dennis Messac
- B 12 092089 14 10 D -

Dennis Messac

En bref

Messages : 4

Messac Dennis Empty Messac Dennis

Lun 20 Mar 2017, 19:52



As you rise from your burning fiat,
Go, go get my suitcase, would you?
You've thoroughly blown their minds.
You're not invisible, now.
You just don't exist.
Your mother must be so proud.
You sublimate yourself,
granting us a wish.
Nom : Messac
Prénom : Dennis
Surnom : Kathie
Sexe : Masculin
Âge effectif : 95 balais.
Âge apparent : 22 piges.
Date de naissance : 28/11/1994.
Date de mort : 13/09/2089.
Orientation sexuelle : Sud sud-est.
Groupe : Commotus
Nationalité : française
Langues parlées : Il sait déjà pas bien parler français, alors on va pas trop lui en demander.
Ancien métier : Retraité. Retraité de son super poste de caissier dans une super-supérette. Il l'a même gérée, si c'est pas classe, ça.
Métier actuel : [...]
Casier Judiciaire


▬ Crimes commis :
▬ Circonstances du décès :
▬ Péché capital principal :
▬ Péché capital secondaire :
▬ Rapport à l'alcool :
▬ Rapport aux drogues :
▬ Addictions :
▬ Mauvaises attitudes récurrentes :
▬ A été victime :


Physique


Dennis ne reconnaissait pas le visage qui se reflétait dans le miroir. S’il devait en juger au pli perplexe de la bouche que le jeune homme lui renvoyait, le sentiment était réciproque. Il passa distraitement la main dans ses cheveux, presque étonné de les trouver là. Il les plaqua en arrière d’un réflexe revenu d’entre les morts -le choix douteux de la métaphore lui arracha une grimace. Les années, les sourires et les battements de cœur avaient strié de gris son épaisse chevelure, jadis déjà plus filasse que blonde. Les mois, les soucis et les soupirs avaient clairsemé son crâne. Révélé les taches de vieillesse qui le couvrait -lui, ses mains, ses bras, ses joues qui retombaient mollement.
Il avait côtoyé ce vieillard sans se préoccuper des rides qui parcheminaient sa peau ; l’arthrite, les articulations douloureuses, les muscles roides, le souffle court avaient été ses véritables et plus vicieux ennemis. Sa jeunesse retrouvée ne les avait pas convaincus de rendre les armes. Une prudence maladive hantait encore chacun des mouvements maladroits de Dennis. Pourtant, il pouvait sentir ses poumons se remplir d’air quand il courait, ses jambes se détendre à grandes foulées rapides. Gamin, il avait été sportif.
De toute évidence, il l’était à nouveau.
Cet aspect de la situation était peut-être le seul qui ne lui échappât pas entièrement.
Les courses folles avec les flics avaient fait de lui un sacré sprinter tant qu’un excellent coureur de fond, fin et vif. Ses bras l’avaient hissé sans mal au-dessus de murs et de clôtures qu’il n’atteignait que du bout des doigts, raffermis par les coups droits et les revers qu’il distribuait à la moindre occasion à l’époque. Il renifla, conscient que le monde entier se serait gaussé en l’entendant se qualifier d’athlète. Les circonstances lui avaient forcé la main ; un trentenaire à la bedaine cachée sous une chemise trop ample, voilà ce qu’il était devenu à la seconde où les choses s’étaient tassées.
Mais Dennis n’avait pas plus trente que quatre-vingt-quinze ans. Il tourna la tête de gauche à droite, examinant les traits fins dans la glace. A la louche, il ne devait pas avoir plus de vingt-trois ou vingt-quatre ans. Des cernes aux mauves accusateurs cerclaient ses yeux –« un peu plus sombre à chaque aube  parme que nous voyons le soleil peindre et qui viennent se réfugier sous nos pupilles saoules d’étoiles ». Dennis sourit. Ils étaient légers. Pas de nuits sans sommeil ici, malgré les questions qui lui tournaient dans la tête. Sa mémoire n’était ni meilleure ni pire. Il lui arrivait seulement de se souvenir, de loin en loin, d’un mot ou d’une phrase arrachés à un passé lointain et brumeux.
Non, ce n’était pas ce qu’il avait dans la tête qui avait changé ; c’était sa tête tout court. Le nez un peu trop long, les lèvres pleines, les dents un peu plus blanches, les rides d’expression qui s’étaient volatilisées. Les doigts aux ongles rongés, la peau bronzée de battre le trottoir. Il considéra avec regret que ses épaules étaient toujours tombantes -et avec son amertume coutumière qu’il n’avait pas grandi non plus. Il ne volait pas deux centimètres à sa femme et son mètre soixante-dix quand il l’avait épousée. La garce avait pris un malin plaisir à enfiler une paire de talons pour déambuler chez eux. S’il n’en avait pas eu une centaine d’autres bien meilleures, cet affront aurait constitué une raison suffisante pour un divorce.
Dennis tira le bas de son pull. Il se retourna -il n’était peut-être pas moche, mais loin d’avoir d’aussi bonnes raisons que Narcisse de rester planté devant son miroir.
Il ne se ravisa que pour jeter un dernier regard au fantôme dans la glace ; le fantôme aux pommettes hautes, aux sourcils fins et au regard clair, aux yeux d’un bleu qu’il aurait trouvé terne, dans une autre vie -des yeux qui pouvaient rire et pleurer des détails obscurcis par un voile de cataracte. C’était un fantôme qu’il avait oublié -comme tant d’autres.


Caractère


-Tu sais quoi, maman ? Y a des jours où je comprends vraiment, mais vraiment, pourquoi t’as divorcé.
-Qu’est-ce qu’il a encore fait ?
Sophie croisa les bras tandis que sa mère secouait imperceptiblement la tête. Impossible de la surprendre : elle connaissait le sombre individu mieux que personne. Elle jeta un coup d’œil au septuagénaire tranquillement installé dans son fauteuil, l’air de ne pas y toucher. Son ex-mari pouvait être une vraie plaie, quand il s’y mettait.
Et il s’y mettait souvent.
-Il a dit à Léa que ses cookies étaient tellement mauvais que le père Noël allait s’intoxiquer, commença-t-elle, visiblement remontée. Et que si elle arrivait à le tuer, elle pourrait piquer tous les cadeaux dans sa hotte et jouer avec en enfer.
Un sourire monta à ses lèvres en dépit des sourcils froncés de sa fille. Du Dennis tout craché.
-C’est si grave ?
-Ca ne le serait pas si ta petite-fille n’avait pas décidé que c’était une idée du tonnerre et qu’elle voulait bien aller brûler en enfer avec lui. Maman, elle m’a fait goûter ces fichus gâteaux pour voir s’ils étaient assez « toxiques » pour assommer le père Noël. Papa est trop…
-On ne le changera pas, déclara-t-elle du même ton qu’elle aurait pu utiliser pour décrire la rotation de la terre autour du soleil. Il a toujours été un peu…
-Quoi, il s’amuse à former des psychopathes depuis tout gosse ?
Elle suivit Sophie du regard quand elle sortit en trombes de la véranda. Ils avaient fait du bon boulot ; Sophie tenait d’elle son caractère volcanique, et ne partageait de toute évidence pas l’humour corrosif de son père. Dennis avait toujours été comme ça. Si ses blagues ne faisaient pas rire que lui, elles avaient une fichue tendance à dévaler à toutes jambes la pente savonneuse des très mauvaises idées. Elle en avait fait les frais, quand il avait fait des pieds et des mains pour organiser une rave party dans la maison de vacances de leur mégère de voisine. Quand il avait souri quand elle était partie vers les Pyrénées, imaginant la déconfiture sur sa tête de fouine lorsqu’elle contemplerait le saccage. Au lycée, ç’avait été la même histoire. Et son esprit avait délibérément occulté les bassesses auxquelles il s’était livré quand elle s’était remariée -quoiqu’en certaines occasions, elle eût dû se mordre les joues pour ne pas éclater de rire, David se dépêtrant vaille que vaille de la situation et vouant aux gémonies cet espèce d’abruti.
Dennis ne réfléchissait jamais beaucoup avant de dire ou faire ce qui lui passait par la tête ; on ne pouvait lui nier une certaine créativité. Le reste du monde, elle incluse, aurait juste aimé qu’il ne la conjugue pas avec une pugnacité à toute épreuve. On ne pouvait pas non plus dire qu’il ne réfléchissait pas après coup -ç’aurait été si simple. Son total échec scolaire dénotait certes d’un manque de motivation autant que d’une absence cruelle d’affinité avec la moindre matière étudiée, mais pas d’un manque d’ingéniosité. Il réfléchissait à la meilleure manière de développer ses conneries, et ça, c’était le pire.
Sophie disait comprendre ; papa et sa méchanceté gratuite, papa et ses refus obstinés, papa qui n’écoutait jamais rien, papa et son esprit de contradiction. Mais elle avait pleuré, quand elle était gosse. Pleuré parce qu’elle avait eu peur que papa ne vienne plus remettre à leur place les autres enfants qui l’embêtaient, pleuré parce que papa ne jouerait plus au frisbee avec des assiettes en carton dans le salon, parce que papa ne serait plus là pour faire la voix de monsieur T-Rex le soir avant de dormir, et que maman rendait sa peluche complètement ridicule quand elle parlait.
Dennis avait ses bons côtés, ses bons moments. Comme tout le monde. Les années avaient aplani certaines aspérités de son caractère ; il ne jouait plus des poings, ses colères étaient moins monumentales. Il cherchait plus de solitude.
Mais ça, susurra une sale voix fatiguée à l’arrière de son crâne, ça ne date pas d’hier. La prison avait eu un effet désastreux à ce niveau. Elle ne lui comptait pas d’ami proche, ni même un cercle étendu de connaissances. Elle devinait le tiraillement derrière ses airs bravaches. Il voulait être admiré, mais il ne faisait plus confiance.
L’adoration et l’amour inconditionnel dans les yeux de Léa palliait ça, au moins un peu. Elle sourit à sa petite-fille qui lui répondit d’un geste de la main depuis la cuisine, pas monstrueuse pour un sou.

-C’est une mauvaise influence.
-C’est un bon ami.
-Mais c’est…
-Chérie, tu veux qu’il se retrouve encore tout seul ?
A la mine défaite de sa femme, il sut qu’il avait remporté la bataille. Aucun d’eux n’aimait voir leur fils unique errer seul dans la cour de l’école. Leur doux chérubin n’était pas du genre à ramener beaucoup d’amis à la maison. Ni à s’en faire facilement, d’ailleurs. Laurent partageait l’avis de sa femme sur le fond : il ne fallait pas qu’il fréquente n’importe qui sous prétexte qu’il ne fréquentait pas grand-monde. Néanmoins, ce garçon ne lui avait pas laissé une si mauvaise impression. Que sa rencontre avec son fils corresponde étrangement avec les vols de vélos, les odeurs de cannabis et de cigarette, les virées nocturnes intempestives et autres désagréments était un peu gros pour une coïncidence, certes. Mais il ne lui en tenait pas vraiment rigueur.
-C’est de sa faute, s’il a fugué !
-La première fois, ou la deuxième ? Parce que si c’est la deuxième, il a dix-huit ans, et il est assez grand pour faire ses propres choix. Ce garçon ne l’a pas forcé.
-Qu’est-ce que tu en sais ?
-Tu as déjà vu quelqu'un le forcer à quoi que ce soit ?
Ce qui était vrai sans l’être ; Dennis Messac était le genre de gosse à l’insolence assumée qui aimait défier toute forme d’autorité qui se dressait sur son chemin. Pire que ça, sans doute : il coupait à travers champ pour lui foncer dessus et la défoncer à coups de tête. Il cherchait les ennuis plus qu’il ne les attirait. Il osait faire les choses. Il voulait qu’on le remarque. Il n’était d’aucun combat et sur aucun front, si ce n’était celui de ses petites croisades personnelles et vendettas à la gloire de sa fierté malmenée.
Le type de personne que son fils regardait des étoiles plein les yeux -exactement ce que ce sale garnement cherchait.
-Tu as vu comment tout le monde le suit ? C’est… C’est du gibier de potence, voilà ce que c’est ! Il a fait de la prison !
-Et notre fils aussi, aurait dû en faire. Sauf qu’il ne l’a pas dénoncé.
Qu’il clame que c’était de la fierté tant que ça lui chantait, on n’apprenait pas au vieux singe à faire la grimace. Un ami loyal. Un ami qui cassait des gueules parce qu’on vous avait marché sur les pieds, qui prenait votre défense même s’il n’était pas d’accord. Qui se mettait en danger à la seconde où vous faisiez un pas dans la mauvaise direction. Un grand fouteur de merde, d’accord ; mais leur fils mettait déjà le monde sens-dessus-dessous tout seul.


Histoire




Sa main n’a pas lâché mon bras et elle a écrasé ses lèvres sur les miennes. Il y avait quelque chose au fond de ses yeux qui me donnait envie d’y croire. Elle ne m’avait jamais rien pardonné, pas même ce que je n’avais pas fait -mais elle ne m’avait jamais laissé partir non plus. C’est la photo qu’ils ont retenu pour le journal. Mais moi, je n’ai retenu que sa main sur mon bras, ses lèvres sur les miennes, et ma voix qui refusait de promettre quoi que ce soit quand ses yeux crachaient des serments.
« T’es vraiment trop con ».
Je l’avais entendue par-dessus le bourdonnement dans mes oreilles. J’étais vraiment trop con -mais sur le coup, j’étais vraiment amoureux d’elle.

Les bandes blanches défilaient sous la gomme à une vitesse hallucinante ; sur les siège arrière, le sourire de Dennis détonnait avec la couleur verdâtre de son visage. Il commença sérieusement à tomber aux commissures quand la voiture passa en volée un feu qu’il aurait qualifié d’orange foncé.
Dennis Messac n’avait peur de rien : il se le répétait à l’envi, entre deux prières, tandis que les rues s’enchaînaient sans discontinuer. Sa mère n’était pas aussi terre-à-terre que pied-au-plancher. Surtout quand elle était au volant. Surtout quand il était dix-sept heures, et surtout quand elle était énervée.
-Maman, on va se faire arrêter.
-Ça t’arrangerait bien, hein ? La seule chose qu’on va arrêter, c’est toi. Pour te jeter en maison de correction et te faire regretter la prison.
-Comment je pourrais regretter alors que j’y ai jamais été.
-Tu iras, un jour, balança-t-elle en jetant un œil réprobateur à son fils indigne dans le rétroviseur. Et puisque ça t’amuse tellement d’essayer d’atomiser l’école, j’imagine que c’est comme ça que tu la vois ?
Dennis croisa les bras, le regard rivé au siège devant lui. Il n’avait jamais atomisé ce bahut en carton, fallait pas non plus exagéré. Au mieux, il avait cassé deux ou trois trucs.
-Un nouvel élève, bon sang de merde, Dennis ! Qu’est-ce que tu crois que j’ai pensé en entendant le principal, hein ?
De toute évidence, que le nez d’un pauvre type fraîchement débarqué d’Orléans en fasse partie n’était pas au goût de tout le monde. Qu’à cela ne tienne. Ce connard l’avait cherché.
-Que je suis un gosse horrible et que t’aurais dû penser à prendre une capote ?
-Dennis, merde !
Une brève consultation du compteur lui fit lever le pied. Le gosse poussa un soupir de soulagement, aussi discret que la bile qui lui montait aux lèvres le lui permit. Quand la twingo s’immobilisa enfin sur le parking du collège, il jura de se convertir et de se faire moine -quand on connaissait ses chances de survivre à la scène qui allait suivre et au voyage du retour, les statistiques penchaient du côté de la brusque descente en Enfer d’un athée mal léché couvert de vomi.
-On peut savoir pourquoi t’as fait ça, au moins ? Et dire qu’on t’élève, qu’on paie pour que t’aies une éducation, et que toi, tu t’en fous, sous prétexte que…
-Il m’a cherché, maman, se justifia-t-il avec un aplomb aussi désarmant que l’explication était approximative.
Il ne l’écoutait que d’une oreille. De l’autre, il tentait de capter le moindre écho s’échappant du bureau du principal. Attendre devant la porte, le cul sur une chaise inconfortable, il aurait plus manqué que ça. L’idée que d’autres parents puissent faire la queue et entamer quelque discussion humiliante au sujet de leur ingrate progéniture suffisait à lui recoller une nausée de tous les dieux. Merde, peut-être que Valentin et Baptiste avaient été convoqués aussi. Il aurait ri, tiens : pour une fois qu’ils n’avaient rien fait. Quand on en punissait un, on punissait généralement les deux autres -et quand on punissait quelqu’un, c’était souvent l’un d’eux. Pas un coup dans lequel ils n’aient pas trempé, c’était l’intime conviction du corps professoral. Qu’ils aient eu tort ou non, ce n’était pas la question. Dennis invoquait à tours de bras la persécution systématique dont ils étaient victimes.
Il déglutit et se composa un air détaché tandis que sa mère frappait deux coups nerveux à la porte. Cette fois, ça allait pas fonctionner. La moitié de la classe l’avait vu fracasser cet idiot d’asperge à la con, avec ses yeux globuleux et son sourire de débile. Quitte à se prendre le sermon du siècle, autant l’assumer jusqu’au bout. Dennis ne perdait jamais la face, qu’on se le dise.
-Monieur Froecker ?
-Laurène, déclara le principal depuis son bureau, l’air las derrière ses lunettes sévères.
La grande femme qui se tenait plus droite qu’un I sur la chaise de droite tiqua à la familiarité absolument-pas-d’usage dont le vieil homme fit preuve à l’égard de Laurène. Dennis la dévisagea, un rictus pétri de morgue accroché jusqu’aux oreilles. Le nouveau était là aussi, recroquevillé, un bandage sanguinolent sur le nez et du coton plein les narines. Son regard croisa celui du blondinet un court instant, avant de revenir se concentrer sur le serre-livres d’une laideur exceptionnelle qui les narguait depuis la bibliothèque. Chacun son truc. Lui, il préférait fixer sa bourgeoise de mère avec sa bouche carmin en cul de poule.
C’était son ticket gagnant. Ça, et la façon dont elle jugeait tout ce qui avait l’honneur de se trouver en Son Auguste Présence -sans un mot, juste un froncement de sourcil, un pli trop poli dans le sourire. Ses cheveux permanentés offraient trop de contraste avec la queue-de-cheval faite à la diable de la mère de Dennis ; Laurène l’aurait déjà jaugée d’un drôle d’air sans ses escarpins, mais les effluves de Dior, c’était trop pour elle.
S’il y avait une chose qu’elle abhorrait plus que les conneries de son handicapé social de fils -il le savait, en toute humilité- c’était bien les parents d’élèves embourgeoisés.
-Je suppose que vous savez pourquoi nous sommes ici ?
Dennis resta planté près de la porte, les bras croisés. Puisqu’on ne lui demandait pas son avis et que sa version des faits allait compter autant que le Turkménistan, il préférait encore se taire.
-Il y a eu une… Eh bien, un petit désaccord entre ces deux jeunes hommes ce midi. Je pense qu’il va falloir éclaircir la situation.
-Eclaircir ? Mon fils vient d’arriver ici il n’y a pas deux semaines, et déjà, nous rencontrons ce genre de problèmes.
La bourgeoise partit du tac-au-tac avant de reprendre du ton mesuré des concessions qu’on arrache à la pioche :
-Je sais qu’il a parfois des… Soucis pour s’intégrer, mais enfin, ça se limite à lire un livre dans la cour, pas à revenir en sang à la maison !
-Je crois que nous savons tous très bien ce qui s’est passé.
Dennis put presque entendre le « encore » accusateur qui brûlait la gorge du principal.
-Laurène ?
Elle gardait jalousement le silence, prête à bondir à la moindre occasion. Pas sûr qu’elle en ait ; Dennis savait qu’ils avaient raison. Et elle aussi.
-Je crains de devoir prendre les mesures qui s’imposent. Nous avons laissé sa chance plus d’une fois à Dennis, sans amélioration de son comportement. Ses camarades se plaignent, et…
-Alors ça, ça m’étonnerait, rit le gamin, maintenant adossé au mur.
Il en aurait su quelque chose. Il y aurait eu des morts.
-Les professeurs se plaignent. Une chaise cassée, des bavardages, de l’insolence, c’est une chose. Mais frapper à ce point un autre élève, et qui plus est au sein de l’école…
-Et qu’est-ce qui vous dit qu’il ne l’a pas cherché, hein ?
-Cherché comment ?
Laurène tua son marmot du regard. Au temps pour lui. S’il avait pensé qu’elle leur servirait ses excuses un jour, il en aurait préparé de meilleures.
-Je pense que l’exclusion…
-Vous allez me virer ?
Une boule ardente lui serrait les tripes. C’était une institution publique ; ils avaient pas le droit de faire ça, encore moins pour faire plaisir à un niais trop faible pour rendre le plus petit coup qu’il…
-Monsieur…
-J’ai rien fait ! Merde, clama-t-il en écrasant sa paume sur le bureau bien rangé. C’est lui, qui est con, avec sa… Sa tête !
-Monsieur, je…
S’il n’arrangeait pas son cas, il tenait à se faire entendre. La grande dame restait bouche bée ; sa mère et le vieil homme tiraient un autre genre de tête, à mi-chemin entre le désenchantement total et l’espoir d’une soudaine crise d’aphasie.
-Il m’a…
-J’en avais marre qu’il insulte Maupassant juste parce qu’il comprenait pas la moitié des mots qu’il utilisait, alors je l’ai frappé, et il s’est défendu.
Trois paires d’yeux ahuris se tournèrent vers le gamin aux cheveux noirs, en pagaille sur son front. Pour une fois, Messac n’avait rien à dire. Les mots ? Disparus, désertés. Même ses plus fidèles alliés, qui avaient élu domicile au fond de son crâne depuis si longtemps, jouaient les filles de l’air. Pas un « putain » pour sauver le jeu. Pas un « merde » pour retrouver un semblant de contenance. Juste un air ahuri et complètement attardé.
-Il ne sait même pas qui est Maupassant.
-Si, il sait.
-Je sais, renchérit Dennis, faute de mieux.
-Hadriel, mon chéri, tu ne pourrais même pas frap…
-Je suis très fort. Il fallait bien qu’il se défende. Je suis comme Hercule. Et vous, monsieur, vous êtes un peu comme… Comme Ephaistos. Vous savez, le bouc qui…
-Je connais.
-Ah ?
Le gamin parut franchement étonné -Dennis avait quant à lui abandonné tout espoir de suivre la conversation. Il aurait eu du mal en français, alors s’ils commençaient à lui parler latin…
Il lui fallut une seconde pour comprendre que les regards n’étaient plus braqués sur lui. Et dix bonnes autres pour comprendre qu’on avait littéralement oublié toute suggestion de renvoi express.

Faute de crédibilité, l’idiot du village avait su faire preuve de constance dans ce qui tournait à l’idée fixe ; un secret de polichinelle qui fit rapidement le tour de l’école. Dennis avait froncé les sourcils en arrivant ce matin-là -Val lui avait pratiquement sauté dessus, extatique :
-Putain, mec, mec ! C’est vrai que t’as failli être viré ?
Le temps de lâcher un « ouais » laconique, une petite troupe réservée s’était amassée autour d’eux. Pas fous, ils continuaient de parler ; moins fort, juste assez pour se donner l’air désintéressé. Convenable. Hors de danger quoi, résuma le gamin.
-Mais je l’ai calmé direct, le mec. Il a cru qu’il pouvait me virer ? Eh bah voilà, rien que pour le faire chier, je reste. Comme si fallait me forcer pour que je veuille me barrer de ce trou à rats de merde à la con…
Un « à la con » désinvolte ajoutait une touche personnelle pleine de panache à ses déclarations publiques. Tout en se dirigeant vers les casiers, il sonda la foule à la recherche d’une tête qui aurait émergé à dix bons centimètres au-dessus de la masse. Rien. Valentin était déterminé à faire circuler la version la plus détaillée des faits ; pas de chance, Dennis n’était pas certain de vouloir la lui donner.
Il fallait trouver Hadriel d’abord.
-Où est le nouveau ?
-Justement, répondit le rouquin avec un grand sourire, on l’a…
-Non mais t’es vraiment pas possible, espèce de…
Savoir où était passé Hadriel devint en un instant le dernier de ses soucis. On aurait pu le taxer d’un manque total de gratitude mais, à sa décharge, quand Catherine Seja vous fonçait dessus d’un pas martial, vous tendiez à penser à votre peau avant celle des autres. Dennis n’avait pas peur d’elle -une tige avec une grosse tête et des bras pas plus gros que des allumettes. Lui-même n’était pas bien grand, mais il cognait pour faire mal. Même à une fille. Non, le Problème rattrapa Catherine en trottinant, lui saisit le bras, et darda sur les deux garçons un regard plus que contrarié.
-Coline ?
Valentin lui donna un léger coup de coude dans les côtes -ce qui, en d’autres circonstances, lui aurait valu un coup un brin plus violent. Pas là. Il échangea sa grimace confondue contre le sourire qui était devenu sa marque de fabrique autant qu’un signe mauvais augure.
-Vous êtes pas cools avec le nouveau…
-Hein ?
-Il t’aide, et toi tu…
-Je quoi ?
Il se tourna vers Valentin, le teint crayeux d’un tableau noir.
Et il devina -plus ou moins, mais il devina.
-Où ?
-Je pensais qu’il t’avait balancé, on…
-Mec.
-Salle de sciences !
Dennis leva les yeux au ciel et bifurqua à gauche -A201, A202… Il savait que derrière lui, Val devait se mordre la lèvre, une envie furieuse de casser quelque chose lui rongeant les phalanges. Catherine devait être là, à exister -à peu près la seule chose qu’elle réussissait dans la vie. Et Coline devait le regarder partir pendant que tout le monde regardait Coline. De grands yeux qui tiraient sur le vert, des boucles folles, la peau bronzée. Pas étonnant. A la place du soleil, lui aussi se serait attardé sur Coline. Elle était comme ça. Juste belle. Elle-
-Bordel de merde, mais lâche-le ! Putain Baptiste, tu lui as versé quoi dessus ? Ça schlingue !

-T’es venu avec deux vélos ?
-Non.
-Alors il est pas à toi ?
-Si.
Hadriel fronça les sourcils, incapable de lâcher des yeux le vélo qui, de toute évidence, allait la jouer à la Stephen King et lui rouler dessus à tout moment.
-David me l’a donné.
-Il te l’a donné ?
-C’était une marque de respect. Spontanée, se sentit-il obligé d’ajouter.
Le genre d’âneries dont ils entendraient parler, encore et encore, bien des années plus tard.
Dennis regrettait déjà d’être intervenu : ses questions à répétition commençaient à lui taper sur le système -merde, à y jouer des putains de claquettes. Il enfourcha le sien. L’autre ne réagit pas, pétrifié par un doute malvenu : s’il lui disait que le vélo était à lui, il l’était, point barre.
-Si tu préfères rester là et rentrer chez toi comme ça, je m’en fous.
-On peut pas sécher les cours.
-Ils diront rien.
-Bien sûr que si, ils diront !
-Valentin a fait un mot.
-Mais ça marche pas, ce genre de truc, c’est trop… Trop facile !
Une grande inspiration. Ne pas s’énerver pour de bon. Ne pas lui recasser le pif.
-Pour quelqu’un qui a traité le principal de chèvre hier, je te trouve vraiment…
-Il nous virerait.
-Oh. Il me virerait moi. Toi, il te punirait pour la forme.
-Mes parents…
-Tu leur diras que c’est ma faute.
Le gamin tendit une main hésitante vers le vélo. Allez. On est sur la bonne voie, jura Dennis.
-Ou alors, conclut-il, tu rentres avec l’odeur d’une boule puante.
Achevé. Echec et mat.
Ils traversèrent la ville en silence -à cette heure, les rues n’étaient pas aussi fréquentées que dans la soirée. Les gens étaient au boulot ; eux, ils séchaient allégrement. Ils larguèrent les vélos dans la cour, devant le garage.
-Je leur ai dit de te foutre la paix, fit le blond en ouvrant la porte.
-Valentin avait pas l’air très… Il m’a regardé d’un de ces airs.
-Il fera rien si je lui dis.
-T’es sûr ?
Ils balancèrent leurs chaussures boueuses dans l’entrée, et débouchèrent dans le petit salon. La maison n’était pas grande, deux trois trucs traînaient sur le sol. Deux mugs abandonnés sur la table. Des papiers épars. Pour le reste, ça allait.
-C’est l’Atlas des fringues, ta chaise.
-Hein ?
Hadriel désigna du menton les vêtements empilés sur une chaise Ikea condamnée à porter tous les poids du monde sur ses quatre pieds ridicules. Dennis haussa les épaules. La chaise, c’était la chaise ; personne s’asseyait dessus, de toute façon.
-Tu vas pouvoir prendre une douche, comme ça. Je sais pas quoi faire pour tes fringues, par contre.
L’asperge retint visiblement le commentaire qui lui brûlait la langue : il était beaucoup plus grand que son camarade.
-On peut faire une machine.
-Tu sais en faire ?
-Ben…

-Merde.
Delahaye frôlait la crise d’apoplexie et, si la lessive avait rendu quelque chose plus blanc que blanc, c’était le visage de Dennis.
-Dennis, t’es à la maison ? Je suis rentré, j’ai vu les vélos dans l’entrée. Valentin est là ?
La voix venait de l’entrée.
-Oh, merde.
-C’est ton père ? Tu m’as dit que tu vivais avec ta…
-Pire. Planque-toi.
-Hein ?
-Planque-t…
Il aurait suffi de se jeter au sol pour disparaître dans la mousse qui leur montait jusqu’aux genoux. Dennis déglutit et ferma les yeux une brève seconde, espérant qu’Hadriel aurait la présence d’esprit de se défenestrer ; pas que ça aurait séché le sol, mais un enfant mort dans le jardin aurait détourné l’attention de Marc suffisamment longtemps pour s’acheter un billet d’avion vers la Polynésie.
Quand il les rouvrit, son beau-père se tenait sur le seuil de la salle de bain, les sourcils arqués, la lippe pendante. Il fit rapidement l’addition ; Hadriel commença à s’excuser à profusion.
Dennis aurait pu l’accuser de tout qu’il n’aurait pas démenti. Mais après le coup de la veille, ça lui serait resté en travers de la gorge. Et puis, c’était Marc.
Et le gosse ne comptait pas rater une occasion de rendre la monnaie de sa pièce à ce connard godiche.
-J’ai noyé la pièce. Maman va hurler. Je suis une personne horrible, bla, bla, bla. Maintenant, on peut passer direct au moment où tu me dis de sortir et d’aller chercher la serpillière pendant que tu vas préparer le cordon du téléphone pour me pendre ?
Hadriel se fit violence pour garder la tête baissée.
Il n’y arriva qu’à moitié -et un sourire admiratif courut sur ses lèvres. Il n’en fallait pas plus à Dennis pour avoir du cœur au ventre.
Hadriel aurait dit, souvent, qu’il ne lui en fallait pas beaucoup pour avoir du cœur tout court.
-Le téléphone n’a même pas de fil, Dennis. On va essuyer ça, et essayer de trouver une excuse quelconque pour ta mère.
-Un dégât des eaux ?
Marc se pinça l’arête du nez.
-Hadriel, j’imagine ? Ecoutez, je ne veux même pas savoir ce qui s’est passé -à moins que vous puissiez parler en épongeant. Après vos exploits à l’école, Laurène renverserait autant de lessive dans votre plat que vous ici. Et elle punirait vos cadavres pour finir.
Hadriel roula des yeux, visiblement choqué ; pas Dennis. Si sa mère en larguait un peu dans la soupe à la carotte de Marc en même temps, ça lui allait très bien.
-Elle peut pas me punir, je…
-Crois-moi, l’interrompit Dennis, elle s’en bat les couilles.
-Surveille ton langage, sortit l’adulte du ton blasé des réflexes.



-T’es sûr que ça va pas un peu trop loin, là ?
Dennis esquissa un sourire en coin, le regard fixé sur l’écran de son ordinateur. Bien sûr, que ça allait loin. Il était pas du genre à faire les choses à moitié. « Travail bâclé », qu’il disait, ce crétin. Il voulait de l’application ? Le gamin comptait lui en fournir en veux-tu en voilà. Il posa son menton sur son genou ramené contre son torse, savourant une fois de plus sa victoire. Il n’en faudrait pas beaucoup plus pour le faire craquer, ce con.
Jusqu’ici, les sonneries cassées, les brosses des tableaux couvertes de papier de verre, les pieds de chaise soigneusement déboulonnés, les copies blanches, les mots durs et les accès d’insolence n’avaient laissé que les échos de rires étouffés, de soupirs dépités et d’un silence admiratif entre les murs du collège. Dennis avait bientôt seize ans -deux de retard. Ce fils de pute de prof le saoulait, avec son favoritisme à la con. Les punitions comme les allers et venues dans le bureau du proviseur le laissait de marbre -un marbre souriant et très fier de lui. Le mépris affiché que Barbé lui témoignait à chaque putain de minute de chaque putain d’heure de chacun de ses putains de cours, passait encore. Mais il avait fait pleurer Coline. Et ça, ç’avait été la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase.
Toujours dans le peloton de tête au moment de rendre les copies, elle accusait une faiblesse plus qu’évidente avec les équations. Les chiffres, les lettres, les simplifications, rien de tout ça n’avait l’air de complètement percuter. Une fille de son genre n’aurait pas chialé pour une mauvaise note, vite épongée par une avalanche de quatorze et de seize.
C’était quand on se moquait d’elle que ça n’allait plus du tout. Les larmes lui étaient montées aux yeux sans qu’elle lève la tête -alors le gamin n’avait pas réfléchi. Il s’était levé de sa chaise avec fracas sous le regard ahuri des autres élèves. Valentin, assis devant lui, exultait littéralement, ravi de cette occasion inespérée d’écourter un cours trop soporifique.
-Vous faites exprès d’être con ou c’est naturel ?
-Pardon ?
Le prof l’avait fusillé du regard, mais Dennis n’avait pas fléchi ni seulement cillé.
-Vous avez pas envie d’être là, et nous non plus. Alors, comme vous expliquez comme de la merde et que votre cours sert à rien, pourquoi vous rentrez pas chez vous ? Vous ferez chier votre femme plutôt que nous. Faudra lui transmettre nos condoléances, parce que vivre avec un cadavre cérébral dans votre genre, elle doit douiller sévère.
Un silence lourd s’était abattu sur la pièce. Même Catherine l’avait fixé comme s’il avait perdu la tête ; Louis, Serkan, Marion, tout le monde. Valentin se retenait d’éclater de rire et activait ses méninges pour ajouter sa pierre à l’édifice. Baptiste s’était quant à lui contenté d’un sifflement admiratif.
Barbé avait explosé. Dennis en avait été quitte pour une semaine d’exclusion et un conseil de discipline dont il s’était branlé comme de sa première bêtise. Deux semaines plus tard, il l’avait déjà oublié, son esprit entièrement tourné vers le clou qu’il allait enfoncer pour enterrer ce connard. Les jours s’étaient succédé, grains de poussière qui n’allaient pas tarder à faire pleurer les yeux de Barbé pour le restant de sa misérable existence.
Catherine et Coline étaient elles aussi penchées sur l’écran de l’ordinateur, tiraillées entre la peur d’une sanction et une curiosité viscérale.
Coline l’était, en tout cas. Catherine, d’habitude prompte à jeter la pierre à la plaie blonde qui lui faisait office de camarade de classe, souriait jusqu’aux oreilles. Hadriel avait parfois argué qu’il y avait du Méphisto en elle ; Dennis savait que c’était une connasse dont le sac à fourberie devait être aussi garni que le sien, quoique mieux caché. Ces deux derniers mois leur avaient donné raison plus qu’à leur tour.
-« Je rêve de te voir, pourquoi attendre si longtemps ? Dis-moi que ce n’est pas à cause des photos, que je ne te plais plus… », déclama-t-il avec emphase. Eh ben, Catherine, je pensais pas que t’écrirais aussi bien la salope désespérée.
-Les tiens sont carrément porno. Remarque, ça a plutôt bien marché.
-Essaie « c’est effrayant de ressentir quelque chose de si fort pour quelqu’un dont on n’a jamais éprouvé le regard, mais si on ne voit bien qu’avec le cœur, alors je crois que celui-ci ignore la distance. Il ignore les peines, les obstacles, les attentes et les autres, et il ne voit que ce qui est important -et malgré ça, je sais que je dois te rencontrer. Ne refuse pas, cette fois, mon amour ».
Deux têtes abasourdies se tournèrent de conserve vers Delahaye. Pas Dennis, que les envolées lyriques de son ami n’étonnaient plus. Il avait déclamé du Rimbaud en rendant leur liberté aux trousses de toute la classe ; il avait prêché l’apocalypse depuis le toit du préau. Ces mails, c’était loin de son plein potentiel.
« Ta Kathie », signa Dennis avant de cliquer sur le bouton « envoyer ». C’était devenu leur petit rituel d’après les cours. Il n’y avait d’abord eu que lui, Hadriel et Valentin. Puis les filles s’étaient jointes à eux. La suite du plan était plus nébuleuse, mais ils savaient que Barbé était marié. Les photos, tout droit sorties des tréfonds du cimetière qu’était devenu Myspace, avaient elles aussi fait leur petit effet. Il allait venir -mais ce n’était pas la splendide rouquine aux yeux bleus qu’il allait rencontrer.
-J’ai une idée, amorça Dennis.
Les autres étaient pendus à ses lèvres.
-J’irai là-bas, comme on a dit. Rien que pour voir sa tête. Mais c’est pas à sa femme, qu’on va les envoyer. On va placarder ça partout au collège. Ça remontera jusqu’à elle, toute façon. Vous, les filles, vous faites rien.
Face à leur expression outrée, il fit pivoter la chaise tournante vers Coline.
-Je voudrais pas que t’aies des problèmes. Les mecs, vous êtes habitués, mais si vous voulez aussi pas être cités, pas de souci.
-C’est mon œuvre aussi ! Ma plume est reconnaissable entre mille.
-Mais c’était mon idée.
-J’en suis, réaffirma le brun avec son sempiternel sourire niais.
-J’en suis aussi. On sera au lycée dans moins d’un mois, ils vont rien pouvoir faire du tout. C’est fullproof, notre truc.
Val, cette fois. Il ne relevait pas qu’Hadriel en avait encore pour un an. On lui avait volé son rôle de bras droit -ce n’était rien et tout à la fois. C’était surtout plus qu’assez pour le détester.
Catherine sortit au pas de course, déterminée à ne pas rater le bus. Valentin l’avait suivie, pour une fois de bonne humeur ; Hadriel, planté devant la fenêtre du CDI désert, était perdu dans son royaume à lui. Coline avait posé une fesse sur le bureau, un demi-sourire pendu aux lèvres.
-Merci, énonça-t-elle simplement. Je sais que t’as été puni à cause de moi. C’était… Enfin, c’était peut-être un peu trop, mais c’était gentil.
Si les intestins de Dennis entamèrent une gigue endiablée, il n’en laissa rien paraître.
-C’était rien, éluda-t-il d’un geste évasif de la main, chassant une mouche imaginaire. C’est un con, et j’en ai eu marre, c’est tout.
-Tu pourrais presque être quelqu’un de bien, si t’arrêtais de racketter les primaires.
-Qu’est-ce que tu veux, princesse, ils me font juste de super cadeaux.
Les commissures de ses lèvres remontèrent sensiblement tandis qu’elle jetait son sac sur son épaule.


-Vous avez quel âge ?
-Treiz-
-Dix-sept, l’interrompit Dennis. Tous les deux.
Le ciel s’était assombri. Seules demeuraient les pastels du crépuscule à l’horizon découpé par les toits pentus. La silhouette biscornue de la ville s’étendait, loin devant eux. Dennis passa une main dans ses cheveux filasse, dégageant bien plus d’assurance qu’il n’en ressentait au fond de ses tripes. Le danger était pour lui une notion abstraite : il avait le monopole du deal au lycée. Il avait couvert des pans de murs entiers à sa gloire, cassé plus de nez qu’il ne s’était donné la peine de compter. Si un psychopathe se mettait martel en tête de les kidnapper, il saurait se défendre -mais pas un de ces enfoirés ne daignait s’arrêter. Et celui-ci était sur le point de leur filer sous le nez. Le grand dégingandé volait pas loin d’une tête à son aîné. Selon le reste du monde, il avait également de quoi lui en remontrer question intellect. Alors pourquoi, pourquoi s’acharnait-il à toujours tout faire foirer avec tant de maestria ?
-Vous allez où ?
-Paris.
-Vos parents savent que vous êtes là ?
-Ouais. Ils habitent à Paris, en fait. On va les retrouver.
Le conducteur était un homme d’une quarantaine d’année. Il secoua vaguement la tête dans un message on ne peut plus clair : il n’était pas dupe.
-Si vous nous emmenez pas, on passe la nuit ici. Vous l’aurez grave sur la conscience quand vous verrez nos tête à la une demain.
Il leur fit signe de monter. Les deux gamins ne se firent pas prier, tassés à l’arrière.
-Qu’est-ce que vous allez faire là-bas ? Sérieusement.
-Rien.
-On sait pas, précisa Hadriel d’une voix éteinte. J’ai juste…
-C’est pas vos affaires.
L’intervention de Dennis avait coupé court à toute velléité de conversation chez leur chauffeur. Il monta le volume de la radio qui crachota une triste mélodie. Le blondinet jeta un regard en biais à son ami, recroquevillé sur le siège et le regard perdu dans le paysage qui défilait sous ses yeux. Le voyait-il vraiment ? Il avait une façon bien à lui de regarder le monde : tout était grand, tout était tragique. Peuplé d’âmes fades et de héros auréolés de gloire. Même Dennis. Le roi sans royaume, qu’il disait. L’empereur des riens du tout -c’était tellement plus que la cour ridicule d’un lycée de province. Dennis posa la main sur son épaule et la secoua doucement. Il n’avait ni oncle ni tante, mais quelque part, il comprenait. Les cernes et le visage bouffi du brun, le pli inhabituellement droit de sa bouche le laissait démuni. Il aurait pu lui dire, pour cette histoire de cancer. Il aurait pu le prévenir. Une colère sourde l’avait pris au ventre quand Coline lui avait dit -Coline, bordel. Sa copine avait été au courant avant lui que son meilleur pote enterrait son oncle. La déception lui avait laissé un goût amer en bouche. Sec et désagréable.
-J’allais pas te laisser foncer à Paris tout seul, non ?

-Et le type du square, qui c’était ?
-Lefèvre ? Un politique, répondit Hadriel après une brève seconde de réflexion.
-Mais encore ?
Le gamin fronça les sourcils. Il fixait les pavés avec intensité, comme si les vieilles pierres en avaient suffisamment vu pour lui souffler la bonne réponse. Dennis se fichait pas mal de l’identité de ce type : on ne nommait les rues qu’après de vieux gâteux rasoirs au prestige très surfait. En revanche, la mémoire de l’historien en herbe ne manquait jamais de l’étonner.
-Vers 1930 ? Quelque chose comme ça ? Franchement, je sais plus.
-Eh ben, je crois que je vais devoir me jeter dans la Seine. C’était trop vital, comme info, merde.
Il balançait ses jambes au-dessus de l’eau sombre. A sa gauche, un énorme bâtiment aux allures d’église s’élevait vers le ciel. Une église qui aurait pris sacrément de galon. Notre-Dame, s’il en croyait le spécialiste.
-On renommera ce coin le square du Caddie, quand j’aurais assez de thunes.
-Et la ville Kathie-city ?
Dennis tourna un visage approbateur vers l’autre. C’était une idée à creuser. Kathie-city, ça avait un putain de potentiel. Ce foutu prof aurait les glandes chaque fois qu’il baisserait les yeux sur une carte de France. Ruiner treize ans de mariage ne lui avait posé plus de problème que ça. C’était la vie, et la vie était une chienne. Eux l’avaient dressée, point barre. Dennis répondait d’un coup de pied à chacun de ses aboiements ridicules. Il était le capitaine de son navire -même s’il ne savait plus très bien qui avait écrit ça.
-Encore un message, avertit-il en sortant un Nokia à clapet de sa poche. Coline, cette fois. Elle demande où on est. Tout le monde nous cherche.
Si Messac tirait une grande fierté du branle-bas de combat qui devait régner chez eux, Delahaye paraissait prendre la question avec plus de sérieux. Il se laissa tomber plus qu’il ne s’assit à côté de son ami. Ils savaient tous deux que quand ils rentreraient, ils en seraient quittes pour le savon du siècle.
-Qu’ils aillent tous se faire foutre, hein ?
-Alors pourquoi tu réponds à Coline ?
Dennis grimaça. La jolie brune était l’Exception à la règle. Avec un E majuscule. Il hésitait d’ailleurs à écrire le mot entier en capitales, au vu du tempérament de la jeune fille.
-Elle va vraiment me tuer si elle s’inquiète. Ou alors elle casserait.
-Je croyais que tu voulais la quitter, justement ?
Dennis secoua la tête devant tant de candeur.
-C’est moi qui vais la larguer, pas elle. Ce serait… Non, ce serait naze.
-C’était naze, la dernière fois qu’elle t’a foutu un v…
-Sérieux, tu devrais la fermer.
-Ou ?
-Ma vengeance sera terrible.
-Te venger de qui, moi ? Parce que Coline t’avait je…
Une poussée dans le dos de son ami l’envoya balader dans l’eau à la propreté douteuse du fleuve ; Dennis avait tout misé sur l’absence notoire de réflexe de l’escogriffe. Il cracha un jet d’eau lorsque sa tête émergea, outré à outrance.
Ce crétin l’avait entraîné dans sa chute.
-Je vais te buter !
-Eh, vous ! Vous n’avez pas le droit de vous baigner ici !
Leur tête se tourna de conserve vers l’homme qui les invectivait depuis la terre ferme.
-Pour la discrétion, commenta le brun, c’est raté.

-Je sais pas si c’est une bonne idée.
-Depuis quand t’es expert en idée ? La dernière fois, tu jouais de la guitare à poil. C’était mieux, peut-être ?
Hadriel ne répondit rien. L’indifférence de Dennis tranchait avec son malaise manifeste : les jeunes femmes au déshabillé artistique sur la scène le gênaient. Le blond sirotait un verre de vodka sans grand enthousiasme. Valentin
-Coline sait que t’es ici ?
-Ta mère sait que t’es ici ?
-On risquerait de croiser la tienne, ironisa Valentin, accoudé au bar, les yeux vissés sur une blonde plantureuse.
-Un gin tonic, lança une voix derrière eux.
-Elle est pas assez bien gaulée pour bosser ici, rétorqua Dennis sans émoi en levant les yeux vers le nouvel arrivant. Hey, Dom.
Plus âgé que les trois compères, Domino avait tout d’un homme qui n’avait rien à faire là. Tout son être criait « je n’ai aucune envie d’être ici ». Il s’assit malgré tout avec eux.
-C’est ça, ta super équipe ? J’en espérais un peu… Plus, Kathie.
-Ce sera suffisant. Ils sont fiables. Alors, c’est quoi, ton coup ?
-On met d’abord les choses au clair. Je prends la même part que d’habitude.
-Tu prends aucun risque, s’insurgea Messac à voix basse.
-Je refourgue tout. Tu peux aussi te démerder, si tu veux…
-C’est bon. Fais péter.

J’ai dévalé la rue à tire d’ailes ; on s’est planqués sous une voiture, notre précieuse cargaison dans une poubelle. On s’en est sortis. Mon cœur battait la chamade, un putain de tambour. Et alors on s’était regardés, quand les sirènes nous avaient dépassés sans s’arrêter. On s’était regardés, tous les trois, et on avait explosé de rire.
« On a gagné un écran télé ! »
« On les a blousés. »
« Ils se sont fait enfler comme des cons ! Putain, les mecs, on est génials. »
« Géniaux. »
« Je suis le putain de roi du monde ! »
On aurait jamais dû -du plus loin que je puisse remonter, ça a été le début des ennuis. Je connaissais pas la fin de l’histoire. Je savais pas. J’avais que dix-sept ans.

La musique pulsait dans les oreilles du gamin ; les basses faisaient trembler son cœur. Pour les fourmis qui dévoraient le bout de ses doigts, il était presque certain que c’était le whisky qui était à blâmer. Ou alors cette musique de merde -vraiment, c’était de la pure daube. Il se retourna vivement quand un type trop con pour marcher droit lui rentra dans l’épaule. Que lui-même ne fut pas en état de courir un cent mètres, ni même un dix, n’entrait pas en ligne de compte. Personne ne heurtait Dennis Messac. Fallait avoir un sérieux grain. La vitesse à laquelle le gus partit le conforta dans son hypothèse aussi sûrement que la flopée d’excuses du pauvre Bejamin.
-Jeeeee suis le grand général de l’armée des Huns ! Attila, le grand… Gobelet !
-T’es surtout cômplètement fait, mon pauvre.
Hadriel ne perdait rien de sa faconde, fut-ce avec trois grammes dans le sang.
-Kathie-kat, regarde pas par-là, PAS PAR-LA. ALERTE COLINE, se mit-il à beugler.
Par réflexe ou pur esprit de contradiction, Dennis leva la tête de son verre pour regarder dans la direction indiquée par son ami. Evidemment, que Coline serait invitée ; Richard n’aurait pas manqué une si belle opportunité. Il discerna sa silhouette détourée par les flashs de lumière -rouge, bleu, vert, blanc, noir, noir, blanc. C’était hypnotique. C’était à la fois beau et chiant, ça lui collait des migraines et l’enivrait. Tout à la fois. Comme Coline.
Elle tituba vers lui, de sa gracieuse démarche chancelante.
-T’as regardé et maintenant elle t’a vu.
-Mon petit Dennis !
Il n’esquissa pas un geste quand elle lui plaqua un baiser sur les lèvres. Catherine la rattrapa par la manche en dentelle de sa robe saphir. Pas besoin de mots pour faire passer le message.
-Je croyais qu’on était plus ensemble ?
Dennis décida d’en ajouter quand même. Parce que merde, et merde.
-Elle est saoule. Et toi aussi.
-Tiens, l’emmerdeuse de première a suivi ?
-Haddie ! Haddie, y faut grave qu’on parle. Tu sais, viens, trépigna la belle brune en tirant un Delahaye qui n’en aurait pas mené plus large face au mystère de la Création. Tu vas me dire ce que je dois faire, pour récupérer mon copain.
-Attends, Col-
-Oups, elle l’a kidnappé. T’es toute seule, maintenant. Faudrait peut-être songer à te faire d’autres amis.
Dennis n’était pas d’humeur à faire semblant. C’avait été la fois de trop -et malgré ses serments fielleux et déterminés, des papillons avaient dansé un gigantesque pogo endiablé dans son ventre, le laissant plus nauséeux qu’une demi-bouteille de Jack. S’il vomissait des papillons, on pourrait officiellement le qualifier de princesse. L’idée, incongrue au possible, l’emplit de perplexité bienvenue. Quitte à être confus, autant l’être pour une bonne raison.
-T’es bien placé pour me dire ça, monsieur tout seul.
-Aha.
-Aha, oui.
-J’ai besoin d’air.
-T’es vachement blanc, t’es sûr que…
-J’ai b-
Le reste de sa phrase fut étouffée dans la main qu’il plaqua contre sa bouche tandis qu’il se précipitait vers l’entrée. Richard et sa super baraque. Richard et sa baraque qui devait valoir le double de celle de Dennis. Richard que tout le monde adorait, mais pas Dennis. Trois shoots de plus, et il aurait été plus que ravi de dégueuler sur sa carpette moche. Il allait devoir s’imbiber un peu plus, s’il voulait tenir toute la soirée.
La brise fraîche caressa son visage et il se laissa tomber près de la porte. S’il s’était retourné, il aurait pu voir Coline, fermement agrippée au bras de son meilleur ami. Tout ce qu’il vit, néanmoins, fut un paquet de Marlboro flotter à cinq centimètres de son visage.
-Je t’en paie une. Mais si tu dégueules sur mes chaussures…
-Elles sont trop moches, toute façon, répondit-il en guise de merci, s’acharnant sur un briquet.
Cette connasse lui avait refilé une clope inallumable ; c’était bien son genre, ça.
-Tu la tiens à l’envers.
Il lui en foutrait, des cadeaux empoisonnés. Cette connasse…
-Dennis, répéta la voix, à deux doigts d’un fou rire. Tu. La. Tiens. A. L’envers.
-Oh.
-Donne, je vais le faire.
Dennis tendit le bras, le regard dans le vague. Il entendait la musique depuis le perron. De la pop. De la mauvaise pop -pléonasme qui suffisait à lui coller un bad et une bonne crise d’urticaire. Messac avait un problème cardinal avec ce genre de son.
-Tu fais la gueule à cause de Coline ?
-Ça t’amuse, hein ?
-Pardon ?
-Qu’elle me fasse passer pour un con.
-Oh, là, elle a juste trop bu. Mais elle me saoulait déjà avant la soirée pour savoir ce qu’elle devrait te dire, si ça te console.
Ça le consolait un peu. Un couteau de givre fouaillait dans sa poitrine, plus froid à chaque mot. De la lassitude, voilà ce que c’était. Dennis en finissait par vouloir souffrir un bon coup, et plus rien. Leurs disputes, ses problèmes, leurs réconciliations, les interminables discussions au téléphone, les crises de larmes. Je t’aime, je t’aime plus. Et lui qui l’aimait toujours. Comme un con. Un con qui en avait marre.
-Tu lui as dit quoi ?
-Oh, de te dire d’aller te faire mettre si tu lui adressais la parole. Elle avait l’air plutôt d’accord, et puis elle t’a vu. Tu connais la suite. On a fait le before chez moi, c’était peut-être pas une bonne idée.
Le jeune homme tira une nouvelle bouffée de sa cigarette et contempla la fumée s’élever en volutes claires sur le ciel d’encre, crevé de petites étoiles rivalisant de chatoiement. Son beau-père avait dit un truc sur les étoiles, une fois. Sur les supernovas.
Intéressant ou pas, son fils s’était empressé d’y coller une étiquette d’ennui ultime et de l’oublier.
-T’es pas inquiet de la laisser avec Hadriel ?
-Comme si.
Dennis émit un petit rire sec. Hadriel et elle, c’était le dernier de ses soucis. A la vérité, ils ne figuraient même pas sur la liste du tout.
-T’es sur le point de dégueuler, nota-t-elle en désignant du menton le gobelet posé sur le rebord de la fenêtre, et tu ramènes ton verre ?
-Un homme doit connaître ses priorités. Je vais pas me laisser battre par Coline, et elle peut s’en enfiler… Je sais pas, combien, en fait ?
-Ca m’amuse pas, tout ça, tu sais. C’est pas parce que toi t’es un connard que tout le monde en est un.
-Me traite pas de connard.
-« Bonjour, je m’appelle Kaaathie », « monsieur, ça s’écrit pas comme ça », « mais c’était facile, voyons », « je lis un liiiivre, mais je suis bête comme mes pieds et personne ne m’aime ».
Il tenta vaille que vaille d’écraser le mégot sous la semelle de sa chaussure ; mission impossible. Il roulait pour sa vie, s’échappant hors de portée de son pied. Elle était devenue sa Némésis -mais il avait vraiment la flemme de lui mettre sa race, alors elle gagnerait. Pour cette fois.
-C’était au primaire.
-Justement. J’étais petite. T’as fait ça tous les jours, hein, « Kathie » ? Si je dois en plus me taper les jérémiades de Coline à ton sujet, j’ai le droit de te traiter de conn-
-C’est ma chanson !
Les sourcils froncés, Catherine croisa les bras sous sa poitrine et repoussa ses cheveux châtains de chaque côté de son visage. Elle le fixait comme s’il avait perdu les pédales. Rien n’aurait pu entamer l’enthousiasme du gamin, qui massacrait plus qu’il ne fredonnait la mélodie :
-Nananana une feeeemme, like you !
-Arrête.
-Pour m’emmeeeener…
-Je te filme ! T’es prévenu, je te filme !
-T’auras de quoi faire pression, pétasse ! Je suis le dieu du dancefloor !
Son dancefloor consistait en une dalle de ciment, une marche et un parterre de géraniums atterrés qui auraient sans nul préféré pousser ailleurs, cette nuit-là. Il s’envoya une nouvelle rasade de whisky.
-T’as au moins quelqu’un pour te ramener ?
-Ouaip.
Le soulagement sur le visage longiligne de la fille fut de courte durée.
-Pas Hadriel, quand même ?
-Hadrieeeeel, s’atteeeeeend…
-Misère. On appellera plutôt Valentin, hein. COLINE, hurla-t-elle en agitant les bras près du carreau, dans le vain espoir d’obtenir une once de son auguste attention dans la foule. TON CANARI DES ILES VEUT DANSER !







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« Requiescat in pace »
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Dennis Messac
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Dennis Messac

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Messac Dennis Empty Re: Messac Dennis

Ven 31 Mar 2017, 22:12


Histoire


-C’est vraiment pour de bon ?
-Non, c’est juste pour rire.
-Mais tu vois ce que je veux dire. C’est assez… Cyclique, comme relation, et…
-Ta gueule.
Dennis tira une bouffée de sa cigarette, le regard fixé ou perdu sur un point qui n’existait pas. Il s’en foutait pas mal, de cette fille. Il commençait à en avoir marre, de ses jérémiades. De ses excès. De ses coups de gueule, de ses lubies. Il lui en voulait. Il lui en voulait d’avoir fait pâlir le vert des arbres. Si dieu avait eu un brin de jugeote, il aurait pas mis autant de vert dans ce monde. Des aplats fadasses jetés là pour lui larder le cœur. Un peintre cruel qui se plaisait à remuer le couteau dans la plaie. Des yeux brillants qui souriaient quand sa bouche refusait de le faire. Les plus jolis yeux, du plus joli vert qui soit. Vert comme le venin d’un serpent. Comme une blessure infectée -eh merde, jura-t-il entre ses dents. Hadriel n’avait pas besoin de le lui rappeler. C’était débile. Ils avaient dix-huit ans. On ne restait pas avec quelqu’un qu’on avait rencontré au lycée. On ne faisait pas sa vie ensemble.
Il le savait, il était pas débile. Mais ses tripes n’avaient pas l’air d’avoir capté le message.
-Je veux plus en entendre parler. Je suis pas sa mère, j’en ai ras-le-cul de ses merdes.
-Tu sais, c’est pas…
-Ta gueule. Vraiment, Hadriel, ta gueule.
Il y avait des moments pour parler, et des moments pour se taire. La distinction était de toute évidence trop triviale pour l’esprit élevé de son ami, qui ne manquait pas une occasion de chier des logorrhées pontifiantes sans queue-ni-tête. Adossé au tronc maigrelet qui surplombait le square et la forêt clairsemée alentour. Les branches les protégeaient de la bruine tiède qui leur collait au visage. Plus loin, les toits plats des bâtiments découpaient un horizon bleu froid festonné de nuages bas. Le brun déplia ses longues jambes et mit sa main en visière pour embrasser du regard leur petit royaume. Des ellébores poussaient ici et là, flanquées de pâquerettes minuscules, à peine quelques points blancs dans une mère encore désolée par l’hiver. Le printemps pointait ; mais il s’en foutait.
-Tu sais ce qu’a dit mon connard de beau-père ?
-De quoi ?
-Il a dit que je devais partir. Soi-disant pour « que je sois plus emprisonné par ma sale réputation ». Tu parles. Il veut surtout me virer de chez moi, termina-t-il d’une voix moins désinvolte qu’il l’aurait voulu.
Un silence suivit, assez rare pour être noté. Dennis n’osait pas lever les yeux vers l’autre, perdu dans la contemplation du grand rien du tout.
-Tu vas partir, alors ?
-Non. Non, bien sûr que non.
Hadriel se réagenouilla près de lui et écarta une mèche filasse de son front. Il refusa toujours de croiser son regard. Il avait pas envie de partir, non. Il avait du monde ici. Domino et ses plans pour se faire un pécule. Hadriel.
Et Coline.
-Il essaie de bien faire.
-Tu prends toujours sa défense. Et lui, il prend celle de ma mère.
-C’est la tienne, que je prends. De toute façon, si tu partais, je partirais aussi. A la vie à la mort.
En d’autres circonstances, le sérieux de ces mots lui aurait arraché de vives moqueries en lieu et place d’un demi-sourire rehaussé de nuages de fumée vite dissipés par le vent.
-T’es obligé de toujours être aussi drama- oh, merde.
-Quoi ?
-Ils foutent quoi, là-bas ?
Dennis désigna du menton un groupe de gamins de leur âge à la face hilare. Leurs rires leur parvenaient, étouffés par la distance mais parfaitement audibles. Le même genre de rire que Dennis avait, quand il balançait un coup de poing dans le nez d’un impertinent quelconque -qui, selon ses dires, l’avait toujours bien cherché.
-C’est un chien ?
Hadriel eut toutes les peines du monde à le rattraper en dépit de sa taille. Ils dévalèrent la descente, manquant de glisser sur l’herbe humide, jusqu’à arriver au niveau de la bande. Quatre garçons -plus grands que Dennis, plus petits qu’Hadriel. Ce qui les inscrivait dans la fourchette très honorable de la normalité. Ils avaient les yeux rivés sur eux, sourcils froncés, mine perplexe pour les uns et foncièrement antipathique pour les autres. Messac avait un problème cardinal avec les gens qui le regardaient comme ça. Les cheveux brun-roux de l’un, avec ses taches de son et son air revêche, lui rappelèrent un visage connu.
Il n’aurait pas dû être plus étonné que ça que le gosse lève la voix en premier.
-Qu’est-ce que tu veux ?
-Bande de malades.
Dennis fit de son mieux pour ne pas regarder la petite boule de poils sanguinolente qui gisait à leur pied. La respiration irrégulière du chiot et l’angle de sa patte ne laissaient rien présager de bon. Hadriel s’avança sans réfléchir pour le prendre dans ses bras tandis que les deux adversaires se jaugeaient du regard sans lui prêter la moindre forme d’attention.
-Depuis quand tu sauves des petits chiens, Dennis ? C’est ta Mère Theresa qui t’a ramolli ? Ou alors elle t’a avalé les couilles quand elle te suçait la queue ?
-Tu crois que parce que t’es le frère d’un pote, je vais pas te casser la gueule ?
Personne n’eut vraiment le temps de répondre. A deux contre quatre, l’idée était aussi mauvaise qu’elle en avait l’air. Mais Dennis n’était pas du style à réfléchir trop ; ils prendraient pour Coline, pour Marc et, surtout, ils prendraient pour leur sale petite gueule. Le coup de poing qui le cueillit en retour à l’arcade lui fit siffler les oreilles, mais il ne se laissa pas démonter.
Quitte à finir au poste, autant que ce soit pour une bonne raison.

-Si je rentre chez ma mère comme ça, déclara Hadriel d’un ton plus factuel que plaintif, elle va me tuer.
-Elle va me buter moi, oui, contra le blond en crachant un glaire sanglant, son genou gauche douloureux.
La pluie s’était mise à tomber à verse sur le chemin du retour et s’était chargée de nettoyer en grande partie l’hémoglobine dont ils étaient couverts. En revanche, elle n’avait rien fait pour arranger les écorchures sur leurs bras, la lèvre fendue d’Hadriel et les coupures encore suintantes sur le visage de Dennis. Des ecchymoses d’un pourpre accusateur commençaient déjà d’apparaître ici et là, témoins à charge d’une énième baston injustifiée. Il n’y avait que le petit chien, fermement serré dans les bras du plus grand, pour leur donner un semblant de sympathie pour un œil extérieur. Ils faisaient peine à voir, avec leurs cheveux ruisselants collés au front, leurs fringues détrempées couvertes de boues et leurs chaussures usées d’avoir trop battu le pavé. Mais ils s’en foutaient.
Madame Delahaye, en revanche, risquait fort d’être plus regardante. Un seul de ses regards réprobateurs suffisait à faire chuter la température de la pièce, et à faire passer une bourrasque polaire pour une douce brise de printemps. Ils étaient dedans jusqu’au cou. Laurène agiterait les bras dans tous les sens, s’égosillerait, lancerait des décibels perçants dans les airs -mais ils avaient au moins une maigre chance de gagner cette bataille.
-J’aurais pas pensé que tu serais intervenu, lança Delahaye.
-Faut croire que je suis imprévisible.
-D’habitude, non.
-Venant d’un type qui balance des trousses par la fenêtre pour leur rendre leur liberté et récite une prière à Athéna avant un devoir de maths, je sais pas si je dois vraiment mal le prendre.
Deux rires clairs et épuisés. Dennis avait mal à la gorge. C’était rien, comparé à ce que devait endurer cette petite bête ; mais tout de même.
-Va falloir lui trouver un nom.
-Laisse-moi réfléchir.
-Par pitié, choisis pas quelque chose qui donnerait envie à ce clébard de retourner rendre visite à ces connards…
-Les chiens sont interdits dans les hôpitaux.

Thrasybule de Colytos s’en était tiré. Il était devenu notre ombre, bâtard obéissant, chien sautillant. Il me manque. Il me manque tous les jours, mais ça ne fait plus si mal aujourd’hui. Après une vie entière passée à s’agiter dans tous les sens, à courir, ramener la balle, ramener des bâtons, ramener la balle des autres chiens ; après m’avoir traîné dans les jambes et ruiné trop de fauteuils, après avoir repoussé tous les meubles pour trouver la place qui lui convenait le mieux dans la maison, c’est peut-être normal qu’il se soit endormi un peu dans mon cœur. Qu’il se repose. Il se réveille encore, parfois, quand je regarde le panier vide. Il remue tous mes souvenirs pour trouver la place qui lui convient le mieux là aussi. Mais Thrasy doit être plus fatigué que moi, à présent. Il doit dormir. Quand je repense à tout ça, sa respiration m’apaise encore.

-Planque-toi, bordel !
Hadriel ne se le fit pas dire deux fois et se jeta derrière une voiture, à la suite de son ami. Ils avaient coupé à travers les jardins, se hissant sans mal au-dessus des barrières et foulant aux pieds les bégonias et parterres rachitiques qui émaillaient les jardins. Les jambes de Dennis le brûlaient ; il ne tentait même plus de retenir les halètements rapides de sa respiration. Ses poumons allaient éclater et l’emporter dans un feu d’artifice de chair, de cervelle et d’esquilles -si bien sûr son crâne ne se chargeait pas de le changer en pétard humain avant eux. Le sang battait à ses oreilles, couvrant tous les autres bruits qui peuplaient la nuit de leurs échos indistincts. Les télévisions, la rumeur d’une discussion animée derrière une fenêtre mal fermée et, plus loin, le hululement des sirènes. Le gamin les devinait plus qu’il ne les entendait. Leur course folle leur avait accordé quelques minutes de répit. Dennis n’était ni assez fou, ni assez optimiste pour envisager sérieusement que les flics lâchent l’affaire.
-Ils nous ont peut-être perdus ?
Mister Brightside était heureusement là pour relever le niveau de foi de leur binôme. Le fatalisme de Delahaye avait la particularité de ne s’appliquer que pour des broutilles qui n’avaient aucunes chances de mal tourner -ours que son micro-ondes explose au beau milieu de la nuit. Dans ce genre de situations désespérées, il le troquait contre une naïveté qui fleurait bon la merde.
-Ils vont nous trouver, aboya Dennis. C’est une question de temps.
-Mais ils savent pas que c’est nous. On a qu’à rentrer.
Messac leva les yeux au ciel, un hurlement au bord des lèvres. Il était con. Il était peut-être la personne la plus intelligente qu’il lui ait été donnée de rencontrer, et incontestablement plus que lui ; mais il était aussi plus con qu’une botte de foin.
-Ils ont quadrillé les grands axes. Et d’ici à ce qu’on atteigne une plus petite rue, elle aura été bloquée aussi. Domino m’avait pas dit que ça craindrait comme ça.
Dennis resserra sa prise sur la lanière du sac qui lui sciait l’épaule. Hadriel en portait un similaire. Ils avaient pris ce qu’ils pouvaient. Ils n’étaient que deux, cette fois, et leur butin se résumait à pas grand-chose. Ils n’auraient pas décemment pu se trimballer avec un écran plat sur le dos -des tortues high-tech, avait dit l’autre crétin avant de tenter de l’embarquer. Le blond ferma les yeux un instant, comme si, en ignorant le reste du monde, le reste du monde l’ignorerait à son tour. Mais il était impossible de se dérober au regard goguenard de la lune tout là-haut, et il se résolut de faire quelque chose. N’importe quoi.
Il ne savait pas exactement chez qui ils étaient entrés au beau milieu de la nuit, mais quand ils s’en seraient tirés, Domino allait en entendre parler. Ses plans foireux, c’était fini. Ils n’auraient jamais dû accepter celui-là.
Un peu tard pour les regrets, insista la voix de la providence par-dessus le tambour qui lui martelait la tête. Ils ne font que rendre les plats plus amers.
-On fait quoi ?
-Me presse pas, bordel, je réfléchis !
Il se mordit la langue jusqu’à sentir un goût métallique se répandre dans sa bouche.
-On est vers où, là ? s’enquit-il de but en blanc.
Leur folle équipée avait sacrément niqué sa boussole interne, et il n’était pas certain de reconnaître le coin. Des faîtes feuillus pointaient derrière un vieux mur de ciment. Le délinquant le jaugea d’un œil connaisseur avant de se raviser : le découragement avait beau lui coller un soudain regain de confiance en ses talents de grimpeur, le mur restait trop haut et les prises trop espacées pour l’escalader.
-Au sud du parc, répondit Hadriel après un bref instant de réflexion, de toute évidence trop court pour insuffler à sa voix la conviction dont il avait cherché à faire montre. Près de République. Enfin, pas trop loin. Je crois. Tu sais, vers…
Le cœur de Dennis se serra et, pour la première fois depuis que les lumières avaient coloré de bleu leurs visages ahuri, il s’autorisa un maigre espoir. C’était quitte ou double -mais ça se tentait. Il sortit son smartphone de sa poche, se félicitant au passage de ne pas avoir fait trop de ménage dans les numéros qui saturaient son répertoire. La plupart n’étaient que des surnoms, affublés sans merci à des clients réguliers. Rien de suspects dans leurs conversations -il était pas stupide à ce point. Il ignora les messages non lus qui s’entassaient sur l’écran et cliqua sur le numéro de Coline.
Chaque sonnerie était une nouvelle raillerie face à sa tentative ridicule. Une, deux, trois. Quatre.
Elle décrocha à la cinquième.
-Quoi ?
-Coline ? Ecoute, je sais que je dois être la dernière personne que t’as envie de voir, là tout de suite, mais…
-« Là tout de suite » ? Réessaie dans une autre vie, et on verra.
-Coline, c’est important, faut que tu m’écoutes, merde !
Il avait presque hurlé ces derniers mots, à bout de nerfs et à bout de souffle. Il se souvenait de la façon dont elle riait, quand il disait quelque chose de vraiment drôle ou qu’il se comportait comme le pire des imbéciles ; la façon dont son sourire ne désertait ses lèvres que pour remonter droit vers ses yeux, quand il la défendait. C’était pas précisément le moment idéal pour verser dans les niaiseries goût guimauve, mais ça le rassurait. Ils avaient compté l’un pour l’autre et, en ce qui le concernait, elle comptait toujours pour lui. Elle les laisserait pas dedans jusqu’au cou.
Sa fierté légendaire et les ruptures notoires de logique dans ses raisonnements avaient mystérieusement disparu de l’esprit du blondinet. Il avait besoin d’y croire. Il lui sembla entendre des mots étouffés à l’autre bout du fil ; et pria pour qu’elle ne soit pas complètement bourrée.
-On est coincés, avec Hadriel ; pas très loin de chez toi. Au niveau du parc, près de… La route qui longe le mur, près de République. On peut pas bouger, sinon on va se faire gauler. Ecoute, je t’expliquerai, promis. Mais là, t’es vraiment la seule qui…
-C’est bon. J’arrive.
Des voix étouffées, à nouveau. Puis Coline.
-Je vois ce que je peux faire, okay ?
Et plus rien que l’écran d’une conversation terminée -elle avait duré, en tout et pour tout, quarante-cinq secondes. Rien à voir avec les longues heures passées à déblatérer des âneries jusqu’à ce que le sommeil en emporte l’un ou l’autre. Quarante-cinq secondes qui pouvaient bien leur avoir sauvé la mise.
Les suivantes parurent s’écouler avec la lenteur d’un film d’art et essai. Hadriel se rongeait les ongles, silencieux, pour une fois. Dennis observait une immobilité de statue, certain que le moindre bruit vendrait la mèche. C’était idiot, bien sûr : ils entendaient les voitures se rapprocher, planqués dans l’ombre d’une bagnole à la con.
-Coline devrait déjà être là, lança enfin Hadriel dans un murmure étranglé. T’es sûr qu’elle va venir ?
-Elle…
Il aurait aimé dire que oui, qu’elle allait débarquer d’une seconde à l’autre au volant de sa caisse rouge vif, qu’il lui roulerait la pelle du siècle et qu’elle changerait cette Bérézina en glorieuse victoire. Mais nul phare ne venait découper de paupières lumineuses dans la nuit. Ni maintenant, ni plus tard. Leur fiasco demeurerait un fiasco.
Il serra la mâchoire et soupira. Songea à ce connard de Domino qui les avait envoyés au billot avec ses infos faisandées. A sa mère, qui allait encore pousser une gueulante pas possible en apprenant que son rejeton était encore retenu au poste. A Marc, que ça ferait bien chier aussi -preuve irrécusable qu’il y avait un bon côté aux plus cruelles mésaventures. Il eut du mal à dénouer ses doigts du sac et à déplier ses muscles roides pour le jeter à son ami. Le vent joua dans ses cheveux clairs quand il retira le bonnet noir qui les écrasait jusqu’alors. Ils portaient des gants, ils faisaient gaffe à tout -lui, en tout cas, et cette espèce d’échalas suivait les ordres à la lettre.
-Par-là.
Il s’arrêta au pied du mur, de l’autre côté de la route, et joignit ses mains pour faire la courte-échelle à Hadriel.
-Je vais me tuer en tombant.
-Y a des arbres, t’auras qu’à grimper quand tu seras en haut. Dépêche, le pressa Dennis. Sinon tu seras dans la merde, et je crois pas que ta mère apprécie des masses que tu te fasses…
-Et toi ? Je pourrais pas tenir debout sur le dessus. Tu vas monter comment ?
L’autre l’avait regardé dans les yeux, interloqué. Dennis soutint son regard. Il était pas doué, pour ça. Les batailles de regard étaient perdues d’avance ; surtout face à une tête aussi improbable que celle de son complice.
-J’ai un plan, mentit-il.
Messac n’avait rien d’un menteur émérite, mais il savait se donner l’air convaincant quand les circonstances le demandaient.
Et là, elles l’exigeaient carrément.
Hadriel avait les sacs. S’il ne crachait rien, si lui non plus ne bavait pas et si Coline fermait sa gueule, il prendrait pas encore trop cher. Son casier pèserait sans doute dans la balance de la justice, cette sale pute psychorigide aux yeux bandés, mais-
-Grouille !

-Il va falloir que tu nous dises quelque chose, Messac.
Le capitaine leva une main avant même que Dennis ait pu ouvrir la bouche :
-Et si tu me réponds « quelque chose », je te jure que ça va rien arranger, s’empressa-t-il d’ajouter, menaçant au possible. Au contraire, même.
-Et si je réponds « rien du tout » ?
Les murs de la salle avalèrent le soupir du quarantenaire. Ils en avaient vu d’autres -mais il fallait reconnaître qu’ils avaient souvent vu ce gamin-là. Dennis se sentait moins brave qu’il n’affichait de l’être : avachi sur sa chaise, les cheveux en bataille, bras croisés derrière la nuque. L’expression butée d’un âne trop obstiné pour avancer, fermement résolu à ignorer les carottes empoisonnées qu’on lui agiterait sous le nez. Il était très bien là où il était.
-Tu es majeur, maintenant. Ce sera pas la même histoire qu’avant.
-L’histoire de quoi ? J’ai rien fait.
-Le propriétaire t’as vu, Dennis.
-Okay, octroya-t-il. Dans ce cas, je l’ai fait. Je suis entré, je suis sorti, vous m’avez chopé, et voilà. Il a des lunettes de vision nocturne, le mec ? Ou il a reconnu ma silhouette de mister monde ?
-T’étais pas tout seul.
-Je vois pas de quoi vous parlez.
Le flic grinça des dents. S’il voulait des infos, il pouvait toujours courir. Ils avaient rien contre Delahaye. Rien du tout. Et il tenait pas à ce qu’on retienne de lui un titre du style de Kathie-la-balance. Une perfusion de séries télé réalisée par tubes cathodiques, il devinait qu’on allait lui proposer un arrangement quelconque pour réduire sa peine. Une négociation inoffensive où il n’aurait pas voix au chapitre.
-Je devrais pas voir un avocat, là ?
Le flic s’assit sur le bord de la table et prit un temps infini pour répondre :
-Si. Et tu en verras un. Je tenais juste à te parler avant parce que je te connais. Je sais que tu es pas un dangereux criminel.
-Vous allez dire quoi ? Que je dois rendre ce que j’ai pris ?
-Même si je suis curieux de savoir où tout ça a pu passer, non, décréta-t-il avec un sourire compatissant. Il aurait fallu faire pas loin de deux mètres pour réussir à escalader ce mur. Ou être un parfait petit monte-en-l’air. Valentin ?
-Hein ? Non.
Dennis riva son regard à la porte. Une lueur infime dans les yeux suffisait à dénoncer un coupable. A orienter les soupçons. C’était l’affaire d’un rien.
-C’était par curiosité. Ces gamins sont encore moins dangereux que toi, de toute façon. Et si c’est Valentin, je ne veux même pas le savoir. Non, ce qui nous intéresse…
Dennis se raidit, du papier de verre râpant sa moelle épinière. Bien sûr, qu’il ne les intéressait pas tant que ça ; il était une plaie, mais une plaie inévitable. Si c’était pas lui, ce serait quelqu’un d’autre. Tout juste s’il existait. Les secondes s’égrainèrent, interminables. C’était tentant. Une vengeance pour tout le reste et pour ses plans foireux. Messac n’avait aucune raison valable d’aller en taule à la place de ce connard de Domino. D’un autre côté, c’était risqué.
Il crevait d’envie de lâcher prise, rien que cette fois. Et son interlocuteur devait le sentir ; la sale odeur de la trahison et de la peur. Des relents méphitiques de lâcheté. Sa raison et ses principes se livraient un combat à mort, laissant sur son visage fatigué les stigmates d’un doute prégnant. Il fallait prendre une décision.
-Tu sais très bien qui nous intéresse.
Il ferma les yeux. Les rouvrit, un sourire pétri d’une innocence insultante placardé sur ses traits.
-Scarlett Johannson ?


-Par pitié, cache ta déception un peu mieux que ça.
Dennis nia avec une conviction mitigée pour la forme. Evidemment, qu’il était déçu. Il n’avait pas vu de fille depuis un bon moment, et il fallait qu’il tombe sur le croque-mitaine en personne.
-Catherine, constata-t-il en s’asseyant.
Elle n’avait pas beaucoup changé, avec son visage aux traits durs et ses yeux verdâtres en comparaison des iris à la couleur vibrante de Coline. Elle avait ramené ses cheveux en arrière et portait, comme de coutume, une demie-tonne de maquillage. Dennis se demandait parfois ce qui se cachait là-dessous : une peau de serpent ? Un troisième œil au milieu du front ? Nul n’aurait su le dire. Bien qu’il se soit permis quelques suggestions à ce sujet au lycée.
Il s’assit en face d’elle, les mains croisées devant lui.
-Comment va la vie ?
-Ça dépend celle de qui. C’est plus tranquille, en tout cas, commenta-t-elle sans qu’il puisse déterminer s’il s’agissait ou non d’un sous-entendu vipérin.
Venant d’elle, c’était plus que probable.
-T’as eu de la visite, depuis que tu es arrivé ?
Il songea à ne lui offrir qu’un sourire sardonique pour toute réponse, mais finit par conclure qu’une attitude pareille aurait constitué une insulte à sa répartie. Une atteinte à son image, et pas des moindres. Si elle voulait la jouer comme ça, elle avait intérêt à savoir sur quelle cour il régnait.
-Ma mère, une fois. Pour me dire qu’elle ne reviendrait que quand je serai sorti et, avec un peu de chance, calmé -je vois pas tellement qui elle viendra voir si je suis sorti, mais bref. Et la tienne, pour me –
-T’es obligé de faire ça ? C’est du niveau de Valentin.
-Peut-être, lui accorda-t-il de l’air méprisant de ceux qui savent apprécier les petites victoires, mais t’as tiré une tête assez énorme.
-Aussi énorme que la vôtre, votre majesté. Un vrai melon. Votre nouveau royaume est à votre goût ?
-Ça manque de couleur, hasarda-t-il en embrassant les murs gris du regard. La graaaande lumière de ton esprit éclaire ma pauvre demeure.
-Je suis pas venue pour me disputer.
Dennis haussa un sourcil ; première nouvelle. Pour quelqu’un qui n’était pas venu les armes à la main, elle s’en sortait pas si mal. Elle avait peut-être viré parano et gardait son venin à portée de langue dès qu’il entrait dans son champ de vision.
-Alors qu’est-ce que tu viens foutre ici ?
Le blond croisa les bras. Tout son être gueulait qu’il n’avait pas la moindre envie d’être là -jugement qui s’appliquait à la prison en général, et avec plus de sévérité encore à la salle des visites.
-Je voulais voir comment tu t’en sortais. Que t’avoues pour sauver la mise à… Quelqu’un d’autre, ça m’a assez étonnée.
-Je vois pas de quoi tu parles.
Il se renfrogna d’autant plus et se rencogna dans sa chaise. La mâchoire serrée, le regard dur. Une lueur dans le regard, sa marque de fabrique, qui clamait avec toute la violence du monde qu’il était temps de se taire si on ne voulait pas avoir de sérieux problèmes. Sa tenue et les matons enlevaient pas mal de crédibilité à la menace, mais elle n’en restait pas moins présente, ancrée dans ses pupilles.
-Disons que non, soit.
-Pourquoi t’es là ?
Si elle avait compté le trouver prostré et amaigri dans une cellule, elle devait en prendre pour son grade : il avait profité de son petit séjour à l’ombre pour gagner un peu d’épaules, et si ses traits s’étaient asséchés, Messac n’avait rien d’un zombie. Contrairement à d’autres, il en avait pas grand-chose à taper d’être là. C’était aussi le bagne dehors, après tout.
Catherine haussa simplement les épaules et tripota le pendentif en forme de harpe qu’elle portait autour du cou. Pas si tranquille, au final, la Catherine. Elle jetait de loin en loin des œillades inquisitrices à l’entour. Pas besoin d’une empathie titanesque pour se rendre compte du petit malaise. Il se souvint que c’était Hadriel qui lui avait offert ce fichu collier, sur un coup de tête ridicule. Il marchait par inspirations divines, ce type : et les dieux lui avaient apparemment soufflé de refiler une babiole moche à la grande brune. Il n’avait pas pointé le bout de son nez depuis qu’on l’avait parqué ici. Le blond prit une rapide inspiration et fit un geste du menton pour encourager Catherine à reprendre.
-J’ai juste entendu… Enfin, je sais que Coline a pas été cool, ce soir-là. Elle s’en veut, tu sais.
-C’est elle qui t’envoie ?
Ceci expliquant cela.
-Non.
Ah.
-Donc, elle s’en veut pas du tout. Elle est pas du tout du genre à s’en faire. Elle doit… Ecoute, je m’en fous, elle s’en fout, point barre.
-Elle aurait dû venir vous chercher, et…
Un calme olympien plus gelé qu’une pluie de novembre paralysa un instant le cœur de Dennis. Le gamin n’était pas une flèche, ça non. Mais fallait pas non plus le prendre pour un con.
-Donc, Coline est pas désolée du tout et t’as aucune raison de venir me voir. A moins que…
Il marqua une pause, et se pencha vers elle par-dessus la table. Visiblement perdue, Catherine fronçait les sourcils. A sa décharge, elle ne recula pas d’un iota.
-A moins que ce soit la conscience de Madame-Sainte-Nitouche qui la travaille.
Elle ne répondit rien. Alors il poursuivit.
-T’étais avec elle, ce soir-là, hein ? Y avait quelqu’un avec elle. Elle voulait venir, et puis finalement…
Et puis finalement, elle était pas venue. Ce brusque revirement de situation lui avait laissé un goût amer en bouche. Et une démangeaison qui le titillait de temps en temps, à l’arrière de son crâne. Il y avait eu une autre voix, étouffée en arrière-plan.
-Qu’est-ce que tu racontes ?
-Tu voulais ta petite vengeance ? Ça va, tu te sens mieux, maintenant, aboya-t-il sans hausser le ton pour ne pas attirer l’attention des matons. Et tu viens contempler le résultat de ta merde ? Ou tu regrettes vraiment ?
-Mais qu’est-ce que tu racontes, bordel ! Oui, je te déteste ; oui, t’as fait de mon primaire et de mon collège un calvaire ; oui, je pense que t’es un sale con qui parle qu’avec ses poings et non, j’étais pas pour quand Coline a décidé de sortir avec toi. Mais j’ai rien dit quand t’as repris ton surnom à la con, ton « Kathy », pour signer les mails. J’ai pas apprécié, mais je l’ai fermée. Je t’ai défendu quand Coline te traitait de tous les noms, parce qu’elle aussi, elle l’avait cherché.
Dennis se mordit l’intérieur de la joue. Il avait une envie folle de la frapper. C’était sa réaction favorite, quand il ne savait plus trop quoi dire. C’était pourtant logique. Tout collait. Il n’arrivait même pas à être désolé de s’être fichu d’elle. C’est comme ça que les choses fonctionnent. Il fallait quelqu’un sur qui s’acharner un peu, si on voulait montrer aux autres ce qui les attendait.
-Ton chien va bien. Tu lui as sauvé la vie.
-Et ?
-Et… Et je sais pas, merde, éluda-t-elle. T’es drôle, des fois. Ça t’arrive même d’être sympa. Je crois toujours qu’au fond, t’es un sale con. Mais de là à t’envoyer en prison ? J’en aurais rêvé y a longtemps, mais jamais sérieusement… Que tu puisses penser ça, c’est… C’est dégueulasse. Je m’en suis sortie, fin de l’histoire. Tes trucs de vengeance, c’est…
-Tout pété ?
Elle tenta de ravaler un sourire qui fit tressauter malgré elle le coin de ses lèvres. Ce n’étaient sûrement pas les termes qu’elle aurait choisis, mais ils étaient selon elle appropriés. Dennis eut envie de la croire -peut-être parce que ses arguments n’étaient pas débiles ; peut-être parce qu’elle avait été la seule à venir le voir, quand ni Coline, ni Valentin, ni Baptiste, ni ce connard de Domino, ni même Hadriel n’avaient fait l’effort de bouger leur cul.
-Qui c’était, alors ?
-Pardon ? Si c’est ta manière de t’excuser…
-Va te faire foutre.
Un soupir tandis qu’elle roulait des yeux excédés. Droit vers le plafond. Dennis avait fixé celui de sa cellule bien assez longtemps pour ne pas se donner cette peine : nulle réponse foireuse écrite par un dieu providentiel ne s’était planquée là-haut.
-Qui c’était ?
-J’en sais rien.
Messac tenta vaille que vaille de discerner le plus petit soupçon de mensonge sur le visage de son vis-à-vis, mais Catherine n’avait rien d’un plafond, à part peut-être la grâce et les formes -le plâtre au-dessus de leur tête avait au moins eu l’heureuse idée de se rendre utile. Il aurait pu l’observer longtemps sans jamais être tout à fait sûr que la solution à la grande blague cosmique de son arrestation ne s’y trouvait pas inscrite.
-J’en sais rien, et ça t’avancerait pas plus de le savoir non plus. Si tu te tiens bien, tu sortiras bientôt.
Ce fut son tour à lui de soupirer. Pour les lieux communs comme ceux-là, il avait eu son avocat ; c’était tout ce que ce corniaud avait été bon à dire. « Pas si grave » mon cul, protesta intérieurement Dennis. Il lui aurait fallu un triple homicide et la mort Kennedy sur le dos pour que ce trou du cul de commis trouve l’affaire à sa mesure. Et encore. Le gamin sentait sa foi en l’humanité flancher chaque fois qu’il se retrouvait avec un de ces gratte-papiers -un Saul Goodman ou un Clarence Darrow, et tout ça aurait été torché.
Il avait pas mis le feu à la baraque ni violé les gosses. Fallait pas exagérer.
-La maison du maire, quand même, rit-elle après une seconde de silence. C’est très… Symbolique.
-Je savais pas que c’était à lui, okay ?
-Sûr qu’une baraque pareille, ça allait appartenir au péquenot du coin…
-Toi, contra-t-il alors qu’une vaste demeure à peine moins grande que la dernière qu’il avait braquée envahissait sa mémoire de souvenirs aigre-doux. T’as jamais vu où habite ce connard d’Hadriel… Ni Valentin, d’ailleurs.
-Chez Valentin ? C’est pas l’exemple que j’aurais choisi, c’est vraiment tout pet-
-Fin de la visite.

La prison vous laisse du temps pour cogiter. Un an et six mois à remuer les mêmes merdes ; autant de jours et de nuits à ressasser les mêmes problèmes, à déboucher aux mêmes conclusions. A les regarder pourrir et dégager l’odeur de fruits blets caractéristiques des mauvaises idées.
J’avais pas d’idée précise en sortant, mais un cœur rancunier trouve toujours de quoi s’occuper. Et vous savez quoi ? Je l’ai toujours été. J’ai évité Coline-cette-sale-pute. J’ai été sympa avec ma mère. Je me suis tenu à carreaux, j’ai même réfléchi à mon avenir. Dix-neuf piges, fallait que je trouve quelque chose. Un bac presque en poche, que j’obtiendrai au rattrapage, pas d’ambition, pas de pression. J’ai évité Domino-ce-sale-con, et il a pas essayé de me contacter non plus. J’ai fait ce que j’ai pu. Si je peux vous apprendre une leçon avant que la vie s’en charge, c’est que faire de son mieux, c’est rarement suffisant.


-Mon chéri, tu descends ?
Dennis retira ses écouteurs, les sourcils froncés. Il se souvenait pas de la dernière fois que sa mère l’avait appelé comme ça -mais il doutait que ça soit bon signe. Il marqua un temps d’arrêt face à l’escalier : tenait-il tant que ça à une mort lente et douloureuse ? Un pli grimaçant tordit ses lèvres. Il était revenu depuis trois jours à peine. Pas assez de temps pour sérieusement merder, si on lui demandait son avis.
Cela dit, « on » avait tendance à en faire fi dans cette maison. Il jeta un coup d’œil inquiet à sa chambre : aux fringues qui traînaient déjà par terre dans une anarchie totale, aux feuilles, aux magazines, aux posters à moitié décollés qui conféraient aux murs l’aspect lépreux d’un grand brûlé. Ça ou la vaisselle.
-Dennis Laurent Messac !
Il prit une grande inspiration et descendit les marches d’un pas plus pressé qu’il ne l’aurait voulu. Il traversa le couloir et obliqua à droite, vers le salon. Laurène se tenait devant la table et lui tournait le dos. Elle se retourna et lui adressa un grand sourire -carnassier à n’en point douter- avant de s’écarter et de révéler ce qui devaient être les restes d’un petit animal cramé sur un plat.
-Bordel, t’as cuit Thrasy ?
Le chien aboya depuis le canapé et trottina vers son maître, lui sauta dessus et manqua de le renverser au passage. Dennis s’agenouilla et le gratta derrière les oreilles : ce petit crétin lui avait manqué. Thrasy avait grandi. Aujourd’hui, l’obscur mélange de berger et d’une demi-douzaine d’autres races aussi méconnue que lui avait atteint une bonne taille, sa grosse tête poilue aussi haute que la hanche de Messac.
-Très drôle, commenta Laurène.
-S’il arrêtait d’aller sur le canapé, on aurait moins envie de le cuire. Il pourrait rester dans ta chambre.
-Et je pourrais avoir une chambre plus grande, rétorqua le gamin en fusillant son beau-père du regard, entorse regrettable au statu quo qu’ils avaient instauré depuis quelques jours.
Un cessez-le-feu qu’il faisait au mieux pour respecter, mais qui lui coûtait sérieusement en patience. Qualité qui n’avait jamais brillé chez le blondinet. Il l’ignora toutefois avec superbe, s’avançant jusqu’au plat.
-C’est un flan.
Qu’elle soit obligée de le préciser ruinait un peu l’effet.
-Le four, tu sais.
Leur vieux four déglingué aurait dû être changé depuis des lustres. Cette antiquité datait de Mathusalem, et Dennis était surpris qu’il ne les ait pas déjà tous envoyés dans la tombe. Pour donner une tête pareille à tout ce qui passait dans son ventre rougeoyant, ce truc devait au moins être maudit. Mais il faisait un bouc-émissaire rêvé pour sa mère, dont les talents de cuisinière n’étaient plus à prouver.
Son fils préférait la croire sur parole plutôt que de devoir goûter pour vérifier.
-C’est… Je dois le manger, c’est ça ?
-Fils ingrat.
-Mère indigne.
-Tu vas voir la petite Catherine, aujourd’hui ? Tu auras qu’à lui en amener.
-On va réviser, pas… Faire un pique-nique.
Il s’empara d’une part et y mordit à belles dents. Raté ou pas, c’était son gâteau préféré, et il n’allait pas le laisser moisir ici. Catherine l’aidait à réviser pour le rattrapage. Son beau dix-sept de moyenne l’avait d’abord dépité -découragement qui s’était manifesté à grands renforts de moqueries sur le contenu de sa tête qui devait assécher ses pauvres cheveux. Puis il s’y était mis, rechignant et renâclant, mais il s’y était mis. Les yeux de sa mère avaient brillé devant les piètres tentatives de progrès de sa progéniture, et elle s’était immédiatement mise à l’imaginer en costume-cravate, un master et deux doctorats encadrés au-dessus de la télé. Ça lui tapait sur les nerfs, mais les attentes irréalisables de sa génitrice tenaient plus de la vaste blague que d’une condition à son amour.
Docteur ou pas, elle lui aurait hurlé de débarrasser la table et lui aurait fait du flan au chocolat.
-Tant que je te tiens, lança Marc. Il faudra voir ce que tu comptes faire l’année prochaine.
-Je sais pas.
-Tu vas quand même pas rester à la maison un an, à attendre que ça passe ? Dans la vie, les choses…
-Oh, mais putain, t’es obligé de toujours la ramener et tout gâcher ?
Les traces de gâteau au coin de ses lèvres n’enlevaient rien au ressentiment dans sa voix. Un gosse en colère. Dennis saisit une autre part, empoigna le sac à dos qui gisait près du buffet et claqua la porte derrière lui, sous le regard perplexe de Thrasy. Il verrait Catherine le lendemain, mais il était hors de question de rester dans cette pièce plus longtemps. Il dévala les étages un à un, et accueillit avec gratitude le vent qui soufflait doucement dehors. Les bus sillonnaient la ville, les stations de métro en émaillaient la carte -mais il avait retrouvé le goût de la marche en détention. La brise qui passe ses doigts frais dans vos cheveux, la liberté de tourner à droite, d’aller à gauche. Les grandes enjambées et l’asphalte qui déroulait son long ruban monotone et anthracite sous ses pieds. Même le ciel faisait un peu moins la gueule. Messac n’allait pas bien loin ; il avançait, les mains dans les poches de son jean trop large, un T-shirt au logo très inspiré sur le dos.
Il s’arrêta à regret à l’angle d’une rue, sortit un paquet de clopes de son sac. Il ne comptait prendre aucun risque, a fortiori celui de monter et de tomber sur le propriétaire des lieux. Il sonna donc à l’interphone sans ajouter un mot, s’assit sur les marches devant la porte, tentant misérablement de faire autre chose que des nuages de fumée pour s’occuper. Coller la langue au palais, un truc de genre ; les techniques et conseils ne manquaient pas pour réaliser le rond parfait. T’as pas la patience d’apprendre quoi que ce soit, statua sa conscience quelque part dans son crâne. La pauvrette jouait les planquées jusqu’à ce qu’on n’ait plus besoin d’elle, pour réapparaître aux moments les moins opportuns. Il leva le bras pour sonner à nouveau.
-Kathie !
-Bordel !
Il se releva en deux deux et passa une main dans ses cheveux. Dennis avait failli s’écraser face contre le goudron quand la porte s’était ouverte à la volée derrière lui ; en outre, Hadriel lui piquait déjà suffisamment de centimètres comme ça quand il se tenait bien campé sur ses deux jambes pour en plus rester avachi devant l’immeuble.
-Ça fait longtemps.
Dennis lui tendit une main que le grand échalas ignora proprement pour le prendre dans ses bras. Peu enclin aux effusions de joie, il se contenta de lui taper le dos en un geste profondément gêné.
-Je savais pas que t’étais sorti, s’exclama-t-il trop fort au goût plus pondéré de Dennis. Sinon je serai venu, sûr de chez sûr !
Le gamin retint de justesse un commentaire acerbe sur le nombre de visites que son ami lui avait rendues dans l’année. Il s’était attendu à une tension palpable, mais le seul embarras de la conversation venait de lui ; Hadriel faisait étalage de sa gaucherie coutumière, rien de plus. Un sourire se fraya un chemin jusqu’aux lèvres de Messac, à travers une jungle de rancœur pourtant justifiée. C’était pas comme s’il avait prévu de l’engueuler -à la vérité, il avait rien prévu du tout. C’était pas la peine, avec ce type. Il écrasait tous vos plans sous ses gros sabots, plus imprévisible que la course des nuages cotonneux qui festonnaient le plafond bleu électrique au-dessus de leur tête.
-Domino est pas là ?
-Non, répondit le brun du tac-au-tac. Tu veux monter ?
-Non merci.
Dennis renifla ostensiblement avant d’ajouter :
-Y a une fabrique de beuh là-dedans ?
-On fait juste des petits bûchers pour Marie-Jeanne d’Arc, des fois.
Ses yeux n’avaient pas complètement viré au carmin. Dennis en déduisait donc que Delahaye devait être à peu près clean. Le meilleur résultat qu’il aurait pu espérer.
-Tu m’as trop manqué, lâcha Hadriel en descendant les deux marches d’un petit bond.
Dennis fut ravi de constater que même ainsi, il ne dépassait pas cette sale perche dégingandée.
-Je t’avais dit qu’il te laisserait revenir chez lui, commenta Dennis, l’air de ne pas y toucher tandis qu’il emboîtait le pas à son ami.
-Il m’adore trop pour ça, au fond. D’ailleurs, l’autre jour, il…
Dennis n’écoutait plus que d’une oreille. Le vent avait fraîchi, nota-t-il en levant le nez, un frisson courant le long de ses bras.

-Tu ranges ça.
-Oh que non. Ou alors, décréta Dennis avec toute la solennité qu’un tel ultimatum requérait, tu ranges ton arme aussi.
-Mon arme ?
-Le cahier qui te sert à me liquéfier le cerveau.
-Ça doit pas faire une grande flaque.
Il lui adressa la plus belle grimace de son répertoire et fit sauter la capsule de sa bière avec son briquet, preuve ultime s’il en était qu’il disposait déjà de toute l’ingéniosité dont il aurait besoin pour s’en sortir dans le monde. Il se laissa tomber contre le tronc de l’arbre sous lequel ils avaient élu domicile depuis plus d’une éternité pour réviser ce putain de cours de maths.
-Juste une pause, ça va tuer personne.
Il tendit la bouteille à son professeur en herbe, qui s’en saisit avec un soupir crevé. Elle ne faisait que répéter encore et encore les mêmes théorèmes. Dennis la fixa un instant, les sourcils froncés : cette mégère devait changer un ou deux principes à chaque fois, sans qu’il s’en soit rendu compte. Rien que pour le faire chier un peu plus longtemps. Il ouvrit une autre bouteille, savourant la fraîcheur amère de la boisson. Il doutait fort que Catherine apprécie autant que lui le goût prononcé d’une Pelforth brune, mais il s’en contrecarrait sévèrement la rate.
-Tu devrais y arriver. C’est pas infaisable, t’as fait des progrès.
-Que veux-tu, je suis un génie.
-J’irai pas jusque-là.
Dennis arracha un brin d’herbe, prenant garde à ne toucher qu’à ceux que les trous de la voûte de feuilles exposaient aux rayons dorés du soleil. Un jeu débile, de ceux qui prennent une importance capitale quand vous êtes gamins : ne marcher que sur les dalles marrons, sauter au-dessus de chaque plot bleu, ne pas toucher à ces petites fleurs. Des petites manies qui laissaient des traces.
-Où t’as eu l’argent pour acheter tout ça ?
Il tendit la main et la grande brune lui lança une de ses cigarettes.
-J’ai revendu tous les meubles du connard qui m’a foutu en taule, répondit-il avec un détachement affecté -sans pour autant parvenir à chasser de sa voix les dernières traces de fierté qui y demeuraient trop bien ancrées.
Catherine rit et leva les yeux au ciel ; ce n’est que face au silence de Dennis qu’elle releva la tête, les sourcils froncés dans une moue d’appréhension :
-T’étais sérieux, c’est ça ?
-Complètement.
Le blond tira une nouvelle taffe, le fantôme d’un sourire aux lèvres. Une vengeance mesquine, mais qui avait le goût singulier de la victoire. Dans ton cul, Dom. Dans ton cul.
-J’espère qu’il tenait pas trop à sa télé. J’ai pas pu la trimballer, expliqua-t-il. Alors je l’ai juste pétée à coups de batte.

Dennis Messac
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Dennis Messac

En bref

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Mar 14 Avr 2020, 18:04


Histoire



-Bon jusque-là vous avez eu la version détaillée, get ready pour un beau résumé du feu de dieu, vous allez adorer.
-Je suis sur mon Drive et impossible de me souvenir où je m’étais arrêtée, donc je vais reprendre au hasard. D’ailleurs si j’arrive à finir ce sera un miracle, l’espace est genre très très plein.
-DONC. Allons-y.
-Dennis, ce gentil garçon avec les meilleures fréquentations imaginables, présente son collègue Dominique (grand et noir ou de taille normale ou arabe JE VOUS LAISSE ETRE WILD) à Hadriel. Je dis collègue parce que ce cher monsieur vendait pas mal de trucs, et notamment des objets que Dennis lui refourguait après les avoir très légalement obtenus (rien de mirobolant hein). Il lui filait aussi de l’herbe à revendre vite fait. Dennis s’était un peu improvisé dealer de lycée.
-Il a continué de faire sa vie, qui impliquait de se plaindre de ses cours, de filer ses rédactions à Hadriel, de hurler sur son connard de beau-père, et de chiller dans sa chambre en écoutant sa musique quand il était pas en colle. Jusqu’au jour où, à l’âge canonique de 17 ans, Domino l’a mis sur un coup avec Hadriel et qu’il s’est fait gauler pour cambriolage. Une sombre histoire d’alarme et de rideau de douche. Caddie étant une perche notoire, il a réussi à escalader un mur et se faire la malle.
-Direction le poste de police, Laurène lui a passé le savon du siècle (on va pas dire qu’elle était trop étonnée non plus, elle était pas niaise au point de pas voir que son fils était un vrai gibier de potence depuis ses cinq ans, quand il a arrêté d’être mignon et piquait les goûters de ses camarades, la terreur de la crèche). Les flics lui ont gentiment proposé de le laisser tranquille s’il donnait les noms des personnes qui étaient avec lui (et surtout ceux des gens au-dessus en fait), mais genre mon Den c’est pas un rat, il a rien dit. Même si c’était pas l’envie qui lui manquait. Pas de tendresse particulière pour ce connard de Dom. C’était juste pour l’honneur (et le street cred pauvre petit).
-C’était pas exactement la première fois qu’il se faisait choper pour de la merde, donc à 17 ans ben cette fois c’est prison. Ce qui l’énerve, et qui énerve ses parents. Il décide qu’il s’en fiche et qu’il leur fait la gueule, et il refuse systématiquement de voir son beau-père. Alerte à l’ado en crise.
-Il finit par sortir après s’être bien comporté et tout, un homme nouveau. Bon okay non. Un ado de 18 ans énervé parce qu’y a que ses parents et Catherine qui sont allés le voir, et que son meilleur-pote-pour-la-vie est venu qu’une seule fois, ce qui est révoltant. Il est allé lui parler, mais Hadriel ayant la capacité de concentration d’un gobie, il s’est trouvé un nouveau meilleur pote en la personne de Domino et bonne chance pour le déloger de là. C’est une petite bête simple et obsessionnelle, Haddie. Court et intense. Donc si Dennis était en prison ben bye Dennis.
-Il reste énervé un moment, et grognasse quand il est pas en train d’essayer de réviser pour son bac. Catherine l’aide, faut croire qu’elle lui avait pardonné d’avoir passé son temps à lui tirer les cheveux et à lui renverser son yaourt sur la tête en maternelle. Et de s’être moqué d’elle et de lui avoir jeté des crayons dessus au primaire. Bref, elle a pas la rancune tenace.
-Un beau jour il décide de trash l’appartement de Dom. Il dit pas que c’est lui, mais vu le timing par rapport à son retour à la vie d’HommeLibreTM Domino se pose pas trop la question. Hadriel va donc voir Dennis pour lui dire d’arrêter ses conneries, wow, ça se fait trop pas quoi. En plus il aurait pu avoir des ennuis. Ils se font bien remarquer avec leur dispute digne d’une télé-réalité. Retenez c’est important.
-Dennis, dans sa grande maturité, va bouder au parc pour mieux digérer son petit sentiment vexé avec un petit ouinj au bord de l’eau. Hadriel le retrouve là-bas, ils se re-disputent, c’est la cata.
-LE RESTE EST FLOU DANS SA TETE faut dire qu’il était pas mal intoxiqué le pauvre. Vous voudriez bien savoir ce qui se passe, hein ? Non ? B-) EH BEN TOUTE FAÇON C’EST QUE POUR WILLYBOT parce qu’il s’en rappellera pas ohohoho.

-Alors forcément quand on a plus eu de signe de vie du Caddie pendant quelques jours c’est pas très très bien passé, et les flics en ont (encore) eu marre d’entendre le nom de Dennis popper à un moment inopportun. Il a un peu paniqué, et il a menti comme un arracheur de dents en disant que “noooon il l’avait pas vu depuis un bail” et tout le tintouin. Mauvaise idée parce que question discrétion ils auraient pu repasser. Et le fait qu’y ait eu du sang sur son T-shirt et qu’il ait pas été foutu de se souvenir de grand-chose a pas aidé non plus. Ils ont pas retrouvé Haddie tout de suite, Dennis était en grave stress.
-Bref je vous passe les détails, c’est un résumé ON A PAS LE TIME LES COCOS mais il a partagé un moment touchant avec son beau-père quand J’occulte parce que je retire ce souvenir de sa mémoire pour plus de, euh. Compassion. Il a pas aimé.
-Il est passé en jugement, et il a été condamné pour homicide involontaire. CA ARRIVE. Prison. Il a fait appel très rapidement mais les procédures ça prend du temps, donc voici venir le passage marrant de sa vie carcérale.
-Il est devenu pote avec son camarade de cellule, un grand rayeur de voitures et dégradeur de biens publics (qui pour le street cred s’invente une vie quand on lui demande), et lanceur de petits pois. On va appeler ce type Simon d’accord, je sais plus c’était quoi mais Simon ça lui va bien.
-Il fait sa vie et voit pas beaucoup sa mère, qui a un peu de mal à accepter l’idée que son bébé soit en prison et encore moins qu’il ait tué quelqu’un. Elle est pas très bien, maman Messac. Mais Catherine et Marc (Marc c’est son beau-Padre au cas où vous auriez zappé) viennent assez souvent. Et Trasy va bien. Dennis lit les vieux bouquins d’Hadriel que maman Delahaye lui avait gentiment envoyés (oui c’est une dentiste effrayante avec le Jugement Dernier dans les yeux mais elle a presque fini par s’attacher au bout de toutes ces années, tout de même). Son colloc’ de zonzon se demande si c’est pas un intellectuel caché, mais il comprend rien à ce qu’il lit en vrai, des neurones lui ont pas poussé d’un coup.
-Et puis l’appel marche (miracle des dieux), deuxième procès, cette fois il est acquitté (nouveau miracle). C’est Cathy qui vient le chercher avec Trasy, c’est émouvant yadda yadda. Ils se mettent ensemble quasi tout de suite et tout le monde prend les paris sur “combien de temps ça va durer lol”.
-Il cherche du taf mais forcément c’est pas gagné. En attendant il reste chez ses parents, et il s’est bien calmé. Limite il discute bien avec Marc. Cathy finit son master en compta pépère. Ca va étrangement bien, et il décide que nique sa race il ira plus voir le psy.
-Il trouve un job, enfin des intérims en tant qu’agent d’entretien (oui sa fierté en prend un coup mais c’est la vie, et au moins ça fait un monsieur-propre sexy). Il emménage avec Cathy pas longtemps après, quand elle a elle-même trouvé un job sympa en tant que… COMPTABLE QUELLE SURPRISE. Donc ils ont un joli petit appart cozy. Surtout petit en fait. La coziness vient avec le manque de place.
-Je ne sais plus à quel âge ils se marient mais je vais tabler sur 24. C’est bien 24. Une demande pleine de romantisme où Dennis a collé un “MARRY ME BITCH” géant sur les fenêtres de l’immeuble en face de celui où Cathy bossait. Parce qu’il y faisait le ménage (et oui, il a demandé la permission avant). Elle a hésité entre le baffer et l’épouser, et au final elle a fait les deux. Le mariage se passe même pas mal, c’est dire. Maman Delahaye a fait acte de présence en faisant la gueule. OUI VOUS ENTENDREZ TOUJOURS PARLER D’ELLE elle a toujours effrayé Dennis avec ses yeux de serpent qui vous jugent.
-Son gentil colloc de prison passe aussi. C’est bon de noter qu’il lui reste au moins un pote. Bon okay juste un seul. MAIS UN BON.
-Ensuite ben. Ca se passe quoi. Il pose sa candidature dans une supérette en espérant que le casier judiciaire bloque pas (mais bon on va reconnaître que t’as un peu peur qu’il se barre avec la caisse, ça lui ressemblerait). Le gérant, que je vais appeler… Que je vais appeler Pierre, voyez mon inspiration de tous les diables, lui laisse sa chance. En fait je vais ajouter des petits portraits de tout le monde si j’ai pas trop la flemme. Bon, bref, Pierre est un peu dur genre bourru, mais il est gentil au fond et Dennis décide de bien bosser.
-Je reprends et je sais plus du tout où j’en étais, y a eu du monde toute la matinée et pas des petits trucs ET MON IMPRIMANTE MARCHAIT PAS donc contrairement à Dennis, j’avais pas décidé de bien bosser. Mais lui si. Donc. Je disais quoi. J’alterne entre ça et le taf pour pas taper trop et être suspecte. J’ai failli me faire griller samedi. Enfin non mercredi samedi je bosse pas merde. ON Y RETOURNE ALORS. Ma collègue est partie je fais ce que je veux.
-Catherine tombe enceinte et c’est le gros stress. C’est un bourreau de travail alors elle prend pas franchement de congés avant d’être grosse comme une vache. Dennis travaille encore plus pour échapper à ses caprices de femme enceinte, mais globalement ça va. Personne ne meurt, Laurène est toute folle de devenir grand-mère, les parents de Catherine sont un peu moins fous mais ils se sont faits à l’idée. L’appart étant un peu petit pour trois, ils déménagent dans une maison de pavillon en périphérie (adieu métro bonjour bus, Denden ayant toujours pas le permis, ça le saoule un peu mais Trasy est content d’avoir un jardin donc ça va I guess ?).
-Sophie est née, yay ! Baptiste (Simon) refuse de devenir le parrain parce que un, il est pas baptisé et que deux, voir Dennis faire du 9-17, avoir un bébé et une petite maison avec une jolie clôture en bois ça lui file de l’urticaire. Il repart donc faire le punk dans son coin. Un gentil punk, il est nul pour être méchant. Et ainsi Dennis perdit son dernier poto, amen.
-Dennis fait le super papa cool, et Catherine fait la super maman moins cool. Ce qui va finir par leur causer quelques problèmes parce qu’en fait c’est comme ça pour tout. Genre il veut bien qu’elle aille jouer au cerf-volant à dix heures du soir, no problemo. Et puis comme c’est madame qui a tous les revenus (ou presque), lui il se sentait un peu émasculé. Je m’arrête là pour leurs déboires ménagers, mais quand Sophie a 7 ans, ils divorcent. Yay.
-Je sais plus ce qui se passe en vrai. A part que Sophie fait des caprices, que Dennis garde la maison, qu’ils s’entendent toujours avec Catherine (mieux que quand ils étaient ensemble en fait). Et quoi d’autre. Garde partagée. Trasy va toujours bien, ce chien est increvable. Et la collègue de Dennis se fout royalement de sa gueule parce que “ahaha lol de retour au club des célibataires”. Laurène et Marc sont en mode “oh well how unexpected”.
-Denden va pas suuuuper bien ? Enfin il voit pas grand-monde quoi. Plus ça va plus il devient ermite grognon et plus tellement beau-gosse-petit-con. Pierre (je crois que je l’ai appelé comme ça) décide de prendre sa retraite et de lui laisser la boutique. Il veut pas, évidemment, mais Pierre est un putain de têtu et Dennis finit par accepter. Il renvoie même pas sa collègue chiante en guise de vengeance. Quelle maturité hein. Vous êtes impressionnés je sais. B-)
-Il s’en sort à peu près, et demande de l’aide à Catherine pour la compta et ce qui ressemble un peu trop à un chiffre une fois le temps. Mais alors là le jour où il découvre que DUNDUNDUN elle s’est trouvé quelqu’un, c’est l’apocalypse. L’apothéose de l’état larvaire. Surtout qu’il l’aime pas, ce gus. Mais alors du tout. Un monsieur propret. Qui porte des bateaux et des polos. Et que, comble de l’horreur, Sophie aime bien (enfin moins que son papa hein, c’est un bon papa mon bébé).
-Les fêtes de fin d’année c’est l’eau de boudin constante, Dennis a aucune intention de se retrouver quelqu’un ever again et se change peu à peu en ours (en ours sexy malgré sa whatever-allante, il a pas encore pris de bide à ce moment-là, contrairement à Haddie qui lui ne cesse de grossir sur PI, c’est marrant le contraste aurait été encore plus beau, surtout que Dennis peut pas se faire pousser de barbe convaincante mais bref je sais même plus ce que je disais) (je sais encore moins ce que je disais maintenant parce que y a eu plein de monde encore mais bon ils étaient cools).
-Dennis fait sa petite vie. Jusqu’à ce que son chien meure en fait. Là ça va plus du tout. Il appelle Catherine parce qu’il a pas grand-monde d’autre à appeler. Et même qu’après il refuse aussi d’avoir un autre chien. Borné le mec. Il promenait son vieux bébé chien dans une petite poussette quand il était devenu trop vieux pour bouger, alors vous imaginez le choc. Il passe un peu de temps avec sa mère (qu’il veut pas inquiéter) et Marc (avec qui il peut maintenant plaisanter et qui le console bien quand il pleure, AS USUAL ce mec est aussi cool qu’Esteban Diaz croyez-en ma parole).
-Il reprend son train-train mais en mode encore plus morose. Il embauche des gens en situation un peu difficile, parce que merde il a été bien content d’avoir ça en sortant de taule (même blanchi hein). Y en a plusieurs qui passent mais je vais pas tous vous les présenter. Même si certains mériteraient on a pas non plus cinq cent pages. Je mets juste Emmanuel, un garçon sympa de 22 ans qui aime l’eyeliner (bon okay un garçon timide qui à ce moment-là ne met pas d’eyeliner parce qu’il voudrait avoir un taf, et dont la situation familiale est ni super claire ni tip-top). C’est THE bon employé si on exclut le fait qu’il soit souvent à la bourre parce qu’il va à la fac un peu pas mal loin.
-Denden le bouscule pas mal au début parce qu’il est comme il est, mais il l’aime bien. Du coup il lui donne le magnifique conseil de foutre des salades de phalanges aux gens qui le font chier (pas qu’il s’y connaisse question “j’emmerde les autres pour le plaisir et je m’en prends aux plus faibles que moi”, mais un peu quand même, et il sait bien qu’une bonne patate l’aurait éventuellement fait réfléchir) (sauf que pas en fait ça l’aurait juste énervé et il aurait salement riposté) (ce que les autres ont fait) (pourquoi je suis en parenthèses déjà).
-Quand le coco dit qu’il va arriver plus tard pour passer un partiel, Dennis se dit que “meh ça sent le détour ou le ‘je me cache tranquille le temps que tout le monde soit sorti’” et il va le chercher. En bon tsuntsun hein. Fallait juste pas qu’il arrive en retard parce qu’il doit aller chercher Sophie chez sa mère. Ce bon quarantenaire avec des tatouages fait quand même peur donc les méchantsBullyTM s’en vont, VICTOIRE. Emmanuel décide qu’il l’aime bien, ce qui fait que Dennis a toujours pas vraiment de potes à part sa collègue chiante, mais un nouveau gamin dans les pattes. J’ai pas de timeline sous le nez mais je suppose que Sophie est ado à ce moment-là, et elle s’entend mieux avec son père que sa mère. Et elle aime bien Emmanuel. Elle passe pas mal de temps au magasin après les cours (c’est une gamine studieuse mais qui s’énerve en deux deux).
-Bon je vous passe des scènes funs dont on se fiche éperdument. Je vais quand même dire que Dennis fait son grand héro au mariage d’Emmy en prenant la place de son Padre en mode “BON MERDE on a un mariage à faire là c’est pas le tout je ferai le témoin et go” quand il se casse de la mairie parce que non, que son fils soit gay ET se marie finalement c’est trop. Je le fais briller un peu.
-Je sais plus ce qui se passe ensuite je continuerai quand j’aurai une timeline correcte. Je vais lancer un super effet stylistique en passant de plus en plus vite sur ce qui se passe parce que mon bébé a pas kiffé sa vie des masses ni fait grand-chose à part se dire que c’était mieux avant, quand il pouvait boire des bières avec son groupe de potes devant la maison et que sa mère hurlait qu’elle allait retrouver toutes les bouteilles qu’ils avaient planquées partout et qu’ils se fendaient la poire. Et qu’ils fumaient des joints sur les quais avec des cubis de rosé-pamplemousse avec Colline, Haddie, Romain et d’autres de leurs potes. Il essaie pas pour autant de reprendre contact, mais il retrouve des vieilles photos et vidéos sur facebook à un moment (c’est littéralement devenu Copains d’Avant, souvenez-vous qu’on est dans le turfu). Il se demande vaguement ce qu’est devenue Colline (qui avait coupé les ponts avant avec lui mais définitivement balancé les morceaux avec Cathy aussi quand elle a épousé SON ex).
-Sophie aussi fait sa vie, alors petit débrief rapide. Que dire. Elle est douée en maths et bien réglo. Elle sort avec un type au lycée, Dennis finit par accepter l’idée que son bébé a grandi, elle va en école d’ingénieur, elle se trouve quelqu’un (qui sort des dad-jokes avant même d’en être un et CA ça lui fait gagner des points en masse), elle se marie. Enfin vraiment elle fait pas de vagues quoi. Même pas une toute petite arrestation, c’est pas la digne fille de son père.
-Sa petite-fille si, par contre. Il fait le papy-gâteau-bourru avec elle, l’emmène jouer, la garde dès qu’il peut. Mais j’ai dû sauter des étapes importantes je crois.
-Ah oui si, maman Delahaye passe l’arme à gauche. Ce qui rappelle à Dennis que sa propre mère (quoique plus jeune, vu qu’elle l’a eu à 18 piges et que c’était pas le genre de maman Delahaye ça) risque aussi de passer l’arme à gauche un jour. C’est un choc les amis, sa maman il aime se disputer avec elle.
25+28=53, +18 =71
Voyez donc mes savants calculs, je reste dans ma lancée de rien effacer donc vous avez des âges (approximatifs j’ai la flemme de tout calculer). Donc ça me mène à conclure que Laurène est presque morte à la naissance de son arrière-petite-fille. Enfin non elle va encore bien mais elle meurt quoi, allez on va dire deux ans après, à l’âge canonique de soixante-et-onze-ans-environ. Mon pauvre bébé est très secoué. Marc aussi, mais ce con est encore en vie (et plus vieux, genre il a dépassé la quatre-vingtaine lui). Il cane pas longtemps après cela dit, et c’est l’hécatombe. Dennis s’attache encore plus à son bout de chou. Qui fait bien l’idiote à l’école, toutes classes confondues, avant de passer par une période anti-jupes, puis une période activiste des animaux, puis une période gothique, avant de verser dans le style est-ce-un-pyjama-est-ce-un-pull. Elle a eu les cheveux rouges, un dégradé de bleu, longs, courts, et même un mulet. Oui, un mulet. Une fille gentille, impliquée et un peu niaise, qui part faire psychologie avec entrain après avoir (difficilement) eu son bac. Voilà pour sa vie.
-Dennis prend sa retraite au bout d’un moment. Parce que oui, jusqu’ici il bossait toujours (des trucs en drive surtout, m’enfin il l’aura bien tenue sa supérette). Il la lègue gentiment et voilà, il se retrouve encore plus désoeuvré mais au moins il est tranquilou bilou. C’est à dire qu’il regarde des séries et dort. Passionnant. Je vais pas faire la description par le menu de ses journées mais vous voyez le genre.
-Passé les 80 piges, il est un peu moins vaillant mais c’est une tête de cochon et il refuse d’aller en maison de retraite. Il a une aide à domicile qui vient l’aider, quand même, ça il accepte c’est pas encore trop une insulte à son honneur et à sa mobilité. Surtout après un AVC avorté qui a inquiété tout le monde. IL EST COMME LE VIEUX DE “LA-HAUT” je vous jure c’est le même. “C MA MAISON”
-Il est même pas ravi de la mort du connard d’ex-mari de Catherine. Enfin ex-compagnon, ils étaient pas mariés. Et ils s’étaient séparés entretemps. J’oublie des trucs c’est dingue. Bref. En tout cas il se bat royalement les burnes de ce qui est arrivé à ce type.
-Il discute de sa prime jeunesse avec sa petite-fille, comme assez souvent en fait, et elle et son copain se posent vaguement des questions sur la photo où il tire une grimace glorieuse pendant qu’un type (vous devinez qui) joue de la guitare en calbute et qu’un autre danse avec un sac en papier sur la tête. Y a pas de contexte. ZERO CONTEXTE c’est pour les faibles ça. En tout cas un bon moment plus tard, elle trouve une vieille copie d’un des livres que Dennis avait et qu’il regrettait sévère d’avoir perdu (donné en fait mais balec). Et elle le lui donne, toute contente, parce que oui elle a quand même couru après. Dans ma version du turfu les bouquins papier sont pas exactement rares mais les e-books sont genre vachement plus courants. Et c’est marrant ça fait deux fois courir. OHOHOHO JE SUIS UNE MARRANTE. Ou juste fatiguée.
-Il garde donc son cadeau précieusement même s’il bite toujours queud à la poésie. Y a des choses qui changent pas.
-PETIT SAUT DANS LE TEMPS, il est encore plus vieux. Et un peu moins aigri, il en a juste marre. Il retourne dans la maison de ses parents (on va donner le titre de PapaTM à Marc à titre posthume je m’en fous  je l’aime et il le mérite), qui habite une gentille famille maintenant. En fait il passe dans pas mal de coins, ça lui fait ses balades quotidiennes pour ses articulations. Notamment dans le petit village paumé où il avait emmené Alice (Colline) (c’était involontaire, il s’était trompé de bus et avait atterri n’importe où au lieu d’aller à la mer, le pauvre était mortifié mais elle ça l’avait faite exploser de rire et au final ils avaient passé une journée cool, je le mets pour illustrer le “GG GROS bravo c’est glorieux” de Denden).
-Jusqu’au jour où il décide de se re-barrer à Paris. Mais comme à chaque fois qu’il fait ça (bon okay c’est que la deuxième fois, rappelez-vous la première c’était y a longtemps), il finit avec les flics au cul. PARCE QUE OUI “OU EST PAPY”. Pas que sa famille s’inquiète hein, non, vraiment. En fait si, ils paniquent, ils font tous les fossés. Un papy c’est pas censé disparaître très loin selon les condés (je kiffe utiliser ce mot matez-moi cette rebelle des cités). MAIS LUI SI. PAPY A DISPARU.
-Et Papy se balade tranquillement avec quelques affaires près de la Seine, en fait. Sans pression. Enfin si, avec une pression. Blonde et bien mousseuse. Vive le houblon. Il se fait bousculer par des gamins (pas si gamins genre ados mais wesh) qui courent par-là en beuglant comme les gamins savent le faire, et RIP DEN.
THE END. Je crois. Validez-moi. Pitié même mon résumé a pris des plombes.

Aether
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Messac Dennis Empty Re: Messac Dennis

Jeu 23 Avr 2020, 22:58

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DENNIS AAAAAH PETIT FDP DES ÎLES TU ES ENFIN MORT
/le tacle dans la boue/

Bon j'ai pas vu de problèmes ni dans le casier ni dans les descriptions ni YADDA YADDA INCHALLAH donc si y'en avait. Ben. Elles vont y rester. Et on se sentira très cons le jour où on verra le problème, mais en attendant c'est très bien :/
Bon, si, gros shame pour Dennis qui transforme sa petite-fille en tuEusE De PeRe NoëL parce que WTF DENNIS. ON INSULTE PAS LES ENFANTS COMME CA. (surtout s'ils tiennent de toi, à l'évidence, et qu'ils se mettent à tout empoisonner parce que wow damn tu es de bon conseil papi I8 I love you)
Sinon y'a sûrement des problèmes de timeline, YOU SAID IT, mais j'arrive même pas à voir les miens sur le coup donc ceux des autr/HYENE/ (honte sur moi et ma vache, oui). Mention spéciale à la capacité de concentration d’un gobie de ce pauvre Haddie Caddie qui s'en prend plein la gueule, ALLEZ. MON BÉBÉ. QAQ Big-up aussi au street cred de Dennis. Et à ses techniques de drague, parce que renverser du yaourt sur la tête des filles c'est toujours hyper efficace. (la preuve, ensuite quand tu les demandes en mariage elles DISENT OUI (en te frappant)(Catherine, you know what was coming))
Le plus gros plot twist de l'histoire étant quand Catherine devient C O M P T A B L E j'ai failli en éclater mon clavier de surprise. Cathy, sale folle. T'as fait des études de compta et t'oses devenir comptable, sale putrgehtryh/BRIQUE/ Et Baptiste (Simon), meilleur perso. Suivi de près par Pierre (je crois que je l’ai appelé comme ça). Et Alice (Colline). Les meilleurs, je te dis.
"Bon je vous passe des scènes funs dont on se fiche éperdument." fckn rude. Je les veux moi B'(

JE VEUX TOUT GNGNGN mais j'accepte. La version courte. Je l'aime aussi, elle est glorieuse d'une autre façon.  Messac Dennis 1614271194



Ce résumé était glorieux, tho. Je pats Dennis avec du houx et de l'amour. Et de la poésie à laquelle il comprend rien. Et des télés cassées. Messac Dennis 1614271194

Tu peux dès à présent recenser ton avatar, ton absence de métier et demander une chambre pour t'en faire un petit nid douillet. Tu peux également poster une demande de RP ou créer ton sujet de liens. Ton numéro va t'être attribué sous peu, dès que mon cerveau sera remis à l'endroit, et tu vas être intégré à ton groupe dans l'instant. Tu arriveras dans la pièce Nord.

A la gloire de Thrasybule de Colytos. CHEERS.  Messac Dennis 3005761276

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