La porte se referme derrière eux d'un geste sûr et élégant. Le bout de la faux, toujours dans la main du garde, vient frapper le sol. Il l'y laisse un instant, tourné vers le nouvel arrivant, puis fait un signe de tête si las qu'il pourrait tout aussi bien juste l'avoir tournée.
Sans plus de bruit ni le moindre mot, il ouvre la marche.
Jamais il ne laisse le garçon s'éloigner ou sortir de son champ de vision. Sa faux marque leurs pas d'un tap tap régulier, tantôt lourd, tantôt plus léger, selon le poids qu'il appuie dessus. Plus lourd que léger.
Malgré tout, son pas reste régulier et son attention, quoi qu'elle puisse sembler lacunaire, ne laisse passer aucun mouvement de travers. Impossible de s'enfuir. Impossible de se glisser dans la foule et de disparaître, quand bien même l'arrivée en ville pourrait donner des envies de liberté. Les passants se font plus nombreux ; les couleurs plus variées.
Presque bras contre bras, Acheron avance sans s'en soucier. Les gens s'écartent sur leur passage sans se faire prier.
Les faux et les uniformes ont tendance à faire cet effet-là.

Arrivés près des bureaux, il range la faux dans son dos. Du bras, lentement, il ouvre une des grandes portes vitrées et fait signe au décédé de le précéder à l'intérieur.

Ceci fait, il tend un bras fatigué vers un bureau, sur leur droite, où une jeune femme s'énerve sur un crayon.

« Veuillez vous rendre à ce bureau. Ils vous expliqueront ce que vous avez à savoir. Vous aurez également à répondre à quelques questions. N'hésitez pas à leur en poser aussi. »

Un pas en arrière, il esquisse l'ombre d'un sourire.

« Je vous remercie de votre coopération. Passez une bonne journée. »

Son dos se courbe sur un salut élégant, bras replié le long de son corps ; puis, léger et silencieux, il fait demi-tour et disparait derrière les portes.

► Vous devez répondre pour signifier que vous vous adressez au bureau susnommé. Vous avez le droit également de décrire votre cheminement jusqu'aux bureaux, vos impressions, etc.
Ensuite, un PNJ vous répondra pour vous accueillir.

Les yeux tantôt rivés au dos du jeune homme, tantôt posés sur le paysage, Simon tentait de se faire une idée de sa situation.
Il faisait confiance à ses yeux. Il avait beau être réaliste et n’avoir qu’une idée très vague du divin, il voyait bien qu’il n’était plus là où il était avant de passer l’arme à gauche. Mort ? A en croire la foule qui se pressait autour d’eux, hétéroclite et familière sans l’être tout à fait, il voulait bien y croire. Il y avait des choses trop fantastiques pour être réelles, et il sentait son corps vibrer chaque fois qu’il posait le pied à terre.
Il était lui, il était là, et s’il était mort…

Eh bien, l’au-delà ne ressemblait en rien à ce qu’on leur racontait en classe. Ses professeurs auraient été déçus. Entre deux visages qui auraient pu être ceux de ses camarades, il entraperçut des créatures aux formes étranges, parfois munies de cornes ou de queues. S’il avait prié chaque jour devant la croix, il aurait pu s’exclamer être en enfer. Mais pour Simon qui n’y croyait guère, il n’y avait rien de maléfique à voir un faune acheter quelques fleurs.
Il cligna des yeux, faisant de son mieux pour ne pas se laisser distraire par le bruit. Il y avait tant de choses à voir, il regrettait de ne pas pouvoir s’arrêter et poser des questions.

L’homme qui le guidait lui avait dit que tout lui serait expliqué en temps et en heure. Il n’attendait que cela. Il détestait ne pas comprendre, et les éclats de voix l’avaient épuisé.

Ce fut un Simon inhabituellement silencieux et confus qui passa les grandes portes vitrées des bureaux.
L’agitation qui y régnait, une fois de plus, lui était familière sans l’être. Beaucoup de gratte-papier, des murmures qui s’écrasaient en vagues contre ses tympans et une odeur caractéristique d’encre. L’inconnu lui désigna une jeune femme assise à un bureau, sur leur droite.

« Veuillez vous rendre à ce bureau. Ils vous expliqueront ce que vous avez à savoir. Vous aurez également à répondre à quelques questions. N'hésitez pas à leur en poser aussi. »

Il acquiesça sans rien ajouter, un peu surpris par ce cheminement qui ressemblait à s’y méprendre à son inscription au lycée. Il remercia son guide, le suivit des yeux jusqu’à ne plus le voir et se tourna à nouveau vers le bureau qu’on lui avait gentiment désigné. Poser quelques questions ? Il pouvait compter sur lui.

Il n’avait que ça à la langue.

Une fois sa langueur enfuie, Simon combla rapidement la distance entre lui et la jeune femme, qui avait de ravissants cheveux bouclés. Il lui sourit, et lui dit :

« Bonjour ; on m’a dit que vous pouviez m’aider. »

Me sauver la vie, en quelques sortes ; m’expliquer la mort.
Ses jeux de mots ne le faisaient pas rire.