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Andy d'Harcourt
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Andy d'Harcourt

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01|11|10


Andy fit glisser ses mains pâles sur le bois impeccable, d'un brun chaud, du comptoir. Elle aimait la sensation de cette surface lisse, d'autant plus qu'aucune éclaboussure d'alcool collante ne la souillait. Nul besoin de se demander pourquoi le petit côté maniaque de Densmore lui plaisait. Ca lui changeait des établissement enfumés, poisseux et presque étouffants dont elle avait l'habitude de son vivant.
Enfin, à supposer que ses souvenirs n'étaient pas altérés. Ce dont elle doutait souvent.
Après tout, où sont les preuves, chère Agatha ?
Dans un coin de la salle, une machine étrange à mi-chemin entre le piano droit et le jukebox en bois massif faisait résonner un air de jazz entraînant d'une curieuse voix de baryton enrouée. Les notes s'échappaient d'un cornet en cuivre très similaire à celui d'un gramophone, mais personne ne jouait de mélodie sur les touches du clavier, et aucun interrupteur ne semblait commander la musique.
D'un côté, Andy était séduite par l'étrangeté de cette machine. De l'autre, l'idée que l'objet choisisse ou même produise toutes les musiques qu'il passait à longueur de journée de lui-même lui faisait froid dans le dos. Dans le doute, la jeune femme préférait opter pour une prudente indifférence, et se contenter d'apprécier la musique de fond.

Thou knowest not, my dim-witted friend, the picture thou hast made,

Andy croisa les jambes sous son tabouret. Elle n'aimait pas la texture de sa jupe d'uniforme, pas plus que la coupe du haut. Inspirée par quelques connaissances, elle avait personnalisé ces vêtements dans la mesure du possible, mais le résultat n'atteignait toujours pas son niveau d'exigence, et il lui arrivait souvent de s'y sentir à l'étroit. Pour se distraire de cette jupe trop courte, la jolie blonde saisit son verre d'une main nonchalante, et but une gorgée de whisky. Ses dents tintèrent contre le verre par mégarde.

« Donc. » Demanda-t-elle à l'homme derrière le comptoir en abaissant son verre, un coude sur le comptoir; « L'Amérique ? »

Les prunelles bleues de la violoniste accrochèrent le liquide ambré qu'elle faisait tourner dans son verre, lentement. C'était une soirée tranquille, peu de clients à servir, peu d'affaires dont il fallait s'occuper. Et elle n'avait jamais poussé la discussion avec le gérant du bar plus loin que l'exigeaient les simples formalités. Que ce soit ici, sur son lieu de travail, ou dans la salle à manger de la maison qu'ils partageaient avec deux autres colocataires. Pourtant, elle n'était pas arrivée hier, et son lit connaissait bien l'empreinte de son corps tout comme ce comptoir celle de ses doigts - sans doute mieux qu'elle les antécédents de ses collaborateurs.
Mais Andy n'était pas connue pour être très bavarde.

Thy vacant brow, and thy tousled hair, conceal thy good intent.

Callum Densmore
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La foule du début de journée s’était dispersée ; il y avait toujours moins de monde entre chien et loup, car contrairement à New York, la nuit pouvait tuer. Callum s’y faisait petit à petit, un peu contre son gré, attentif au bruit de la porte et aux allées et venues d’Oriana. Il n’y avait guère que les discussions étouffées et le tintement des verres pour troubler la musique et il se sentait plus en paix que de coutume. Durant les premières semaines passées à Asphodèle, il n’avait fait que serrer les poings et tourner en rond sans aucun but. Il avait mâché et remâché sa colère, l’avait crachée sur ceux qui l’avaient approché avant de se rendre compte que ce n’était ni sain, ni vivable. Pour évacuer le choc et retrouver un bon fonctionnement, il avait cherché du travail. Quoi de mieux qu’exercer une profession qu’il connaissait déjà ?

Ne vous en faites pas, je suis un professionnel, j’ai écumé le trois quart des bars de la ville avant de passer de vie à trépas. Et New York, c’est grand, vous le saviez ? Bien. S’il avait dû justifier de son expérience avant d’ouvrir, il aurait pu l’expliquer ainsi aux charmantes créatures des bureaux. Nul doute que cela aurait fait son petit effet. Il savait plaire, après tout.
Il eut un grand soupir intérieur. Les verres étaient parfaitement alignés sous le comptoir, les bouteilles à leur place – qu’elles soient décoratives ou vouées à brûler des gorges. Rien ne dépassait, rien ne coulait, rien de travers. Il détestait le désordre, il avait retenu d’une éducation privilégiée que les apparences comptaient pour beaucoup. Certains préféraient apparemment les lieux plus sombres et moins arrangés, mais ce n’était pas son problème.
Il y en avait tant, dans cette ville, ils n’avaient qu’à traverser la rue pour trouver leur bonheur.

Lui s’y trouvait bien.

« Donc. L'Amérique ? »

Et il n’était pas le seul. La voix de la jeune femme le surprit ; elle ne parlait jamais beaucoup. Ses lèvres s’étirèrent vite sur un joli sourire, tandis qu’il remettait un verre à sa place.
S’il n’avait aimé ni la conversation ni les gens, il aurait demandé à Oriana de venir prendre sa place derrière le comptoir pour leur raconter ce qu’ils avaient envie d’entendre. Son seul soulagement dans cet enfer avait été de se rendre compte qu’il côtoierait les autres comme il le faisait de son vivant ; s’il avait dû passer l’éternité enfermé, avec pour seule compagnie ses souvenirs, il serait devenu fou. La solitude seyait fort bien à d’autres, mais il n’était pas de ces gens qui passent leur vie en tête-à-tête avec eux-mêmes.

Il aimait trop les gens, il aimait trop danser.

« Le plus beau pays du monde, répondit-il sans avoir besoin de se forcer, une terre d’espoir. »

D’injustices et d’inégalités, aussi, mais tout avait son contraire.

« Ou de cheeseburger, pour certains que j’ai croisés, ajouta-t-il en levant les yeux au plafond, Trump, aussi, qui que ce soit cet homme. »

Un président, pour ce qu’il avait compris du discours sans doute politique d’un des clients. Le nom lui semblait familier, mais impossible de le replacer.

« Je suis arrivé à New York en 1912, les choses ont dû changer depuis. »

« depuis » étant l’époque de la majorité de ses clients. Ils venaient rarement des années 1920, la Prohibition n’était plus pour eux qu’un souvenir de classe.
Parfois, Callum se sentait seul. Tant de visages, mais si peu qu’il aurait pu croiser de son vivant. Cela avait de quoi donner le tournis.


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Andy reprit une gorgée de whisky, laissant à son interlocuteur de lui répondre à sa guise. L’alcool traça son chemin dans sa gorge comme du bout d’un doigt brûlant.

« Le plus beau pays du monde, une terre d’espoir. »

Typiquement, c’était le genre de phrase qui pouvait lui tirer un sourire. Eternelle insatisfaite, Andy avait, de son vivant, chéri les promesses, les poèmes et les grandes espérances. Voulant être de tous les combats, de toutes les révoltes.
Malheureusement, ils étaient trop jeunes, nés trop tard, le train était parti bien avant eux, et tous ces grands rêves avaient fini dans de petites salles sombres et enfumées à retenir Amory par la taille avant que le sang ne coule sur un mot maladroit.

A Paris en tout cas, la pluie et le temps avaient lessivé l’espoir depuis longtemps, et sa génération déboussolée se perdait en errances.

Apparemment, le futur de l’Amérique n’était pas tellement mieux.

« Ou de cheeseburger, pour certains que j’ai croisés. Trump, aussi, qui que ce soit cet homme. »

Le sourire rêveur se plissa au coin de ses yeux et la jeune femme se mordit la lèvre pour ne pas rire devant l’air indigné du patron. Elle avait elle aussi entendu des blagues sur le monsieur Trump en question en écoutant les bavardages – ou alors des propos sérieux nettement plus inquiétants – mais n’avait pas eu l’honneur d’assister à son arrivée sur la scène internationale. D’aucuns lui diraient qu’elle ne mesurait pas sa chance.
Sa chance de ne pas avoir vécu jusqu’à 38 ans ? Allons bon…

« Je suis arrivé à New York en 1912, les choses ont dû changer depuis. »

Elle, était arrivée à Paris en 92. 80 ans d’écart, c’est sûr que ça faisait quelque chose. Même elle se sentait parfois en décalage avec le reste de la population, alors elle n’osait pas imaginer l’effet que ça devait faire à quelqu’un fraîchement débarqué des années 20.
Elle était peut-être juste trop vieux jeu, aussi, songea-t-elle en croisant les bras sur le comptoir. Elle, les années 20, ça l’aurait bien tentée – bien plus que les années 90.

Quoique la liberté de la femme n’était pas encore trop à la mode à cette époque-là.

« Je dois reconnaître le côté pratique du cheeseburger. » Sourire en coin. « Pour ce qui est de Trump, je n’ai pas encore bien compris si c’était une vaste blague ou un pur produit du XXIème siècle. »

Triste époque. Ça la consolait quelque peu de savoir qu’elle n’avait pas franchi la barre du millénaire.
Enfin, c’est ce qu’elle supposait. Aucune certitude n’était permise sur ce point. Reprenant son verre en main, elle abaissa un index chaussé d’une chevalière sur Densmore.

« Mais je peux me battre pour la France comme plus beau pays du monde. » Nouveau sourire en coin. « J’ai le Bordeaux, le Mont Saint-Michel et j’ai Rimbaud. »

Et qu’il ne vienne pas lui ressortir le Débarquement, d’accord.
Quoiqu’il n’était sûrement pas au courant, finalement. Andy se demanda s’il y avait des cours d’histoire pour faire rattraper aux anciens décédés tout ce qu’ils avaient raté. Elle se serait inscrite.

Callum Densmore
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La réponse d’Andy lui arracha un sourire ; entre le beau et le pratique, Callum avait hélas un choix tout fait – qui aurait peut-être été différent s’il avait vécu en pleine campagne irlandaise, sans rien d’autre dans son assiette qu’un peu de pommes de terre et de sable. Puisqu’il ne se souvenait guère de ces jours de famine, il ne lui restait que les dorures des façades de New York et les bals où les perles et les dentelles s’agitaient.
Ah ah. Le XXI ème siècle avait de quoi faire frissonner ; pourtant, c’était le sien qui avait été marqué par les guerres – une dont il n’avait eu qu’une vague conscience, à l’abri entre les murs de sa maison, et l’autre qu’il n’avait pas connue. Quelqu’un de plus terre à terre lui aurait fait remarquer que tous les siècles avaient leur lot d’ennuis et de soubresauts, qu’il n’y avait que la nostalgie pour les colorer de rose.

Certes. Mais il était aussi romantique et profondément attaché à ce que la vie lui avait offert. Callum n’était pas ingrat, et aimait son monde comme il l’était – avec ses défauts, ses qualités, et les choses à faire changer et bouger.
Ou comme il l’avait été. Il lui arrivait trop souvent de regretter être mort aussi jeune.

Andy aurait sans doute pu lui en dire autant.

« Mais je peux me battre pour la France comme plus beau pays du monde. J’ai le Bordeaux, le Mont Saint-Michel et j’ai Rimbaud. »

Il laissa filer un éclat amusé. Ses arguments étaient percutants ; l’Amérique n’avait aucun des trois. Ses parents aussi aimaient beaucoup la France, raison pour laquelle ses romans et ses poésies s’étaient infiltrés dans ses cours jusqu’à lui donner une fluidité quasi naturelle dans la langue. S’il s’était marié, c’est à Paris qu’il serait allé passer sa lune de miel.
Bien sûr, il y avait eu la guerre (les guerres) mais ce n’était pas suffisant pour venir à bout d’un pays aussi ancien. Il y avait ça, aussi ; l’histoire et tout ce dont on veut se souvenir. En Amérique, le passé se résumait à des guerres, celle de sécession, et tout le mal que l’on faisait aux personnes de couleur et aux immigrés.

Pour un pays qui s’était formé grâce à des étrangers, Callum trouvait toujours ça ironique. S’il était arrivé à bon port avec ses parents et sa sœur, il aurait peut-être moins aimé cette terre d’accueil.

Au fond, il savait bien que non. Une main tendue reste une main tendue, peu importe ses intentions. La gratitude, c’était important – qu’auraient-ils fait sans elle ?

« Je ne peux rien y redire. Vous nous avez aussi offert Miss Liberty, et c’est ce que je préfère chez moi. »

Sa préférence aurait dû aller aux speakeasy où il dansait sans discrimination de quoi que ce soit, ou aux immeubles de son père qui s’élevaient vers les cieux ; quelque part, ses souvenirs flous le tendaient encore et toujours vers la mer que la statue semblait surveiller depuis son socle en granit.
Il était arrivé à New York en 1912, et il n’en avait pas le moindre souvenir. L’odeur de la mer ne lui revenait pas. Il savait que son bateau s’était échoué, et il savait qu’il y avait perdu sa famille. Le reste s’était glissé dans un abîme douloureux, qu’il n’osait regarder par peur de ce qu’il pourrait y trouver.

Il ne fallait pas être un génie pour savoir qu’il avait été traumatisé. Les grandes étendues d’eau le faisaient trembler.
La mort a tendance à faire cet effet-là, Callum.

« Donc. La France ? (Il s’accouda légèrement au comptoir, sans lâcher son sourire) Je ne me souviens jamais de quand exactement tu viens. »

Il avait tendance à éparpiller les dates, à ne jamais savoir qui le lui avait dit et qui ne le lui avait jamais dit. Il y en avait des jours, entre l’après-Rimbaud et le XXI ème siècle…


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Andy remarqua qu’elle aimait le son de son rire. Difficile de ne pas le remarquer. Il était beau, aimable. Gentleman comme on en faisait plus, à priori – à moins qu’on leur ait interdit à tous de quitter le sol américain. Mais c’était tout ce qu’elle savait de lui.

« Je ne peux rien y redire. Vous nous avez aussi offert Miss Liberty, et c’est ce que je préfère chez moi. »

Ça, et qu’il aimait la Statue de la Liberté. L’image de la grande dame telle qu'elle l'avait vue en image lui vint à l'esprit, plus rigide et froide qu'autre chose. Elle la voyait vert de gris, et le vert de gris lui évoquait des cimetières et des rêves brisés. La liberté, l'espoir, les grands élans aventureux ?
Je joue plus dans du « demain, dès l’aube ». Mais quant à savoir pourquoi…

« Bon, j’imagine que c’est assez ironique pour nous. Ou ça nous a porté bonheur, va savoir. » Murmura-t-elle d'un air absent, en faisant tourner le liquide ambré dans son verre. C'était plus une remarque en passant qu'un appel à discussion, et Callum le saisit bien.

L'ironie, c'était qu'on considère son pays comme l'un des pionniers de la liberté. Saisie à bras le corps, qu'elle était, en France. On couchait avec, paraît-il. C'était grand, c'était beau.
Parlez-en aux années 40. Parlez-en aux années 90 qui l'avaient subtilement oublié.
Chez elle, les fleurs se mouraient et tombaient en poussière aux bras des balcons. Le fer s’oxydait et la pierre noircissait dans l’indifférence générale. Le papier s’effritait entre ses mains, les notes de son violon s’évanouissaient dans les oreilles sourdes des passants, et son Paris était rempli de fantômes.
On raconte pas ça, dans les romans.

Il s'accouda au bar, amincissant la distance.

« Donc. La France ? Je ne me souviens jamais de quand exactement tu viens. »

La formulation, irréelle, lui tira un sourire. Mais pâle copie de celui du barman.

« De quand, hein. » A son tour, la jeune femme croisa les bras sur le comptoir. Son pouce triturait machinalement l’anneau à son annulaire. « Je suis née en 1978. » Mais chez moi, les horloges étaient toutes arrêtées.

Elle avait grandi dans les années 80, enfermée entre quatre murs, en rêvant d’une époque enterrée six pieds sous terre. En rêvant d’être quelqu’un d’autre, ailleurs, n’importe quand.
Elle s’était enfuie dans les années 90, mais celles-ci ne l’attendaient pas et n’avaient rien à lui offrir.
De quand était-elle, alors ?

« Mais je ne suis pas la mieux placée pour représenter les années 80, alors ne me prends pas trop comme exemple. » Haussement d'épaules. « Chez moi, la modernité, ça passait mal. On avait tendance à se noyer dans le passé. »

Chez moi on vénérait l’arbre généalogique placardé dans le salon, on avait des précepteurs avec de la poussière entre les rides, et l’argenterie avait trois siècles, au moins.
C’est pour ça que je suis partie.
Toutes les pièces étaient vides. Il y avait du silence dans les murs et dans les conversations.
Des siècles dans les rais de lumières qui faisaient danser la cendre.
Et sa mère qui hoquetait chaque fois qu’elle heurtait un meuble.
Elle eut un flash de Louise en chemise de nuit, aussi pâle et bouclée qu’une poupée de porcelaine. Marylou.

Ah. Elle réalisa ce qui l’intriguait et éveillait chez elle une vague envie, face à Densmore. C’était son sourire, justement. Ou plutôt ce qu’il y avait dedans. De la reconnaissance. Quelque chose de lumineux, de clair, de vivant.
Quelque chose qu’elle n’avait pas, elle qui ne faisait que déplorer le temps qui dépérissait derrière sa fenêtre. Elle avait l’impression que l’atmosphère autour d’elle, embrumée et lourde de mélancolie, engluée, ralentie, se heurtait à l’air qui l’entourait lui. Un air plus sain, respirable. Elle en ressentit de la jalousie.
Elle ne savait pas bien si le sourire qui lui vint aux lèvres lui avait été inspiré par le barman dans l’espoir de chasser, elle aussi, les idées noires – ou si sa simple présence avait réellement un effet apaisant sur elle.
C’était lui accorder beaucoup de mérite sans fondement – la vraisemblance s’y opposait, et Andy de même. Ne poussons pas trop loin la poésie.

« Pas de cheeseburgers jusqu’à ce que j’arrive à Paris en 92. »

Elle se redressa sur son tabouret, jetant un coup d'oeil autour d'elle.

« J’imagine que tu travaillais déjà là-dedans avant ? » Geste large de la main pour embrasser le comptoir et la salle.

Il était trop à l’aise dans son environnement pour qu’elle puisse imaginer le contraire.

Callum Densmore
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1978.
Son esprit peina à faire un bond de cinquante ans après sa mort – difficile à croire, face à ce visage qui n’était guère plus jeune que le sien, qu’Andy aurait eu l’âge de ses petits-enfants. Lui qui avait toujours été optimiste songeait maintenant avec mélancolie à ce futur qu’il n’avait pas connu ; il l’avait apprécié pour ce qu’il promettait de leur offrir, et s’être fait dérober de la sorte tout un pan de sa vie le rendait amer. 1928, et une chute dont il ne se relèverait jamais. Le monde avait continué de tourner sans lui, et c’était dur à entendre, à comprendre, mais il fallait s’y faire.
1938, 1948, 1958, 1968, 1978. Il aurait eu 73 ans le 6 Novembre.

Il avait vécu tellement vite, il avait tant dansé, tant aimé, que les notes dans la voix d’Andy lui pincèrent un peu le cœur. Ce quelque chose de désenchanté dans ses yeux paraissait presque lugubre dans sa voix, et il eut de la peine pour elle. Il avait vu passer beaucoup de monde depuis son arrivée, et certains se félicitaient d’être morts, mettaient leurs souvenirs au clou, les échangeaient contre de nouveaux rires sans la moindre hésitation. Certains ne regrettaient rien car ils n’avaient rien à regretter et Callum savait qu’il avait été gâté par la vie. Que tout le monde n’avait pas eu la chance de grandir dans l’or et les diamants, l’amour et la reconnaissance.

Ça n’avait tenu qu’à un fil, maintenant au fond de l’océan. Un frisson lui mordit l’échine lorsqu’il se redressa, moins glacial que celui d’Andy.
Se noyer dans le passé, pour quoi faire ? Le monde entier buvait aux lèvres du progrès. Leur belle utopie avait trébuché, mais à ce point… ?

Il avait tant de mal à détester la vie, même au pied du mur.

« Pas de cheeseburgers jusqu’à ce que j’arrive à Paris en 92. »

Ses lèvres s’étirèrent à nouveau, un rire sous sa langue. Il n’osa pas lui dire qu’il n’allait pas la plaindre – il s’était promis d’arrêter de juger et, des divers témoignages récoltés, le cheeseburger en question était loin d’être dégoûtant. Il était de bonne humeur, il pouvait lui accorder le bénéfice du doute.
Pour le goût, pas l’allure. Il y avait des limites à tout.

80 ans d’écart entre deux pieds posés dans l’inconnu, c’était énorme. New York, 1912, Paris, 1992. La Statue de la Liberté, le flambeau dressé vers le ciel gris. Tous ces immigrés qui se poussaient à ses pieds – et qu’avait-elle laissé aux pieds de cette tour de fer ?

La question qui suivit le pris au dépourvu, et lui tendit un peu les épaules. Son regard fit le tour de la salle, avant de revenir sur Andy, puis sur les ciselures des verres sous le comptoir. Il en traça les contours avec application, pensif derrière ses yeux noisette.
Une partie de lui savait que cracher la vérité ne lui vaudrait aucun reproche ; ce n’était qu’une ligne de livre d’histoire pour beaucoup, et un futur qui n’en intéressait pas d’autres. Ce qui est fait est fait, amen, et nous voilà tous au purgatoire à prendre un verre.

Mais Callum regrettait certaines choses et se voyait mal dire à Andy que, bien, il avait certes une connaissance approfondie des bars de son vivant, mais de l’autre côté du comptoir. Sous le comptoir, quand la soirée finissait plus mal.
Uh. Ce n’était pas exactement ce qu’il avait envie de dire à une femme, question de pudeur.

Lui parler d’alcool frelaté ne lui plaisait pas plus, mais…

« Eh bien… pas tout à fait, répondit-il avec un rire un poil trop forcé, j’étais étudiant en droit. Je voulais devenir avocat. Mais ma famille… »

Il tapota des doigts contre le bois, avant de hausser les épaules.

« A cette époque, en Amérique, personne n’avait le droit de vendre de l’alcool. Techniquement. Il fallait être fou pour penser que cela arrêterait qui que ce soit, hmm ? Mon oncle ne comptait pas se laisser faire. »

Et il ne s’était pas laissé faire, même si Callum le mettait volontiers dans la catégorie des opportunistes à qui cette loi avait bien servi. Toujours à mettre son nez et ses mains dans toutes les magouilles possibles et imaginables, et traîner Charley qui l’admirait à sa suite.
Et avec Charley, lui.

Son cœur se serra. A promener un pistolet à la hanche, qu’on ne s’étonne pas de mourir jeune.


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Je sens de la méfiance sur le cheeseburger. On en fera, un de ces quatre, tu verras.
Andy doutait des chances de dégoter de la viande hachée dans le coin, et du cheddar n’en parlons pas – mais tant qu’à faire, ça l’occuperait, de chercher des substituts. Et qui sait, le résultat serait peut-être mangeable, et pas mortellement toxique.
Il fallait bien trouver un truc à faire, au Paradis, pas vrai ?
Et elle elle avait un vide persistant dans l’estomac à combler.
Son attention revint à Callum dès qu’il ouvrit la bouche. Andy aimait les histoires.

« Eh bien… pas tout à fait – Andy capta la note dissonante dans son rire et haussa les sourcils derrière son verre – j’étais étudiant en droit. Je voulais devenir avocat. Mais ma famille… »

Et ensuite il lui sortit la Prohibition. Logique. Elle aurait dû s’en douter – ou pas, il n’y avait que dans les livres que le monde était rempli de gangsters et de contrebandiers à tous les coins de rue, après tout. Callum aurait aussi bien pu sortir du bar le plus tranquille et ennuyeux de New York, plutôt que d’un speakeasy clandestin enfumé. Nettement moins sexy, mais la réalité l’est rarement.
En tout cas, mettre un mot sur la période l’aidait davantage à apprécier la distance qui les séparait qu’un huit et un zéro tout bêtes qui représentaient trop. 80 ans. Page 16 dans son livre d’histoire. Des repros en noir et blanc. A en donner le tournis.
Andy but une gorgée de liquide ambré, pensive, prenant le temps de peser ses mots.
Et puis, l’image de l’étudiant en droit à col amidonné se superposa à celle d’Al Capone et la jeune femme ne put retenir un sourire en coin. Il dévoila ses dents, et ses yeux bleus étincelèrent, comme pris dans un coup de torche.

« Sir Moonshiner, grand avocat New Yorkais. » Elle ne faisait que taquiner. Si peu. « Dois-je en déduire que tes plans de carrière ne se sont pas déroulés comme prévu ? »

Elle en aurait mis sa main à couper. Si l’homme devant elle avait fait fortune en tant qu’avocat, la Cour avait alors dû faire face à une recrudescence de criminelles hors-normes - rien que pour le plaisir d’être accusées par ses beaux yeux.
Bon, elle exagérait pour la forme, et ça pouvait tenir du cliché, mais son flair lui disait que ce n’était pas au barreau qu’il avait passé le plus clair de sa vie.

« J’ai raté les cours là-dessus pour être honnête avec toi, » - en sautant par la fenêtre, littéralement - « je n’y connais rien, tu es chanceux. Tu pourrais me déballer n’importe quoi. »

Elle n’ajouta pas qu’elle le regrettait, ni qu’elle aurait voulu savoir. Tout savoir. Elle n’aurait pas aimé ce genre d’attention de la part d’autrui, et n’allait donc pas l’imposer à qui que ce soit. Jusqu’à preuve du contraire, ils n’étaient pas dans un musée.

Callum Densmore
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« Sir Moonshiner » laissa filer un sourire qui lui aurait valu cher au tribunal – d’un côté comme de l’autre, puisque sa vie avait toujours dansé autour d’une ligne sinueuse et incertaine. Combien de petits et de gros hasards lui avait-il fallu pour ne serait-ce que toucher ce rêve du bout des doigts ? Beaucoup. On ne devient pas avocat dans un champ stérile en Irlande, et on réduit aussi ses chances de plaider un jour en passant de speakeasy en speakeasy. Sa mère n’en avait pas dormi, certains soirs.

Quant à ses plans de carrière… Eh bien, il était ici ; prévisible mais rageant. On lui avait dit de faire attention, qu’il allait mal terminer – mais il y avait Charley pour lui dire que tout irait bien et ses soucis s’envolaient. Un grand garçon, hein ?

Quelque part, Callum pensait avoir gâché toutes les chances qu’on lui avait offert, et sa liste était longue.

« J’ai raté les cours là-dessus pour être honnête avec toi. Je n’y connais rien, tu es chanceux. Tu pourrais me déballer n’importe quoi. »

Cela le fit rire ; il n’aurait jamais osé.
Il se rendit compte qu’en parler ne lui faisait plus froid dans le dos. A une époque, avoir la bouche cousue avait été une nécessité, une affaire de vie ou de mort. Mais puisqu’il était déjà mort, et que personne ne pouvait le condamner par contumace… Après tout, sa vie faisait désormais partie d’un livre d’histoire.
On écoute, on observe, on admire, comme lui l’avait fait sur les bancs de l’école. On participe à l’effort de guerre, sans le vouloir – difficile pour lui d’imaginer, à l’ombre d’un escalier, que leurs petites mésaventures fascineraient.

Tout ça s’était arrêté quelque part après sa mort. Il ne pouvait pas en jurer, mais il lui semblait bien que…

« Je pense que mes plans de carrière ont été écourtés à cause de ça. (il posa à peine le doigt sur le verre d’Andy) C’est flou, mais je ne me vois pas m’être étouffé sur mes textes de lois. »

Il n’avait jamais étudié à en devenir fou, contrairement à d’autres, il le faisait avec plaisir. Ses professeurs lui avaient dit qu’il ferait un excellent avocat, le moment venu. Un peu distrait par les fêtes, les danses et les jolies filles, mais une fois en cours…
Hélas, le moment n’était jamais venu. Il aurait aimé qu’Asphodèle lui rende la partie de son âme qu’il avait avalée, il détestait les creux qui parsemaient sa mémoire et le faisaient trébucher. Il pensait tenir la vérité, et en suivant le fil, il le trouvait brusquement coupé.

Qu’est-ce qui se cachait derrière tous ces fondus et ces tentures ? Pourquoi l’avait-il oublié ? Il y avait peut-être une raison (il y a toujours une raison), mais l’homme dans l’ignorance est rarement l’homme le plus sage.

« Je ne sais pas ce que je pourrais inventer de plus abracadabrant que la réalité… je connaissais une femme, aussi blonde que toi, qui avait cousu des poches à l’intérieur de ses vêtements pour y cacher des flasques. Elle ne pouvait pas en transporter beaucoup, mais la police la laissait tranquille. »

Elle avait un si joli sourire.


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Oui, hein.
Elle non plus, les papiers couverts de lignes imprimées, ne les avait pas fixés longtemps. Ils n'avaient pas fait long feu - ou un peu trop, au contraire. Elle se souvenait bien d'une fois où elle avait craqué une allumette dans un baril contenant tous ses livres de cours.
Et des hurlements de sa mère.
La pauvre femme, sa mère.
Son coeur qui se serrait.

« Je ne sais pas ce que je pourrais inventer de plus abracadabrant que la réalité… je connaissais une femme, aussi blonde que toi, qui avait cousu des poches à l’intérieur de ses vêtements pour y cacher des flasques. Elle ne pouvait pas en transporter beaucoup, mais la police la laissait tranquille. »

L'anecdote tira un éclat de rire à Andy. D'un coup, comme un verre qui se brise. L'image de policiers embarrassés à l'idée de fouiller sous des jupons ou dans un corsage illumina ses traits et fit pétiller ses yeux. Admirons la fourberie de ces dames. Maîtrisant rapidement son hilarité, sans pour autant retenir son sourire, la française s'accouda plus négligemment au bar et glissa la joue dans sa main.

« Ça me plairait bien, de faire ça. »

Et des bris de verre, tu en ferais quoi ? Son sourire s’évanouit et l’air qu’elle jeta à son verre vide redevint maussade. Elle le repoussa vers le barman, du bout des doigts. Et embraya sur un détail saisi au vol avant l'histoire des jupons :

« "C’est flou" comme, tu ne te souviens pas ? »

L’isolement avait rendu Andy directe. Si on lui tendait une perche, elle la saisissait, peu importe la nature. Les occasions manquées la rendaient folle. Les instants perdus, les mots jamais dits.
Sans aller jusque-là, elle aimait savoir, et donc si on lui en laissait l’occasion…
Et l'amnésie qui les affligeait tous, c'était quelque chose qui la mordait à même la peau et qu'elle emportait avec elle où qu'elle aille. Le besoin de comprendre, de savoir n'en était que plus grand.
On lui avait dérobé quelque chose, mais quoi.

Elle ne savait pas s’il y avait des tabous sur le sujet ou quoi que ce soit. Sans doute que les gens n’aimaient pas en parler. Ou d’autres trop. Elle n’avait jamais vraiment su ou se situer, mais cela l’angoissait. Les trous de mémoire. Les morceaux du puzzle qui manquaient. Avoir oublié la fin de sa vie l’amenait à s’interroger sur ce qu’il pouvait manquer d’autre. Elle avait entendu parler de gens dont la mémoire était devenue un vrai gruyère.

Elle ne savait pas si cela était dû au choc ou à une volonté délibérée de quiconque régnait sur Asphodèle, mais cela ne lui plaisait pas, et ce n’était pas juste.
La mort ne leur volait-elle pas déjà suffisamment en l’essence même ?
Comme une illustration qui tombait à pic, un souvenir de Marie-Louise lui traversa l'esprit. Elle reprit son verre, fit tourner l'ambre dans le fond, en jeux de lumière. Un peu trop approprié.

« J’avais une petite sœur qui avait la passion des fleurs. Mais va savoir pourquoi, elle détestait les asphodèles. »

Marylou. Les images de Louise étaient, elles, terriblement nettes. Comme de vieilles photos imprimées sur sa rétine, comme une information importante qu’elle ne devait pas oublier.

« Elles lui faisaient peur. »

A les voir se balancer au soleil, longues, cruelles, penchées sous le poids de lourdes fleurs blanches, Andy ne lui avait jamais donné tort.
La menace était diffuse, derrière des pétales pourtant ravissants.
Mais présente, dès qu'on s'éloignait un peu.
Il fallait saisir le canevas complet et alors...

Callum Densmore
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Son éclat lui tira un sourire plus grand et il l’écouta sans se distraire, heureux de l’entendre même s’il allait vite s’évanouir ; elle lui donna raison quelques secondes plus tard, mais son expression resta collée à sa rétine un bon moment. Callum n’allait pas se mêler de ce qui ne le regardait pas, mais s’il pouvait effacer un instant la tristesse et la morosité, alors il le faisait volontiers. Il aurait été le premier à dire que la mort l’ennuyait, qu’il s’y sentait moins bien qu’en surface. Claustrophobe des enfers, un peu, l’air lui semblait rempli d’ouate et difficile à respirer.
Une sale impression, rien d’autre, mais Andy…

Andy regardait son verre comme une autre aurait pu le faire avant de mourir. C’était peut-être faux, mais la mélancolie avait l’air de l’enserrer depuis plus longtemps que ça.

Dis-moi qui tu hantes, n’est-ce pas… C’est flou comme un fantôme vaporeux, ma chère.
Le scintillement de l’ambre à travers le verre.

« A partir d’un certain moment dans le temps, mes souvenirs se mélangent. »

Comme si les jours et les mois ne comptaient plus. Il entendait la voix de Charley, celle de Pauline, mais il n’arrivait pas à les replacer ; près de lui, à son oreille, et où ? A l’hôtel, sur la côte Ouest, dans un cinéma ? Il avait des flash très brefs et confus de banquette arrière et de draps froissés. Il n’avait pas une peur morbide de l’inconnu, mais ce flou là l’inquiétait un peu – comme s’il avait quelque chose de grave à se reprocher entre les lignes.
Il ne voulait pas fuir les reproches, mais c’était le genre de peur qui vous prend à l’estomac ; du cyanure, juste assez pour vous faire voir des anges.

« J’avais une petite sœur qui avait la passion des fleurs. Mais va savoir pourquoi, elle détestait les asphodèles. »

La confession le tira dans un sens et dans l’autre. Tu as une petite sœur ?
Avait, Callum. Avait. Ça ne passerait jamais.

Il n’avait jamais été fasciné par les fleurs ; il ne les regardait que pour les offrir, et le reste se diluait en pétales le long de charniers dans la terre. C’était un peu cruel de lui faire oublier des choses et d’autres, mais pas le bruit de la terre qu’on tourne et retourne, l’odeur de la mer en contrebas d’une colline trop triste. L’Irlande. Je m’en souviens à peine. Je les ai tous enterrés. Ta petite sœur, elle est en vie ?

Il avait découvert les asphodèles dans la mort, et son avis était biaisé, mais il l’offrit tout de même :

« Elles sont sinistres. Je ne peux pas lui donner tort. »

Peut-être lui auraient-elles inspirées de beaux poèmes de son vivant, mais comme chaque jour aimait le lui rappeler, il était mort et enterré. Alors ces dames en blanc, elles pouvaient rester garder les portes de l’enfer. Des champs et des champs entiers, immaculés. Sans imperfections. Une vision d’outre-tombe.
Peut-être avait-elle eu la même.

« Elle a peut-être deviné, avant tout le monde. Qui sait. »

Il y a des peurs irrationnelles jusqu’à ce qu’elles ne le soient plus. Il y a des petites sœurs effrayées par des pétales, et des enfants chavirés à l’idée de monter dans un bateau. On en rit, puis un jour, tout s’écroule.


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Sinistres était le mot. Les champs lui faisaient froid dans le dos. Comme des rangées de tombes animées. Des doigts de fantômes qui s’agitaient au rythme d’une brise qu’elle ne sentait pas sur sa peau.
Les ombres la mettaient mal à l’aise en général, mais à Asphodèle, c’était pire.

« Elle a peut-être deviné, avant tout le monde. Qui sait. »

La remarque tira un sourire crispé à Andy. Un peu trop crédible pour ne pas la mettre mal à l’aise, même si Callum n’en avait aucune idée. Rétrospectivement, il y avait quelque chose de bizarre chez Louise. Elle te bat à ce jeu-là, Andreia.
Tintement de ses ongles sur le verre.

« Elle était… »

Le regard bleu de la française plongea directement vers le fond de son verre vide. Ça n’avait pas d’importance de réfléchir à ça maintenant. Pas plus que d’en parler. Ça ne changerait rien de comprendre maintenant. C’était trop tard.
Alors elle relâcha les fantômes – « peu importe » à voix basse – pour revenir sur le présent encore tangible. Hors du temps, pour ce qu’elle en savait. Les spectres auraient tout le loisir de revenir rôder plus tard.

« Je crois me souvenir de tout, sauf de la fin, mais. » Sa joue s’appuya derechef dans sa paume. « Comment savoir. »

Son regard bleu balaya la pièce une nouvelle fois. Un ou deux clients commençaient à arriver. Sa guitare était posée sagement dans un coin. Scène familière, et en même temps, pas du tout. La vallée de l’étrange, et eux tous avec les deux pieds dedans.
Les fantômes c’est nous.

« De la famille, toi ? »

Tant qu’ils en étaient à parler de tout et de rien.

Callum Densmore
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Callum laissa Andy éparpiller ses réflexions sans insister ; il respectait le silence des autres et si elle n’avait pas envie d’en parler, il y avait forcément une raison. Pas forcément sordide, peut-être une broutille, mais ce n’était certainement pas à lui de juger la sensibilité des autres.
Lui non plus n’aimait guère parler de certains détails, et pas forcément parce qu’il se sentait honteux ou coupable. Tout simplement car ils n’avaient rien à faire à la surface, que les gens n’avaient pas besoin de savoir.

Qu’ils parlent d’asphodèles ou de vagues…
Dur de se détacher de l’impression qu’ils avaient tous une bonne raison d’avoir oublié.

« Je crois me souvenir de tout, sauf de la fin, mais. Comment savoir. »

« je crois », « comment savoir », et la peur d’être passé à côté de quelque chose le prenait au ventre. Techniquement, tout pouvait être passé à la trappe. Il n’avait pas l’impression d’avoir vécu plus que ce que son visage suggérait, mais la mort pouvait lui avoir joué des tours. Il n’aimait pas y songer si c’était pour se dire qu’il avait oublié des enfants, des parents et de grandes joies, mais c’était une possibilité. Il entendait beaucoup de choses, debout derrière ce comptoir – parfois plus qu’il ne l’aurait aimé.

Il était habitué. Malgré tout…

« De la famille, toi ? »

Il jeta un œil à la salle comme s’il y cherchait ladite famille – ce qui le fit sourire, car rien n’était impossible. Ce souvenir-là n’était pas scellé, même s’il était bien flou. Il n’aurait pas été certain de reconnaître ses parents s’il les avait rencontrés dans une rue d’Asphodèle, alors ses sœurs et son frère… On les lui avait enlevés tellement jeune. Il avait en tête des yeux bleus et des taches de rousseur, sans parvenir à savoir s’ils étaient sur le même visage ou s’il les confondait.
Il préférait ceux qui lui avaient survécu et avaient tout intérêt à ne pas passer la porte de ce bar. Savoir qu’ils mourraient un jour était différent d’avoir le fait accompli en face de lui.

Tiens donc, maintenant qu’il y pensait…

« Une sœur et un frère plus âgés, et un petit frère. Pas de petite sœur. (il hésita, mais sa précédente réflexion le tira sur les chemins de terre d’Irlande malgré tout) Adoptifs. Ma famille biologique n’a pas vécu très longtemps. »

C’était le cas de le dire. Si vite évaporés qu’il n’en avait pas connu certaines.

« Ce qui me fait penser... je n’ai pas croisé d’enfants, ici. Enfin. D’enfants, je ne compte pas Dorothy. »

L’entendre parler de ses arrière-petits-enfants alors qu’elle n’avait pas l’air d’avoir plus de douze ans était perturbant, mais on s’y faisait étonnamment vite. Asphodèle, comme tout le reste.
Il tenta de se remémorer ses cours de latin et ce dont il se souvenait des Enfers d’Orphée.


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Tapotement des doigts sur le bois ciré, coup d'oeil à la salle. La porte grinça gentiment lorsque l'un des rares duo ressortit en toute discrétion. Il était encore tôt.

« Une sœur et un frère plus âgés, et un petit frère. Pas de petite sœur. » Andy nota l'hésitation dans sa voix, mais ne releva pas. « Adoptifs. Ma famille biologique n’a pas vécu très longtemps. »

Un, deux, trois, et quatre. Ca faisait beaucoup. L'image d'Anastase et sa moue boudeuse contre la vitre de la voiture traversa l'esprit d'Andy. Son nez à elle dans les boucles blondes de Louise. Ses parents à l'avant.
Le mal du pays lui étreignit le coeur sans s'annoncer. Il lui en vola une réponse sur l'animation constante chez les familles nombreuses, et elle fut contente que Callum reprenne la parole pour la tirer de ses griffes.

« Ce qui me fait penser... je n’ai pas croisé d’enfants, ici. Enfin. D’enfants, je ne compte pas Dorothy. »

Andy battit des paupières et remarqua qu'elle n'avait pas de contre-exemple à lui opposer. Elle ne s'était jamais fait la réflexion.

« C'est vrai. »

La jeune femme considéra la question un instant en silence. Puis elle tourna les talons et s'éloigna du bar pour rallier la scène où elle avait laissé ses instruments. Elle saisit le manche de sa guitare et revint vers Callum tout en pensant à Dorothy. La première fois qu'elle avait compris que derrière sa bouille d'une dizaine d'années se cachait une très vieille personne, elle avait pris peur.
Difficile de démentir en avoir encore un peu honte.

« J'imagine que c'est une bonne chose. » Ajouta-t-elle d'un air on ne pouvait moins sûr en posant la guitare sur le comptoir.

Puis, sans attendre la moindre permission, elle poussa sur ses mains et alla s'asseoir en tailleur à côté de l'instrument. Elle le cala ensuite sur ses genoux avant de se pencher pour saisir un verre et la bouteille de whisky du côté de Callum, lui servir une rasade, en remettre en passant dans son verre à elle, puis le lui tendre sans plus d'émotion que si elle venait simplement de lui sortir le journal du soir. Après tout, la salle était vide.
La française leva donc son verre pour trinquer. La lumière accrocha l'ambre. A la tienne et aux enfants perdus.

« Pour tout avouer, j'ai aussi manqué deux-trois cours de catéchisme. » Elle prit une gorgée qui glissa avec chaleur sur sa langue, puis reposa le verre sur le bois dans un tintement agréable. « Alors je ne sais pas bien ce que dit la Bible sur le sujet. »

Encore un euphémisme pour dire qu'elle abusait de l'école buissonnière en faisant des gestes grossiers à son précepteur par la fenêtre. Les doigts de la jeune femme glissèrent sur les cordes de son instrument et en tirèrent des notes claires qui firent écho à celles du verre contre le comptoir. Elle engagea des arpèges étouffés, par ses mains et le bois, et couverts par sa voix lorsqu'elle reprit :

« Pour autant qu'on admette qu'Asphodèle corresponde à l'Enfer, au Paradis, ou au Purgatoire. » Les noms qu'on y croisaient étant, après tout, plus rattachés à la mythologie grecque qu'au christianisme, le doute était plus que permis.

Depuis son arrivée, Andy avait cependant été tentée par cette dernière option - tout autant que par l'idée qu'au final les religions se cassaient toutes la gueule en débarquant ici et que les athées avaient eu raison. Gloire à eux.
Mais s'ils avaient tort, alors ils étaient tous ici pour une raison.


Spoiler:

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Callum regarda Andy s’éloigner pour saisir sa guitare, l’esprit à moitié sur elle, et à moitié sur ses réflexions d’enfers grecs. Il était parvenu quelque part à se persuader qu’Aether devait être friand de mythologique ; sans ça, les gardes n’auraient pas été affublés des noms des fleuves infernaux, ni du passeur du Styx. De là à savoir s’il y avait un indice quelconque dans toutes ces légendes, ou si ces indices étaient pertinents…
Il n’aimait pas s’avouer vaincu, mais Asphodèle lui posait une colle. Je suis mort, qu’y a-t-il à savoir de plus ? On lui avait fait remarquer que ce n’était pas en s’agitant qu’il passerait Quietus, mais il s’en moquait éperdument. S’il avait l’éternité pour démêler cet écheveau, il ne voyait aucune raison de se presser.

Andy semblait plus calme, plus résignée peut-être, mais il avait appris à ne pas se fier aux apparences.
Il aurait dû envier ceux qui parvenaient à tourner la page.

Le bruit de la guitare contre le bois fut rapidement suivi du frottement des vêtements d’Andy quand elle se hissa sur le comptoir ; Callum haussa les sourcils mais la laissa faire, amusé et intrigué. Il n’aurait pas laissé n’importe qui n’en faire qu’à sa tête, mais il faisait confiance à la jeune femme – un minimum, il ne la pensait pas du genre à envoyer son instrument dans le décor en hurlant à la première occasion. Peut-être qu’il se trompait, mais alors ?
On apprend bien des choses à nos dépends, et des plus graves que cela.

Il accepta le verre sans rechigner, et trinqua sans protester, comme le patron irresponsable qu’il était ; il ne voyait personne – à la fois dans la salle et qui aurait pu s’en offenser, alors pourquoi se priver ? De surcroît, il aimait la couleur qu’il avait réussi à donner au liquide ; son goût, aussi. Se rapprocher de ce qu’il avait connu de son vivant n’était jamais une mince affaire, à Asphodèle. Il ne trouvait pas deux fois la même chose et il devait veiller scrupuleusement aux effets secondaires.

Certains clients auraient été surpris par ce qu’il décidait de ne pas servir. Et il ne parlait pas des Daemon ; après avoir discuté avec des collègues plus aguerris, il s’était aperçu qu’il fallait aussi prendre en compte leurs particularités. Une autre raison de ne pas les servir. Sans rancune.
Lui qui était déjà de bonne humeur, l’alcool et la mélodie plantèrent un sourire plus grand sur ses lèvres. Ah, la Bible.

Il se souvenait plus volontiers des Dimanches matin passés à faire l’idiot avec Charley. Il savait que lever le nez et ne rien écouter lui jouerait des tours, un jour.

« Pour autant qu'on admette qu'Asphodèle corresponde à l'Enfer, au Paradis, ou au Purgatoire. »

Le verre quitta ses lèvres sur une moue pensive. Il aurait aimé dire qu’il pensait être au Paradis, mais le mot sonnait faux. N’y avait-il pas une histoire d’asphodèles, quelque part dans les enfers ?
Une bonne chose, hmm.

« Je pencherais pour le purgatoire, s’il faut choisir. Je ne crois pas du tout au Paradis. »

Et il ne parlait pas que des autres ; il n’avait pas été un modèle de vertu, de son vivant. Certains détails étaient flous, mais d’autres clairs comme de l’eau de roche.
Bang.

« Je ne me mettrais pas au Paradis, si j’étais un être tout puissant. »

Et amateur de mythologie grecque. Il n’était pas le seul, par ailleurs ; son niveau d’accès en disait long sur ce qu’Aether pensait de lui et sa capacité à se tenir tranquille.

wow:


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Andy préferait la chaleur du bois contre ses cuisses, et le fait que Callum n'ait rien à y redire lui convenait très bien. Ses accords se poursuivirent, cheminant comme un fleuve paisible, pendant qu'il lui délivrait ses réponses.

« Je pencherais pour le purgatoire, s’il faut choisir. Je ne crois pas du tout au Paradis. »

La jeune femme trouva l'information intéressante. Et immédiatement, elle s'interrogea sur la logique de croire à l'un et non à l'autre.
Dis-moi.

« Je ne me mettrais pas au Paradis, si j’étais un être tout puissant. »

Ahh. A ce point.
Andy souligna la sentence d'un riff dramatique - mais enthousiaste - qui lui tira presque un sourire. A minima des fossettes au creux de ses joues et un étincellement des yeux.
Elle faisait rarement davantage.
Sa main quitta à nouveau les cordes pour lui glisser un nouveau doigt de whisky dans la gorge. C'était presque un rythme donné à leur conversation, à ce stade. Elle fit tinter le verre contre ses dents. La chaleur sous sa langue et les remous des fantômes donnèrent à son expression une saveur douce-amère lorsqu'elle répliqua :

« On a des choses à se reprocher, Sire Densmore ? »

Se refuser le paradis, c'était un peu triste en soi.
Elle ne se serait pas infligé ça. Pour la conception qu'on avait du paradis, Andy ne pensait pas connaître qui que ce soit dont la perdition serait si grave qu'il mériterait d'en être radié.
Personne n'est parfait. Elle ne l'était pas. Elle avait fait des erreurs, blessé autrui.
Mais j’ai pas tué, j’ai pas volé – ou si peu. Triché au jeu, oui. Brisé quelques nez trop enclins à se fourrer dans ses affaires. Menti, aussi.
Mais j'ai aimé, mais j'ai dansé, mais j'ai chanté et crié et couru. J'ai vécu du mieux que j'ai pu.
J'ai vécu aussi fort que j'ai pu.

Alors le paradis, alors le pardon, la paix, peu importe ce qu'on espérait trouver au bout du chemin - elle estimait que quiconque devait s'estimer digne, sinon apte, à en bénéficier.
Quitte à le voler, quitte à l'arracher du tranchant des ongles.
Parce qu'autrement, à quoi aurait-il servi de retenir si fort son souffle, jusqu'au bout du chemin ?

Andy baissa les yeux.

« Mais 'L'enfer et le paradis me semblent disproportionnés. Les actions humaines ne méritent pas tant.' »

Les cordes, à nouveau. Quelques notes claires. Elles habillaient l'espace, même si avaient tendance à rappeler à la française qu'elle ne savait guère faire plus que cela.

« Borges. »

A défaut de savoir composer, à défaut de savoir dérouler des phrases pleines de sens - impactantes, marquantes, vibrantes, tout ce qu'elle n'avait pas réussi à insuffler à ses mots.
A défaut de tout ça, elle avait retenu les belles pensées des autres.
Assise derrière sa fenêtre à contempler le monde au-dehors, il avait bien fallu s'en nourrir d'une manière ou d'une autre.

Callum Densmore
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Des choses à se reprocher ? Oh, si peu.
Si vous saviez, Marie.

Croire ou ne pas croire ne s’était jamais imposé à lui – l’idée même de renier l’existence d’un Dieu, quelque part aux cieux, lui avait paru absurde toute sa vie durant. Le prier ou ne pas le prier était son choix, faire le clown durant la messe aussi, mais le reste… le reste allait de soi. En Irlande comme en Amérique, il lui semblait toujours avoir eu les mains liées.
Alors oui, se retrouver ici faisait un petit choc, mais Apshodèle gardait des airs de purgatoire. Si le paradis n’était que béatitude, et l’enfer souffrances, le purgatoire devait ressembler à leur vie d’avant.

Et elle y ressemblait, ça, pas de problème ; il n’avait jamais autant souhaité devoir s’épargner les embrouilles administratives qu’ici. Il était mort, qu’on lui laisse un peu de répit !
Au moins, il pouvait toujours rire, lire et travailler. Ecouter la musique, aussi. Chaque note sortie de la guitare le tirait de ses réflexions, comme si son esprit voulait à tout prix aller danser.

Allons bon, je paresse mais je suis encore en service. Une autre fois.
La torture selon Jason.

« Mais 'L'enfer et le paradis me semblent disproportionnés. Les actions humaines ne méritent pas tant.' »

Callum haussa les sourcils, mais le nom qu’Andy fit vibrer à la suite ne lui disait absolument rien. Il regrettait toujours ce manque dans ces moments-là – l’amertume d’avoir vécu si peu et échappé à beaucoup de choses. Des guerres, oui, mais aussi des mots, des avancées technologiques, un monde en constante évolution qu’il n’avait fait que fouler. Vingt-deux ans pour vivre (presque vingt-trois, mais pas tout à fait), ce n’était rien. A quarante ans, on avait encore tant de choses à apprendre, à faire, à découvrir… Quand il avait la gorge trop serrée, il arrivait à Callum de se dire qu’il avait tout raté. Rien vécu. Rien vu. Et qu’il pouvait y penser autant qu’il le voulait, ça n’y changerait strictement rien.

Tu as eu ta chance, tu l’as gâchée, alors maintenant vis et meurs avec.

Il avait tourné les pages des livres, à son arrivée. Beaucoup parlé. Il savait à côté de quoi il était passé, et il le regrettait.

Il voyait surtout les bonnes choses – tout ce qui brillait. Le reste…
On ne m’a plus habitué à goûter la misère.

« Cela dépend. J’estime que certaines de mes actions mériteraient une punition. »

De là à l’envoyer en enfer – j’ai tué, ne serait-ce pas que justice ?
Des pères, sans doute. Des maris. Et même s’ils ne l’étaient pas, la valeur d’une vie ne se comptait pas au nombre de larmes versées par ceux qui restaient. Il n’était pas en droit de juger.

Et pourtant, il ne regrettait pas. Pas tout, pas tout à fait, parce que le serpent savait drôlement bien parler.  C’était moi ou eux.
Aujourd’hui encore, il y croyait.

« Mais s’il n’y a ni enfer ni paradis, et juste Asphodèle, alors c’est peut-être vrai. »

Pour faire la différence. Il ne savait pas encore ce qu’ils attendaient, tous, à vivre comme de leur vivant, mais ça ne pouvait pas être le terminus. Callum n’y croyait pas. Trop lisse.
Trop comme avant, à si peu de différences près.

« Encore que, avec leur histoire d’accès, je sens un brin de jugement. »

Il fit glisser son sourire sur la droite, et l’alcool lui brûla la langue. Il n’était pas étonné, mais malgré tout…
Ni enfer, ni paradis, mais ils n’étaient pas tous sur le même pied d’égalité.

Comme quoi.


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Andy termina son whisky sur un claquement de langue silencieux. Les dernières notes de l'alcool lui roulèrent une satisfaction moelleuse au creux de la gorge, familières comme du vieux bois réchauffé par le soleil ou les nœuds d'un arbre sous lequel elle avait passé des centaines d'heures accumulées.

« Cela dépend. J’estime que certaines de mes actions mériteraient une punition. »

La guitare ronronnait sous ses doigts, les échos de la ville, au-dehors, à ses oreilles. Elle se demanda depuis combien de temps Callum et elle prenaient cette pause bien trop longue et alcoolisée pour être réglementaire.
Puis elle se demanda dans quelle mesure ils pouvaient encore se sentir obligés à quoi que ce soit.

Tu as un travail à faire, fais-le bien. Ça ne tenait pas à grand-chose.
Si les clients avaient daigné se manifester un peu mieux que cela, aussi.
L'Alter Ego était trop calme pour qu'elle se mette à jouer autre chose qu'une musique d'ascenseur dans son coin de la pièce – et Dieu sait combien cela l'aurait ennuyée.
En parlant de lui, d'ailleurs.

« Mais s’il n’y a ni enfer ni paradis, et juste Asphodèle, alors c’est peut-être vrai. »

Andy réalisa, un peu à retardement – comme s'il avait été futile de se creuser la tête sur le sujet alors qu'elle respirait encore – qu'elle avait toujours eu une vision très romantique de la question. Si Dieu était là, où que ce soit, il se cachait dans les recoins de sa Création, habitait les jeunes pousses au printemps et le dessous des meubles en hiver.
En déduise ce qu'il voudrait qui le voudrait.

Mais puisque l’absence de Dieu n'était plus à débattre – à moins qu'il y ait eu un sacré dérapage dans le circuit de ravitaillement des âmes damnés et que les techniciens soient encore dans la galère jusqu'au cou – elle n'insista pas sur les références qui traînaient partout à l'extérieur.

Elle aurait tout le temps de faire passer l'ironie en vers trop classiques pour être lus, à la lueur de la bougie.

« Encore que, avec leur histoire d’accès, je sens un brin de jugement. » Reprenait Callum pendant ce temps.

La jeune femme acquiesça d'une moue de connivence, et tirailla sa propre plaque.
Ce que l'on se plaisait à appeler son esprit libre s'insurgeait contre cet étiquetage chaque fois qu'il trébuchait dessus. L'ironie lui mordilla les lèvres, et elle reposa son verre vide sur le comptoir en se contentant d'un commentaire, laconique mais sentencieux :

« Il va leur arriver des bricoles, à leurs barrières et à leur murs, un de ces jours. »

Des mots dans le vent, car qui irait faire quoi que ce soit. Andy gratta des ongles la rouille que laissait un sentiment d'impuissance en empreinte sur ses pensées, et que la mélancolie ne faisait qu'oxyder. Elle sembla se détacher par plaques comme sur une rambarde de fer trop usée par le temps.
Ses ongles bien réels grattèrent les cordes de son instrument, puis interrompirent le son d'un coup sec, du plat de la main.
Des murs et des numéros, c'était toujours par là que ça commençait.

Tu ne peux rien faire, soit.
Elle pensa à Anathalie derrière son café en terrasse, son sourire en coin, ses yeux clairs.
Mais qu'est-ce que tu voudrais faire.
Elle pensa aux grognement dépourvus d'illusions d'Amory contre son dos.

Son nom s'enroula comme du lierre autour de son cœur, épais, solide, et la jeune femme reporta son attention sur le visage de son interlocuteur comme une noyée à son radeau.
Pas maintenant.

Laisse les vivants là où ils sont, Andreia.


« Mais. » Sur le ton de la conversation, elle descendit de son perchoir, guitare à la main. « En admettant qu'on reste ici un bon moment. Qu'est-ce que tu voudrais faire de tout ce temps magiquement octroyé. » Et de rouler des yeux d'un air grandiloquent où transperçait l'ironie.

Des cheeseburgers, ça c'était noté, mais encore.

« Si ça se résume à exercer tes talent de chimiste, cela dit, ça me va aussi. » Elle tapota des ongles sur le bois, avec un sourire en coin aux bouteilles concernées. « Je respecte ton talent. »

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