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Hsieh Ya-wen
- S 02 031964 43 00 A -

Hsieh Ya-wen

En bref

Féminin
Messages : 3




There's no turning back now,
Lest myself I compromise.
I'm running from the places
Where my dreams all go to die ;
Places I don't dwell on,
Filled with people I don't hear -
Who walk the strings I fell on,
Year after year after year.
Nom : Hsieh.
Prénom : Ya-wen.
Surnom : A-wen.
Genre : Féminin.
Âge effectif : 30 ans.
Âge apparent : 24 ans.
Arrivé depuis : L'éclipse.
Date de naissance : 02/02/1934.
Date de mort : 19/03/1964.
Orientation sexuelle : Hétérosexuelle.
Groupe : Commotus.
Nationalité : Taïwanaise.
Langues parlées : Taïwanais, mandarin, japonais rigide.
Ancien métier : Pute au foyer.
Métier actuel : JE NE SAIS.....
Casier Judiciaire


▬ Crimes commis :
▬ Circonstances du décès :
▬ Péché capital principal :
▬ Péché capital secondaire :
▬ Rapport à l'alcool :
▬ Rapport aux drogues :
▬ Addictions :
▬ Mauvaises attitudes récurrentes :
▬ A été victime :


Physique



From time to time
The clouds give rest
To the moon-beholders.
Matsuo Basho

• Ya-wen est petite ; fine, menue, fragile.
• Parfaitement quelconque, aussi. On ne fait pas plus banale qu'elle.
• 1m61 de haut, pas grand chose de large, elle a autant d'épaules que de poitrine et de hanches. À savoir : nada.
• Bon, pas nada, mais très peu. C'est un petit i à tous les niveaux, longiligne et étroite.
• Pas bien sportive, tant qu'à faire, donc elle ne peut même pas compter sur ses gros muscles pour compenser la finesse de ses os et son absence de couche pondérale protectrice.
• Autant dire qu'elle est anguleuse. Se prendre ses genoux ou ses coudes, c'est risquer la perforation instantanée.
• Ou presque.
• Agile quoique pas très souple encore, elle va passer son temps à grimper aux arbres et à faire des galipettes dans l'herbe. Elle adore se dépenser comme ça ; courir, sauter, essayer de faire le poirier, s'entraîner à faire le grand écart.
• Ça va venir. Elle va s'assouplir petit à petit, maintenant qu'elle peut le faire plus librement.
• Pleine d'énergie, elle a pourtant peu l'habitude de beaucoup bouger les bras ou les  jambes. Elle reste beaucoup en place, mains croisées devant ou derrière ses jambes, à se balancer d'avant en arrière pour expulser l'énergie qu'elle ne peut pas utiliser.
• C'est une demoiselle bien élevée. Sage. Elle ne va pas aller hurler comme un singe fou en faisant la roue.
• (c'est précisément ce qu'elle va faire, si) (plus personne pour la juger, HA !)
• Sa voix, plutôt dans les graves, est peu habituée à crier mais articule et énonce à la perfection. On la comprend dix fois sur dix ; elle ne parle pas trop vite, pas trop bas, sans mâcher ses mots. Elle ferait le bonheur des orthophonistes.
• Une jolie voix chantée, aussi. Elle harmonise bien et a l'oreille pour ces choses-là.
• Ses membres sont fins, donc, avec des petits pieds et des petites mains (qu'elle juge boudinées, mais ça c'est autre chose).
• Elle n'aime pas ses mains, globalement. Trop abimées, trop noueuses, veines trop apparentes — bref. Moches. Elle les a vues, elle le sait.
• Sa peau est mate, dorée et chaude. Relativement libre d'imperfections, mais loin d'être parfaite pour autant. Et comme ce n'est pas sa préoccupation première, elle ne s'y attarde pas. Ce qui doit arriver arrivera ; peu importe.
• Ses mains sont plus graves, ok.
• Ses cheveux, noirs, épais, sont coupés au carré sous ses oreilles et balaient son front en frange juste au-dessus de ses sourcils.
• Sourcils qu'elle a volontairement fins, et qui vont le rester. Merci bien.
• Ses yeux sont noirs, bridés. Fins, eux aussi.
• Tout comme ses lèvres, qui font acte de présence — guère plus. Elle a appris à ne pas les mordre ou trop les pincer le jour où elle s'est vue le faire dans une glace. Un traumatisme persistant.
• Contrairement au reste, son nez est tout rond ; petit, mignon, un tout petit peu en trompette. Elle le trouve parfait. Elle lui donne dix sur dix et n'accepte pas la critique.
• Son visage est, globalement, assez rond. Pas au point de lui donner des airs de bébé, mais assez pour bien marquer qu'elle n'est pas vieille — et que si elle l'est, elle fait très jeune. On lui donne la majorité, mais c'est parfois tout juste.
• Petite mâchoire, joues arrondies, visage quasiment aussi large que long ; petit front, petites oreilles.
• Mignon, quoi. Elle ne fait pas femme distinguée et/ou sexy.
• Pour elle, une tenue correcte ne comprend pas de pantalon. Jamais. Sauf si tu es un homme.
• Elle déteste ça. Le concept lui fait horreur. Si ça n'avait tenu qu'à elle, jamais personne n'aurait décidé d'en porter un sans rien au-dessus.
• Avec un genre de tunique ou une jupe longue, okay. Soit. Ça peut être élégant. Mais sinon ? L'horreur. Le malheur. Ew.
• Non non — elle, elle ne porte que des jupes. Des robes, à la rigueur, mais surtout des jupes. Et longues, bien sûr. Rien au-dessus du genou.
• Mi-mollet, c'est déjà à la limite du scandale. On va pas trop abuser non plus.
• Elle avait l'habitude de voir plein de femmes avec des jupes leur arrivant aux genoux, hein — elle trouve juste ça laid. Chacun sa préférence.
• Les chemises et chemisiers ont sa préférence pour ce qui est du haut, mais elle peut varier (un peu). Chemises, petits chandails, pulls... Tant que c'est élégant, couvrant et pas moulant, elle risque de trouver ça très bien.
• Les uniformes aussi, ont de la classe, soit dit en passant. Tout ce qui fait un peu formel et élégant lui plaira, de manière générale.
• Chaussures basses s'il faut aller dehors ; sandales ou chaussettes en intérieur. Rien de fou, rien de bizarre. Elle peut mettre des bottes de pluie, mais pas de talons (hauts) et pas de formes inhabituelles.
• Le classique, c'est le bien.
• Ses couleurs préférés sont les beiges et les blancs ; les roses et jaunes pâles, aussi. Elle met du noir et du marron, bien sûr, mais aucune couleur vive (à part du rouge, à la rigueur). Elle n'aime pas être remarquée dans la rue ; n'aime pas non plus se filer des crises cardiaques en se voyant passer dans un miroir.
• Elle met peu d'accessoires, en dehors de fidèles chaussettes. Les colliers, bracelets et autres bagues lui pèsent sur les poignets, les os, lui irritent la peau et l'ennuient quand elle doit se changer. Elle porte ce qu'on lui offre, mais ça s'arrête là.
• Un chapeau, pourquoi pas. Ça se discute. Si elle est dehors.


Caractère



A cicada shell;
It sang itself
Utterly away.
Matsuo Basho

• Ya-wen considère Asphodèle comme une chance de tout reprendre à plat. À zéro.
• Plus de contraintes ; un régime politique infiniment meilleur, personne qui la connaisse, personne qui sache où elle est, qui elle est.
Liberté.
• Du coup, elle se laisse aller. Est plus elle-même qu'avant. Un peu.
• Elle roule, elle court, elle crie, elle s'exclame en riant, toujours un peu plus fort qu'avant.
• En apparence insouciante, motivée, fan de galipettes — dans l'herbe, mais éventuellement dans les draps aussi ; parce qu'après tout, pourquoi pas ?
• Elle a le droit. Rien ne peut lui arriver.
• Rien ne lui arrivera.
• Elle ne laisserait pas ça arriver. Elle sait se défendre. Et défendre sa vie, c'est sa priorité numéro un — ou pas loin.
• Elle. Aime. Vivre.
• Elle ADORE vivre. Elle veut vivre. Un peu bizarre venant d'une suicidaire, soit, mais c'est dire si ça n'allait plus.
• C'est dire si elle est lâche, aussi — au moins à certains niveaux. Quand ça devient vraiment grave. Vraiment important.
• Si les conséquences sont trop grandes, que les responsabilités sont trop insupportables, elle préfère s'éviscérer que devoir les gérer. Elle ne peut pas. Ne sait pas. Non non non.
• Si elle risque la prison, si elle a trop menti... Bref. Les trucs vraiment, vraiment importants la poussent dans ses retranchements — et quand elle y est, elle ne fait pas long feu.
• Ou bien vous ne faites pas long feu. Au choix.
• On fait attention aux chatons acculés.
• Elle préfère vous tuer vous que se tuer elle, donc on évite le chantage la concernant. Même si, bon, à Asphodèle, tuer... largement inutile, malheureusement.
• Pour autant, Ya-wen est une demoiselle toute pleine de joie de vivre ; d'énergie, de gentillesse.
• Pas qu'elle soit forcément gentille, pas tout le temps, mais en surface ? Presque toujours. C'est un amour. Elle rit, elle s'exclame, elle aide, elle fait des commentaires mélioratifs.
• Pas sur elle, par contre.
• Elle préfère largement se rabaisser et s'insulter en riant pour éviter qu'un autre le fasse : si elle l'a déjà dit, ça perd de son pouvoir. Si vous êtes d'accord, ça lui fera moins mal qu'avoir espéré que vous puissiez penser l'inverse.
• Ça risque de mettre mal à l'aise quiconque n'a pas l'habitude de ce genre d'attitude — et à raison. Ça n'a rien de sain.
• Mais bon. Elle ne sait pas faire autrement, pour l'instant. Alors lalala je suis débile je sais haha.
• Incapable de parler d'elle-même, elle fait diversion, change de sujet, rit plus fort, voire s'en va purement et simplement faire autre chose (oh non, sa soupe sur le feu !!) quand on essaie trop de lui soutirer des informations personnelles.
• Elle déteste répondre aux questions ; parler d'elle. Elle préfère parler de toi, et TE poser des questions. C'est elle la détective.
• Quand on s'intéresse trop à elle, gentiment ou non, peu importe — ça la met mal à l'aise, et elle aura tendance à reculer, à rajouter dix façades, trois murs, bref, la totale.
• Elle galère. Même quand elle a envie de faire confiance et de se confier, c'est difficile.
• Ça prend du temps.
• Elle y arrive mieux quand ses relations sont très conflictuelles, bizarrement. Avec les gens comme elle ; ceux qui lui donnent envie de défoncer des mères (en plus poli). Sûrement parce qu'avec eux, il n'y a aucune attente — et s'ils ne l'aiment pas, eh bien tant mieux.
• Accro à l'autorité mais allergique au sérieux, elle aime autant se coiffer d'un soutien-gorge que Natalya mais hurlera (intérieurement) si ses amis veulent aller enfreindre la loi.
• Elle a peur de la police, peur de se faire arrêter, aucune envie de revivre ce qu'elle a déjà vécu par le passé. Elle sait ce qui se passe quand on se soulève.
• Indice : on meurt. On disparaît. On fait souffrir ses proches.
• Ça l'énerve, ça la terrifie, ça la met hors d'elle. Mais vraiment.
Non non non.
• Pour qu'elle fasse acte de résistance et de courage, il faut VRAIMENT qu'il n'y ait aucune autre solution. Ou que les enjeux soient incroyables. Ou que Simon et compagnie aient réussi à la convertir. To the dark side.
• Globalement, elle reste lâche et opportuniste. Bon.
• Ne pas compter sur elle quand on a de gros ennuis. Même si elle t'adore, t'aimes très très fort, veut ton bonheur et rien d'autre... ehh. Elle passe avant.
• Le pour et le contre sera longuement pesé. Rien n'est gagné pour toi.
• Et si ça brise votre amitié ou votre relation, elle s'en voudra beaucoup — mais ça ne changera pas son avis. Pas sur le moment.
• Elle se flagellera juste ensuite. Comme d'habitude.
• Dans le même registre, elle ne prendra pas de grandes initiatives si elles impliquent d'autres personnes. Jamais ou presque.
• Trop de pression. Trop anxiogène. Trop de risques. Ça la ferait paniquer.
• Il faut vraiment, VRAIMENT qu'elle pense connaître l'autre par cœur pour s'autoriser ce genre de choses. Les petites attentions, pas de soucis ; les petites décisions, pareil. Elle peut vous prendre un gâteau et choisir le parfum, même si elle n'est pas trop sûre d'elle. Pas d'enjeux.
• S'il y a des enjeux, par contre ? Non. Elle refuse. Ses épaules sont toutes petites et votre relation, trop importante.
• D'un côté, ça veut aussi dire que vous n'aurez pas de mauvaise surprise tragique en cours de route. Pas le genre de la maison.
• Quand on la connaît, on la connaît. Elle ne va pas vous faire un truc incroyable après six mois.
• (ou pas volontairement)
• Sans surprise, elle ne va pas très bien. Mais elle se gère.
• Elle fait avec ; a l'habitude. Ses traumatismes ne datent pas d'hier.
• Elle gagnerait à y travailler plus, à ne pas les ignorer autant, mais ça va se faire sur la durée. Elle a le temps et n'y est pas forcément averse. Ce sont juste des concepts avec lesquels elle n'a jamais pu travailler de son vivant.
• Ça va venir. Doucement.
• Facilement blessée, elle ravale toutes ses blessures pour que personne ne les voies. Elle déteste se sentir vulnérable à moins d'être seule. Ça la fait se sentir en danger, menacée.
• Alors elle fait semblant d'aller bien, ignore le problème, et ne le recrache qu'une fois seule, de temps en temps. Elle pleure, s'énerve, hurle dans un oreiller, maudit le monde, écrit de la poésie, et puis ça passe.
• Et rebelote à la prochaine blessure.
• Tout va bien, lalalala.
• La poésie l'aide, en tout cas ; elle aime écrire, lire, s'instruire. Les histoires d'amour, aussi.
• Non pas qu'elle en parle trop. Elle a peur qu'on la trouve niaise. Stupide.
• Ce sont des parties d'elle-même encore trop vulnérables et toutes molles, donc elle les protège et n'en parle juste pas. Plus simple comme ça.
• Polie et respectueuse, elle n'insulte pas à tout va. N'insulte même pas tout court, à moins d'être seule avec toi et de bien te connaître.
• Elle sait vivre en société, okay.
• Trop, parfois. Mais bon.
• Elle veut être aimée, veut avoir sa place, veut savoir qu'on pense à elle et penser à d'autres en retour. Elle veut être heureuse, épanouie, sans soucis grave. Juste... tranquille.
• Sans s'ennuyer pour autant, bien sûr — elle déteste ça. Mais comme elle est vite occupée, ça ne pose pas trop problème. Même seule, elle se débrouille très bien. Crayon, papier, hop.
• Herbe, roulade, hop.
• Vêtements, fer à repasser, hop.
• Telle Delhan, elle est la glace et l'iceberg — mais version rose et pleine de cœurs, comme un cupcake enroulé dans du barbelé enroulé dans de la chantilly. Elle cache la partie moche et rouillée au milieu. Se protège avec, mais ne veut pas qu'on la voie.
• Ce n'est pas elle ; c'est juste... une partie d'elle, dont elle a eu besoin un jour et dont elle n'arrive pas à se débarrasser, née de traumatismes et de beaucoup d'autres facteurs. Quand a appris à vivre d'une certaine façon pendant vingt ans, on ne s'en débarrasse pas d'un claquement de doigts.
• Ça viendra. Peut-être.
• Un jour.
• Sinon elle n'est pas du genre à offrir des cadeaux mais adore passer du temps avec les gens ; est jalouse, mais uniquement quand elle a des doutes sur ses relations. Une fois sûre et certaine de là où elle en est, ça va. Elle se calme.
• Elle aime la nature, les petites bêtes, s'allonger par terre, grimper aux arbres. Aime aussi des activités plus typiquement féminines, comme tout ce qui touche aux vêtements et aux broderies.
• Déteste les personnes qui se prennent trop au sérieux ou refusent de montrer leurs défauts — voire d'admettre qu'ils en ont. Trop de perfection la rebute. Elle aime ce qui est un peu bancal, un peu mal fichu.
• Bref, ce qui est très humain. Quand quelqu'un montre ses faiblesses, c'est très sexy de sa part. Pas parce qu'elle peut les utiliser, mais parce qu'elle imagine moins qu'il a des choses à cacher.
• Pas que les gens honnêtes aient sa préférence pour autant — elle gravite vers ceux qui lui ressemblent bien malgré elle. Mais bref.
• Elle sait moins être amie avec les garçons, à défaut d'avoir eu l'habitude. Ils ont été des frères, un mari, un... chinois, des voisins, mais jamais des amis. À part le chinois, donc, et c'était particulier.
• Pour l'amitié, les filles ont donc sa préférence. Par défaut. Plus familier.
• Elle n'est pas fan d'enfants, partiellement parce qu'elle a eu du mal à s'attacher au sien et se sent coupable par rapport à ça. Elle en parlerait, mais uniquement avec des proches très proches.
• Ya-wen ne s'aime pas beaucoup.
• Est-ce qu'elle juge mériter de vivre pour autant ? oh oui. Dix fois oui.
• Alors même si elle a tendance à avoir de mauvaises habitudes, de mauvais réflexes, à se vouloir du mal sans faire exprès, à se punir sans le savoir, elle n'ira pas non plus se coller à des personnes qui lui veulent du mal ou ne la traitent pas correctement.
• Elle a le droit au respect. Tout le monde a le droit au respect.
• C'est la base.




Hsieh Ya-wen
- S 02 031964 43 00 A -

Hsieh Ya-wen

En bref

Féminin
Messages : 3



Histoire



Spring rain
leaking through the roof
dripping from the wasps' nest.
Matsuo Basho


• Hsin-yi est née au mauvais endroit au mauvais moment.
• C'est le moins qu'on puisse dire.
• Venue au monde à Taipei en 1934, sous le régime japonais, elle rejoint une famille qui compte déjà deux petits garçons — et qui, deux ans plus tard, accueillera une deuxième petite fille.
• Sans être riche, sa famille est à l'aise ; ses deux parents sont professeurs à l'université, et les encouragent à lire, s'instruire, se questionner.
• Des intellectuels au bonheur tranquille. Personne dans la famille n'est exubérant : ce sont tous des introvertis au tempérament assez égal.
• Exceptée Hsin-yi. Elle, c'est un petit monstre plein d'énergie.
• Il en faut bien un.
• Ils ne savent pas trop quoi en faire, mais elle est aussi très obéissante et respectueuse — alors à part la nouveauté de devoir régulièrement l'abandonner dehors pour qu'elle joue avec ses amis, au lieu de les voir rester sages dans une pièce de la maison ou sur le perron, ça ne dérange personne.
• À la maison et entre voisins, on parle mandarin. Dehors, on parle soit mandarin, soit japonais.
• C'est selon. Ils s'y mettent par praticité plus que par conviction ; les Chen jugent que connaître une autre langue ne peut pas faire de mal, quoi qu'il en soit.

• Quand la Seconde Guerre Mondiale éclate, Hsin-yi n'est pas assez petite pour ne pas réaliser que quelque chose ne va pas. Elle a peur ; de manière diffuse, certes, mais elle a peur.
• Personne ne vient bombarder sa maison, prendre ses frères, tuer son père. Ses amis ne meurent pas. Le plus souvent, leurs pères non plus.
• Alors la situation est plus tendue, oui, et ses parents discutent beaucoup entre eux à voix basse, mais ça reste vivable. Parfois, elle réussit même à oublier.
• Si ses frères avaient été plus vieux, ou que son père ou son oncle avaient été enrôlés dans l'armée japonaise, ça aurait été autre chose.
• Mais là ? Là, ça va.
• Sa famille s'en sort bien.
• Quand la guerre touche à sa fin, en 1945, les Chen sont sous le choc des bombes atomiques et de la perte du Japon face aux Alliés. Ils ne savent pas ce que ça veut dire pour eux dans l'immédiat ; ce qu'il va advenir de leur avenir, de leur maison, de leurs droits.
• Hsin-yi a 11 ans. Elle s'entasse avec ses amies et sa sœur dans le salon et laisse les adultes parler (et crier) sans chercher à tout suivre.
• Ce qui devra arriver arrivera. Elle ne parvient pas à s'imaginer un monde dans lequel tout partirait en morceaux ; ils n'ont rien fait à personne, après tout. Les japonais, oui. Mais pas eux.
• Ils ne sont pas japonais, eux.
• Suite à la perte du Japon, ils passent sous le régime de la République de Chine — et son gouvernement, mené par le Kuomintang (KMT for short).
• Et tout de suite, les choses commencent à se dégrader.
• Hsin-yi suit l'avis de ses parents. Or ses parents, sans surprise, n'apprécient pas le régime chinois.
• Ils n'étaient pas les plus fervents adorateurs des japonais, soyons clairs, mais c'est tout ce qu'ils avaient connu — et très vite, leur bonne volonté à l'égard des nouveaux propriétaires des lieux s'envole.
• La corruption flagrante dans le gouvernement, en plus d'une politique qui ne leur plaît guère et d'une économie en chute libre, rend la famille Chen de plus en plus amère.
• Pour la première fois de sa vie, Hsin-yi doit se serrer la ceinture.
Vraiment se serrer la ceinture.
• La famille se serre les coudes ; leurs parents se privent plus qu'ils ne les privent eux, sous prétexte qu'ils sont en pleine croissance.
• Hsin-yi ne se plaint pas. Elle préfère ça à mourir de faim, et de loin.
• Pour compenser, elle travaille plus dur à l'école ; fait moins de caprices, embête moins ses frères. Rend la vie un peu plus agréable, du mieux qu'elle peut.
• Ça ne peut pas durer éternellement. Il va bien falloir que ça s'améliore un jour.
• Sauf que non.
• Loin de là.

• Le 27 février 1947, Hsin-yi vient d'avoir 13 ans quelques semaines plus tôt. Elle est à l'école et essaie de se concentrer sur ce qu'on lui dit.
• Elle se souvient bien de ce jour-là. Il n'avait rien de spécial, mais de bien des façons, ça aura été le dernier jour de normalité avant que tout ne commence à s'effondrer pierre par pierre.
• Elle se souvient être sortie de l'école avec son sac ; avoir discuté avec ses amies, grondé sur le prix du riz, sur la fraicheur du fond de l'air.
• Elle se souvient être ensuite rentrée chez elle, et avoir invité ses amies à rester en attendant que ses parents et ses frères reviennent.
• Et quand ils sont revenus, d'avoir parlé avec eux d'un protestant qui se serait fait tirer dessus dans une foule en colère par un policier quelconque, quelques heures plus tôt.
• Rien qui l'ait marquée, sur le coup.
• Ses parents si. Elle ne savait juste pas pourquoi.
• Trop jeune.

• Le 28 février, au matin, tout a commencé à lui glisser entre les doigts.
• Des révoltes ont éclaté dans tout Taipei. Elle est restée chez elle ; ses frères aussi. Leurs parents les ont laissés avec leur oncle et leurs cousines où, entassés dans le salon, ils ont essayé de se changer les idées.
• "Ça ne peut pas durer éternellement."
• Le 4 mars, les protestants taïwanais ont pris le contrôle de l'administration ; des bases militaires ; d'une station de radio, d'où ils ont appelé à la révolte contre le régime chinois.
• La loi martiale a été déclarée le soir-même.
Sortez après le couvre-feu et vous vous ferez tirer dessus.
• Simple et efficace.
• Pendant des jours, Hsin-yi s'habitue à entendre des coups de feu résonner dans le lointain. Parfois, elle pourrait jurer que c'est dans la rue d'à côté.
• Seule avec sa petite sœur, dans sa chambre, enroulée dans sa couverture, elle regarde la fenêtre close en se demandant si elle aura perdu des connaissances le lendemain.
• C'est possible. Et ça la terrifie.
• Mais au milieu de tout ce chaos, les taïwanais ont repris le contrôle de Taipei sans violence ni excès ; et même si la situation est terrifiante, qu'elle n'a aucune idée de ce qui va se passer et que ses parents n'ont pas l'air bien optimistes, elle se dit que ça aura peut-être de bonnes répercussions.
• Peut-être qu'ils vont récupérer leur chez-eux. Que les chinois vont comprendre.
Oh, tu parles.

• Le 7 mars, l'armée a reçu des renforcements. Ils tirent dans la foule. Dans les rues. Rentrent dans les maisons.
• Arrêtent tout le monde ; n'importe qui.
• Hsin-yi est à la fenêtre quand son frère, Yan-ting, se fait tirer dessus dans la rue devant chez eux avec un ami et ses parents.
• Elle se laisse tomber contre le mur, mains sur la bouche, et ne bouge pas pendant plusieurs heures.
• Même quand elle entend ses parents hurler et que sa sœur arrive en courant se coller à elle, elle ne bouge pas.
Oh mon dieu.
Réveille-toi, réveille-toi, réveille-toi —

• Quelques semaines plus tard, son oncle se fait arrêter. Il est exécuté peu de temps après.
• Elle est encore sous le choc quand ses parents et son frère aîné se font exécuter à leur tour.
• Les intellectuels ; les opposants politiques. Les sympathisants communistes.
Des gens bien.
• Hsin-yi et Hui-chun, sa sœur cadette, s'installent chez leurs grands-parents maternels avec ce qu'elles ont d'affaires.
• Pendant des mois, elle dort à peine.
• Elle dort dans la même pièce que les jumelles ; chaque nuit, elles se réveillent en hurlant, l'une après l'autre, et se réveillent entre elles sans le vouloir.
• C'est l'enfer.
• Elle voit le corps de son frère dans la rue. Elle voit les visages de ses parents, juste avant qu'elle n'apprenne qu'ils se sont fait arrêter.
• Elle ne les a jamais revus, après ça. Mais elle sait qu'ils sont morts.
• Et ça la hante.

• Toutes orphelines, les filles Chen et Hsieh peinent à retrouver un rythme de vie normal.
• Leurs grands-parents sont d'un soutien infaillible, mais ils ne font pas dans la dentelle. Alors entre deux caresses et mots doux, ils les secouent et leur disent de se reprendre. La vie continue. Elles doivent faire avec et devenir plus fortes que ça.
• Hsin-yi ne veut pas devenir plus forte. Elle veut ses parents.
• Mais elle déteste décevoir, et elle voit bien que rester allongée par terre à pleurer servira juste à attrister ce qui lui reste de famille ; alors elle apprend à masquer.
• Elle s'efforce de rire et, à défaut de penser à autre chose, de ne rien laisser filer sans autorisation.
• Juste la joie. Juste l'optimisme.
• Pas la tristesse, le désespoir, la colère. Tout ça, elle le range sous clef et ne le sort qu'en privé, quand elle est seule et ne sait plus quoi faire, qu'elle n'a plus d'énergie pour rien.
C'est difficile.
• Elle n'a que treize ans.

• Avec le temps, sa technique se parfait. Elle est la plus joyeuse de la maisonnée ; la plus guérie, comme diraient ses grands-parents.
• Sûrement la moins, mais peu importe. Ils y croient, et elle ne demande pas mieux.
• Les plus jeunes en profitent pour s'appuyer sur elle et la suivre partout où elle va sur l'extérieur ; chaque pas qu'elle fait d'un air confiant les aide à en aligner deux derrière elle, une main dans la sienne et l'autre serrée contre leur jupe.
• À force de forcer, elles vont mieux. Petit à petit. Jour par jour.
• Ya-wen arrive presque à oublier qu'elle ne va pas vraiment bien.
• Mais pas les jumelles.
• Ya-wen et Ting-wei sont un peu plus vieilles ; nées deux ans avant elle, elles ont des caractères très différents mais se rejoignent sur un point.
• Elles sont en colère.
• Très en colère.
• Et plus ça va, plus ça se sent.

• Aussi tragique que ce soit à dire, on s'habitue à tout.
• À presque tout.
• Hsin-yi n'est pas heureuse, mais fait toujours aussi bien semblant ; à quinze, puis dix-sept, puis dix-neuf ans, elle respire la joie de vivre. Extérieurement.
• Elle se réveille encore en larmes, parfois. Elle étouffe encore des cris dans son oreiller. Elle se fige encore quand elle voit passer des policiers ; quand elle entend crier.
• Le traumatisme est profond. Ignoré. Étouffé autant que possible, sans espoir de guérir.
• Il l'a rendue méfiante. Craintive.
• Persuadée que pour bien faire, il ne faut rien faire.
• Est-ce qu'elle est d'accord avec ce qui est arrivé à ses frères et ses parents ? Non.
• Est-ce qu'elle pense que c'est juste, qu'ils méritent un tel gouvernement ? Non.
• Mais elle veut vivre. Et pour vivre, il faut s'adapter. Se faufiler. Se taire. Se tenir sage.
• Hsin-yi est tant et si bien terrifiée à l'idée de se faire tirer dessus, battre à mort ou violée et laissée pour morte au fond d'une ruelle sale que tout le reste passe en arrière-plan.
• Pendant dix, vingt ans, elle survit.
• C'est tout ce qui compte. Survivre. Survivre. Survivre.
• Elle peut tout supporter, mais elle doit vivre.
• Et ça, ça la rend coupable.
• Parce que le premier qui se mettra en travers de sa survie, elle est prête à le condamner (presque) sans remords.

• On fait comme on peut avec ce qu'on a.

• En 1954, Hsin-yi a eu 20 ans et est brouillée si fort avec les jumelles qu'elles ne peuvent plus se croiser sans que ça vire au drame.
• Elle ne crie jamais, bien sûr. Elle n'insulte pas. Elle menace, par contre — et elle a beau leur dire de se calmer, d'arrêter de faire du bruit, d'attirer l'attention sur eux, de penser à leur sœur, à sa sœur, à leurs grands-parents, elles s'en fichent.
• Complètement.
• Ya-wen et Ting-wei lui ressemblent beaucoup, mais ont définitivement pris le tournant inverse face au traumatisme. Pour elles, impossible de vivre sans se battre ; impossible d'accepter de se taire et de rester immobiles quand des centaines de gens vivent dans la misère et les arrestations arbitraires.
• Elles refusent de vivre dans un monde où se plaindre justement mène à la mort.
• Ça terrifie Hsin-yi.
• À tout moment, elles pourraient attirer les autorités dans leur maison. Elle sait qu'ils ne font pas dans la dentelle ; fille ou pas, elles pourraient toutes se faire arrêter pour avoir comploté contre le gouvernement.
• Alors elles se disputent. Les unes traitent l'autre de lâche, la lâche traite les autres d'hystériques, les hystériques crient, la lâche lève les mains au ciel et s'en va.
• L'ambiance est pour le moins délétère. Leurs sœurs évitent de s'en mêler ; ça vaut mieux comme ça.
• Elles se disent que ça va passer. Qu'elles vont trouver un terrain d'entente ou apprendre à s'ignorer. Peut-être même se trouver un mari, et déménager sans se retourner ni plus se fâcher.
• L'espoir fait vivre.

• En juillet 1954, Ting-wei est retrouvée morte. Battue, entre autres.
• Hsin-yi n'est pas surprise. Triste, oui — terrifiée— mais soulagée, aussi.
• Sans elle, elle se dit que Ya-wen se calmera peut-être. Qu'elle comprendra pourquoi elle lui demande de se taire. Qu'elle sera logique, pour une fois dans sa vie.
• Au lieu de ça, elle hurle.
Mais hurle.
• Elle l'entend encore.
• Ya-wen griffe les meubles, arrache la tapisserie, frappe Hsin-yi, pleure et hurle jusqu'à en faire un malaise et devoir être escortée dans leur chambre par leurs grands-parents.
• Le bleu à la tempe ne dérange pas Hsin-yi. Les conséquences de ses hurlements, eux, la terrifient.
• Parce qu'elle va continuer. Elle sait qu'elle va continuer.
• Elle aurait aimé se tromper — mais évidemment, elle avait raison.
Évidemment.
• Les mois suivants, elles s'évitent.
• Ya-wen rencontre un garçon qu'elle apprécie, et avec qui elle entame une relation pendant un court mois avant qu'il ne doive partir s'occuper de son père loin d'ici. Ils restent en correspondance ; une lettre par mois, sans faute.
• Hsin-yi est un peu jalouse. Elle, elle n'a que des amies. Pas de garçon à l'horizon.
• Mais peu importe. Elle se concentre sur ses études et plonge le nez dans les livres autorisés sans oser se poser plus de questions que ça.
• Elle veut juste vivre. Tranquille. Sans problème ni craindre pour sa vie.
• Obéir aux règles est un prix plus qu'acceptable à payer pour ça.

• Le temps passe ; Hsin-yi trouve un travail dans une bibliothèque. C'est une employée modèle, qui n'hésite pas à se plier en quatre si besoin est.
• Sa bonne humeur et son sourire jovial aident. Elle a toujours l'air d'aller bien ; a le mot pour rire, même quand ça ne va pas.
• Une citoyenne exemplaire.
• Hui-chun fréquente un garçon depuis quelques temps, et envisage de l'épouser. Yu-ting, de son côté, travaille dans une boutique de reprise de vêtements avec deux autres jeunes femmes et la belle-mère de l'une d'entre elles.
• Bientôt, chez leurs grands-parents, il n'y aura peut-être plus que les aînées.
• Ironique.

• À 24 ans, Hsin-yi est devenue une mine anti-personnel toujours terrorisée.
• Elle allait mieux, avant. Elle s'est dit que ça irait en s'arrangeant.
• Mais non.
• C'est reparti dans le mauvais sens. De pire en pire. Chaque personne qu'elle voit peut-être déroger aux règles lui donne envie de hurler. Elle se sent responsable de tout le monde ; a envie de leur arracher leurs idées stupides des mains et de les dénoncer tout à la fois.
• Dans une autre vie, elle aurait été une résistante exemplaire.
• Dans celle-ci, avec le bruit fantôme des coups de feu dans les oreilles, la vue du corps de son frère qui tombe au beau milieu de la rue, du corps de sa cousine sous un drap, elle est à la limite de la collaboration active.
• La terreur qu'elle ressent ne s'explique pas.
• C'est presque primal.
• Elle est constamment branchée sur son instinct combat-fuite, et elle sait que combattre ne sert à rien. Alors elle fuit. Elle se cache. Elle se fond dans la masse et élimine tout ce qui pourrait la pointer du doigt.
• Tout ceux qui pourraient la pointer du doigt, aussi.
• Et bien sûr, on finit par la pointer du doigt.

• Il fait chaud et humide quand, le 13 août 1958, Ya-wen insulte Hsin-yi et la traite de lâche incapable.
• Il est tard ; elles sont à l'arrière d'un petit coin de ruelle où il n'y a jamais personne. À part les voisins aux fenêtres, peut-être, mais il fait sombre.
• Ils ne sauraient pas dire qui est là.
• Hsin-yi voulait juste discuter. Lui dire de se calmer, avec ses histoires de révolte et de dictature — parce que si elle tombe, elle aussi risque de prendre. On les associe déjà. Elle refuse de finir morte par sa faute. Elle ne mérite pas ça.
• Les mots dépassent la pensée. Hsin-yi fait de son mieux pour rire et danser entre les piques, mais son sourire a du mal à tenir le coup. Ça devient difficile.
• On l'accuse. Elle accuse en retour. Elle menace de dénoncer. On lui dit, en des termes tout sauf ambigus, qu'elle a peut-être déjà dénoncé Ting-wei, alors une de plus —
• Si elle avait été pour quelque chose dans la mort de sa cousine, elle aurait pu en rire aussi. La vérité, elle sait encaisser.
• Mais elle n'a rien fait. Ting-wei s'est tuée toute seule, comme une abrutie de service.
• Alors ça la blesse. Violemment. Et si elle sort des horreurs en retour, c'est bien fait pour Ya-wen.
• Elles en viennent aux mains.
• Aucune n'a vraiment l'avantage physique sur l'autre. Elles font la même taille ; ont la même silhouette. Elles se ressemblent, grossièrement — assez pour qu'un inconnu puisse s'y tromper, et que la famille éloignée ne soit capable d'hésiter.
• Ça aurait pu finir autrement.
• Mais Hsin-yi est un animal terrifié, acculé, qui a peur pour sa vie ; Ya-wen est un animal enragé, à vif, prêt à mordre jusqu'à tuer.
• Ne jamais, jamais sous-estimer l'instinct de survie.
• Quand elles tombent, Hsin-yi attrape une pierre au sol et l'enfonce dans le crâne de sa cousine.
• Et encore. Et encore. Et encore.
• Même quand il n'y a aucun moyen pour qu'elle soit encore en vie, elle recommence.
• Quand elle se relève, elle est couverte de sang et a les jambes tremblantes.
• Elle enroule la pierre dans un mouchoir puis la range dans sa poche.
• S'essuie le visage.
• Ferme sa veste.
• Panique.
Court.

• Personne ne l'a entendue rentrer au milieu de la nuit ; personne ne l'a entendue aller se frotter la peau à l'en faire presque saigner.
• Elle lave la pierre. La jette par la fenêtre.
• Jette ses vêtements.
• Va se coucher.

• Le lendemain, le corps de Ya-wen est retrouvé. Elle n'est pas inculpée ; personne ne l'est.
• Ça arrive. N'est-ce pas.
• Surtout avec les gens comme elle.
Ah.

• Le mois suivant, elle récupère le courrier. Hsieh Ya-wen.
• La lettre est signée Hsin-hung. Il a hâte de pouvoir la retrouver ; la supplie de ne pas mettre sa vie en danger, même si elle pense que c'est ce qu'il y a de mieux à faire. Il y a des manières plus discrètes de faire les choses.
• Il lui proclame son amour et lui dit que tout ira bien.
• Hsin-yi va pour déchirer la lettre, mais n'arrive finalement même pas à la froisser.
• Elle la fixe. Fixe son papier, ses crayons.
• Retourne le côté de la chambre qui a appartenu à ses cousines pour trouver des brouillons de lettre que Ya-wen a pu écrire.
Qui saura, hein.

• Ils correspondent deux mois. Puis trois. Puis quatre.
• Il lui propose de venir la chercher ; de l'emmener vivre avec lui chez ses parents, plus à l'écart de la ville. Leur village est tranquille. Elle y serait bien.
• Ya-wen n'y aurait pas été bien. Elle a déjà dû refuser plusieurs fois.
• Mais là, c'est différent. Hsin-yi est morte. C'était traumatisant. Elle était là quand ça s'est produit. Aurait pu mourir, elle aussi. Elle aurait bien raison de prendre quelques temps pour se reposer.
• Alors elle accepte.
• Hsin-hung n'a pas vu sa fiancée depuis des années. Elles se ressemblent suffisamment pour que ça passe.
• Elle s'en persuade tout en laissant pousser ses cheveux ; en ajustant un peu son style vestimentaire. Elle se dit qu'il n'a aucune raison de douter du subterfuge. Et puis elle ne le laissera pas parler à ses grands-parents.
• Elle leur dit juste qu'après tout ça, elle a besoin de s'éloigner un peu. Qu'elle leur enverra des nouvelles. Qu'elle va habiter chez une amie.
• Hui-chun s'est mariée en début d'année. Elle promet de s'occuper de leurs grands-parents pour elle avec son mari.
• Tout s'arrange. Tout va bien.
• Le jour venu, elle a peur qu'il se rende compte de quelque chose. Qu'il réalise que Ya-wen est morte ; qu'il l'accuse de quelque chose. De n'importe quoi.
• Mais il l'embrasse, et il l'enlace, et il a beau être un inconnu, elle lui sourit comme s'ils se connaissaient depuis toujours.

• Pendant le voyage, elle se hurle dessus quatre-vingt mille fois. Regrette. Se dit que c'est stupide, que ça n'ira pas mieux ailleurs, qu'elle est en train de faire la pire erreur de toute sa vie.
• (pire que d'avoir tué Ya-wen, qui le méritait un peu)
• (elle l'a attaquée en premier)
• (et puis elle serait morte toute seule, si elle ne l'avait pas tuée)
• Mais Hsin-hung est adorable, patient, charmant — un vrai gentleman sans défauts (ou presque). Il n'est pas très optimiste et parle peu, mais elle le compense sans mal.
• Elle n'est pas amoureuse de lui, mais elle l'aime beaucoup. Et honnêtement, ça lui suffit.
• Ce qu'elle veut, c'est une vie normale, tranquille, sans menaces. Elle veut tout oublier et repartir à zéro.
• Et ici, c'est bien pour repartir à zéro. Ils pourraient même avoir un enfant.
• Quand ils seront mariés. Évidemment. Et ce n'est pas pressé-pressé, même si elle va sur ses trente ans.
• Elle se rajoute deux ans sans mal ; oublie presque que ce n'est pas son vrai âge.
• Pas que ça change grand chose.
• À force, se faire appeler Hsieh Ya-wen ne lui fait plus rien.
• Parce que, aussi tragique que ce soit à dire, on s'habitue à tout.

• À presque tout.

• En 1960, Hsin-hung doit laisser sa fiancée chez eux pour aller aider son père à régler les affaires de son grand-père, qui vient de mourir à Hualien. En d'autres termes : loin.
• Il pense que ça va leur prendre quelques mois. Pas plus. Il lui enverra de l'argent ; elle n'a à s'inquiéter de rien.
• Il s'assure qu'elle ne veut pas l'accompagner ou rentrer chez ses grands-parents en attendant, puis s'en va.
• Seule dans la maison, Ya-wen s'affale au sol et glisse sur les parquets en chantonnant.
• Puis, très vite, s'ennuie.
• On s'habitue vite à vivre avec quelqu'un.
• Du coup, elle qui ne s'est jamais trop éloigné de leur rue se prend à visiter de plus en plus ; à saluer les gens.
• À marcher dans la forêt attenante, aussi. À se promener. Nourrir les chats errants.
• C'est là qu'elle rencontre Chia-wei.
• Elle lui donne son nom ; lui fait son plus beau sourire.
• Lui ne sourit pas. Il ne lui crache pas à la figure, non plus, mais pas loin.
Pas aimable.
• Elle n'apprend son nom que plus tard, en demandant à des voisins.
• Un homme de son âge environ, pas très grand, maigrichon, cheveux très courts, cicatrice sur l'arcade. Un air méchant.
Chia-wei.
• On lui dit qu'il a des problèmes, et de ne pas trop lui parler. Elle prend l'avertissement au mot.
• Trop tard pour ça.

• Quelques semaines plus tard, elle le recroise au même endroit dans la forêt. Elle va pour faire demi-tour ou couper à travers bois, mais il l'interpelle.
• La dispute est à sens unique ; Ya-wen dévie et danse autour des insultes, comme d'habitude. Quand on la critique, elle se critique aussi. Difficile d'en rajouter.
• Sauf qu'il insiste.
• Son expression lui rappelle celle de Ya-wen. La vraie. Elle se retrouve à le menacer avec une pierre avant d'avoir compris ce qui se passait.
• La seconde suivante, elle roule par terre avec lui et lui colle des coups de pieds en hurlant.
• Il la fait taire ; la tient le temps qu'elle arrête.
• Quand elle se calme, il la lâche. La laisse se remettre sur pieds et partir en courant, en l'insultant au passage.

• En se recoiffant, ce soir-là, elle se jure de ne jamais retourner par là.

• Ça dure une semaine.

• Quand elle y retourne, il est encore là. Elle garde ses distances et lui demande poliment quel est son putain de problème.
• Il lui dit de se mêler de ses affaires d'hystérique.
• Elle fait de son mieux pour rester cordiale et souriante, mais quelque chose chez lui la met hors d'elle. Peut-être son côté Ya-wen ; peut-être son côté Hsin-yi. Elle n'en sait rien et ne veut pas le savoir.
• Au bout de deux semaines supplémentaires à s'insulter et se harceler mutuellement, elle finit par apprendre qu'il est chinois.
• Que ses parents sont morts. Que ses aînés — un frère et une sœur — aussi.
• Pas de maladie, hein ? Haha.
• Pas de maladie, non, haha.
Connasse.
• Durant le bref laps de temps où les taïwanais avaient repris le contrôle de leur territoire, certains avaient besoin de cibles. De quelqu'un pour se passer les nerfs. De coupables.
• Tout était de la faute des chinois. Alors les chinois ont pris.
• Elle ne sait pas comment Chia-wei a survécu. Il ne le lui racontera jamais.
• Mais elle sait qu'il a survécu. Qu'il est orphelin. Qu'il est traumatisé. Qu'il ne veut voir personne. Qu'il a des cicatrices, cachées ou pas.
• Comme elle.
• Alors ils continuent de s'insulter, de se tirer les cheveux ; il lui montre les dents et grogne pendant qu'elle rit et tire la langue — mais à l'intérieur, ils sont pareils. Et ils le savent. Ils le sentent.
• C'est pour ça que ça passe si bien (si mal), entre eux.

• Ils se ressemblent trop.
• Quand on ne s'aime pas, la sentence est irrévocable. Je peux pas te voir.

• Durant les quelques mois où son fiancé est absent, Ya-wen rejoint Chia-wei presque tous les jours dans la forêt, en secret. Et si une fois ou deux il réussit à casser son sourire et à la mettre hors d'elle, à faire virer la dispute en bataille rangée, et que ça ne passe jamais loin de virer vraiment violent, personne n'a besoin de le savoir.
• Surtout pas son fiancé.
• Il n'approuverait pas. C'est un homme bien.
• Entre temps, elle est trop occupée à étudier Chia-wei comme on tenterait de décrypter une énigme — et s'il fait la même chose, jusqu'à en arriver à lui tirer quelques mots honnêtes entre ses rires et ses demi-mots, le retour de Hsin-hung met un terme à une partie de leur relation.
• Pas entièrement. Elle continue de le voir mais, si leur relation n'avait rien de romantique, elle était suffisamment fusionnelle pour qu'elle se sente obligée de mettre une légère distance entre eux. Il ne questionne pas, ne proteste pas ; il accepte. Point.
• Peut-être qu'il n'a pas envie de se faire tabasser par son futur mari. Peut-être qu'il pense que ce sera mieux comme ça. Peut-être qu'il s'en fiche d'elle. Elle ne lui demande pas.
• Mais elle continue d'aller le voir, et elle continue de n'en parler à personne.
Son jardin secret.

• Aussitôt Hsin-hung revenu, il la demande en mariage.
• Elle accepte.
• Elle ne l'aime pas, mais elle pense que lui si — et s'il suspecte quoi que ce soit, il le cache aussi bien qu'elle.
• Ce serait drôle, d'un côté.
• Ça la fait presque rire. Presque.
• ... Ça fait longtemps qu'elle n'a pas vraiment ri. Elle ne se souvient même plus comment faire.
• Ou trop bien.
Bref.
• Elle épouse Hsin-hung. Ses grands-parents la pensent toujours chez une amie.
• Elle les aime. Elle espère aussi qu'ils mourront avant qu'elle doive leur expliquer quoi que ce soit.
• C'est ce qu'elle a dit à son mari. Mari, wow.
• Ça fait bizarre. Mais enfin — il pense qu'ils sont morts. Récemment.
• Elle va à leur enterrement. Seule. Elle doit le faire seule. C'est important, pour elle. Le voyage ne sera pas long ; promis, mon amour.
• Ses grands-parents (morts) lui font de la tarte et lui disent qu'elle a bon teint. Lui demandent si elle a trouvé quelqu'un ; si elle va bien.
• (elle est mariée au fiancé de sa cousine morte).
• (elle doute que ça les fasse rire autant que ça la fait rire, elle — même si ce n'est pas un joli rire, et que dans ses cauchemars Ya-wen l'étripe assez littéralement, à mains nues, pendant qu'on lui tient les bras)
• (elle ne sait pas qui lui tient les bras)
• (elle ne les voit pas)
• Elle les remercie pour la tarte, revient chez son mari et se glisse dans ses bras.

• Quand elle tombe enceinte, elle le dit à Chia-wei en premier. C'est dire si s'en rendre compte l'aura traumatisée.
• C'est vers lui qu'elle va quand elle a besoin de raconter des horreurs. Ils se sont tout dit, depuis le temps. Les mois. Est-ce que ça fait seulement un an ? Ça doit faire un peu plus d'un an.
• Il lui demande qui est le père. Elle l'insulte en riant. Il la traite de pute plus clairement, au cas où ce serait mal passé. Elle a le crâne épais, parfois.
• Elle va pour lui rouler dessus (platoniquement, et avec les poings) mais se rappelle qu'elle a un intrus dans le. Pas l'estomac, non — mais elle a un intrus. Pas de bagarre.
• Il n'est pas content pour elle. Elle n'est pas contente pour elle-même non plus.
• Ils regardent des sauterelles se promener et continuent de s'insulter.

• Hsin-hung est ravi. Il propose de trouver un nom qui lui rappelle sa sœur ; pas le même — c'est considéré très irrespectueux —, mais une combinaison qui puisse la lui rappeler.
• Dans ses poèmes, elle hurle et pleure et tempête. Dans le salon, elle tourne et pose les mains sur son ventre en lui disant que c'est une idée merveilleuse.
• La nausée lui vient pour plus d'une raison. Elle blâme le bébé pour ses émotions branlantes.
• Les cauchemars empirent. Se faire étriper n'est pas un rêve très agréable dans la plus simple des situations, alors enceinte ? Oh. Juste merveilleux. Recommandé à quiconque veut une bonne nuit de sommeil.
• Les voisins la connaissent ; tout le monde l'aide, la salue, lui sourit. Elle est comme chez elle. Ici, personne ne la traite de lâche (à part peut-être Chia-wei, mais fuck Chia-wei). Personne ne sait. Personne ne la connaît. Personne ne s'amuse à critiquer le gouvernement, ou à vouloir mener une révolution qui mettrait tout le monde six pieds sous terre.
• On l'aime.
• Et allez savoir pourquoi, mais ça ne l'aide pas à aller mieux.

• Au contraire.

• L'accouchement est douloureux. Elle aurait presque préféré se faire étriper, finalement.
• Point positif : ce cauchemar-là la terrifie moins, maintenant. En comparaison, elle trouve la douleur supportable.
• Sauf que quand elle dit ça à Ya-wen, qu'elle sache que ça ne sert à rien, qu'elle ne peut pas l'atteindre, ça la fait pleurer.
• C'est presque pire.
• Non. C'est définitivement pire. Mais ça lui fait moins peur, et elle dort mieux ; c'est déjà ça.

• S'occuper d'un nouveau-né n'est pas tâche aisée. Elle déteste ça.
• Déteste les odeurs, l'allaitement, la fatigue, les cris. Le fait d'avoir quelqu'un qui dépend d'elle pour tout, tout le temps.
• Hsin-hung travaille. Elle est mère au foyer.
• Elle regrette presque son travail à la bibliothèque. Regrette définitivement les heures passées avec sa sœur à lire, écrire et dessiner.
• Repense à ses frères. À ses parents.
• À combien elle les aime ; les a aimés.
• Quand elle regarde son bébé, elle ne ressent rien de tout ça. Il est là. Il existe. Il l'énerve.
• ... Et c'est à peu près tout.
• Elle l'emmène voir Chia-wei. Il lui dit qu'il est moche.
• Ça la fait rire. Vraiment rire.
• Elle est d'accord, hein. Il est moche. Ridé. Et il n'a aucune conversation.
• Elle n'est pas assez méchante ou désespérée pour vouloir l'abandonner là mais, une fraction de seconde, elle y pense.
• Chia-wei doit le voir, ou le sentir, ou — qu'est-ce qu'elle en sait, elle. Mais il doit se rendre compte de quelque chose, parce qu'il lui dit que si elle fait du mal à son bébé, il la traînera par les cheveux jusqu'à la falaise la plus proche et la balancera dans la mer.
• La falaise la plus proche est loin et lui, très sérieux.
• Ça la fait rire quand même.

• Ya-wen ne fait pas de mal à son fils. Elle s'en occupe ; lui chante des chansons, le fait rire, le change, le nourrit. Elle lui donne de l'amour. L'amène voir d'autres bébés. Embrasse le bout de son nez. Le donne à son père et les regarde avec attendrissement.
• Si ce n'était pas le sien, elle le trouverait mignon. Il est un peu moins ridé, maintenant — ça aide.
• Petit grand-père débile, va.
• Mais c'est le sien. Et elle ne peut pas prendre de vacances. Et quand elle se réveille en sursaut, la nuit, et que ça ne réveille pas son mari, ça réveille parfois le bébé.
• Et après, elle ne dort plus.
• Et elle a envie de l'étrangler.
• L'idée la fait rire — étrangler un bébé, quand même — avant de la faire pleurer.
• Elle a fait pire à sa cousine, et elle la connaissait depuis la naissance. Depuis la naissance. Lui, elle le connaît depuis quelques mois.
Tu pourrais tuer un bébé.
• Plus elle essaie de se raisonner — évidemment que non, elle ne tuerait pas son propre fils —, plus elle y pense. Et plus elle y pense, plus elle a l'impression d'y penser. D'y penser vraiment.
• C'est un cercle sans fin.
• Elle voulait une vie où plus jamais elle n'aurait peur. Où on ne lui ferait plus penser à sa cousine, à ses parents, à ses frères. Aux cadavres dans les rues. Aux coups de feu.
• Au lieu de ça, elle y pense tout le temps.
• À quoi elle pensait ? Elle a pris son nom.
• Elle l'entend tous les jours. Même quand elle n'y fait pas attention, elle l'entend — et à la fin de la journée, elle est à vif, et elle ne sait plus qui elle est.
• Ici, personne ne connaît son nom.

• Personne ne connaît son nom.

• Son fils fête son premier anniversaire. Puis le second.
• Son mariage est égal. Ses amitiés sont égales. Ses grands-parents vont bien ; ils ambitionnent de vivre cent ans. Elle ne leur souhaite rien de moins.
• Elle revient voir sa sœur une, deux fois, en laissant son fils à la voisine en journée, à son mari le soir.
• Personne dans son entourage n'est mort. Pas depuis Ya-wen.
Et pourtant.
• Elle écrit ; perd le fil du temps. Si son fils n'était pas très capable de se faire remarquer, maintenant, elle oublierait de le nourrir.
• Ses sourires — forcés, toujours — se font de plus en plus fins. Tirés. Elle écrit, et elle écrit, et elle écrit, et le reste du temps, elle cauchemarde.
• Les deux se mélangent, parfois.
• En un rien de temps, toute sa colère lui file entre les doigts. Si Ya-wen était venue la traiter de lâche, maintenant, là, dans son état, elle aurait juste ri et serait partie. Si elle l'avait frappée, elle n'aurait pas pu riposter.
• Quelque part, elle aimerait qu'on la frappe. Qu'on lui fasse mal.
• Elle se sent tellement coupable que, le trois-quart du temps, elle s'en donne la nausée.
• Elle ne sait même pas pourquoi — Ya-wen l'a cherché, et Ting-wei l'a cherché, et elle n'aurait pas pu sauver ses parents, ses frères, son oncle —
• Elle n'aurait rien pu faire. C'est elle la victime, dans l'histoire. Elle n'a rien fait.
• Juste essayé de survivre.
• Se le dire ne change rien.
• Au contraire.

• En début d'année 1963, Ya-wen va pour aller ennuyer Chia-wei dans la forêt (son fils est sous bonne garde) quand elle lui tombe dessus avant.
• Ce n'est encore jamais arrivé. Elle n'a jamais été le voir chez lui, n'a jamais cherché à connaître sa famille adoptive. Elle sait qu'ils existent ; point.
• Sa première impression de son frère (adoptif) est celle d'un homme nerveux, méchant, avec quelque chose d'anxieux dans la voix et les épaules.
• Il n'aime pas Chia-wei. Ça se voit. S'entend.
• Elle les interrompt plus par réflexe qu'autre chose, tout sourire, pour leur demander si tout va bien. Chia-wei la fusille du regard ; l'autre la jauge, lui adresse un sourire nerveux et lui dit (poliment) d'aller se faire voir.
• Sa femme les interrompt avant que ça ne puisse dégénérer, même si Ya-wen gérait très bien la situation. Envoyer bouler les insultes en souriant, elle sait faire. C'est son art. Sa passion.
• La femme n'est pas mieux que le mari. Elle a un enfant d'à peu près l'âge du sien dans les bras, un autre à peine plus vieux accroché à sa jupe. Une femme timide mais loin d'être sympathique, qui accuse Chia-wei et lui demande de leur ficher la paix.
• Ils s'en vont.
• Elle passe dix minutes à les insulter tout en traînant Chia-wei vers la forêt, parce que bon. Ils le méritent.
• Elle se fiche de qui a commencé. Elle ne les aime pas ; ça s'arrête là.
• Lui non plus, ne les aime pas.

• Il doit aller mal, ce jour-là, parce qu'il accepte de lui expliquer pourquoi.
• Il aurait dû s'abstenir. Ça aurait évité bien des problèmes.
• Deux problèmes, précisément, enterrés dans la forêt et bien gardés par les pies bleues qui passent au-dessus.

• Pour sa défense (est-ce qu'elle veut seulement se défendre ?), elle n'avait pas prémédité de le préméditer. Ça a juste fini comme ça.

• L'histoire du pourquoi n'est pas passionnante : quand Chia-wei était petit, les parents n'ont rien fait pour aider les voisins trop chinois. Ont adopté le rescapé pour se faire pardonner. Parce qu'ils se sentaient mal. Quelque chose comme ça.
• N'arrivent pas à le protéger ouvertement du monde pour autant.
• Et surtout pas de leurs enfants.
• La sœur aînée est partie vivre avec son mari dans un autre village. Ils ne la voient plus.
• Mais le frère — le frère, il est toujours là. Et il déteste Chia-wei. Il l'a toujours détesté.
• Il doit avoir ses raisons. Tout le monde a ses raisons.
• Elle s'en fiche. (c'est plus simple comme ça)
• Tout ce qu'elle voit, c'est qu'il harcèle Chia-wei. Que sa femme aussi. Qu'ils empiètent sur ses affaires, sa vie. Que ça dure depuis des années et des années. Qu'elle les hait.
• Elle ne sait pas ce qu'il a pu lui faire exactement. Juste que ça lui reste. Qu'il n'arrive pas à faire avec.
• Qu'il ne fera jamais avec. Et que cet abruti empire les choses, à ne pas le laisser vivre en paix.
• Les gens savent faire ça.
• Être stupide.
• Alors pendant un bon moment, ils n'en parlent plus. Ils en restent aux insultes habituelles ; aux silences, aux sauterelles.
• Mais ça revient.
• Et quand ça revient, il est vraiment en colère.

• C'est bête : juste une histoire de vouloir la maison, plus tard. Les parents ont dit qu'il pourrait l'avoir.
• Leur fille est partie, leur fils est marié et ne veut pas rester là. Il le fait juste pour veiller sur eux.
• (Chia-wei le ferait très bien, mais il n'est pas d'accord avec ça, apparemment)
• Ni d'accord avec le fait de lui laisser la maison.
• Pourquoi ?
• Elle n'en sait rien.
• Elle sait que ça traumatise Chia-wei, par contre. Elle sait qu'il le déteste. Qu'il irait mieux s'ils mourraient.
• Qu'il a déjà pensé à les tuer.
• Qu'il y pense encore.
• Qu'il risque de le faire, un jour.
• Chia-wei est violent. C'est drôle (?), quand il la pousse, parce qu'elle le fait aussi — mais il pourrait lui faire mal. À elle, à un autre...
• Ce n'est pas un homme gentil. Ou si — mais trop abîmé. Il fait mal. Il est cassé.
• Comme elle.
• Alors de le voir menacer de déborder, elle fixe le plafond ; fixe son fils ; fixe les oiseaux, les insectes qui lui grimpent sur les bras quand elle s'allonge par terre.
• Ya-wen hante ses cauchemars. Dedans, elle ne la frappe plus.
• Elle ne fait que pleurer, et pleurer, et pleurer encore.

• Quand elle en a marre de l'entendre, elle lui enfonce la tête dans le trottoir.

• ... Haaa.

• Sûrement qu'elle a ses raisons. Tout le monde a ses raisons.
• C'est peut-être qu'elle est trop proche de Chia-wei, et s'assimile presque à lui. Qu'elle veut le protéger.
• C'est peut-être qu'elle veut se protéger. Ne pas être associée à lui s'il les tue. Ne pas être privée de lui s'il est arrêté. S'il en a marre et décide de s'en aller.
• C'est peut-être juste qu'elle est violente, au fond, et n'aime pas les gens. Peut-être qu'elle rêve de tuer tous ceux qui lui font du mal, à elle ou à ses proches.
• C'est peut-être qu'elle se déteste, tout simplement, et veut être un martyr. Jouer le mauvais rôle. Extérioriser ce qu'elle pense d'elle-même.
Un monstre.
• Peu importe. Le fait est qu'elle emmène le couple dans la forêt, pour qu'ils puissent parler à Chia-wei.
• Bien sûr, que ça dégénère. Ça ne pouvait pas se passer autrement.
• Chia-wei s'énerve contre le mari, Ya-wen s'en mêle, la femme l'insulte — elle la frappe, elle le lui rend, elle l'envoie par terre. C'est confus, sale, et pas très différent de la fois où elle a tué sa cousine.
• Tous les meurtres se ressemblent.
• La femme est rapidement assommée — et quand elle entend Chia-wei s'exclamer, et remarque qu'il perd du terrain, qu'on le frappe, qu'on l'insulte, elle attrape une pierre.
• Le bruit la rend malade.
• Ça ne l'empêche pas de recommencer, et de recommencer, jusqu'à ce qu'il tombe par terre.
• Ça ne l'empêche pas non plus de le frapper encore, pour s'assurer qu'il est bien mort, avant d'aller faire pareil avec la femme.
• À ce stade, elle n'a plus vraiment le choix. C'est ça ou la laisser partir et aller en prison — ou pire.
• Hors de question.
• Hors de question hors de question hors de question hors de question.
• Elle les tue, vérifie qu'ils sont morts, les tue encore. Dix fois, vingt fois, elle n'en sait rien. Ça pourrait tout aussi bien avoir duré cent ans.
• Chia-wei finit par l'attraper et l'éloigner. Sans rien dire ; sans rien faire d'autre.
• Ils restent assis plus loin pendant peut-être une heure.
• Pas moins, pas beaucoup plus.
• Ensuite, il se lève. Attrape des jambes. Traîne.
• « Va chercher une pelle. »
• Elle le fixe. Se met à rire comme une cinglée.
• Avec une tête pareille ? Couverte de sang ? Il peut l'envoyer directement en prison, s'il préfère. Elle est parée. Elle y va. En souriant et en chantant.
• Il reste la regarder comme s'il ne s'en était pas rendu compte. Arrête de traîner. Lâche les jambes.
• Part chercher une pelle.

• Un corps, c'est lourd.
• Creuser une tombe, c'est dur.
• Les deux se retrouvent dans la même, loin dans la forêt. Chia-wei l'aide à les traîner quand il la rejoint avec sa pelle et des vêtements de rechange. À la fille de ses parents adoptifs, sûrement.
• Ils les enterrent sans se parler. Une fois que c'est fait, il reste la regarder.
• La remercie.
• S'en va.

• Elle reste un long moment prostrée dans la forêt, à fixer les fourmis grimper sur ses doigts.
• Quand elle ne sent plus rien, elle rentre chez elle.
• Se baigne. Se change. Récupère son fils.
• Se couche.

• Ils n'en parleront jamais.
• Ils continuent de se voir, comme si de rien n'était, sans évoquer le sujet une seule fois. Comme s'il ne s'était rien passé.
• Même quand tout le monde aide à chercher les disparus. Même quand il doit aider à s'occuper de leurs enfants, et qu'elle aimerait demander si c'est difficile.
• Jamais.
• Personne ne trouve les parents. Personne ne les soupçonne. Personne ne dénonce l'autre.
• Un mal ou un bien ; peut-être un peu des deux.
• Pour qui, c'est autre chose.

• Les cauchemars empirent. Son humeur chute, remonte, chute, remonte. Son mari s'en rend compte.
• Il la soutient, l'envoie au médecin, l'enlace et l'aide à la maison.
• Elle sourit plus fort pour oublier. Pose des sauterelles sur les jambes de Chia-wei, dans la forêt. Agite des peluches devant son fils en lui embrassant les joues.
• Elle fait tout ce qu'on attend d'elle et plus encore. Elle compense à n'en plus pouvoir compenser. À en aller presque trop bien.
• Personne ne dit rien. Ils ne vont pas s'en plaindre, hein.

Tout va bien, tout va bien.

• En Automne 1963, peu avant ses trente ans, quelques semaines avant le Nouvel An, elle laisse son fils chez la voisine et va chercher Chia-wei dans la forêt.
• Quand elle le trouve, elle s'installe à côté de lui sans rien dire. D'habitude, elle l'aurait insulté en riant ; elle ou lui, peu importe. Elle aurait rit, en tout cas. Pas là.
• Ils regardent les insectes. Le ciel. Les arbres.
• Elle lui demande s'il partirait avec elle, si elle le lui demandait.
• « Non. »
• Ça la fait rire. Vraiment rire.
• Il la regarde faire. Puis il se met à rire, lui aussi.
• C'est la première fois qu'elle l'entend. Son rire.
• Il est triste ; comme lui.

• Comme elle, aussi.

• Si Ya-wen a demandé à Chia-wei s'il partirait avec elle, c'est un peu qu'elle espérait entendre un oui.
• Elle serait partie avec lui. Ça n'aurait pas aidé ; elle allait trop mal, et lui n'était pas mieux.
• Mais elle serait partie.
• Il devait bien le savoir. Elle était sérieuse.
• Il le savait forcément.

• Le 12 mars 1964, elle ne trouve pas Chia-wei. Il n'est nulle part dans la forêt. À l'endroit où il avait l'habitude de s'installer, elle trouve juste sa pierre fétiche. Il la trimballait partout.
• Elle, ça lui faisait juste penser à Ya-wen. La vraie. Pas elle. Ça la rendait malade.
• Elle la met dans sa poche et part demander au couple qui l'hébergeait s'ils l'ont vu.
• Mais personne ne l'a vu.
• La forêt est grande.
• Tellement grande.



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« Requiescat in pace »



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Aether
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